The Project Gutenberg EBook of Oeuvres de Napoleon Bonaparte, Tome II. by Napoleon Bonaparte This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included with this eBook or online at www.gutenberg.org Title: Oeuvres de Napoleon Bonaparte, Tome II. Author: Napoleon Bonaparte Release Date: June 29, 2004 [EBook #12782] Language: French Character set encoding: ASCII *** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK OEUVRES DE NAPOLEON *** Produced by Robert Connal, Renald Levesque and the Online Distributed Proofreading Team. This file was produced from images generously made available by gallica (Bibliotheque nationale de France) at http://gallica.bnf.fr OEUVRES DE NAPOLEON BONAPARTE. TOME DEUXIEME. MDCCCXXI. PREMIERE CAMPAGNE D'ITALIE. (Suite). Au quartier-general a Passeriano, le 15 fructidor an 5 (1er septembre 1797.) _Au directoire executif._ Les nouveaux entrepreneurs des hopitaux, depuis trois mois qu'ils doivent prendre leur service, ne sont pas encore arrives: ce retard a tellement bouleverse ce service, malgre le soin qu'on y a apporte, que les malades s'en ressentent, et que le nombre des morts aux hopitaux s'en accroitra considerablement. L'equipage d'artillerie a ete forme avec beaucoup de peine et de soins; il est notre seul espoir si nous entrons en campagne, et est, aujourd'hui, fort de six mille chevaux. Il n'a pas coute un sou a l'entreprise Cerfbeer; au contraire, il doit lui en etre revenu des pots de vin de la part de ses agens en Italie: nous avons tout achete avec l'argent de la republique. Voila deja quinze jours que l'entreprise Cerfbeer a cesse, et qu'aucune autre ne la remplace. L'equipage d'artillerie perit deja si sensiblement, que nous avons pense, l'ordonnateur et moi, devoir prendre des mesures promptes pour que ce service n'eprouvat aucun choc, et que les hommes qui en ont l'inspection dans ce moment-ci puissent nous en repondre. L'ordonnateur en chef a passe, en consequence, le marche que je vous envoie, je vous prie de le ratifier: c'est le seul moyen pour que nos six mille chevaux ne soient pas gaspilles en peu de temps, et que se service, si essentiel maintenant, ne soit pas entierement bouleverse. BONAPARTE. Au quartier-general a Passeriano, le 17 fructidor an 5 (3 septembre 1797.) _Au directoire executif._ J'ai l'honneur de vous communiquer la lettre que j'ecris au ministre des finances, je vous prie d'en prendre lecture. Je desirerais meme que vous la fissiez imprimer, afin que chacun connut quelle peut etre la source de ces mille et un propos qui se repandent dans le public, et dont on trouve l'origine dans les impostures de la tresorerie. BONAPARTE. Au quartier-general de Passeriano, le 17 fructidor an 5 (3 septembre 1797). _Au citoyen Carnot._ Le ministre de la guerre me demande des renseignemens sur les operations que l'on pourrait entreprendre si la guerre recommencait. Je pense qu'il faudrait avoir sur le Rhin une armee de douze mille hommes de cavalerie et quatre-vingt mille hommes d'infanterie; avoir un corps faisant le siege de Manheim et masquant les quatre places fortes du Rhin; avoir en Italie quatre-vingt mille hommes d'infanterie et dix mille de cavalerie. La maison d'Autriche, prise entre ces deux feux, serait perdue. Elle ne peut pas nous nuire; car, avec une armee de quatre-vingt mille hommes on peut toujours avoir soixante mille hommes en ligne de bataille, et vingt mille en deca en detachemens, pour se maintenir et rester maitres de ses derrieres. Or, soixante-dix mille hommes en battent quatre-vingt-dix mille sans difficulte, a chance egale de bonheur. Mais il faudrait que l'armee d'Italie eut quatre-vingt mille hommes d'infanterie. Il y a aujourd'hui trente-cinq mille hommes a l'armee d'Italie presens sous les armes. Dans ce cas, l'armee d'Italie ne sera donc, pour entrer en Allemagne, que de soixante mille hommes d'infanterie; on aura huit mille Piemontais, deux mille Cisalpins; il lui faudrait encore dix mille Francais. Quant a la cavalerie, elle a six mille deux cents hommes. Il lui faudrait encore trois mille hommes de cavalerie. Nous avons deja eu deux conferences, que nous avons employees a nous entendre. BONAPARTE. Au quartier-general a Passeriano, le 17 fructidor an 5 (3 septembre 1797). _Au ministre des finances._ J'ai recu, citoyen ministre, la lettre que vous m'avez envoyee par le dernier courrier. Je ne puis repondre que trois mots: tout ce qu'on vous a dit sur les principes qui avaient ete poses pour la marche de la comptabilite des finances de l'armee d'Italie est faux. Il n'y a jamais eu a l'armee d'Italie, depuis qu'il n'y a plus de commissaire du gouvernement, qu'une seule caisse, qui est celle du payeur de l'armee; elle se divise naturellement en deux branches, en caisse recevante, que nous avons appelee _caisse centrale_, et qui est destinee a recevoir les contributions, et en _caisse depensante_: celle-ci sert a payer les depenses de l'armee. Tout ce que je lis, venant de la tresorerie, porte un caractere d'ineptie et de faussete qui ne peut etre explique que par la plus grande malveillance. La tresorerie dit que nous avons 33,000,000 en caisse: elle dit un mensonge, car l'ordonnateur a beaucoup de peine a faire son service, et l'on suffit difficilement au pret. On estime le pret de l'armee d'Italie a 1,400,000 fr. par mois, autre inexactitude: le pret de l'armee monte a 3,000,000 par mois. On dit que l'armee d'Italie n'a envoye qu'un million a l'armee du Rhin, autre faussete; elle lui a envoye un million l'annee derniere, et un autre million cette annee: il y a pres de trois mois que ce dernier est arrive. Si tous les autres calculs pour toutes les autres depenses de l'etat et les autres armees de la republique sont faits avec la meme bonne foi, je ne suis plus etonne que les comptes de la tresorerie soient en si grande dissonance avec la realite. Au reste, citoyen ministre, je ne me mele des finances de l'armee que pour ne pas souffrir qu'une tresorerie mal intentionnee vienne nous oter la subsistance que le soldat s'est gagnee, et nous fasse perir de faim. Que la tresorerie assure la subsistance de l'armee, et alors nous nous embarrasserons fort peu de ce qu'elle fera. Mais, par l'emploi qu'elle a fait du million que j'avais envoye pour les matelots de Toulon, qu'elle a retire a Paris, quoique la paye des matelots se trouvat arrieree de trois mois, et par le million que j'avais envoye a Brest, qu'elle a retenu a Paris, quoique les matelots de Brest se trouvassent sans pret, je vois qu'elle se soucie fort peu du bien du soldat, pourvu qu'elle conclue des marches comme ceux de la compagnie Flachat, par lesquels elle lui accorde 50,000 fr. pour le transport d'un million a Paris. Un million en especes pese a peu pres dix milliers: cela ferait la charge de six voitures, qui, rendues en poste et en cinq jours a Paris, occasionneraient une depense de trois a quatre cents louis; si vous ajoutez a cela la faculte de pouvoir le transporter en or et en lettres de change, il est facile de vous convaincre quelle est la friponnerie qui dirige toutes les operations de la tresorerie. Je vous prie, citoyen ministre, de communiquer cette lettre aux commissaires de la tresorerie, et de les prier, lorsqu'ils auront des assertions a publier sur les finances de l'armee d'Italie, de vouloir bien etre un peu mieux instruits, et de s'occuper franchement des besoins de l'etat. L'armee d'Italie a procure quarante ou cinquante millions a la republique, independamment de l'equipement, de l'habillement, de la solde et de tout l'entretien d'une des premieres armees de la republique. Mais la posterite, en feuilletant l'histoire des siecles qui nous ont precedes, observera qu'il n'y a de cela aucun exemple. Qu'on ne s'imagine pas que cela ait pu se faire sans imposer des privations a l'armee d'Italie, elle en a souvent eprouve; mais je savais que les autres armees, que notre marine, que le gouvernement avaient de plus grands besoins encore. L'escadre du contre-amiral Brueys arrive a Venise. J'avais envoye un million a Toulon, la tresorerie s'en est emparee, et il nous faut aujourd'hui pres de deux millions, pour pouvoir acquitter six mois de l'arriere de la solde, fournir a l'approvisionnement de la flotte et a l'habillement et equipement des matelots et garnisons des vaisseaux. Sans doute que la tresorerie denoncera encore le commissaire ordonnateur, parce qu'il pourvoira aux besoins de son escadre: je ne sache pas qu'on puisse pousser plus loin la malveillance, l'ineptie et l'impudence. BONAPARTE. Au quartier-general a Passeriano, le 17 fructidor an 5 (3 septembre 1797). _Bonaparte, general en chef de l'armee d'Italie, aux citoyens de la huitieme division militaire._ Le directoire executif vous a mis sous mon commandement militaire. Je connais le patriotisme du peuple des departemens meridionaux; des hommes ennemis de la liberte ont en vain cherche a vous egarer. Je prends des mesures pour rendre a vos belles contrees le bonheur et la paix. Patriotes, republicains, rentrez dans vos foyers; malheur a la commune qui ne vous protegera pas! malheur aux corps constitues qui couvriraient de l'indulgence le crime et l'assassinat! Et vous, generaux, commandans de place, officiers, soldats, vous etes dignes de vos freres d'armes d'Italie! protegez les republicains, et ne souffrez pas que des hommes couverts de crime, qui ont livre Toulon aux Anglais, qui nous ont obliges a un siege long, et penible, qui ont en un seul jour incendie treize vaisseaux de guerre, rentrent et nous fassent la loi. Administrateurs, municipaux, juges de paix, descendez dans votre conscience: etes-vous amis de la republique, de la gloire nationale? etes-vous dignes d'etre les magistrats de la grande nation? Faites executer les lois avec exactitude, et sachez que vous serez responsables du sang verse sous vos yeux; nous serons vos bras, si vous etes a la constitution et a la liberte; nous serons vos ennemis, si vous n'etes que les agens de la cruelle reaction que soudoie l'or de l'etranger. BONAPARTE. Au quartier-general a Passeriano, le 20 fructidor an 5 (6 septembre 1797). _Au directoire executif._ L'escadre du contre-amiral Brueys est arrivee a Venise. Elle est nue et arrieree de quatre mois de paye: cela ne laisse pas de nous embarrasser beaucoup, puisqu'elle nous coutera deux millions. L'Italie s'epuise: les sommes considerables qu'il faut chaque mois pour entretenir une armee nombreuse, et qui se nourrit deja depuis deux ans dans cette contree, ne donnent de l'inquietude pour l'avenir. Le ministre des relations exterieures vous rendra compte que les negociations vont assez mal; cependant je ne doute pas que la cour de Vienne n'y pense a deux fois avant de s'exposer a une rupture, qui aurait pour elle des consequences incalculables. Plus nous conferons avec les plenipotentiaires, et plus nous reconnaissons de la part de Thugut, qui a redige les instructions, une mauvaise foi qui n'est plus meme dissimulee. Tout le manege d'Udine me parait avoir pour but d'obtenir Palma-Nova, qui est aujourd'hui dans une position effrayante pour eux. Vous connaissez sa situation topographique: neuf bons bastions avec de bonnes demi-lunes bien revetues, fortifications bien rasantes; armee de deux cents pieces de canon et approvisionnee pour huit mois a six mille hommes. Ce serait pour eux un siege du premier ordre a entreprendre; ils seraient obliges de faire venir leur artillerie de Vienne. Depuis quatre mois que nous possedons cette place, j'y ai fait travailler constamment avec la plus grande activite: les fosses en etaient combles, et tout etait dans le plus grand desordre. Cette place seule change la nature de notre position en Italie. Mais si l'on passe le mois d'octobre, il n'y a plus de possibilite d'attaquer l'Allemagne: il faut donc se decider promptement et rapidement. Si la campagne ne commence point dans les premiers jours d'octobre, vous ne devez pas compter que je puisse entrer en Allemagne avant la fin de mars. BONAPARTE. Au quartier-general a Passeriano, le 21 fructidor an 5 (7 septembre 1797). _A MM. Vurtemberger et Schmidt, representans de la confederation helvetique._ Je ne recois qu'aujourd'hui, messieurs, votre lettre, datee du 29 aout. Je vous prie d'etre persuades du plaisir que j'aurais eu a pouvoir de nouveau vous temoigner de vive voix les sentimens que vous m'avez inspires, et vous remercier moi-meme de la sagesse avec laquelle vous avez, pendant votre gouvernement, contribue a la tranquillite de nos frontieres. La nation que vous representez a une reputation de sagesse, que l'on aime a voir confirmee par la conduite de ses representans. Croyez que, en mon particulier, je regarderai toujours comme un des momens les plus heureux celui ou il me sera possible de faire quelque chose qui puisse convaincre les treize cantons de l'estime et de la consideration toute particuliere que les Francais ont pour eux. BONAPARTE. Au quartier general a Passeriano, le 24 fructidor an 5 (10 septembre 1797). _A l'archeveque de Genes._ Je recois dans l'instant, citoyen, votre pastorale du 5 septembre. J'ai cru entendre un des douze apotres: c'est ainsi que parlait saint Paul. Que la religion est respectable quand elle a des ministres comme vous! Veritable apotre de l'Evangile, vous inspirez le respect, vous obligez vos ennemis a vous estimer et a vous admirer; vous convertissez meme l'incredule. Pourquoi faut-il qu'une eglise qui a un chef comme vous ait de miserables subalternes, qui ne sont pas animes par l'esprit de charite et de paix? Leurs discours dementent l'Evangile. Jesus-Christ mourut plutot que de confondre ses ennemis autrement que par la foi. Le pretre reprouve, au contraire, a l'oeil hagard; il preche la revolte, le meurtre, le sang; il est paye par l'or du riche; il a vendu, comme Judas, le pauvre peuple. Purgez-en votre eglise, et faites tomber sur eux l'anatheme et la malediction du ciel..... La souverainete du peuple, la liberte, c'est le code de l'Evangile. J'espere sous peu etre a Genes: mon plus grand plaisir sera de vous y voir. Un prelat comme Fenelon, l'archeveque de Milan, l'archeveque de Ravenne, rend la religion aimable en pratiquant toutes les vertus qu'elle enseigne; et c'est le plus beau present que le ciel puisse faire a une grande ville et a un gouvernement. Croyez, je vous prie, aux sentimens, etc. BONAPARTE. Au quartier-general a Passeriano, le 25 fructidor an 5 (11 septembre 1797). _Au gouvernement de Genes._ Le citoyen Ruggieri m'a communique les differentes proclamations qui contestent ce que vous avez fait dans les journees difficiles ou vous vous etes trouve. Agissez avec force; faites desarmer les villages rebelles; faites arreter les principaux coupables; faites remplacer les mauvais pretres, ces laches qui, au lieu de precher la morale de l'Evangile, prechent la tyrannie. Chassez les cures, ces scelerats qui ont ameute le peuple et arme le bon paysan contre sa propre cause; que l'archeveque vous fournisse des pretres qui, comme lui, retracent les vertus des peres de l'Evangile. Achevez d'organiser promptement votre garde nationale, votre troupe de ligne, et, s'il en etait besoin, faites connaitre aux ennemis de la liberte que j'ai cent mille hommes pour rejoindre avec votre nombreuse garde nationale, et effacer jusqu'aux traces des ennemis de votre liberte. Desormais la liberte ne peut plus perir a Genes: malheur a ceux qui ne se contenteraient pas du titre de simple citoyen, qui chercheraient a reprendre un pouvoir que leur tyrannie leur a fait perdre! le moment de leur exaltation deviendrait celui de leur perte. BONAPARTE. Au quartier-general a Passeriano, le 26 fructidor an 5 (12 septembre 1797). _Aux marins de l'escadre du contre-amiral Brueys._ Camarades, les emigres s'etaient empares de la tribune nationale. Le directoire executif, les representans restes fideles a la patrie, les republicains de toutes les classes, les soldats, se sont rallies autour de l'arbre de la liberte: ils ont invoque les destins de la republique, et les partisans de la tyrannie sont aux fers. Camarades, des que nous aurons purifie le continent, nous nous reunirons a vous pour conquerir la liberte des mers: chacun de vous aura present a sa pensee le spectacle horrible de Toulon en cendre, de notre arsenal, de treize vaisseaux de guerre en feu; et la victoire secondera nos efforts. Sans vous, nous ne pourrions porter la gloire du nom francais que dans un petit coin du continent; avec vous, nous traverserons les mers, et la gloire nationale verra les regions les plus eloignees. BONAPARTE. Au quartier-general a Passeriano, le 26 fructidor an 5 (12 septembre 1797). _Proclamation a l'armee._ Soldats, Nous allons celebrer le premier vendemiaire, l'epoque la plus chere aux Francais; elle sera un jour bien celebre dans les annales du monde. C'est de ce jour que datent la fondation de la republique, l'organisation de la grande nation; et la grande nation est appelee par le destin a etonner et consoler le monde. Soldats! eloignes de votre patrie, et triomphant de l'Europe, on vous preparait des chaines; vous l'avez su, vous avez parle: le peuple s'est reveille, a fixe les traitres, et deja ils sont aux fers. Vous apprendrez, par la proclamation du directoire executif, ce que tramaient les ennemis particuliers du soldat, et specialement des divisions de l'armee d'Italie. Cette preference nous honore: la haine des traitres, des tyrans et des esclaves sera dans l'histoire notre plus beau titre a la gloire et a l'immortalite. Rendons grace au courage des premiers magistrats de la republique, aux armees de Sambre-et-Meuse et de l'interieur, aux patriotes, aux representans restes fideles au destin de la France; ils viennent de nous rendre, d'un seul coup, ce que nous avons fait depuis six ans pour la patrie. BONAPARTE. Au quartier-general a Passeriano, le 26 fructidor an 5 (12 septembre 1797). _Au directoire executif._ Je vous envoie ma proclamation a l'armee, en lui faisant part de votre proclamation et des evenemens qui sont arrives le 18 a Paris. Je ne sais par quelle fatalite le ministre de la guerre ne m'a pas encore envoye votre arrete qui incorpore l'armee des Alpes dans l'armee d'Italie. Un de ces arretes, qui est du 4 fructidor, vient de m'arriver aujourd'hui, encore est-ce un envoi que vous m'avez fait des bureaux du directoire meme. J'ai fait partir pour Lyon la quarante-cinquieme demi-brigade de ligne, commandee par le general de brigade Bon, et une cinquantaine d'hommes a cheval: ces troupes se trouveront a peu pres a Turin lorsque vous recevrez cette lettre. J'ai fait partir le general de brigade Lannes avec la vingtieme d'infanterie legere, et la neuvieme de ligne, pour Marseille: elle se trouvera, lorsque vous lirez cette lettre, a peu pres a la hauteur de Genes. J'ai envoye dans les departemens du Midi la proclamation que je vous fais passer. Je vais egalement m'occuper de faire une proclamation pour les habitans de Lyon, des que je saurai a peu pres ce qui s'y sera passe; des l'instant que j'apprendrai qu'il y a le moindre trouble, je m'y porterai avec rapidite. L'etat-major a envoye copie de votre arrete au general Kellermann. Comptez que vous avez ici cent mille hommes qui, seuls, sauraient faire respecter les mesures que vous prendrez pour asseoir la liberte sur des bases solides. Qu'importe que nous remportions des victoires, si nous sommes honnis dans notre patrie? On peut dire de Paris ce que Cassius disait de Rome: Qu'importe qu'on l'appelle reine, lorsqu'elle est, sur les bords de la Seine, esclave de l'or de Pitt? BONAPARTE. Au quartier-general a Passeriano, le 26 fructidor an 5 (12 septembre 1797). _Au ministre des relations exterieures._ Le general Clarke vous ecrit en grand detail, citoyen ministre, pour vous faire connaitre notre situation; vous trouverez egalement dans sa correspondance la copie des proces-verbaux; toutes ces negociations ne sont que des plaisanteries, les vraies negociations se feront a Paris. Si le gouvernement prend une bonne fois la stabilite qu'il doit avoir; si cette poignee d'hommes evidemment vendus a l'Angleterre, ou seduits par les cajoleries d'une bande d'esclaves, se trouve une fois dans l'impuissance et sans moyens d'agiter, vous aurez la paix, et telle que vous la voudrez, quarante-huit heures apres. On se figurerait difficilement l'imbecillite et la mauvaise foi de la cour de Vienne. Dans ce moment-ci nos negociations sont suspendues, parce que les plenipotentiaires de S.M. ont envoye un courrier a Vienne pour connaitre l'_ultimatum_ de l'empereur. Le seul projet auquel nous avons paru donner quelque assentiment, dans le confidentiel, est celui-ci: les limites specifiees dans nos observations sur l'article 4 des preliminaires, seraient pour nous Mayence, etc. Pour l'empereur, Venise et les limites de l'Adige. Corfou, etc., a nous. Le reste de l'Italie libre, a la Cisalpine. Nous donnerions Palma-Nova le meme jour qu'ils nous donneraient Mayence. Je vous le repete, que la republique ne soit pas chancelante; que cette nuee de journaux qui corrompent l'esprit public et font avoir de nous une tres mauvaise opinion a l'etranger, soit etouffee; que le corps legislatif soit pur et ne soit pas ambitieux; que l'on chasse hors de la France les emigres, et que l'on ote de toutes les administrations les partisans de la royaute, que solde l'or de l'Angleterre, et la grande nation aura la paix comme elle voudra. Tant que tout cela n'existera pas, ne comptez sur rien. Tous les etrangers nous menacent de l'opinion de la France: que l'on ait de l'energie sans fanatisme, des principes sans demagogie, et de la severite sans cruaute; que l'on cesse d'etre faible, tremblant; que l'on n'ait pas honte, pour ainsi dire, d'etre republicain; que l'on balaye de la France cette horde d'esclaves conjures contre nous, et le sort de l'Europe est decide. Que le gouvernement, les ministres, les premiers agens de la republique n'ecoutent que la voix de la posterite. BONAPARTE. Au quartier-general a Passeriano, le 26 fructidor an 5 (12 septembre 1797). _Au citoyen Canclaux, ministre de la republique a Naples._ Je recois, citoyen ministre, votre lettre du 13 fructidor: M. le marquis de Gallo m'a effectivement parle du projet qu'avait S.M. le roi des Deux-Siciles, soit sur les iles du Levant, soit sur les nouvelles frontieres du cote du pape. La republique francaise saisira toutes les occasions de donner a S.M. le roi des Deux-Siciles une marque du desir qu'elle a de faire quelque chose qui lui soit agreable. M. le marquis de Gallo, qui a toujours ete l'interprete des sentimens de la cour de Naples a la cour de Vienne, pour porter cette cour a une paix si necessaire pour les deux etats et si ardemment desiree par le gouvernement francais, est plus propre que personne a suivre des negociations si interessantes pour S. M. le roi des Deux-Siciles. Si, donc, les circonstances l'eussent permis, nous aurions deja ouvert des negociations a cet effet; mais nous avons pense que dans un moment ou l'on traitait des negociations qui doivent servir a la France de base dans le systeme du midi de l'Europe, il etait impossible de rien decider. J'espere cependant que, d'un moment a l'autre, les negociations d'Udine prendront un caractere plus decide, et assurez S. M. le roi des Deux-Siciles que la republique francaise fera tout ce qui dependra d'elle pour repondre a ses desirs. Quant a moi, la cour de Naples connait l'empressement que j'ai toujours eu de faire quelque chose qui put lui etre agreable. BONAPARTE. Au quartier-general a Passeriano, le 27 fructidor an 5 (13 septembre 1797). _Au directoire executif._ Le departement du Liamone, en Corse, n'est pas content d'avoir pour chef d'escadron de la gendarmerie de ce departement le citoyen Gentilli: je vous prie de confirmer la nomination du citoyen Caura, qui remplit deja cette place; il a rendu des services essentiels dans la reprise de l'ile, et joint a une parfaite connaissance des sentiers, des montagnes, un grand courage et un patriotisme eprouve. Ce departement se plaint aussi de ce qu'on a ote les bons patriotes et anciens officiers qui remplissaient les places de lieutenans, pour y mettre trois cousins du citoyen Salicetti, dont l'un est un jeune homme qui n'a jamais servi. Il y a entre les deux departemens qui divisent la Corse une certaine rivalite, qu'il est d'une bonne politique de laisser subsister, et qui serait d'ailleurs extremement difficile a detruire. Le departement du Liamone aime mieux avoir un Francais du continent employe dans sa garde qu'un Corse du departement du Golo. Vous sentez combien il est avantageux que ces deux extremites de l'ile s'attachent entierement a la metropole. Je crois donc qu'il serait utile de nommer les citoyens Bonneli et Costa dans la gendarmerie du Liamone. BONAPARTE. Au quartier-general a Passeriano, le 27 fructidor an 5 (13 septembre 1797). _Au ministre de la marine._ L'amiral Brueys est arrive a Venise, comme j'ai eu l'honneur de vous ecrire; je lui ai fait fournir l'habillement pour ses matelots et ses soldats, trois mois de vivres, et toute la solde arrieree: cela nous coute deux millions, et met le pret de l'armee en danger de manquer. Nous avions deja envoye un million a Toulon a cet effet. L'amiral Brueys ne tardera pas a partir prendre a Corfou une partie des vaisseaux venitiens qu'il y a laisses, et a retourner a Toulon. BONAPARTE. Au quartier-general a Passeriano, le 27 fructidor an 5 (13 septembre 1797). _Au directoire executif._ J'ai eu l'honneur de vous prevenir, dans le temps, que j'avais fait prendre, a Livourne, trente mille fusils appartenant au roi d'Espagne: c'est avec ces fusils que nous avons fait toute la campagne. BONAPARTE. Au quartier-general a Passeriano, le 27 fructidor an 5 (13 septembre 1797). _A M. le marquis de Manfredini._ Je recois, monsieur le marquis, votre lettre du 11 septembre avec un extrait de la reponse de M. de Corsini. Vous attachez peut-etre trop d'importance au dire de certains folliculaires aussi meprisables qu'universellement meprises. Au reste, je crois que vous ferez tres-bien d'engager M. Corsini a ne plus se meler des intrigues de France: c'est un pays difficile a connaitre, et les ministres etrangers ne doivent pas se meler des affaires interieures. J'ai ete fache de voir, dans les papiers qui sont tombes entre mes mains, que M. de Corsini voyait souvent M. Stuart et autres intrigans, gagnes par les guinees de l'Angleterre, et qui sont une source de dissensions et de desordres. Ici, les choses ne vont pas aussi bien qu'elles devraient aller: heureux les princes qui ont des ministres comme vous! Un jour, le protocole de nos seances sera publie, et vous serez etonne de l'impudence et de l'effronterie avec lesquelles on joue les intentions de l'empereur et peut-etre la surete de sa couronne. Au reste, rien n'est encore desespere. Croyez que, quels que soient les evenemens, rien n'alterera l'estime et la consideration que j'ai pour votre personne. BONAPARTE. Au quartier-general a Passeriano, le 27 fructidor an 5 (13 septembre 1797) _Au ministre des relations exterieures._ Je vous envoie la lettre que j'ecris au citoyen Canclaux, ministre a Naples, en reponse aux ouvertures qui lui ont ete faites par M. Acton, et dont il vous aura surement rendu compte. La cour de Naples ne reve plus qu'accroissement et grandeur; elle voudrait, d'un cote, Corfou, Zante, Cephalonie, etc.; de l'autre, la moitie des etats du pape, et specialement Ancone. Ces pretentions sont trop plaisantes: je crois qu'elle veut en echange nous ceder l'ile d'Elbe. Je pense que desormais la grande maxime de la republique doit etre de ne jamais abandonner Corfou, Zante, etc., nous devons, au contraire, nous y etablir solidement. Nous y trouverons des ressources pour notre commerce, elles seront d'un grand interet pour nous et les evenemens futurs de l'Europe. Pourquoi ne nous emparerions-nous pas de l'ile de Malte? L'amiral Brueys pourrait tres-bien mouiller la et s'en emparer: quatre cents chevaliers, et au plus un regiment de cinq cents hommes, sont la seule garde qu'ait la ville de la Valette. Les habitans, qui montent a plus de cent mille, sont tres-portes pour nous, et fort degoutes de leurs chevaliers qui ne peuvent plus vivre et meurent de faim; je leur ai fait expres confisquer tous leurs biens en Italie. Avec l'ile de Saint-Pierre, que nous a cedee le roi de Sardaigne, Malte, Corfou, nous serons maitres de toute la Mediterranee. S'il arrivait qu'a notre paix avec l'Angleterre nous fussions obliges de ceder le cap de Bonne-Esperance, il faudrait alors nous emparer de l'Egypte. Ce pays n'a jamais appartenu a une nation europeenne, les Venitiens seuls y ont une preponderance precaire. On pourrait partir d'ici avec vingt-cinq mille hommes escortes par huit ou dix batimens de ligne ou fregates venitiennes, et s'en emparer. _L'Egypte n'appartient pas au grand-seigneur_. Je desirerais, citoyen ministre, que vous prissiez a Paris quelques renseignemens, et me fissiez connaitre quelle reaction aurait sur la Porte notre expedition d'Egypte. Avec des armees comme les notres, pour qui toutes religions sont egales, mahometane, cophte, arabe, etc., tout cela nous est indifferent: nous respecterons les unes comme les autres. BONAPARTE. Au quartier-general a Passeriano, le 27 fructidor an 5 (13 septembre 1797). _Au ministre des relations exterieures_. Je vous envoie, citoyen ministre, une lettre que je recois du citoyen Arnault. La cour de Naples est gouvernee par Acton. Acton a appris l'art de gouverner sous Leopold a Florence, et Leopold avait pour principe d'envoyer des espions dans toutes les maisons pour savoir ce qui s'y passait. Je crois qu'une petite lettre de vous a Canclaux pour l'engager a montrer un peu plus de dignite, et une plainte a Acton sur ce que les negocians francais ne sont pas traites avec egard, ne ferait pas un mauvais effet. BONAPARTE. Au quartier-general a Passeriano, le 27 fructidor an 5 (13 septembre 1797). _Au general Augereau._ J'ai recu, citoyen general, par votre aide-de-camp, la lettre que vous m'avez ecrite. J'avais precedemment recu celle par laquelle vous m'annonciez les evenemens memorables du 18 fructidor. Toute l'armee a applaudi a la sagesse et a l'energie que vous avez montrees dans cette circonstance essentielle, et elle a pris part au succes de la patrie avec cet enthousiasme et cette energie qui la caracterisent. Il est a souhaiter actuellement que l'on ne fasse pas la bascule et que l'on ne se jette pas dans le parti contraire. Ce n'est qu'avec la sagesse, et une moderation de pensee, que l'on peut assurer d'une maniere stable le bonheur de la patrie. Quant a moi, c'est le voeu le plus ardent de mon coeur. Je vous prie de m'instruire quelquefois de ce que vous faites a Paris. Je vous prie de croire aux sentimens que je vous ai voues. BONAPARTE. Au quartier-general a Passeriano, le 27 fructidor an 5 (13 septembre 1797). _Au ministre des relations exterieures._ M. de Gallo est venu hier me trouver; il m'a dit que M. le general Meerweldt partait ce matin pour Vienne pour decider cette cour a nous faire promptement une reponse categorique et a culbuter Thugut ou le forcer, malgre lui, a faire la paix; qu'il avait ecrit a cet effet a l'imperatrice et dresse leur petit manege de cour. Nous sommes convenus que, si l'empereur, en execution de l'article 4 des preliminaires, nous reconnaissait les limites constitutionnelles, qui, a peu de choses pres, sont celles du Rhin; si, avec notre bonne foi, il faisait tous ses efforts pour nous mettre en possession de Mayence, nous le mettrions a notre tour en possession de Venise et de la rive de l'Adige. Il n'entrerait en possession de Palma Nova, d'Osopo, etc., que lorsqu'au prealable nous serions dans les remparts de Mayence. Pendant les dix ou douze jours que l'on attendra la reponse de Vienne, les negociations vont a peu pres languir. BONAPARTE. Au quartier-general a Passeriano, le 27 fructidor an 5 (13 septembre 1797). _Au directoire executif._ Les commissaires du gouvernement pour la recherche des objets de sciences et d'arts, en Italie, ont fini leur mission. Je retiens aupres de moi les citoyens Monge et Berthollet. Les citoyens Tinet et Barthelemi partent pour Paris; les citoyens Moitte et Thouin sont partis avec les convois venus de Rome et sont deja arrives a Marseille. Ces hommes distingues par leurs talens ont servi la republique avec un zele, une activite, une modestie et un desinteressement sans egal; uniquement occupes de l'objet de leur mission, ils se sont acquis l'estime de toute l'armee; ils ont donne a l'Italie, dans la mission delicate qu'ils etaient charges de remplir, l'exemple des vertus qui accompagnent presque toujours les talens distingues. Le citoyen Tinet desirerait avoir un logement a Paris. Si vous formiez une academie a Rome, le citoyen Berthollet serait digne d'en avoir la presidence. BONAPARTE. Au quartier-general a Passeriano, le 1er jour complementaire an 5 (17 septembre 1797). _Au contre-amiral Brueys._ J'ai recu, dans le temps, citoyen general, vos differentes lettres: il est indispensable, pour les operations de l'armee d'Italie, que je sois absolument maitre de l'Adriatique. J'estime que, pour etre maitre de l'Adriatique dans toutes les circonstances et dans toutes les operations que je voudrai entreprendre, j'ai besoin de deux vaisseaux de guerre, quatre fregates, 4 corvettes, tous commandes et montes par des equipages de garnison francaise. Je vous prie donc de vouloir bien organiser cette escadre. Je prendrai deux vaisseaux des meilleurs de ceux qui sont a Corfou; je prendrai deux fregates venitiennes et deux francaises, deux corvettes venitiennes et deux francaises. Je vous prie donc de vouloir bien recevoir chez vous l'officier-general auquel vous remettrez le commandement de cette escadre. J'accepte avec plaisir le citoyen Perree ou tout autre que vous voudrez me donner. Le commissaire ordonnateur Roubaud et le general Berthier, ou, si celui-ci etait parti, le general Baraguay d'Hilliers, m'enverront, par le retour de mon courrier, l'etat nominatif des vaisseaux, des officiers marins et la quantite des matelots francais que vous destinez a monter sur chacun d'eux. Croyez que, lorsque j'aurai recu cet etat, il me sera possible de vous autoriser a retourner sur-le-champ a Corfou, et de la a Toulon; et je vous ferai passer differentes instructions sur les objets que vous aurez a remplir tout en faisant route. Profitez de ce temps-la pour achever vos approvisionnemens. Comme il est impossible que je me rende a Venise, si vous pouviez vous absenter pendant trente-six heures, vous pourriez vous-meme vous rendre a Passeriano. J'aurai a renouveler votre connaissance et a vous convaincre des sentimens d'estime que vous m'avez inspires. Je vous envoie une proclamation pour votre escadre, je vous prie de la communiquer a l'ordre; assurez-les que tout est tranquille en France, et qu'il n'a pas ete repandu une seule goutte de sang. BONAPARTE. Au quartier-general a Passeriano, le 1er jour complementaire an 5 (17 septembre 1797). _Au directoire executif._ J'ai envoye par un courrier extraordinaire l'ordre au general Sahuguet de retourner a l'armee d'Italie. Ce general, qui etait le seul qui pouvait etre utile pour calmer un peuple furieux et contre-revolutionnaire dont Villot etait le representant, et lorsque Dumolard presidait les cinq-cents, est aujourd'hui plus utile a l'armee. J'ai envoye l'ordre au general Lanusse, qui est chez lui pour se guerir d'une blessure qu'il a recue a l'armee d'Italie, et dont il ne se remettra jamais au point de pouvoir servir dans une armee active, de se rendre a Toulon pour y prendre le commandement de cette place. J'ai donne l'ordre au general Mailly d'aller prendre le commandement d'Avignon. J'ai rappele a l'armee le general commandant a Avignon, le general Parat, l'adjudant-general Leopold Stabeurath, l'adjudant-general Boyer et d'autres officiers de la huitieme division, qui sont depuis trop long-temps dans leurs places, et que j'ai cru necessaire de faire revenir, pour respirer l'air pur et republicain des camps. J'ai envoye le chef de brigade Berthollet, blesse a Arcole, commander la place d'Avignon. Le chef de brigade a la suite, Lapisse, de la cinquante-neuvieme, commande l'arrondissement d'Antibes. J'ai envoye dans la huitieme division, pour etre reportes comme adjudans, une douzaine d'officiers patriotes qui ont ete blesses dans la campagne et qui tous etaient a la suite. Des l'instant qu'un officier que j'ai envoye a Lyon sera de retour, et que j'aurai un etat de situation exact de cette division, je ferai la meme chose pour Lyon. Ce sont surtout les commandans des places, les adjudans et tous les subalternes qu'il faut changer dans les places secondaires, sans quoi un general s'y trouve impuissant. J'ai donc lieu d'esperer qu'avec les memes troupes qui existent dans ce moment-ci dans le midi, elles seront suffisantes pour comprimer les malveillans, retablir l'ordre, surtout si vous destituez les administrations qui sont mauvaises, et que vous les remplaciez par des hommes attaches a la liberte. J'ai envoye l'ordre pour faire venir a l'armee d'Italie l'etat-major d'artillerie qui etait a l'armee des Alpes, ainsi que tous les detachemens des demi-brigades de l'armee d'Italie qu'on avait mal a propos retenus. J'ai egalement envoye l'ordre a deux bataillons de la vingt-troisieme demi-brigade d'infanterie legere, qui ne faisaient rien a Chambery et dans le Mont-Blanc, et dont en general l'esprit est bon, de rejoindre l'armee. La quarante-cinquieme demi-brigade est en marche pour Lyon. La vingtieme demi-brigade va a Marseille. Il y a cependant a Lyon plus de monde qu'il n'en faut pour contenir cette ville, si ceux qui les commandent veulent les faire agir, et que les autorites et le gouvernement n'aient qu'une action. Il y a egalement dans la huitieme division plus de troupes qu'il n'en faut. Je crois qu'au moment ou les nouvelles autorites constituees seront organisees dans la huitieme division militaire et a Lyon, et des l'instant ou j'aurai pu egalement renouveler tous les etats-majors subalternes de ces departemens, qu'alors vous jugerez necessaire de m'oter un commandement qui se trouve trop eloigne de moi, et qui n'est qu'un surcroit aux occupations deja trop considerables que j'ai. BONAPARTE. Au quartier-general a Passeriano, le 2e jour complementaire an 5 (18 septembre 1797). _Au directoire executif._ Il est indispensable que vous jetiez un coup d'oeil sur le congres d'Udine. M. de Meerveldt est parti pour Vienne. Vous aurez vu, dans la seconde seance du protocole, que nous avons declare aux plenipotentiaires de S.M.I. que si au premier octobre la paix n'etait pas signee, nous ne negocierions plus sur la base des preliminaires, mais sur la base respective de la puissance des deux etats. Il serait possible qu'avant le premier octobre, M. de Meerveldt revint avec des instructions de signer la paix aux conditions suivantes: 1 deg.. La ligne de l'Adige a l'empereur, y compris la ville de Venise. 2 deg.. La ligne de l'Adige a la republique cisalpine, et des lors Mantoue. 3 deg.. Les limites constitutionnelles telles qu'elles sont specifiees dans le protocole de la cinquieme seance, y compris Mayence. 4 deg.. Que l'empereur n'entrerait en possession de l'Italie que lorsque nous entrerions dans les remparts de Mayence. 5 deg.. Corfou et les autres iles a nous. 6 deg.. Que ce qui nous manque pour arriver aux limites du Rhin pourrait etre arrange dans la paix avec l'Empire. Il faut que je sache si votre intention est d'accepter ou non ces propositions. Si votre _ultimatum_ etait de ne pas comprendre la ville de Venise dans la part de l'empereur, je doute que la paix se fasse (cependant Venise est la ville la plus digne de la liberte de toute l'Italie); et les hostilites recommenceraient dans le courant d'octobre. L'ennemi est en position de guerre vis-a-vis de moi: il a sur les frontieres de l'Italie, dans la Carinthie, la Carniole et le Tyrol dix mille hommes de cavalerie, et quatre-vingt-dix mille d'infanterie. Il y a dans l'interieur et sur les confins de la Hongrie, dix-huit mille hommes de cavalerie Hongroise leves en masse, et qui s'exercent depuis trois mois. L'armee francaise en Italie a un pays immense et un grand nombre de places fortes a garder, ce qui fait que je ne pourrai prendre l'offensive qu'avec quatre mille hommes de cavalerie et quarante-cinq mille hommes d'infanterie sous les armes. Ajoutez a cela a peu pres deux mille Polonais, et tout au plus mille Italiens devant rester en Italie pour maintenir la police et preter main forte a leur gouvernement qui sera tourmente par toute espece de factions et de fanatisme, quelles que soient les mesures que je compte prendre pour assurer la tranquillite pendant mon absence. Je crois donc que si votre _ultimatum_ est de garder Venise, vous devez regarder la guerre comme probable, et: 1 deg.. M'envoyer l'ordre d'arreter la marche de cinq cents hommes qui vont dans l'interieur, pour que je les fasse revenir a l'armee. 2 deg.. Faire ratifier par les conseils le traite d'alliance avec le roi de Sardaigne; ce qui mettrait a peu pres huit mille hommes de plus a ma disposition. Malgre ces mesures l'ennemi sera encore plus fort que moi. Si je le previens et que je prenne l'offensive, je le bats, et je suis, quinze jours apres le premier coup de fusil tire, sous les murs de Vienne. S'il prend l'offensive avant moi, tout devient tres-douteux. Mais, en supposant que vous prissiez les deux mesures que je vous indique afin d'augmenter l'armee, vous sentez que le jour ou je serais pres de Gratz, j'aurais le reste des forces autrichiennes sur les bras. J'estime donc que pour faire de grandes choses, telles que la nation a le droit de l'attendre du gouvernement, si les Autrichiens n'acceptent pas les propositions de paix supposees plus haut, il faut que je sois renforce de quatre mille hommes de cavalerie, entre autres de deux regimens de cuirassiers et de douze mille hommes d'infanterie. Je pense egalement que du restant vous ne devez former sur le Rhin qu'une seule armee, qu'elle doit avoir pour but d'entrer en Baviere, de maniere qu'en pressant l'ennemi entre ces deux masses, nous l'obligions a nous ceder tout le pays en-deca du Danube. Faites attention que je suis ici plus pres de Vienne, que ne l'est Ratisbonne de l'armee du Rhin, et qu'il faut vingt jours de marche a celle-ci pour arriver a cette derniere ville. Tous les yeux, comme toutes les meilleures troupes et toutes les forces de la maison d'Autriche sont contre l'armee d'Italie, et toutes ces forces sont disposees en echelons de maniere a accourir promptement au point ou j'aurais perce. Si votre _ultimatum_ est que Venise ne soit pas donnee a l'empereur, je pense qu'il faut sur-le-champ prendre les mesures que je vous ai indiquees: a la fin d'octobre, les renforts que je demande peuvent etre arrives a Milan, et en supposant que nous rompions le 15 octobre, les quinze jours dont nous conviendrons pour en prevenir nos gouvernemens et les armees, conduisent au premier novembre, et je m'arrangerai de maniere, des l'instant que je saurai que ces renforts auront passe les Alpes, a m'en servir comme s'ils etaient deja sur l'Isonzo. Je vous prie, citoyens directeurs, de donner la plus grande attention a toutes les dispositions contenues dans la presente lettre, de surveiller et de vous assurer de l'execution des differens ordres que vous donnerez, car la destinee de l'Europe sera indubitablement attachee aux mesures que vous prendrez. Je vous fais passer une note sur la situation de mon armee, calculee sur sa force actuelle, pour vous mettre a meme de juger de la verite de l'expose que je vous fais. BONAPARTE. An quartier-general a Passeriano, le 3e jour complementaire an 5 (18 septembre 1797). _Au directoire executif._ Je recois a l'instant votre arrete du 18 fructidor, relatif au general Clarke: votre lettre a ete quatorze jours en route. Je me suis deja apercu du meme retard dans les arretes que vous m'avez envoyes relativement a la huitieme division militaire et a l'armee des Alpes. Je dois rendre au general Clarke un temoignage de sa bonne conduite. Soit dans les negociations, soit dans ses Conversations, il m'a paru toujours anime par un patriotisme pur et gemir sur les progres que faisaient tous les jours les malveillans et les ennemis interieurs de la republique. BONAPARTE. Au quartier-general a Passeriano, le 3e jour complementaire an 5 (19 Septembre 1797) _Au ministre des relations exterieures._ Les plenipotentiaires de l'empereur ont recu un courrier de Vienne; ils sont venus nous trouver et voulaient inserer, au protocole, des observations sur le congres qui doit se tenir a Rastadt pour la paix avec l'Empire; ils voulaient que ce congres se tint sur-le-champ et allat de pair avec les negociations d'Udine. La mauvaise foi de Thugut est egale a la betise de ses negociateurs. Je leur ai fait sentir que c'etait representer le congres de Berne sous un autre nom; je leur ai fait voir la reponse que nous ferions a leur note, et j'ai fini par leur dire que le directoire executif etait indigne des menees ridicules du cabinet de Vienne; qu'il fallait enfin qu'ils se souvinssent que cette paix avait ete accordee par le vainqueur aux vaincus; et s'ils avaient trouve a Leoben un refuge dans notre moderation, il etait temps de les faire souvenir de la posture humble et suppliante qu'ils avaient alors; qu'a force de vouloir analyser sur des choses de forme, et en elles-memes etrangeres au grand resultat de la negociation, ils m'obligeraient de leur dire que la fortune s'etait prononcee, que desormais non-seulement le ton de la superiorite etait ridicule, mais meme le ton de l'egalite inconvenant; que s'ils n'avaient pas voulu reconnaitre la republique francaise a Leoben, ils avaient ete obliges de reconnaitre la republique italienne. _Prenez garde,_ leur ai-je dit, _que l'Europe ne voie la republique de Vienne._ Tout cela les a portes a ne pas faire leur declaration pour le congres de Rastadt. Vous sentez facilement quel piege grossier Thugut pretendait nous tendre, en voulant nous conduire a un congres, tandis que nos arrangemens ne sont pas faits avec l'empereur, et nous mettre par la dans une position delicate avec plusieurs princes germains avec lesquels nous sommes en paix. Nous leur avons declare que si l'empereur convoquait le congres de l'Empire avant que nous fussions d'accord, il nous obligerait a declarer, par une contre-note, a plusieurs princes que cela est sans notre consentement, et que par la S. M. imperiale se trouverait avoir fait une ecole. BONAPARTE. Au quartier-general a Passeriano, le 3e. jour complementaire an 5 (19 septembre 1797). _Au ministre des relations exterieures._ J'ai recu, citoyen ministre, votre lettre confidentielle, du 22 fructidor, relativement a la mission que vous desirez donner a Sieyes en Italie. Je crois effectivement comme vous, que sa presence serait aussi necessaire a Milan, qu'elle aurait pu l'etre en Hollande, et qu'elle l'est a Paris. Malgre notre orgueil, nos mille et une brochures, nos harangues a perte de vue et tres-bavardes, nous sommes tres-ignorans dans la science politique morale. Nous n'avons pas encore defini ce que l'on entend par pouvoir executif, legislatif et judiciaire. Montesquieu nous a donne de fausses definitions, non pas que cet homme celebre n'eut ete veritablement a meme de le faire; mais son ouvrage, comme il le dit lui-meme, n'est qu'une espece d'analyse de ce qui a existe ou existait: c'est un resume de notes faites dans ses voyages ou dans ses lectures. Il a fixe les yeux sur le gouvernement d'Angleterre; il a defini, en general, le pouvoir executif, legislatif et judiciaire. Pourquoi effectivement regarderait-on comme une attribution du pouvoir legislatif le droit de guerre et de paix, le droit de fixer la quantite et la nature des impositions? La constitution anglaise a confie avec raison, une de ces attributions a la chambre des communes, et elle a tres-bien fait, parce que la constitution anglaise n'est qu'une charte de privileges: _c'est un plafond tout en noir, mais borde en or._ Comme la chambre des communes est la seule qui, tant bien que mal, represente la nation, seule elle a du avoir le droit de l'imposer; c'est l'unique digue que l'on a pu trouver pour modifier le despotisme et l'insolence des courtisans. Mais dans un gouvernement ou toutes les autorites emanent de la nation, ou le souverain est le peuple, pourquoi classer dans les attributions du pouvoir legislatif des choses qui lui sont etrangeres? Depuis cinquante ans je ne vois qu'une chose que nous avons bien definie, c'est la souverainete du peuple; mais nous n'avons pas ete plus heureux dans la fixation de ce qui est constitutionnel, que dans l'attribution des differens pouvoirs. L'organisation du peuple francais n'est donc veritablement encore qu'ebauchee. Le pouvoir du gouvernement, dans tonte la latitude que je lui donne, devrait etre considere comme le vrai representant de la nation, lequel devrait gouverner en consequence de la charte constitutionnelle et des lois organiques; il se divise, il me semble, naturellement en deux magistratures bien distinctes: Dans une qui surveille et n'agit pas, a laquelle ce que nous appelons aujourd'hui pouvoir executif serait oblige de soumettre les grandes mesures, si je puis parler ainsi, la legislation de l'execution: cette grande magistrature serait veritablement le grand conseil de la nation; il aurait toute la partie de l'administration ou de l'execution, qui est, par notre constitution, confiee au pouvoir legislatif. Par ce moyen le pouvoir du gouvernement consisterait dans deux magistratures, nommees par le peuple, dont une tres-nombreuse, ou ne pourraient etre admis que des hommes qui auraient deja rempli quelques-unes des fonctions qui donnent aux hommes de la maturite, sur les objets du gouvernement. Le pouvoir legislatif ferait d'abord toutes les lois organiques, les changerait, mais pas en deux ou trois jours, comme l'on fait; car une fois qu'une loi organique serait en execution, je ne crois pas qu'on put la changer avant quatre ou cinq mois de discussion. Ce pouvoir legislatif, sans rang dans la republique, impassible, sans yeux et sans oreilles pour ce qui l'entoure, n'aurait pas d'ambition et ne nous inonderait plus de mille lois de circonstances qui s'annulent toutes seules par leur absurdite, et qui nous constituent une nation sans lois avec trois cents in-folio de lois. Voila, je crois, un code complet de politique, que les circonstances dans lesquelles nous nous sommes trouves rendent pardonnable. C'est un si grand malheur pour une nation de trente millions d'habitans, et au dix-huitieme siecle, d'etre obligee d'avoir recours aux baionnettes pour sauver la patrie! Les remedes violens accusent le legislateur; car une constitution qui est donnee aux hommes, doit etre calculee pour des hommes. Si vous voyez Sieyes, communiquez-lui, je vous prie, cette lettre. Je l'engage a m'ecrire que j'ai tort; et croyez que vous me ferez un sensible plaisir si vous pouvez contribuer a faire venir en Italie un homme dont j'estime les talens, et pour qui j'ai une amitie tout a fait particuliere. Je le seconderai de tous mes moyens, et je desire que, reunissant aux efforts, nous puissions donner a l'Italie une constitution plus analogue aux moeurs de ses habitans, aux circonstances locales, et peut-etre meme aux vrais principes, que celle que nous lui avons donnee. Pour ne pas faire une nouveaute, au milieu du tracas de la guerre et des passions, il a ete difficile de faire autrement. Je me resume, Non-seulement je vous reponds confidentiellement que je desire que Sieyes vienne en Italie, mais je pense meme, et cela tres-officiellement, que si nous ne donnons pas a Genes et a la republique cisalpine une constitution qui leur convienne, la France n'en tirera aucun avantage: leurs corps legislatifs, achetes par l'or de l'etranger, seront tout entiers a la disposition de la maison d'Autriche et de Rome. Il en sera, en derniere analyse, comme de la Hollande. Comme la presente lettre n'est pas un objet de tactique; ni un plan de campagne, je vous prie de la garder pour vous et pour Sieyes, et de ne faire usage, si vous le jugez a propos, que de ce que je viens de vous dire sur l'inconvenance des constitutions que nous avons donnees en Italie. Vous verrez, citoyen ministre, dans cette lettre, la confiance entiere que j'ai en vous, et une reponse a votre derniere. Je vous salue. BONAPARTE. Passeriano, le 3e jour complementaire an 5 (19 septembre 1797). _Au ministre des relations exterieures._ Je vous envoie, citoyen ministre, une lettre que je vous prie de remettre au directoire, parce qu'elle renferme des dispositions politiques et militaires. Je vous prie de la lire avec attention, et d'avoir soin que dans le cas ou l'_ultimatum_ serait que Venise restat a la republique cisalpine, l'on prit toutes les dispositions militaires que j'indique dans ma lettre. Le parti qu'on doit prendre depend absolument de l'interieur. Peut-on y retablir la tranquillite sans armees? Peut-on se passer de la plus grande partie des troupes qui y sont dans ce moment-ci? Alors il peut etre avantageux de faire encore une campagne. Ce n'est pas que, peut-etre, lorsque l'empereur verra les armees du Rhin et de Sambre-et-Meuse organisees dans une seule masse, l'armee du Nord se rappuyant sur les armees du Rhin, les troupes de l'interieur marchant pour renforcer les armees; peut-etre alors consentira-t-il lui-meme a renoncer a Venise. Mais, je vous le repete, il ne faut pas y compter. Toutes leurs positions sur leurs frontieres sont telles que, s'ils devaient se battre d'un instant a l'autre, leurs troupes sont campees et pretes a entrer eu campagne. BONAPARTE. Passeriano, le 5e. jour complementaire an 5 (21 septembre 1797). _Au directoire executif._ Les pouvoirs que j'ai pour la paix de l'Europe sont collectifs avec le general Clarke: pour la regle, il faudrait que vous m'en envoyassiez de nouveaux. Si j'ai accepte dans le temps la reunion de plusieurs fonctions dans ma personne, j'ai voulu repondre a votre confiance, et j'ai pense que les circonstances de la patrie m'en faisaient un devoir. Aujourd'hui je pense que vous devez les separer, je demande: 1 deg.. Que vous nommiez des plenipotentiaires pour le congres d'Udine, et que je n'y sois plus compris. 2 deg.. Que vous nommiez une commission de trois membres choisis parmi les meilleurs publicistes, pour organiser la republique d'Italie. La constitution que nous lui avons donnee ne lui convient pas; il y faut de grands changemens, que la religion, les moeurs de ces peuples et leur situation locale recommandent. 3 deg.. Je m'occuperai plus soigneusement de mon armee, elle a besoin de tous mes soins. Voyez, je vous prie, dans cette lettre, citoyens directeurs, une nouvelle preuve du desir ardent que j'ai pour la gloire nationale. BONAPARTE. Au quartier-general a Passeriano, le 1er. vendemiaire an 6 (22 septembre 1797). _Au contre-amiral Brueys._ J'ai recu, citoyen, vos differentes lettres; j'ai examine avec attention les observations que vous me faites: je vais vous tracer la conduite que vous avez a tenir, qui conciliera a la fois les intentions du ministre de la marine, qui vous appelle a Toulon, et les interets de la republique dans les mers ou vous vous trouverez. Les batimens venitiens que vous devez conduire en France sont a Corfou; il me parait qu'il faut quinze jours pour y arriver, et un mois de station dans ce port pour pouvoir lever des matelots et vous mettre a meme de conduire en France les vaisseaux venitiens. Je crois donc necessaire que vous envoyiez sur-le-champ l'ordre a l'officier de marine qui commande le sixieme vaisseau venitien a Corfou, de faire toute la diligence necessaire pour lever des marins, afin que, lorsque vous y serez arrive, votre sejour soit le moins long possible. Vous partirez avec votre escadre, des l'instant que le temps vous le permettra, pour vous rendre a Corfou. Vous passerez par Raguse; vous ferez connaitre a cette republique l'interet que prend a elle le directoire executif de la republique francaise, et la volonte qu'il a de la proteger contre quelque ennemi que ce fut qui voudrait se l'approprier, et de garantir son independance. Vous prendrez des renseignemens sur la situation actuelle des bouches du Cattaro, et, s'il est vrai que les Autrichiens s'en soient empares, vous declarerez a l'officier qui y commande, qu'il n'a pas pu les occuper sans violer un des articles preliminaires de paix qui existent entre S. M. I. et la republique francaise; vous le sommerez des-lors d'evacuer sur-le-champ les bouches du Cattaro, le menacant, s'il s'y refusait, de vous emparer de toutes les iles de la Dalmatie, et d'agir hostilement contre les troupes de S. M. I. S'il s'y refuse et que vous trouviez le moyen de vous emparer des batimens qui servent au transport de leurs vivres, ainsi que de quelques-uns de leurs convois, vous le ferez, ayant soin de ne pas y toucher et de mener tous les batimens autrichiens en sequestre a Corfou. Vous previendrez dans ce cas le commandant autrichien que vous tiendrez en sequestre les-dits batimens jusqu'a ce qu'il ait evacue un territoire qu'il n'a pas du occuper. Vous pourrez demander a Raguse un rafraichissement en vivres pour votre equipage, moyennant cependant quelques procedes. Arrive a Corfou, vous en partirez avec les six vaisseaux venitiens des l'instant qu'ils seront montes par un assez grand nombre de matelots albanais. En partant de Venise, vous embarquerez sur votre bord la troisieme legion cisalpine sans qu'elle se doute de l'endroit ou vous la conduirez; vous vous concerterez a cet effet avec le general Baraguey d'Hilliers: vous devez egalement faire courir le bruit que vous embarquez un bien plus grand nombre de troupes, et qu'il s'est embarque a Ancone, sous l'escorte de vos fregates, plusieurs bataillons de troupes. Vous aurez soin egalement de continuer a laisser entrevoir que vos operations vont se combiner avec celles de l'armee d'Italie. Vous vous concerterez a Venise avec l'ordonnateur de la marine et le citoyen Forfait, pour embarquer a votre bord les caisses de tableaux et d'objets d'art destines pour Paris. Vous laisserez dans la rade de Venise ou dans celle de Goro, ou meme dans le port d'Ancone, les fregates _la Junon_ et _la Diane_, et les bricks _l'Alceste_ et _le Jason_, qui seront sous les ordres du chef de division Perree. Vous laisserez a Corfou les fregates _l'Arthemise_ et _la Sibylle_, et les bricks _le Mondovi_ et _la Cybele_, qui seront egalement sous les ordres du chef de division Perree, et qui devront se tenir a Corfou prets a partir immediatement apres l'ordre qu'ils en recevront, pour concerter leurs operations avec celles de _la Junon_ et de _la Diane_. Je fais connaitre au directoire executif, par un courrier extraordinaire, le present ordre, et je lui demande son autorisation pour pouvoir garder toute votre escadre dans l'Adriatique, afin de concerter vos operations avec celles de l'armee d'Italie. Je vous ferai passer la reponse du gouvernement par un aviso, qui necessairement vous trouvera encore a Corfou. Je vous envoie: 1º. Une lettre pour le general Gentili, par laquelle j'approuve toutes les mesures qu'il a prises pour nourrir votre escadre a Corfou, ou je prescris que le recu des sommes qu'il a deboursees sera accepte en paiement dans la caisse du payeur de Corfou, approuvant egalement l'emploi des treize cents sacs de farine que vous avez pris. 2º. L'ordre pour que l'administration de terre de l'armee d'Italie fournisse a l'escadre, partout ou elle pourrait se trouver, les vivres journaliers comme aux troupes de terre, et, d'apres les envois qui ont ete faits en subsistances a Corfou, a Ancone, a Constantinople et a Messine, vous ne devez avoir aucune inquietude sur la subsistance de votre escadre pendant tout le temps qu'elle demeurera dans ces parages. 3 deg.. Je vous autorise a prendre dans les magasins de Corfou tout ce que vous croirez necessaire a l'approvisionnement de nos arsenaux et au ravitaillement de notre marine; 4 deg.. A embarquer a Corfou cent pieces de canon de fonte, en consequence cependant d'un proces-verbal dresse chez le general Gentili par un conseil compose de vous, du general Gentili, du commandant du genie, du chef de l'etat-major, des commissaires des guerres: ce proces-verbal devra constater: 1 deg.. la quantite de pieces necessaires pour la defense de la citadelle et celle de la rade de Corfou; 2 deg.. la quantite hors de service; 3 deg.. la quantite existante: et ce ne sera que dans le cas ou ledit conseil ne trouverait aucun inconvenient a vous delivrer les cent pieces, que le present ordre sera execute. 5 deg.. Je vous envoie egalement un ordre pour que le general Sugny vous remette a Venise les ustensiles pour chauffer a boulets rouges six pieces de canon, et dont le general Gentili se servirait a Corfou, si jamais les circonstances l'exigeaient. 6 deg.. Un ordre pour que le general Gentili mette a votre disposition quatre cents hommes cisalpins pour servir de garnison aux vaisseaux venitiens. 7 deg.. Vous garderez et menerez avec vous a Toulon les officiers venitiens qui desirent servir dans la marine francaise, jusqu'a ce que le ministre vous ait envoye des ordres. 8 deg.. Quant aux objets trouves a bord des vaisseaux venitiens et appartenant aux capitaines, vous en ferez des recus qui seront valables pour leur liquidation par le gouvernement de Venise. 9 deg.. Je vous envoie un ordre pour que le general Gentili vous remette 50,000 fr. pour la solde des marins venitiens destines a l'armement des vaisseaux venitiens. 10 deg.. L'ordre pour qu'on vous fournisse les bles, riz et vins pour deux mois, pour deux mille hommes; la nourriture journaliere pour votre escadre vous sera fournie a Corfou. 11 deg.. Je vous enverrai la solde des marins de votre escadre pour un mois, des l'instant que la caisse de l'armee le permettra, et que la solde de fructidor sera payee a l'armee. 12 deg.. Quant aux depenses qu'auraient faites les equipages a Corfou, vous aurez soin de les liquider, de verifier toutes les pieces et de les envoyer au commissaire ordonnateur de la marine a Venise, qui y pourvoira. 13 deg.. Je vous fais passer une ordonnance de 10,000 fr., que le citoyen Haller vous fera payer: cette somme est destinee a vos frais extraordinaires et qui vous sont particuliers. 14 deg.. Une ordonnance de 30,000 fr., que le citoyen Haller mettra a votre disposition entre les mains de votre payeur, pour les depenses extraordinaires de votre escadre, pour servir a compenser aux matelots l'incomplet des fournitures que vous pourriez ne pas recevoir des magasins de Corfou. BONAPARTE. Au quartier-general a Passeriano, le 1er vendemiaire an 6 (22 septembre 1797). _Au general Kellermann._ J'ai recu, citoyen general, votre lettre du 2 fructidor; J'avais deja recu precedemment quelques exemplaires de votre lettre imprimee au directoire. Puisque vous vous etes donne la peine de repondre a des calomnies auxquelles des personnes raisonnables ne pouvaient preter l'oreille, vous avez du le faire, sans doute, d'une maniere aussi convaincante. Les personnes qui connaissent les services distingues que vous avez rendus a la liberte par vos victoires, sont indignees de penser que vous avez pu croire votre justification necessaire. Cependant vous avez bien fait de le faire, sans doute, en pensant a ce grand nombre d'hommes qui ne desirent que le mal. BONAPARTE. Au quartier-general a Passeriano, le 1er vendemiaire an 6 (22 Septembre 1797). _Au commissaire ordonnateur de la marine a Toulon._ Je recois, citoyen ordonnateur, votre lettre du 17 fructidor. J'apprends avec plaisir que vous reprenez vos fonctions importantes et que vous avez deja gerees avec distinction. Je vous remercie des choses extremement obligeantes contenues dans votre lettre: je les merite par la sollicitude que j'ai toujours eue de faire quelque chose qui put etre avantageux a notre marine. L'escadre de l'amiral Brueys est ici: elle a recu son approvisionnement de trois mois, pour 400,000 francs d'habillement, 600,000 francs pour la solde, ainsi que des cables, des cordages et autres objets qui lui etaient necessaires. Il me parait que l'amiral Brueys et son equipage sont tres-satisfaits. Il part, demain ou apres, pour se rendre a Corfou, ou il prendra six vaisseaux venitiens qu'il vous amenera. Le citoyen Roubaud, votre prepose a Venise, vous aura sans doute donne sur tout cela des details plus circonstancies. BONAPARTE. Au quartier-general a Passeriano, le 2 vendemiaire an 6 (13 septembre 1797). _Au directoire executif._ Vous trouverez ci-joint la copie de l'ordre que je donne au contre-amiral Brueys; vous verrez que par la il se trouvera a meme d'executer vos ordres, quels qu'ils soient. Le contre-amiral Brueys a 1º. six vaisseaux de guerre francais; 2º. six fregates, _id_.; 3º. six corvettes, _id_. parfaitement equipees: j'ai fait habiller a neuf les equipages et les garnisons; je lui ai fait payer plusieurs mois de solde, et les arsenaux de Corfou et de Venise ont fourni toutes les pieces de rechange et les cables dont il peut avoir besoin. Lorsque vous lirez cette lettre, le contre-amiral Brueys sera bien pres de Corfou, ou j'ai fait etablir des batteries a boulets rouges pour defendre la rade, et ou il est parfaitement en surete. Il y a a Corfou six batimens de guerre venitiens et six fregates qu'il peut armer en guerre dans un mois: ils sont deja montes par des officiers mariniers et des garnisons francaises. A Corfou, Zante, Cephalonie, il trouvera les 2,000 matelots qui lui sont necessaires, tant pour l'equipement desdits vaisseaux, que pour le complement des siens. Les fregates _la Muiron_ et _la Carrere_, ainsi que les trois autres batimens de guerre qui sont en armement a Venise, pourront egalement augmenter son escadre d'ici a deux mois. Je pense donc que, si vous m'autorisez a garder l'escadre de l'amiral Brueys a Corfou, vous pourrez disposer, d'ici au 1er frimaire, 1º. de six vaisseaux de guerre francais parfaitement bien en equipages, approvisionnes pour quatre mois et abondamment pourvus de tous les objets necessaires, meme de cordages; 2º. six fregates francaises; 3º. six bricks francais; 4º. huit vaisseaux de guerre venitiens; 5º. huit fregates, _id_.; 6º. huit bricks, _id_.: tous approvisionnes pour quatre mois. Voudriez-vous faire filer le contre-amiral Brueys dans l'Ocean, il partira de Corfou en meilleur etat qu'il ne partirait de Toulon; il partira de Corfou plus vite que de Toulon, car ses equipages seront toujours complets et exerces, ce qui ne sera jamais a Toulon. Vous pourrez meme, a mesure qu'un vaisseau de guerre sera arme a Toulon, faire ramasser les equipages et les faire partir pour Corfou. Voudrez-vous vous servir des vaisseaux venitiens? Ils seront tout prets a seconder notre escadre. Voulez-vous, au contraire, que les vaisseaux venitiens soient sur-le-champ armes en flute et envoyes a Toulon? Le contre-amiral Brueys les fera filer en les escortant jusqu'a ce qu'il n'y ait plus rien a craindre. Si vous voulez que votre escadre prenne un bon esprit, devienne manoeuvriere et se prepare a faire de grandes choses, tenez-la loin de Toulon: sans quoi, les equipages ne se formeront jamais et vous n'aurez jamais de marine. Enfin, de Corfou, cette escadre peut partir pour aller partout ou vous voudrez, et vous devez la laisser a Toulon: elle sera beaucoup plus utile dans l'Adriatique, parce que, 1º. ne se trouvant qu'a vingt lieues de la cote de Naples, elle tiendra en respect ce prince; 2º. elle me servira a boucher entierement tout l'Adriatique a nos ennemis; 3º. enfin, elle prendra les iles de l'Adriatique, reconquerra l'Istrie et la Dalmatie en cas de rupture, et sera, sous ce point de vue, tres-utile a l'armee. Si nous avons la guerre, votre escadre vous rapportera plus de dix millions, et fera une bonne diversion a l'avantage de l'armee d'Italie. Quand vous voudrez la faire aller dans un point quelconque, elle sera, a Corfou, a portee d'executer vos ordres en vingt-quatre heures, pour s'y rendre. Enfin, si nous avons la paix, votre escadre, en abandonnant ces mers et en s'en retournant en France, pourra prendre quelques troupes, et, en passant, mettre 2,000 hommes de garnison a Malte: ile qui, tot ou tard, sera aux Anglais si nous avons la sottise de ne pas les prevenir. Quant a la surete, quatre-vingts vaisseaux anglais viendraient dans l'Adriatique, qu'ils ne pourraient rien contre notre escadre, qui est aussi sure dans le golfe de Corfou qu'a Toulon. Je vous demande donc: 1º. un ordre au ministre de la marine de faire armer tous les vaisseaux qu'il a a Toulon, et de les envoyer, un a un, a Corfou; 2º. un ordre au ministre de la marine de faire partir une trentaine d'officiers et encore soixante ou quatre-vingts officiers mariniers, pour etre distribues sur les vaisseaux venitiens; 3º. que vous m'autorisiez a garder cette escadre dans l'Adriatique jusqu'a nouvel ordre; 4º. que vous preniez un arrete qui m'autorise a cultiver les intelligences que j'ai deja a Malte, et, au moment ou je le jugerai propre, de m'en emparer et d'y mettre garnison. Repondez-moi, je vous prie, le plus promptement possible a ces differens articles, afin que je sache a quoi m'en tenir; mais je vous previens que, dans tous les cas, l'escadre ne peut partir de Corfou avec les vaisseaux venitiens, meme armes en flute, que vers la fin de brumaire. BONAPARTE. Au quartier-general a Passeriano, le 2 vendemiaire an 6 (23 septembre 1797). _Au citoyen Perree, chef de division de l'armee navale._ J'ai recu, citoyen, les differentes lettres dans lesquelles vous me temoignez le desir de reprendre vos fonctions a la mer: la place de commandant des armes que vous occupez, n'offre pas un assez grand aliment a votre activite. En rendant justice a votre zele, je consens a ce que vous repreniez le commandement de la fregate _la Diane_, que vous n'avez quitte que momentanement, et j'envoie l'ordre au citoyen Roubaud de vous remplacer dans vos fonctions. Vous rentrerez sous les ordres du contre-amiral Brueys jusqu'a son depart pour France, et vous commanderez ensuite la division qui restera dans l'Adriatique. BONAPARTE. Au quartier-general a Passeriano, le 2 vendemiaire an 6 (23 septembre 1797). _Au citoyen Roubaud._ Le citoyen Perree devant commander une flotte, vous remplirez les fonctions de commandant des armes, et vous aurez une autorite entiere pour l'armement des trois vaisseaux et des deux fregates. Vous organiserez le port et l'arsenal comme vous le jugerez necessaire au bien du service. Vous presserez, le plus possible, l'armement du brick _le James_; vous ferez armer les deux fregates _la Muiron_ et _la Carrere_, afin qu'elles puissent se joindre le plus tot possible a Corfou, et augmenter l'escadre du contre-amiral Brueys. Je donne l'ordre au citoyen Haller de remettre 15,000 fr. a votre disposition pour commencer la levee des matelots pour l'armement de ces deux fregates. Vous ferez fabriquer un cable pour chacun des vaisseaux francais de l'escadre de l'amiral Brueys, ainsi que les manoeuvres de rechange qui sont les plus necessaires. Ces objets seront pris a compte des trois millions que doit nous payer la republique de Venise. La division Bourde se trouvant a l'escadre de l'amiral Brueys, les hardes qui lui sont destinees seront envoyees au contre-amiral Brueys, pour qu'il puisse les lui remettre. BONAPARTE. _Note._ Le plenipotentiaire de la republique francaise soussigne a l'honneur de faire connaitre a leurs excellences MM. les plenipotentiaires de S.M. l'empereur et roi la douleur qu'il a eprouvee en apprenant que les troupes de S. M. l'empereur venaient de prendre possession de la province d'Albanie, vulgairement appelee Bouches du Cattaro. Par l'article 1er des preliminaires secrets, S.M. l'empereur devait entrer, a la paix definitive, en possession de la Dalmatie et de l'Istrie venitiennes. Lors donc que les troupes de S.M. ont occupe lesdites provinces, cela a ete une violation des formes, mais non du fond des preliminaires. Mais l'occupation, par les troupes de S.M. l'empereur, de l'Albanie venitienne, dite Bouches du Cattaro, est une violation reelle et est contraire au texte comme a la nature des preliminaires. Le plenipotentiaire francais soussigne ne peut donc regarder, dans les circonstances presentes, l'occupation par elles des Bouches du Cattaro que comme un acte d'hostilite. La connaissance qu'il a des intentions qui animent leurs excellences messieurs les plenipotentiaires de S.M. l'empereur et roi, ne lui permet pas de douter qu'ils ne prennent des mesures expeditives, dont l'effet soit d'ordonner aux troupes de S.M. l'empereur l'evacuation des Bouches du Cattaro, dont l'occupation par elles est contraire a la bonne foi et aux traites. Le plenipotentiaire francais assure leurs excellences messieurs les plenipotentiaires de S.M. l'empereur et roi de sa haute consideration. Passeriano, le 2 vendemiaire an 6 (23 septembre 1797). _Le general en chef, plenipotentiaire de la republique francaise_. BONAPARTE. Au quartier-general a Passeriano, le 2 vendemiaire an 6 (23 septembre 1797). _Au citoyen Francois de Neufchateau, membre du directoire executif._ Quoique je n'aie pas l'avantage de vous connaitre personnellement, je vous prie de recevoir mon compliment sur la place eminente a laquelle vous venez d'etre nomme; je me souviens avec reconnaissance de ce que vous avez ecrit dans le temps contre les apologistes des inquisiteurs de Venise. Le sort de l'Europe est desormais dans l'union, la sagesse et la force du gouvernement. Il est une petite partie de la nation qu'il faut vaincre par un bon gouvernement. Nous avons vaincu l'Europe, nous avons porte la gloire du nom francais plus loin qu'elle ne l'avait jamais ete: c'est a vous, premiers magistrats de la republique, d'etouffer toutes les factions, et a etre aussi respectes au dedans que vous l'etes au dehors. Un arrete du directoire executif ecroule les trones; faites que des ecrivains stipendies, ou d'ambitieux fanatiques, deguises sous toute espece de masque, ne nous replongent pas dans le torrent revolutionnaire. Croyez que, quant a moi, mon attachement pour la patrie egale le desir que j'ai de meriter votre estime. BONAPARTE. Au quartier-general a Passeriano, le 2 vendemiaire an 6 (23 septembre 1797). _Au citoyen Merlin, membre du directoire._ J'ai appris, citoyen directeur, avec le plus grand plaisir, la nouvelle de votre nomination a la place que vous occupez. On ne pouvait pas choisir un homme qui eut rendu constamment plus de services a la liberte: en mon particulier, je m'en felicite. BONAPARTE. Au quartier-general a Passeriano, le 4 vendemiaire an 6 (25 septembre 1797). _Au directoire executif._ Un officier est arrive avant-hier de Paris a l'armee d'Italie: il a repandu dans l'armee qu'il etait parti de Paris le 25, qu'on y etait inquiet de la maniere dont j'aurais pris les evenemens du 18; il etait porteur d'une espece de circulaire du general Augereau a tous les generaux de division de l'armee. Il avait une lettre du ministre de la guerre a l'ordonnateur en chef, qui l'autorisait a prendre tout l'argent dont il aurait besoin pour sa route: je vous en envoie la copie. Il est constant, d'apres tous ces faits, que le gouvernement en agit envers moi a peu pres comme envers Pichegru apres vendemiaire. Je vous prie, citoyens directeurs, de me remplacer et de m'accorder ma demission. Aucune puissance sur la terre ne sera capable de me faire continuer de servir apres cette marque horrible de l'ingratitude du gouvernement, a laquelle j'etais bien loin de m'attendre. Ma sante, considerablement affectee, demande imperieusement du repos et de la tranquillite. La situation de mon ame a aussi besoin de se retremper dans la masse des citoyens. Depuis trop long-temps un grand pouvoir est confie dans mes mains, je m'en suis servi dans toutes les circonstances pour le bien de la patrie: tant pis pour ceux qui ne croient point a la vertu, et qui pourraient avoir suspecte la mienne. Ma recompense est dans ma conscience et dans l'opinion de la posterite. Je puis, aujourd'hui que la patrie est tranquille et a l'abri des dangers qui l'ont menacee, quitter sans inconvenient le poste ou je suis place. Croyez que s'il y avait un moment de peril, je serais au premier rang pour defendre la liberte et la constitution de l'an 3. BONAPARTE. Au quartier-general a Passeriano, le 5 vendemiaire an 6 (26 septembre 1797). _Au ministre des relations exterieures._ Je viens de recevoir, citoyen ministre, votre lettre du 30 fructidor. Je ne puis tirer aucune ressource de Genes, pas plus de la republique cisalpine: tout ce qu'ils pourront faire, c'est de se maintenir maitres chez eux. Ces peuples-la ne sont point guerriers, et il faut quelques annees d'un bon gouvernement pour changer leurs inclinations. L'armee du Rhin se trouve tres-loin de Vienne, pendant que j'en suis tres-pres. Toutes les forces de la maison d'Autriche sont contre moi, on a tres-tort de ne pas m'envoyer dix ou douze mille hommes. Ce n'est que par ici que l'on peut faire trembler la maison d'Autriche. Mais puisque le gouvernement ne m'envoie pas de renfort, il faut au moins que les armees du Rhin commencent leurs operations quinze jours avant nous, afin que nous puissions nous trouver a peu pres dans le meme temps dans le coeur de l'Allemagne. Des l'instant que j'aurai battu l'ennemi, il est indispensable que je le poursuive rapidement, ce qui me conduit dans le coeur de la Carinthie, ou l'ennemi n'aura pas manque, comme il s'y prepare deja, de reunir toutes les divisions qu'il a en echelons sur l'armee du Rhin, qu'il peut eviter pendant plus de vingt jours; et je me trouverais avoir encore en tete toute les forces qui, dans l'ordre de bataille naturel, devraient etre opposees a l'armee du Rhin. Il ne faut pas etre capitaine pour comprendre tout cela: un seul coup d'oeil sur une carte, avec un compas, convaincra, a l'evidence, de ce que je vous dis la. Si on ne veut pas le sentir, je n'y sais que faire. Le roi de Sardaigne, si l'on ne ratifie pas le traite d'alliance qu'on a fait avec lui, se trouve a l'instant meme notre ennemi, puisque, des cet instant, il comprend que nous avons medite sa perte. Pendant mon absence, il se chicanera necessairement avec la republique cisalpine, qui n'est pas dans le cas de resister a un seul de ses regimens de cavalerie: d'ailleurs, je me trouve alors oblige de calculer, en regardant comme suspectes les intentions du roi de Sardaigne: des-lors il faut que je mette deux mille hommes a Coni, deux mille a Tortone, autant a Alexandrie. Je pense donc que si l'on s'indispose avec le roi de Sardaigne, on m'affaiblit de cinq mille hommes de plus que l'on m'oblige a mettre dans la garnison des places que j'ai chez lui, et de cinq a six mille hommes qu'il faut que je laisse pour proteger le Milanais, et, a tout evenement, la citadelle de Milan, le chateau de Pavie et la place de Pizzigithone. Ainsi donc, vous perdez, en ne ratifiant pas le traite avec le roi de Sardaigne: 1º. Dix mille hommes de tres-bonnes troupes qu'il nous fournit; 2º. Dix mille hommes de nos troupes qu'on est oblige de laisser sur nos derrieres, et, outre cela, de tres-grandes inquietudes en cas de defaite et d'evenemens malheureux. Quel inconvenient y a-t-il a laisser subsister une chose deja faite? Est-ce le scrupule d'etre allie d'un roi? Nous le sommes bien du roi d'Espagne et peut-etre du roi de Prusse! Est-ce le desir de revolutionner le Piemont et de l'incorporer a la Cisalpine? Mais le moyen d'y parvenir sans choc, sans manquer au traite, sans meme manquer a la bienseance, c'est de meler a nos troupes et d'allier a nos succes un corps de dix mille Piemontais, qui, necessairement, sont l'elite de la nation: six mois apres, le roi de Piemont se trouve detrone. C'est un geant qui embrasse un pygmee, le serre dans ses bras et l'etouffe sans qu'il puisse etre accuse de crime. C'est le resultat de la difficulte extreme de leur organisation. Si l'on ne comprend pas cela, je ne sais qu'y faire non plus; et si a la politique sage et vraie qui convient a une grande nation, qui a de grandes destinees a remplir, des ennemis tres-puissans devant elle, on substitue la demagogie d'un club, l'on ne fera rien de bon. Que l'on ne s'exagere pas l'influence des pretendus patriotes cisalpins et genois, et que l'on se convainque bien que, si nous retirions d'un coup de sifflet notre influence morale et militaire, tous ces pretendus patriotes seraient egorges par le peuple. Il s'eclaire tous les jours et s'eclairera bien davantage; mais il faut le temps et un long temps. Je ne concois pas, lorsque, par une bonne politique, on s'etait conduit de maniere que ce temps est toujours en notre faveur, qu'en tirant tout le parti possible du moment present, nous ne faisons qu'accelerer la marche du temps en assurant et epurant l'esprit public, je ne concois pas comment l'on peut hesiter. Ce n'est pas lorsqu'on laisse dix millions d'hommes derriere soi, d'un peuple foncierement ennemi des Francais par prejuges, par l'habitude des siecles et par caractere, que l'on doit rien negliger. Il me parait que l'on voit tres-mal l'Italie, et qu'on la connait tres-mal. Quant a moi, j'ai toujours mis tous mes soins a faire aller les choses selon l'interet de la republique: si l'on ne me croit pas, je ne sais que faire. Tous les grands evenemens ne tiennent jamais qu'a un cheveu. L'homme habile profite de tout, ne neglige rien de ce qui peut lui donner quelques chances de plus. L'homme moins habile, quelquefois en en meprisant une seule, fait tout manquer. J'attends le general Meerweldt. Je tirerai tout le parti dont je suis capable des evenemens qui viennent d'arriver en France, des dispositions formidables ou se trouve notre armee, et je vous ferai connaitre la veritable position des choses, afin que le gouvernement puisse decider et prendre le parti qu'il jugera a propos. Il ne faut pas que l'on meprise l'Autrichien comme on parait le faire; ils ont recrute leurs armees et les ont organisees mieux que jamais. Je viens de prendre des mesures pour l'incorporation a la republique cisalpine, du Brescian et du Mantouan. Je vais aussi m'occuper a organiser la republique de Venise. Je ferai tout arranger de maniere que la republique, en apparence, ne se mele de rien. BONAPARTE. Au quartier-general a Passeriano, le 5 vendemiaire an 6 (26 septembre 1797). _Au ministre des relations exterieures._ J'attendais, citoyen ministre, pour vous parler du general Clarke, que vous-meme m'en eussiez ecrit. Je ne cherche pas s'il est vrai que ce general ait ete envoye dans l'origine pour me servir d'espion: si cela etait, moi seul aurais le droit de m'en offenser, et je declare que je lui pardonne. Je l'ai vu, dans sa conduite passee, gemir le premier sur la malheureuse reaction qui menacait d'engloutir la liberte avec la France. Sa conduite dans la negociation a ete bonne et loyale: il n'y a pas deploye de grands talens, mais il y a mis beaucoup de volonte, de zele et meme une sorte de caractere. On l'ote de la negociation, peut-etre fait-on bien; mais, sous peine de commettre la plus grande injustice, on ne doit pas le perdre. Il a ete porte principalement par Carnot. Aupres d'un homme raisonnable, lorsqu'on sait qu'il est depuis pres d'un an a trois cents lieues de lui, cela ne peut pas etre une raison de proscription. Je vous demande donc avec instance pour lui une place diplomatique du second ordre, et je garantis que le gouvernement n'aura jamais a s'en repentir. Il est charge d'une tres-grande mission; il connait tous les secrets comme toutes les relations de la republique, il ne convient pas a notre dignite qu'il tombe dans la misere et se trouve proscrit et disgracie. J'entends dire qu'on lui reproche d'avoir ecrit ce qu'il pensait des generaux de l'armee d'Italie. Si cela est vrai, je n'y vois aucun crime: depuis quand un agent du gouvernement serait-il accuse d'avoir fait connaitre a son gouvernement ce qu'il pensait des generaux aupres desquels il se trouvait? On dit qu'il a ecrit beaucoup de mal de moi. Si cela est vrai, il l'a egalement ecrit au gouvernement: des-lors il avait droit de le faire; cela pouvait meme etre necessaire, et je ne pense pas que ce puisse etre un sujet de proscription. La morale publique est fondee sur la justice, qui, bien loin d'exclure l'energie, n'en est au contraire que le resultat. Je vous prie donc de vouloir bien ne pas oublier le general Clarke aupres du gouvernement: on pourrait lui donner une place de ministre aupres de quelque cour secondaire. BONAPARTE. Au quartier-general a Passeriano, le 7 vendemiaire an 6 (28 septembre 1797). _Au ministre des relations exterieures._ M. le comte de Cobentzel, citoyen ministre, est arrive de Vienne avec le general Meerweldt; il m'a remis la lettre dont je vous envoie copie, et a laquelle je ne repondrai que dans trois ou quatre jours, lorsque je verrai la tournure que prendra la negociation. Pour ma premiere visite, j'ai eu une prise tres-vive avec M. de Cobentzel, qui, a ce qu'il m'a paru, n'est pas tres-accoutume a discuter, mais bien a vouloir toujours avoir raison. Nous sommes entres en congres. Je vous ferai passer: 1º. Copie des pleins pouvoirs donnes a M. le comte de Cobentzel; 2º. Copie du protocole d'hier; 3º. Copie de la reponse que je vais faire inserer au protocole d'aujourd'hui. Je les attends dans un quart d'heure. Il est indispensable que le directoire executif donne les ordres qu'on se tienne pret sur le Rhin: ces gens-ci ont de grandes pretentions. Au reste, il parait, par la lettre de l'empereur, par la contexture des pleins-pouvoirs de M. de Cobentzel, meme par son arrivee, que l'empereur accederait au projet d'avoir pour lui Venise et la rive de l'Adige, de nous donner Mayence et les limites constitutionnelles. Je dis il parait, parce qu'en realite notre conversation avec M. le comte de Cobentzel n'a ete, de son cote, qu'une extravagance. C'est tout au plus s'ils veulent nous donner la Belgique. Je vous fais grace de ma reponse la-dessus comme de notre discussion, qui vous ferait connaitre ce que ces gens-ci appellent diplomatie. _A minuit._ Le courrier devait partir a midi, il n'est pas parti. Ces messieurs sortent a l'instant meme d'ici. Nous avons ete a peu pres quatre ou cinq heures en conferences reglees. M. de Cobentzel et nous avons beaucoup argumente, beaucoup rabache les memes choses. Il n'a ete question dans le protocole que des deux notes annoncees dans ma lettre ci-dessus, auxquelles ces messieurs repondront demain. Apres le diner, moment ou les Allemands parlent volontiers, j'ai cause quatre ou cinq heures de suite avec M. Cobentzel; il a laisse entrevoir, au milieu d'un tres-grand bavardage, qu'il desire fort que S.M. l'empereur reunisse son systeme politique au notre, afin de nous opposer aux projets ambitieux de la Prusse. Il m'a paru que le cabinet de Vienne adoptait le projet des limites de l'Adige et de Venise, et pour nous les limites a peu pres comme elles sont portees dans notre note et specialement Mayence: ce n'est pas qu'il n'ait dit qu'il lui paraissait tout simple que nous donnions a S.M. l'empereur les Legations. Mais lorsque je lui ai dit que le gouvernement francais venait de reconnaitre le ministre de la republique de Venise, et que des-lors je me trouvais dans l'impossibilite de pouvoir, sous aucun pretexte et dans aucune circonstance, consentir a ce que S.M. devint maitresse de Venise, je me suis apercu d'un mouvement de surprise qui decele assez la frayeur, a laquelle a succede un assez long silence, interrompu a peu pres par ces mots: Si vous faites toujours comme cela, comment voulez-vous qu'on puisse negocier? Je me tiendrai dans cette ligne jusqu'a la rupture. Je ne leur bonifierai point Venise jusqu'a ce que j'aie recu de nouvelles lettres du gouvernement. Demain, a midi, nous nous verrons de nouveau, et je vous expedierai demain au soir un autre courrier. Je n'entre pas dans d'autres details sur les propositions reciproques que nous nous faisons; mais il y a la negociation officielle, qui est, comme vous l'avez vu par le protocole, une suite d'extravagances de leur part, et la confidentielle qui, quoiqu'elle n'ait pas ete mise clairement en discussion avec M. de Cobentzel, est basee cependant sur le projet que M. de Meerweldt apporte de Vienne. Vous vous apercevrez, par la note que je vais leur presenter aujourd'hui, que je veux les conduire a dire dans le protocole qu'on ne peut pas executer les preliminaires, et regarder, si le gouvernement le juge a propos, ces preliminaires comme nuls. J'ai pense qu'il n'y avait pas d'autre moyen de sauver les apparences, que de leur faire dire d'eux-memes que les preliminaires sont impossibles: ce qui nous est tres-facile. BONAPARTE. Au quartier-general a Passeriano, le 8 vendemiaire an 6 (29 septembre 1797). _Au citoyen Canelaux, ministre de la republique a Naples._ J'apprends, citoyen ministre, qu'il y a des mouvemens sur les frontieres de Naples, en meme temps qu'un general autrichien vient commander a Rome. Je ne saurais penser que, si cela etait, vous ne soyez pas instruit des mouvemens et des desseins que pourrait avoir la cour de Naples, et vous me les auriez fait connaitre par un courrier extraordinaire. L'intention du directoire executif de la republique francaise n'est point que la cour de Naples empiete sur le territoire romain. Soit que le pape continue a vivre, soit qu'il meure au qu'il soit remplace par un autre pape ou par une republique, vous devez declarer, lorsque vous serez assure que la cour de Naples a intention de faire des mouvemens, que le directoire executif de la republique francaise ne restera pas tranquille spectateur de la conduite hostile du roi de Naples, et que, quelque evenement qu'il arrive, la republique francaise s'entendra avec plaisir avec la cour de Naples pour lui faire obtenir ce qu'elle desire, mais non pour autoriser le roi de Naples a agir hostilement. BONAPARTE. Au quartier-general a Passeriano, le 8 vendemiaire an 6 (29 septembre 1797). _A l'ambassadeur de la republique francaise a Rome._ Je recois, citoyen ambassadeur, votre lettre du 13 vendemiaire. Vous signifierez sur-le-champ a la cour de Rome, que si le general Provera n'est pas renvoye de suite de Rome, la republique francaise regardera cela de la part de Sa Saintete comme un commencement d'hostilites. Faites sentir combien il est indecent, lorsque le sort de Rome a dependu de nous, qu'elle n'a du son existence qu'a notre generosite, de voir le pape renouer encore des intrigues et se montrer sous des couleurs qui ne peuvent etre agreables a la republique francaise. Dites meme dans vos conversations avec le secretaire d'etat, et, s'il le faut, meme dans votre note: La republique francaise a ete genereuse a Tolentino, elle ne le sera plus si les circonstances recommencent. Je fais renforcer la garnison d'Ancone d'un bataillon de Polonais. L'escadre de l'amiral Brueys me repond de la conduite de la cour de Naples. Vous ne devez avoir aucune espece d'inquietude, ou, si elle agit, je detruirai son commerce, avec l'escadre de l'amiral Brueys, et, lorsque les circonstances le permettront, je ferai marcher une colonne pour leur repondre. Je verrai dans une heure M. de Gallo, et je m'expliquerai avec vous en termes si forts, que messieurs les Napolitains n'auront pas la volonte de faire marcher des troupes sur Rome. Enfin, s'il n'y a encore aucun changement a Rome, ne souffrez pas qu'un general aussi connu que M. Provera prenne le commandement des troupes de Rome. L'intention du directoire executif n'est pas de laisser renouer les petites intrigues des princes d'Italie. Pour moi, qui connais bien les Italiens, j'attache la plus grande importance a ce que les troupes romaines ne soient pas commandees par un general autrichien. Dans la circonstance, vous devez dire au secretaire d'etat: "La republique francaise, continuant ses sentimens de bienveillance au pape, etait peut-etre sur le point de lui restituer Ancone: vous gatez toutes vos affaires, vous en serez responsable. Les provinces de Macerata et le duche d'Urbin se revolteront, vous demanderez le secours des Francais, ils ne vous repondront pas." Effectivement, plutot que de donner le temps a la cour de Rome d'ourdir de nouvelles trames, je la previendrai. Enfin, exigez non-seulement que M. Provera ne soit point general des troupes romaines, mais que, sous vingt-quatre heures, il soit hors de Rome. Developpez un grand caractere; ce n'est qu'avec la plus grande fermete, la plus grande expression dans vos paroles, que vous vous ferez respecter de ces gens-la: timides lorsqu'on leur montre les dents, ils sont fiers lorsqu'on a trop de menagemens pour eux. Dites publiquement dans Rome que, si M. Provera a ete deux fois mon prisonnier de guerre dans cette campagne, il ne tardera pas a l'etre une troisieme fois: s'il vient vous voir, refusez de le recevoir. Je connais bien la cour de Rome, et cela seul, si c'est bien joue, perd cette cour. L'aide-de-camp qui vous portera cette lettre a ordre de continuer jusqu'a Naples pour voir le citoyen Canclaux; il s'assurera par lui-meme des mouvemens des troupes napolitaines, auxquels je ne peux pas croire, quoique je m'apercoive qu'il y a depuis quelque temps une espece de coalition entre les cours de Naples, de Rome, et meme celle de Florence; mais c'est la ligue des rats contre les chats. Si vous le jugez a propos, mon aide-de-camp presentera une lettre, que vous trouverez ci-jointe, au secretaire d'etat, et lui dira, d'un ton qui convient aux vainqueurs de l'Italie, que si, sous vingt-quatre heures, M. Provera n'est point hors de Rome, ils nous obligeront a une visite. Si le pape etait mort, vous devez faire tout ce qu'il vous est possible pour qu'on n'en nomme pas un autre, et qu'il y ait une revolution. Le roi de Naples ne fera aucun mouvement: s'il en faisait lorsque la revolution serait faite, vous declareriez au roi de Naples, a l'instant ou il franchirait les limites, que le peuple romain est sous la protection de la republique francaise; ensuite, en vous rendant de votre personne aupres du general napolitain, vous lui diriez que la republique francaise ne voit point d'inconvenient a entamer une negociation avec la cour de Naples sur les differentes demandes qu'elle a faites, et specialement sur celle qu'a faite a Paris M. Balbo, et aupres de moi M. de Gallo, mais qu'il ne faut pas qu'elle prenne les armes, la republique regardant cela comme une hostilite. Enfin, vous emploieriez en ce double sens beaucoup de fierte exterieure pour que le roi de Naples n'entre pas dans Rome, et beaucoup de souplesse pour lui faire comprendre que c'est son interet; et si le roi de Naples, malgre tout ce que vous pourriez faire, ce que je ne saurais penser, entrait dans Rome, vous devez continuer a y rester, et affecter de ne reconnaitre en aucune maniere l'autorite qu'y exercerait le roi de Naples, de proteger le peuple de Rome, et faire publiquement les fonctions de son avocat, mais d'avocat tel qu'il convient a un representant de la premiere nation du monde. Vous pensez bien, sans doute, que je prendrai bien vite dans ce cas les mesures qui seraient necessaires pour vous mettre a meme de soutenir la declaration, que vous auriez faite de vous opposer a l'invasion du roi de Naples. Si le pape est mort, et qu'il n'y ait aucun mouvement a Rome, de sorte qu'il n'y ait aucun moyen d'empecher le pape d'etre nomme, ne souffrez pas que le cardinal Albani soit nomme; vous devez employer non-seulement l'exclusion, mais encore les menaces sur l'esprit des cardinaux, en declarant qu'a l'instant meme je marcherai sur Rome, ne nous opposant pas a ce qu'il soit pape, mais ne voulant pas que celui qui a assassine Basseville soit prince. Au reste, si l'Espagne lui donne aussi l'exclusion, je ne vois pas de possibilite a ce qu'il reussisse. BONAPARTE. Au quartier-general a Passeriano, le 8 vendemiaire an 6 (29 septembre 1797). _Au directoire executif._ Le pape est tres-malade et peut-etre mort a l'heure qu'il est. Le roi de Naples fait beaucoup de mouvemens. Je vous enverrai copie des lettres que j'ai ecrites a nos ministres a Rome et a Naples. Je ne dissimule pas que depuis quelque temps il y a une espece de coalition entre le pape, le roi de Naples, et meme la Toscane. Le pape n'a-t-il pas eu l'insolence de confier le commandement de ses troupes au general autrichien Provera! Je pense que tout cela, est une nouvelle raison pour que vous ratifiez le traite d'alliance avec le roi de Sardaigne. Le general Berthier, que j'ai envoye a Novare pour passer la revue des troupes piemontaises, m'ecrit que ce corps est dans une situation superbe. Je vous ferai passer copie de la lettre que m'ecrit M. Priocca. Vous m'aviez ecrit, il y a quatre mois, qu'en cas que le roi de Naples se rendit a Rome, de l'y laisser aller: quant a moi, je crois que ce serait une grande sottise. Quand il sera a Rome, il fera emprisonner une soixantaine de personnes, il fera precher les pretres, se prosternera devant un pape dont il aura en verite la puissance, et nous aurons tout perdu. Vous verrez dans mes lettres aux ministres de la republique a Rome et a Naples la conduite que je leur ai dit de tenir. Je vous prie de me faire connaitre positivement vos instructions sur ce point. BONAPARTE. Au quartier-general a Passeriano, le 10 vendemiaire an 6 (1er octobre 1797). _Au ministre des relations exterieures._ Messieurs les plenipotentiaires de l'empereur sortent d'ici; nos differentes entrevues n'avancent pas encore beaucoup: c'est toujours la meme exageration de pretentions. Je les renverrai demain, et vous ferai connaitre le projet qu'ils doivent me remettre avec ma reponse. BONAPARTE. Au quartier-general a Passeriano, le 10 vendemiaire an 6 (1er octobre 1797). _Au ministre de la marine._ Je recois, citoyen ministre, votre lettre du 28 fructidor; j'ai fait passer a l'amiral Brueys celle qui etait pour lui. J'ai ecrit, il y a quelques jours, au directoire executif pour lui demander une autorisation pour garder la flotte dans ces mers, d'ou vous pourrez lui donner la destination qu'il vous plaira, quelle qu'elle soit. L'amiral Brueys vous a ecrit par le meme courrier. L'escadre se trouve bien approvisionnee et ses equipages fort contens. J'espere que, si nous rompons, elle nous sera du plus grand service. Recevez mes remercimens pour les choses honnetes renfermees dans votre lettre, et croyez que mon plus grand plaisir sera de meriter votre estime. BONAPARTE. Au quartier-general a Passeriano, le 10 vendemiaire an 6 (1er octobre 1797). _A S.A.R. le duc de Parme._ La caisse de l'armee d'Italie aurait besoin du credit de votre A.R., afin de ne pas retarder le pret du soldat, et pour subvenir aux depenses les plus indispensables a l'armee. Comme je connais les sentimens de bienveillance que votre A.R. a pour l'armee francaise, je la prie d'ordonner a son ministre de seconder l'operation que lui proposera le citoyen Haller, administrateur des finances de l'armee, pour assurer les comptes. Croyez aux sentimens d'estime, etc., etc. BONAPARTE. Au quartier-general a Passeriano, le 10 vendemiaire an 6 (1er octobre 1797). _Au ministre de la police generale._ J'ai recu, citoyen ministre, votre lettre du 27 fructidor. Je vous remercie de l'avis que vous me donnez; je souhaite a messieurs les royalistes de ne pouvoir faire plus de mal a la republique que celui qu'ils feraient en tuant un de ses citoyens; d'ailleurs il est plus facile d'en faire le projet que de l'executer. Permettez que je saisisse cette occasion pour vous faire mon compliment sur votre nomination au ministere, que vous avez deja signalee par un rehaussement de l'esprit public. Je vous prie de croire aux sentimens d'estime et de consideration que j'ai pour vous. BONAPARTE. Au quartier-general a Passeriano, le 10 vendemiaire an 6 (1er octobre 1797). _Au ministre des relations exterieures._ Vous verrez, par la lettre que j'ecris au directoire executif, les nouvelles de Rome: la sante du pape chancelle de nouveau. J'ai eu une conversation avec M. de Gallo, et je lui ai fait connaitre que le directoire executif de la republique francaise ne souffrirait jamais que le roi de Naples se melat des affaires de Rome sans sa participation. Nous avons eu hier une conference: je vous envoie la copie du protocole, et vous vous convaincrez que les choses continuent a prendre mauvaise tournure. J'ai eu, apres le diner, une conference avec M. le comte de Cobentzel; il m'a dit que l'empereur pourrait nous ceder le Rhin, si nous lui faisions de grands avantages en Italie: ce qu'il articulait est extravagant. Il me remettra demain un projet confidentiel; je vous l'enverrai, et j'y ferai une reponse qui sera en moins ce que lui aura fait en plus. Nous sommes convenus, en cas de rupture, d'etablir la maniere dont l'un ou l'autre gouvernement se signifierait la rupture, afin que les deux armees ne pussent pas etre surprises, et que les deux nations continuent a etre liees par le droit des gens. Comme les grandes operations dependent ici de ce que fera l'armee du Rhin, et de l'epoque ou l'on entrera en campagne, je ne precipiterai rien ici; mais je mettrai le gouvernement a meme de prendre le parti qu'il voudra, et de pouvoir mettre en mouvement en meme temps les armees du Rhin et d'Italie. La position de l'armee francaise d'Italie est superbe. Le Brescian et le Mantouan seront bientot reunis a la republique cisalpine. Je m'occupe a reunir les differentes parties de l'etat de Venise dans un seul et meme etat, afin d'organiser robustement les derrieres de l'armee, qui seront tranquilles pendant ce grand mouvement; et ce gouvernement s'engagera a donner 25,000,000 pour pouvoir sustenter l'armee pendant ses grandes operations. Toutes les places fortes sont approvisionnees pour un an. Palma et Osoppo, qui doivent etre les pivots des armees, contiennent des depots pour nourrir l'armee pendant un long temps. L'artillerie se trouve egalement dans une position satisfaisante. De grandes choses pourront etre faites avec cette armee. Tout ce que je fais, tous les arrangemens que je prends dans ce moment-ci, c'est le dernier service que je puisse rendre a la patrie. Ma sante est entierement delabree; et la sante est indispensable et ne peut etre substituee par rien, a la guerre. Le gouvernement aura sans doute, en consequence de la demande que je lui ai faite il y a huit jours, nomme une commission de publicistes pour organiser l'Italie libre; De nouveaux plenipotentiaires pour continuer les negociations ou les renouer, si la guerre avait lieu, au moment ou les evenemens de la guerre seraient les plus propices; Et, enfin, un general qui ait sa confiance pour commander l'armee: car je ne connais personne qui puisse me remplacer dans l'ensemble de ces trois missions, toutes trois egalement interessantes. Je donnerai aux uns et aux autres des renseignemens, soit sur les hommes, sur les moeurs, caracteres, positions et les projets qui leur seront utiles, s'ils veulent en profiter. Quant a moi, je me trouve serieusement affecte de me voir oblige de m'arreter dans un moment ou, peut-etre, il n'y a plus que des fruits a cueillir; mais la loi de la necessite maitrise l'inclination, la volonte et la raison. Je puis a peine monter a cheval: j'ai besoin de deux ans de repos. BONAPARTE. Au quartier-general a Passeriano, le 15 vendemiaire an 6 (8 octobre 1797). _Au president du gouvernement provisoire de Genes._ J'apprends avec peine que vous etes divises entre vous, et que par la vous donnez un champ libre a la malveillance et aux ennemis de votre liberte. Etouffez toutes vos haines, reunissez tous vos efforts, si vous voulez eviter de grands malheurs a votre patrie et a vos familles. Les rois voient avec plaisir et fomentent peut-etre une dissension dans votre gouvernement, qui ruine votre commerce, degoute la masse de la nation de l'egalite, et etablit les privileges et les prejuges. Les hostilites peuvent recommencer d'un moment a l'autre, vous devez vous mettre en mesure de pouvoir aussi concourir a la cause commune: comment croyez-vous le faire lorsque vous avez meme besoin des Francais pour vous garder? Si vous en croyez un homme qui prend un vif interet a votre bonheur, remettez en termes plus clairs dans votre constitution ce qui a pu alarmer les ministres de la religion: je dirai meme plus, la superstition aux prises avec la liberte; la premiere l'emportera dans l'esprit du peuple. Enfin, supprimez toutes les commissions violentes qui pourraient alarmer la masse des citoyens. Vous ne devez pas vous gouverner par des exces, comme vous ne devez vous laisser perir par faiblesse. Eclairez le peuple, concertez-vous avec l'archeveque pour leur donner de bons cures; acquerez des titres a l'amour de vos concitoyens et a l'estime de l'Europe, qui vous fixe, et croyez qu'en tout temps je vous appuierai et prendrai un vif interet a tout ce qui vous concerne. BONAPARTE. Au quartier-general a Passeriano, le 16 vendemiaire an 6 (7 octobre 1797). _Au ministre des relations exterieures._ Je vous envoie, citoyen ministre, le projet confidentiel que m'a remis M. le comte de Cobentzel; je lui ai temoigne toute l'indignation que vous sentirez en le lisant. Je lui repondrai par la note ci-jointe. Sous trois ou quatre jours, tout sera termine, la paix ou la guerre, Je vous avoue que je ferai tout pour la paix, vu la saison tres-avancee et le peu d'esperance de faire de grandes choses. Vous connaissez peu ces peuples-ci; ils ne meritent pas que l'on fasse tuer 40,000 Francais pour eux. Je vois par vos lettres que vous partez toujours d'une fausse hypothese: vous vous imaginez que la liberte fait faire de grandes choses a un peuple mou, superstitieux, pantalon et lache. Ce que vous desireriez que je fisse sont des miracles: je n'en sais pas faire. Je n'ai pas a mon armee un seul Italien, excepte 1500 polissons ramasses dans les rues des differentes villes de l'Italie, qui pillent et ne sont bons a rien, Ne vous laissez pas inspirer par quelque aventurier italien, peut-etre par quelque ministre meme, qui vous diront qu'il y a 80,000 hommes italiens sous les armes; car, depuis quelque temps, je n'apercois pas les journaux, et ce qui me revient de l'opinion publique en France s'egare etrangement sur les Italiens. Un peu d'adresse, un ascendant que j'ai pris, des exemples severes, donnent seuls a ces peuples un grand respect pour la nation, et un interet, quoique extremement faible, pour la cause que nous defendons. Je desire que vous appeliez chez vous les differents ministres cisalpins qui se trouvent a Paris, que vous leur demandiez d'un ton severe ....., qu'ils vous declarent sur-le-champ, par ecrit, le nombre de troupes qu'a la republique cisalpine a l'armee; et, s'ils vous disent que j'ai plus de 1500 hommes cisalpins et a peu pres 2000 a Milan, employes a la police de leur pays, ils vous en imposeront, et reprimandez-les comme ils le meritent; car telle chose est bonne a dire dans un cafe ou dans un discours, mais non au gouvernement, puisque ces fausses idees peuvent le mettre dans le cas de prendre un parti different de celui qui convient, et produire des malheurs incalculables. J'ai l'honneur de vous le repeter, peu a peu le peuple de la republique cisalpine s'enthousiasmera pour la liberte, peu a peu cette republique s'organisera, et peut-etre dans quatre ou cinq ans pourra-t-elle avoir 30,000 hommes de troupes passables, surtout s'ils prennent quelques Suisses; car il faudrait etre un legislateur habile pour leur faire venir le gout des armes: c'est une nation bien enervee et bien lache. Si les negociations ne prennent pas une bonne tournure, la France se repentirait a jamais du parti qu'elle a pris avec le roi de Sardaigne. Ce prince, avec un de ses bataillons et un de ses escadrons de cavalerie, est plus fort que toute la Cisalpine reunie. Si je n'ai jamais ecrit au gouvernement avec cette precision, c'est que je ne pensais pas qu'on put se former des Italiens l'idee que je vois, par vos dernieres lettres, que vous en avez. J'emploie tout mon talent a les echauffer et a les aguerrir, et je ne reussis tout juste qu'a contenir et a disposer ces peuples dans de bonnes intentions. Je n'ai point eu, depuis que je suis en Italie, pour auxiliaire, l'amour des peuples pour la liberte et l'egalite, ou du moins cela a ete un auxiliaire tres-faible; mais la bonne discipline de l'armee, le grand respect que nous avons tous eu pour la republique, que nous avons porte jusqu'a la cajolerie pour les ministres de la justice, surtout une grande activite et une grande promptitude a reprimer les malintentionnes et a punir ceux qui se declaraient contre nous, tel a ete le veritable auxiliaire de l'armee d'Italie: voila l'historique. Tout ce qui n'est bon qu'a dire dans des proclamations, des discours imprimes, sont des romans. Comme j'espere que les negociations iront bien, je n'entrerai pas dans de plus grands details pour vous declarer beaucoup de choses qu'il me parait qu'on saisit mal. Ce n'est qu'avec de la prudence, de la sagesse, beaucoup de dexterite, que l'on parvient a de grands buts, et que l'on surmonte tous les obstacles: autrement on ne reussit en rien. Du triomphe a la chute il n'est qu'un pas. J'ai vu, dans les plus grandes circonstances, qu'un rien a toujours decide des plus grands evenemens. S'il arrivait que nous adoptassions la politique exterieure que nous avions en 1793, nous aurions d'autant plus tort, que nous nous sommes bien trouves de la politique contraire, et que nous n'avons plus ces grandes masses, ces moyens de recrutement, et ce premier elan d'enthousiasme qui n'a qu'un temps. Le caractere distinctif de notre nation est d'etre beaucoup trop vif dans la prosperite. Si l'on prend pour base de toutes les operations la vraie politique, qui n'est que le resultat du calcul, des combinaisons et des chances, nous serons pour long-temps la grande nation et l'arbitre de l'Europe; je dis plus, nous tenons la balance, nous la ferons pencher comme nous voudrons, et meme, si tel est l'ordre du destin, je ne vois pas d'impossibilite a ce que l'on arrive en peu d'annees a ces grands resultats que l'imagination echauffee et enthousiaste entrevoit, et que l'homme extremement froid, constant et raisonne, atteindra seul. Ne voyez, citoyen ministre, je vous prie, dans la presente lettre, que le desir de contribuer autant qu'il est en moi au succes de la patrie. Je vous ecris comme je pense, c'est la plus grande marque d'estime que je puisse vous donner. BONAPARTE. Au quartier-general a Passeriano, le 19 vendemiaire an 6 (10 octobre 1797). _Au directoire executif._ Les negociations de paix sont enfin sur le point de se terminer. La paix definitive sera signee cette nuit, ou la negociation rompue. En voici les conditions principales: 1º. Nous aurons sur le Rhin la limite tracee sur la carte que je vous envoie, c'est-a-dire la Nethe jusqu'a Kerpen, et passe de la a Juliers, Venloo; 2º. Mayence et ses fortifications en entier et tel qu'il est; 3º. Les iles de Corfou, Zante, Cephalonie, etc., et l'Albanie venitienne; 4º. La Cisalpine sera composee de la Lombardie, du Bergamasque, du Cremasque, du Brescian, de Mantoue, de Peschiera, avec les fortifications, jusqu'a la rive droite de l'Adige et du Po; du Modenais, du Ferrarais, du Bolonais, de la Romagne: Cela fait a peu pres trois millions cinq a six cent mille habitans. 5º. Genes aura les fiefs imperiaux; 6º. L'empereur aura la Dalmatie et l'Istrie, les etats de Venise jusqu'a l'Adige et le Po, la ville de Venise; 7º. Le prince d'Orange, conformement au traite secret avec la Prusse, obtiendra une indemnite. Le duc de Modene sera indemnise par le Brisgaw, et en place l'Autriche prendra Salzburg et une partie de la Baviere comprise entre la riviere d'Inn, la riviere de Salza, l'eveche de Salzburg, faisant cinquante mille habitans; 8º. Nous ne cederons les pays que doit occuper l'empereur que trois semaines apres l'echange des ratifications et lorsqu'il aura evacue Manheim, Ingolstadt, Ulm, Ehrenbreistein et tout l'Empire; 9º. La France aura ce que la republique de Venise avait de meilleur, etc., et les limites du Rhin, auxquelles il ne manquera que deux cent mille habitans que l'on pourra avoir a la paix de l'Empire. Elle gagnera de ce cote quatre millions de population; 10º. La republique cisalpine aura de tres-belles limites militaires, puisqu'elle aura Mantoue, Peschiera, Ferrare. 11º. La liberte gagne donc: republique cisalpine, trois millions cinq cent mille habitans; nouvelles limites de la France, quatre millions: en tout sept millions cinq cent mille habitans; 12º. La maison d'Autriche gagnera un million neuf cent mille habitans: Elle en perdra, en Lombardie, un million cinq cent mille; a Modene, trois cent mille; en Belgique, deux millions cinq cent mille: en tout quatre millions trois cent mille habitans; sa perte sera donc encore assez sensible. J'ai profite des pouvoirs que vous m'avez donnes et de la confiance dont vous m'avez revetu pour conclure ladite paix; j'y ai ete conduit: 1º. Par la saison avancee, contraire a la guerre offensive, surtout de ce cote-ci, ou il faut repasser les Alpes et entrer dans des pays tres-froids; 2º. La faiblesse de mon armee, qui cependant a toutes les forces de l'empereur contre elle; 3º. La mort de Hoche, et le mauvais plan d'operations adopte; 4º. L'eloignement des armees du Rhin des etats hereditaires de la maison d'Autriche; 5º. La nullite des Italiens. Je n'ai avec moi au plus que quinze cents Italiens qui sont le ramassis des polissons dans les grandes villes; 6º. La rupture qui vient d'eclater avec l'Angleterre; 7º. L'impossibilite ou je me trouve, par la non ratification du traite d'alliance avec le roi de Sardaigne, de me servir des troupes sardes, et la necessite d'augmenter de six mille hommes de troupes francaises les garnisons du Piemont et de la Lombardie; 8º. L'envie de la paix qu'a toute la republique, envie qui se manifeste meme dans les soldats, qui se battraient, mais qui verront avec plus de plaisir encore leurs foyers, dont ils sont absens depuis bien des annees, et dont l'eloignement ne serait bon que pour etablir le gouvernement militaire; 9º. L'inconvenance d'exposer des avantages certains et le sang francais pour des peuples peu dignes et peu amans de la liberte, qui, par caractere, habitude et religion, nous haissent profondement. La ville de Venise renferme, il est vrai, trois cents patriotes: leurs interets seront stipules dans le traite, et ils seront accueillis dans la Cisalpine. Le desir de quelques centaines d'hommes ne vaut pas la mort de vingt mille Francais; 10º. Enfin, la guerre avec l'Angleterre nous ouvrira un champ plus vaste, plus essentiel et plus beau d'activite. Le peuple anglais vaut mieux que le peuple venitien, et sa liberation consolidera a jamais la liberte et le bonheur de la France, ou, si nous obligeons ce gouvernement a la paix, notre commerce, les avantages que nous lui procurerons dans les deux mondes, seront un grand pas vers la consolidation de la liberte et le bonheur public. Si, dans tous ces calculs, je me suis trompe, mon coeur est pur, mes intentions sont droites: j'ai fait taire l'interet de ma gloire, de ma vanite, de mon ambition; je n'ai vu que la patrie et le gouvernement; j'ai repondu d'une maniere digne de moi a la confiance illimitee que le directoire a bien voulu m'accorder depuis deux ans. Je crois avoir fait ce que chaque membre du directoire eut fait en ma place. J'ai merite par mes services l'approbation du gouvernement et de la nation; j'ai recu des marques reiterees de son estime. "Il ne me reste plus qu'a rentrer dans la foule, reprendre le soc de Cincinnatus, et donner l'exemple du respect pour les magistrats et de l'aversion pour le regime militaire, qui a detruit tant de republiques et perdu plusieurs etats." Croyez a mon devouement et a mon desir de tout faire pour la liberte de la patrie. BONAPARTE. Au quartier-general a Passeriano, le 19 vendemiaire an 6 (10 octobre 1797). _Au directoire executif._ Le citoyen Botot m'a remis votre lettre du premier jour complementaire; il m'a dit, en consequence, de votre part, de revolutionner l'Italie: je lui ai demande comment cela se devait entendre; si le duc de Parme, par exemple, etait compris dans cet ordre. Il n'a pu me donner aucune explication. Je vous prie de me faire connaitre vos ordres plus clairement. J'ai retenu quelques jours ici le citoyen Botot, pour qu'il put s'assurer par lui-meme de l'esprit qui anime mon etat-major et tout ce qui m'environne. Je serais bien aise qu'il en fit autant dans les differentes divisions de l'armee, il y trouverait un esprit de patriotisme qui distingue ces braves soldats. Ma sante considerablement affaiblie, mon moral non moins affecte, ont besoin de repos et me rendent incapable de remplir les grandes choses qui restent a faire. Je vous ai deja demande un successeur: si vous n'avez pas obtempere a ma demande, je vous prie, citoyens directeurs, de le faire. Je ne suis plus en etat de commander. Il ne me reste qu'un vif interet, qui ne m'abandonnera jamais, pour la prosperite de la republique et la liberte de la patrie. BONAPARTE. Au quartier-general a Passeriano, le 22 vendemiaire an 6 (13 octobre 1797). _Au directoire executif de la republique cisalpine._ J'ai recu, citoyens directeurs, le projet que vous m'avez envoye pour la formation du departement de Mantoue. Faites faire une loi par les comites reunis, pour joindre Mantoue, la partie du Veronais que vous desirez dans votre plan, et le Brescian a la republique cisalpine. Si vous le croyez necessaire, envoyez-la moi, je la signerai: surtout que chaque departement n'excede pas cent quatre-vingt mille habitans. Je crois qu'il sera bon de mettre une partie du Brescian dans le departemens de Mantoue, pour pouvoir faire une bonne limite. La ville de Mantoue continuera cependant a etre en etat de siege, et immediatement sous les ordres du general commandant la place. Les fortifications de Mantoue seront desormais aux frais de votre gouvernement, ainsi que celles de Pizzighittone et de Peschiera. Il est indispensable que vous envoyiez un de vos officiers du genie a Mantoue, lequel se concertera avec l'officier francais, et prendra des mesures pour augmenter, autant que possible, les fortifications de cette place. J'ordonne au general Chasseloup de faire faire des projets en grand pour des fortifications permanentes. Il est egalement indispensable que l'on commence a travailler a un bon fort a la roche d'Anfous, entre Brescia et le Tyrol. Ce poste est des plus importans pour la republique cisalpine, et il demande toute votre sollicitude. Envoyez un officier du genie a Brescia. Je donne l'ordre au general Chasseloup d'en envoyer egalement un pour se concerter avec le votre, et presenter un projet pour etablir une bonne forteresse dans cette position. BONAPARTE. Au quartier-general a Passeriano, le 27 vendemiaire an 6 (18 octobre 1797). _Au directoire executif._ Le general Berthier et le citoyen Monge vous portent le traite de paix definitif qui vient d'etre signe entre l'empereur et nous. Le general Berthier, dont les talens distingues egalent le courage et le patriotisme, est une des colonnes de la republique, comme un des plus zeles defenseurs de la liberte. Il n'est pas une victoire de l'armee d'Italie a laquelle il n'ait contribue. Je ne craindrai pas que l'amitie me rende partial en retracant ici les services que ce brave general a rendus a la patrie; mais l'histoire prendra ce soin, et l'opinion de toute l'armee fondera le temoignage de l'histoire. Le citoyen Monge, un des membres de la commission des sciences et arts, est celebre par ses connaissances et son patriotisme. Il a fait estimer les Francais par sa conduite en Italie. Il a acquis une part distinguee dans mon amitie. Les sciences, qui nous ont revele tant de secrets, detruit tant de prejuges, sont appellees a nous rendre de plus grands services encore. De nouvelles verites, de nouvelles decouvertes nous reveleront des secrets plus essentiels encore au bonheur des hommes; mais il faut que nous aimions les savans et que nous protegions les sciences. Accueillez, je vous prie, avec une egale distinction, le general distingue et le savant physicien: tous les deux illustrent la patrie et rendent celebre le nom francais. Il m'est impossible de vous envoyer le traite de paix par deux hommes plus distingues dans un genre different. BONAPARTE. Au quartier-general a Passeriano, le 27 vendemiaire an 6 (18 octobre 1797). _Au ministre des relations exterieures._ La paix a ete signee hier apres minuit. J'ai fait partir, a deux heures, le general Berthier et le citoyen Monge pour vous porter le traite en original. Je me suis refere a vous en ecrire ce matin, et je vous expedie, a cet effet, un courrier extraordinaire qui vous arrivera en meme temps, et peut-etre avant le general Berthier: c'est pourquoi j'y inclus une copie collationnee de ce traite. 1 deg.. Je ne doute pas que la critique ne s'attache vivement a deprecier le traite que je viens de signer. Tous ceux cependant qui connaissent l'Europe et qui ont le tact des affaires, seront bien convaincus qu'il etait impossible d'arriver a un meilleur traite sans commencer par se battre, et sans conquerir encore deux ou trois provinces de la maison d'Autriche. Cela etait-il possible? oui. Preferable? non. En effet, l'empereur avait place toutes ses troupes contre l'armee d'Italie, et, nous, nous avons laisse toute la force de nos troupes sur le Rhin. Il aurait fallut trente jours de marche a l'armee d'Allemagne pour pouvoir arriver sur les lisieres des etats hereditaires de la maison d'Autriche, et pendant ce temps-la j'aurais eu contre moi les trois quarts de ses forces. Je ne devais pas avoir les probabilites de les vaincre, et, les eusse-je vaincues, j'aurais perdu une grande partie des braves soldats qui ont a seuls vaincu toute la maison d'Autriche et change le destin de l'Europe. Vous avez cent cinquante mille hommes sur le Rhin, j'en ai cinquante mille en Italie. 2 deg.. L'empereur, au contraire, a cent cinquante mille hommes contre moi, quarante mille en reserve, et au plus quarante mille au-dela du Rhin. 3 deg.. Le refus de ratifier le traite du roi de Sardaigne me privait de dix mille hommes et me donnait des inquietudes reelles sur mes derrieres, qui s'affaiblissaient par les armemens extraordinaires de Naples. 4 deg.. Les cimes des montagnes sont deja couvertes de neige: je ne pouvais pas, avant un mois, commencer les operations militaires, puisque, par une lettre que je recois du general qui commande l'armee d'Allemagne, il m'instruit du mauvais etat de son armee, et me fait part que l'armistice de quinze jours qui existait entre les armees n'est pas encore rompu. Il faut dix jours pour qu'un courrier se rende d'Udine a l'armee d'Allemagne annoncer la rupture; les hostilites ne pouvaient donc en realite commencer que vingt-cinq jours apres la rupture, et alors nous nous trouvions dans les grandes neiges. 5 deg.. Il y aurait eu le parti d'attendre au mois d'avril et de passer tout l'hiver a organiser les armees et a concerter un plan de campagne, qui etait, pour le dire entre nous, on ne peut pas plus mal combine; mais ce parti ne convenait pas a la situation interieure de la republique, de nos finances et de l'armee d'Allemagne. 6 deg.. Nous avons la guerre avec l'Angleterre: cet ennemi est assez considerable. Si l'empereur repare ses pertes dans quelques annees de paix, la republique cisalpine s'organisera de son cote, et l'occupation de Mayence et la destruction de l'Angleterre nous compenseront de reste et empecheront bien ce prince de penser a se mesurer avec nous. 7 deg.. Jamais, depuis plusieurs siecles, on n'a fait une paix plus brillante que celle que nous faisons. Nous acquerons la partie de la republique de Venise la plus precieuse pour nous. Une autre partie du territoire de cette republique est acquise a la Cisalpine, et le reste a l'empereur. 8 deg.. L'Angleterre allait renouveler une autre coalition. La guerre, qui a ete nationale et populaire lorsque l'ennemi etait sur nos frontieres, semble aujourd'hui etrangere au peuple, et n'est devenue qu'une guerre de gouvernement. Dans l'ordre naturel des choses, nous aurions fini par y succomber. 9 deg.. Lorsque la Cisalpine a les frontieres les plus militaires de l'Europe, que la France a Mayence et le Rhin, qu'elle a dans le Levant Corfou, place extraordinairement bien fortifiee, et les autres iles, que veut-on davantage? Diverger nos forces, pour que l'Angleterre continue a enlever a nous, a l'Espagne, a la Hollande leurs colonies, et eloigner encore pour long-temps le retablissement de notre commerce et de notre marine? 10 deg.. Les Autrichiens sont lourds et avares: aucun peuple moins intrigant et moins dangereux pour nos affaires militaires qu'eux; l'Anglais, au contraire, est genereux, intrigant, entreprenant. Il faut que notre gouvernement detruise la monarchie anglicane, ou il doit s'attendre lui-meme a etre detruit par la corruption et l'intrigue de ces actifs insulaires. Le moment actuel nous offre un beau jeu. Concentrons toute notre activite du cote de la marine, et detruisons l'Angleterre: cela fait, l'Europe est a nos pieds. BONAPARTE Au quartier-general a Trevise, le 5 brumaire an 6 (26 octobre 1797). _Au citoyen Villetard._ J'ai recu, citoyen, votre lettre du 3 brumaire, je n'ai rien compris a son contenu; il faut que je ne me sois pas bien explique avec vous. La republique francaise n'est liee avec la municipalite de Venise par aucun traite qui nous oblige a sacrifier nos interets et nos avantages a celui du comite du salut public ou de tout autre individu de Venise. Jamais la republique francaise n'a adopte pour maxime de faire la guerre pour les autres peuples. Je voudrais connaitre quel serait le principe de philosophie ou de morale qui ordonnerait de faire sacrifier 40,000 Francais contre le voeu bien prononce de la nation et l'interet bien entendu de la republique. Je sais bien qu'il n'en coute rien a une poignee de bavards, que je caracteriserais bien en les appelant fous, de vouloir la republique universelle; je voudrais que ces messieurs pussent faite une campagne d'hiver: d'ailleurs, la nation venitienne n'existait pas. Divises en autant d'interets qu'il y a de villes, effemines et corrompus, aussi laches qu'hypocrites, les peuples de l'Italie, et specialement le peuple venitien, n'est pas fait pour la liberte. S'il etait dans le cas de l'apprecier, et s'il avait les vertus necessaires pour l'acquerir, eh bien! la circonstance actuelle lui est tres-avantageuse pour le prouver: qu'il la defende! Il n'a pas eu le courage de la conquerir, meme contre quelques miserables oligarques; il n'a pas pu meme se defendre quelque temps dans la ville de Zara, et peut-etre meme que, si l'armee fut entree en Allemagne, nous eussions vu se renouveler, sinon les scenes de Verone, du moins des assassinats particuliers, multiplies, qui produisent le meme effet sinistre pour l'armee. Au reste, la republique francaise ne peut pas donner, comme on pourrait le croire, les etats de Venise. Ce n'est pas que, dans la realite, ces etats n'appartiennent a la France par droit de conquete; mais c'est parce qu'il n'est point dans les principes du gouvernement de donner aucun peuple. Lors donc que l'armee francaise evacue ces pays-ci, les differens gouvernemens sont maitres de prendre toutes les mesures qu'ils pourraient juger avantageuses a leur pays. Si je vous avais charge de conferer avec le comite de salut public sur l'evacuation qu'il est possible que l'armee francaise execute, c'est pour le mettre a meme de prendre toutes les mesures, soit pour leur pays, soit pour les individus qui voudraient se retirer dans les pays qui, reunis a la republique cisalpine, sont reconnus et garantis par la republique francaise. Vous avez du egalement faire connaitre au comite de salut public que les individus qui voudraient suivre l'armee francaise auraient tout le temps necessaire pour vendre leurs biens, quel que soit le sort de ces pays, et que meme je savais qu'il etait dans l'intention de la republique cisalpine de leur accorder le titre de citoyen. Votre mission doit se borner la; quant au reste, ils feront ce qu'ils voudront. Vous leur en avez assez dit pour leur faire sentir que tout n'etait pas perdu, que tout ce qui arrivait etait la suite d'un grand plan. Si les armes de la republique francaise continuaient a etre heureuses contre une puissance qui a ete le nerf et le coffre-fort de toute la coalition, peut-etre Venise aurait pu, par la suite, se trouver reunie avec la Cisalpine; mais je vois que ce sont des laches. Ils ne savent que faire, eh bien! qu'ils fuient! Je n'ai pas besoin d'eux. Le general Serrurier vous communiquera les differens ordres que je lui ai envoyes. Je vous prie, dans l'absence du citoyen Lallemant, de cooperer de tout votre pouvoir a leur execution. BONAPARTE. Au quartier-general a Milan, le 10 brumaire an 6 (31 octobre 1797). _Au directoire executif._ Le contre-amiral Brueys a mouille, le 8 brumaire, dans la rade de Raguse. Conformement aux instructions que je lui avais donnees, il annonca a cette republique l'interet que le directoire executif prend a son independance, et le desir qu'il avait de faire tout ce qui etait necessaire pour la maintenir; il a ete accueilli, de la maniere la plus amicale, par les habitons de Raguse. Il est difficile de voir une escadre plus belle que celle du contre-amiral Brueys. J'ai cru devoir donner une marque de satisfaction aux equipages pour leur bonne conduite et la dexterite qu'ils ont mise dans les differentes manoeuvres que le contre-amiral Brueys leur a fait executer, en leur accordant, en gratification, un habillement neuf. J'ai fait egalement solder tout ce qui etait du aux equipages. Le contre-amiral Brueys est un officier distingue par sel connaissances, autant que par la fermete de son caractere. Un capitaine de son escadre ne se refuserait pas deux fois de suite a l'execution de ses signaux. Il a l'art et le caractere pour se faire obeir. Je lui ai fait present de la meilleure lunette d'Italie, avec l'inscription suivante: "Donne par le general B......... au contre-amiral Brueys, de la part du directoire executif." BONAPARTE. Au quartier-general a Milan, le 12 brumaire an 6 (2 novembre 1797). _A M. de Cobentzel, ambassadeur._ Je recois a l'instant, monsieur l'ambassadeur, un courrier de Paris, qui m'apporte la ratification du directoire executif du traite de paix que nous avons signe. Je me fais en consequence un devoir de vous en prevenir. Les citoyens Treilhard, Bonnieres et moi, nous avons ete nommes pour assister au congres de Rastadt. Le gouvernement m'a egalement nomme pour etre l'officier-general charge de prendre toutes les mesures pour l'execution du traite de paix, conformement a notre convention additionnelle. J'attends, monsieur le comte, avec interet le courrier que vous m'avez promis de m'envoyer. Je l'attendrai a Milan. Je suis charme que cette occasion me mette a meme de me rappeler a votre souvenir, ainsi qu'a celui de MM. de Gallo, de Merweeldt et Dengelmann. BONAPARTE. Au quartier-general a Milan, le 5 brumaire an 6 (5 novembre 1797). _Au directoire executif._ J'ai envoye a Vienne, par le courrier Moustache, l'avis a M. le comte de Cobentzel que vous aviez ratifie le traite de paix de Passeriano. J'attends a chaque instant l'avis que l'empereur a ratifie, je suis surpris de ne l'avoir pas encore recu. J'envoie a Corfou la sixieme demi-brigade de ligne pour renforcer la garnison, j'y ai fait passer des approvisionnemens considerables. J'ai expedie un navire au contre-amiral Brueys pour qu'il se tint pret a partir de Corfou avec l'escadre venitienne. J'ai renforce la garnison d'Ancone de la trente-neuvieme demi-brigade. Je crois que vous pourriez laisser 25,000 hommes en Italie, en mener trente-six mille en Angleterre, et faire rentrer le reste a Nice, a Chambery et en Corse. Je me rendrai a Rastadt des l'instant que j'aurai des nouvelles de Vienne. Je prepare tout pour les differens mouvemens des troupes, qui ne pourront plus avoir lieu avant que nous occupions Mayence. Pour faire avec quelques probabilites l'expedition d'Angleterre, il faudrait: 1 deg.. De bons officiers de marine; 2 deg.. Beaucoup de troupes bien commandees, pour pouvoir menacer sur plusieurs points et ravitailler la descente; 3 deg.. Un amiral intelligent et ferme: je crois Truguet le meilleur; 4 deg.. Trente millions d'argent comptant; 5 deg.. Le general Hoche avait de tres-bonnes cartes d'Angleterre, qu'il faudrait redemander a ses heritiers. Vous ne pouviez pas faire choix d'un officier plus distingue que le general Desaix. Quoique veritablement j'aurais besoin de repos, je ne me refuserai jamais a payer, autant qu'il sera en moi, mon tribut a la patrie. BONAPARTE. Au quartier-general a Milan, le 17 brumaire au 6 (7 novembre 1797). _Au directoire executif._ Je vous fais passer l'organisation que je viens de donner aux Iles du Levant dans la mer Ionienne. J'ai ecrit a Venise que l'on reunisse tous les memoires geographiques et tous les ouvrages relatifs a ces etablissemens, pour les envoyer au ministre de l'interieur. Je m'occupe a force a mettre la derniere main a l'organisation de la republique cisalpine. Je ne crois pas qu'il soit possible que je parte avant le 22. Je ne pourrai pas etre avant le 30 a Rastadt[1]: je compte passer par Chambery et Geneve; mais je vais faire partir demain matin un de mes aides-de-camp, qui y arrivera avant le 27. BONAPARTE. [Footnote 1: Bonaparte venait d'etre nomme ministre plenipotentiaire de la republique francaise aupres du congres de Rastadt.] Au quartier-general a Milan, le 18 brumaire an 6 (8 novembre 1797). _A M. le marquis de Chasteler, quartier-maitre general de l'armee autrichienne._ Je n'attendais, monsieur, que la nouvelle de la ratification de Vienne, pour vous engager a terminer le travail dont vous etes charge. J'ecris par le meme courrier au general Chasseloup pour qu'il se rende a Verone: je le prie de m'expedier par un courrier extraordinaire la premiere partie de votre travail depuis la Lizza jusqu'a San-Giacomo. Je desire, si vous tombez d'accord, comme je l'espere, que vous me l'expediiez par un courrier extraordinaire, afin que je le recoive avant mon depart pour Rastadt, et que cela n'apporte aucun obstacle a l'echange des ratifications. BONAPARTE. Au quartier-general a Milan, le 20 brumaire an 6 (10 novembre 1797). _A M. le marquis de Manfredini._ Le citoyen Cacault, ministre de la republique, s'adressera a vous, monsieur, de ma part, pour obtenir un service pour l'armee. Je desirerais que S.A.R. facilitat la negociation de 2,000,000 de lettres de change que la caisse de l'armee a sur la republique cisalpine. Vous trouverez ci-joint une note detaillee sur cet objet de l'administrateur general des finances de l'armee. Croyez, je vous prie, monsieur le marquis, aux sentimens d'estime et a la haute consideration, etc., etc. BONAPARTE. Au quartier-general a Milan, le 20 brumaire an 6 (10 novembre 1797). _ A M. Louis, comte de Cobentzel, ambassadeur._ Le courrier que vous m'avez envoye, monsieur l'ambassadeur, s'est croise avec celui que je vous avais expedie. Je pars dans deux ou trois jours pour me rendre a Rastadt. Les conseils ont egalement ratifie le traite de paix. Je ne doute pas que j'aurai le plaisir de vous voir a Rastadt pour l'echange des ratifications. J'ai donne les ordres pour que les sequestres mis a Venise sur les effets appartenans a S.M. l'empereur soient leves. Croyez, je vous prie, a l'estime et a la haute consideration que j'ai pour vous, et renouvelez-moi au souvenir de MM. le chevalier de Gallo, le comte de Meerweldt et le baron de Degelmann. BONAPARTE. Au quartier-general a Milan, le 20 brumaire an 6 (10 novembre 1797). _Au general Gentili._ Vous avez tres-bien fait, citoyen general, de vous refuser aux pretentions d'Ali-Pacha: tout en l'empechant d'empieter sur ce qui nous appartient, vous devez cependant le favoriser autant qu'il sera en vous. Il est de l'interet de la republique que ce pacha acquiere un grand accroissement, batte tous ses rivaux, afin qu'il puisse devenir un prince assez puissant pour pouvoir rendre des services a la republique. Les etablissemens que nous avons sont si pres de lui, qu'il n'est jamais possible qu'il puisse cesser d'avoir interet d'etre notre ami. Envoyez des officiers du genie et d'etat-major aupres de lui, afin de vous rendre un etat de la situation, de la population et des coutumes de toute l'Albanie; faites faire des descriptions geographiques, topographiques de toute cette partie si interessante aujourd'hui pour nous depuis l'Albanie jusqu'a la Moree, et faites en sorte d'etre bien instruit de toutes les intrigues qui divisent ces peuples. Il est necessaire, citoyen general, que vous caressiez toutes les peuplades qui environnent Prevesa, et en general celles qui touchent nos possessions, et qui paraissent deja si bien disposees en notre faveur. Je vous fais passer l'organisation des iles en trois departemens, je vous prie de la mettre sur-le-champ a execution. J'ai nomme au consulat d'Otrante le citoyen Leclerc. BONAPARTE. Au quartier-general a Milan, le 21 brumaire an 6 (11 novembre 1797). _Au gouvernement provisoire de la republique ligurienne._ Je vais repondre, citoyens, a la confiance que vous m'avez montree, en vous faisant connaitre une partie des modifications dont votre projet de constitution peut etre susceptible. Vous avez besoin de diminuer les frais de l'administration, pour ne pas etre obliges de surcharger le peuple, et de detruire l'esprit de localite fomente par votre ancien gouvernement. Cinq directeurs, trente membres du conseil des anciens, et soixante des jeunes, vous forment une representation suffisante. La suppression de vos administrations de district me parait essentielle. Que le corps legislatif partage votre territoire en quinze ou vingt juridictions, en cent cinquante ou deux cents cantons, ou municipalites centrales. Ayez, dans chaque juridiction, un tribunal compose de trois juges; dans chaque canton un, deux et meme trois juges de paix, selon leur population et leurs localites. Ayez, dans chaque juridiction, un commissaire nomme par le directoire executif, qui soit a la fois commissaire pres le tribunal et specialement charge de faire passer aux differentes municipalites les ordres du gouvernement et de l'instruire des evenemens qui pourraient survenir dans chaque municipalite. Que la municipalite centrale du canton soit composee de la reunion d'un depute de chacune des communes qui composent le canton; qu'elle soit presidee par le juge de paix du chef-lieu du canton, et qu'elle ne se rassemble momentanement qu'en consequence des ordres du gouvernement. Partagez votre territoire en sept ou dix divisions militaires; que chacune soit commandee par un officier de troupes de ligne: vous aurez par la une justice qui pourra etre bien administree, et une organisation extremement simple, tant pour la repartition des impositions, que pour le maintien de la tranquillite publique. Plusieurs questions particulieres sont egalement interessantes: ce n'est pas assez de ne rien faire contre la religion, il faut encore ne donner aucun sujet d'inquietude aux consciences les plus timorees, ni aucune arme aux hommes mal-intentionnes. Exclure tous les nobles des fonctions publiques est d'une injustice revoltante, vous feriez ce qu'ils ont fait; cependant les nobles qui ont exerce les places dans les colleges, qui s'etaient attribue tous les pouvoirs, qui ont tant de fois meconnu les formes memes de leur gouvernement, et ont sans cesse cherche a river davantage les chaines du peuple, et a organiser une oligarchie au detriment meme de l'aristocratie, ces hommes ne peuvent plus etre appeles aux fonctions de l'etat; la justice le permet et la politique l'ordonne, tout comme l'une et l'autre vous ordonnent de ne pas priver des droits de citoyen ce grand nombre d'hommes qui sont si utiles a votre patrie. Le port franc est une pomme de discorde que l'on a jetee au milieu de vous. Autant il est absurde que tous les points de la republique pretendent a la franchise du port, autant il pourrait etre inconvenant et paraitre un privilege d'acquisition de laisser la franchise du port a la ville de Genes seule. Le corps legislatif doit avoir le droit de declarer la franchise pour deux points de la republique; la ville de Genes ne doit tenir la franchise de son port que de la volonte du corps legislatif, mais le corps legislatif doit la lui donner. Pourquoi le peuple ligurien est-il deja si change? A ces premiers elans de fraternite et d'enthousiasme ont succede la crainte et la terreur: les pretres s'etaient, les premiers, rallies autour de l'arbre de la liberte; les premiers, ils vous avaient dit que la morale de l'Evangile est toute democratique; mais des hommes payes par vos ennemis, dans les revolutions de tous les pays, auxiliaires immediats de la tyrannie, ont profite des ecarts, meme des crimes de quelques pretres, pour ecrire contre la religion, et les pretres se sont eloignes. Une partie de la noblesse a ete la premiere a donner l'eveil au peuple et a proclamer les droits de l'homme; l'on a profite des ecarts, des prejuges ou de la tyrannie passee de quelques nobles; l'on a proscrit en masse, et le nombre de vos ennemis s'est accru. Apres avoir ainsi fait planer les soupcons sur une partie des citoyens, et les avoir armes les uns contre les autres, on a fait plus, on a divise les villes contre les villes. On vous a dit que Genes voulait tout avoir, et tous les villages ont pretendu avoir le port franc; ce qui detruirait les douanes, et rendrait impossible la conservation de l'etat. La situation alarmante ou vous vous trouvez est l'effet des sourdes menees des ennemis de la liberte et du peuple; mefiez-vous de tout homme qui veut exclusivement concentrer l'amour de la patrie dans ceux de sa cotterie. Si son langage a l'air de defendre le peuple, c'est pour l'exasperer et le diviser. Il denonce sans cesse, lui seul est pur. Ce sont des hommes payes par les tyrans, dont ils secondent si bien les vues. Quand, dans un etat (surtout dans un petit), l'on s'accoutume a condamner sans entendre, a applaudir d'autant plus a un discours, qu'il est plus furieux; quand on appelle vertu l'exageration et la fureur, et crime la moderation, cet etat-la est pres de sa ruine. Il en est des etats comme d'un batiment qui navigue, et comme d'une armee; il faut de la froideur, de la moderation, de la sagesse, de la raison dans la conception des ordres, commandemens ou lois, et de l'energie et de la vigueur dans leur execution. Si la moderation est un defaut, et un defaut tres-dangereux pour les republiques, c'est d'en mettre dans l'execution des lois sages; si les lois sont injustes, furibondes, l'homme de bien devient alors l'executeur modere; c'est le soldat qui est plus sage que le general: cet etat-la est perdu. Dans un moment ou vous allez vous constituer en un gouvernement stable, ralliez-vous; faites treve a vos mefiances, oubliez les raisons que vous croiriez avoir pour vous desunir, et, tous d'accord, organisez votre gouvernement. J'avais toujours desire pouvoir aller a Genes, et vous dire moi-meme ce que je ne puis ici que vous ecrire: c'est le fruit de l'experience acquise au milieu des orages de la revolution du grand peuple, et que confirment l'histoire de tous les temps et votre propre exemple. Croyez que dans tous les lieux ou mon devoir et le service de ma patrie m'appelleront, je regarderai comme un des momens les plus precieux celui ou je pourrai etre utile a votre republique, et comme ma plus grande satisfaction d'apprendre que vous vivez heureux, unis, et que vous pouvez, dans tous les evenemens, etre, par votre alliance, utiles a la grande nation, a qui vous devez la liberte et un accroissement de population de pres de cent mille ames. BONAPARTE. Au quartier-general a Milan, le 21 brumaire an 6 (11 novembre 1797). _Au peuple cisalpin._ Citoyens, A compter du 1er frimaire, votre constitution se trouvera en pleine activite. Votre directoire, votre corps legislatif, votre tribunal de cassation, les autres administrations subalternes se trouveront organises. Vous etes le premier exemple, dans l'histoire, d'un peuple qui devient libre sans factions, sans revolutions et sans dechiremens. Nous vous avons donne la liberte, sachez la conserver. Vous etes, apres la France, la republique la plus populeuse, la plus riche. Votre position vous appelle a jouer un grand role dans les affaires de l'Europe. Pour etre dignes de votre destinee, ne faites que des lois sages et moderees. Faites-les executer avec force et energie. Favorisez la propagation des lumieres, et respectez la religion. Composez vos bataillons, non pas de gens sans aveu, mais de citoyens qui se nourrissent des principes de la republique, et soient immediatement attaches a sa prosperite. Tous avez en general besoin de vous penetrer du sentiment de votre force et de la dignite qui convient a l'homme libre. Divises et plies depuis tant d'annees a la tyrannie, vous n'eussiez pas conquis votre liberte; mais sous peu d'annees, fussiez-vous abandonnes a vous-memes, aucune puissance de la terre ne sera assez forte pour vous l'oter. Jusqu'alors la grande nation vous protegera contre les attaques de vos voisins. Son systeme politique sera reuni au votre. Si le peuple romain eut fait le meme usage de sa force que le peuple francais, les aigles romaines seraient encore sur le Capitole, et dix-huit siecles d'esclavage et de tyrannie n'auraient pas deshonore l'espece humaine. J'ai fait, pour consolider la liberte et en seule vue de votre bonheur, un travail que l'ambition et l'amour du pouvoir ont seuls fait faire jusqu'ici. J'ai nomme a un grand nombre de places, je me suis expose a avoir oublie l'homme probe et avoir donne la preference a l'intrigant; mais il y avait des inconveniens majeurs a vous laisser faire ces premieres nominations: vous n'etiez pas encore organises. Je vous quitte sous peu de jours. Les ordres de mon gouvernement, et un danger imminent que courrait la republique cisalpine, me rappelleront seuls au milieu de vous. Mais, dans quelque lieu que le service de ma patrie m'appelle, je prendrai toujours une vive sollicitude au bonheur et a la gloire de votre republique. BONAPARTE. Au quartier-general a Milan, le 11 brumaire an 6 (12 novembre 1797). _Au chef des trois ligues._ Le citoyen Comeyras, resident de la republique francaise, vous a fait passer la decision que j'ai prise, au nom de la republique, le 10 octobre, par laquelle les peuples de la Valteline, Chiavene et Bormio sont libres de pouvoir se reunir avec la republique cisalpine, laquelle reunion a effectivement eu lieu. Vous avez, magnifiques seigneurs, sollicite la mediation de la republique francaise. Je l'avais acceptee avec repugnance, parce qu'il est dans nos principes de nous meler le moins possible dans les affaires des autres peuples; mais j'ai du ceder a vos vives instances, j'ai du ceder meme a la voix du devoir, etant garant de l'execution des capitulats qui vous liaient avec les peuples de la Valteline, de Chiavene et de Bormio. De quelle influence et de quelle raison a-t-on pu se servir pour vous aveugler sur vos interets, et pour vous faire substituer a la conduite franche et loyale qui distingue votre brave nation, une conduite tortueuse, contraire a la bonne foi et specialement aux egards que vous devez a la grande nation que vous avez choisie pour mediatrice? Depuis quatre mois que j'ai accepte la mediation, quoique le citoyen Comeyras vous eut continuellement sollicites, ce n'est qu'aujourd'hui, lorsque vous avez du savoir la decision que j'avais prise, que vous avez envoye des deputes. Magnifiques seigneurs, votre brave nation est mal conseillee, les intrigans substituent la voix de leurs passions et de leurs prejuges a celle de l'interet de leur patrie et aux principes de la democratie. La Valteline, Chiavene et Bormio sont irrevocablement reunis a la republique cisalpine. Du reste, cela n'alterera d'aucune maniere la bonne amitie et la protection que la republique francaise vous accordera, toutes les fois que vous vous conduirez envers elle avec les egards qui sont dus au plus puissant peuple du monde. Croyez au sentiment d'estime et a la haute consideration que j'ai pour vous, etc., etc. BONAPARTE. Au quartier-general a Milan, le 22 brumaire an 6 (12 novembre 1797). _Au directoire executif._ Je vous ferai passer la distribution de l'armee d'Italie en armee d'Angleterre. J'ai fait toutes les dispositions et donne tous les ordres en consequence, afin que, des l'instant que l'echange des ratifications aura eu lieu, et que nous serons dans Mayence, on puisse commencer a mettre les colonnes en marche pour l'Ocean. Je ferai partir demain le citoyen Andreossy, chef de brigade d'artillerie, pour se rendre a Paris, afin de faire fondre des canons du calibre de l'artillerie de campagne anglaise, et faire faire des caissons plus legers et plus propres a l'embarquement que les notres. Il est necessaire d'avoir des canons du calibre de ceux des Anglais, afin qu'une fois dans le pays on puisse se servir de leurs boulets. Je travaille nuit et jour pour achever l'organisation de la republique cisalpine et pour arranger l'Italie et l'armee, de maniere que mon absence n'y fasse aucun vide et n'ait aucun inconvenient. Je ne pourrai pas partir avant le 29. Je me suis fait preceder a Rastadt du general de brigade Murat. Je ne suis pas fache de ne m'y trouver que le 4 ou 5 frimaire, cela me donne d'autant plus de temps pour achever les cinq batimens de guerre qui nous reviennent a Venise, et les mettre dans le cas de tenir la mer. Le ministre des relations exterieures vous rendra compte des operations que je viens de faire dans la Cisalpine et a Genes. Une grande partie des Genois desirent etre Francais. C'est une acquisition qui, je crois, nous serait utile et qu'il ne faut pas perdre de vue. Je ne crois pas que la constitution qu'ils ont acceptee, quoique j'y aie fait quelques changemens pour l'ameliorer, puisse leur convenir, et, si nous aidons un peu, avant deux ou trois ans ils viendront se jeter a nos genoux pour que nous les recevions comme citoyens francais. J'ai envoye a Malte le citoyen Poussielgue sous le pretexte d'inspecter toutes les Echelles du Levant mais, a la verite, pour mettre la derniere main au projet que nous avons sur cette ile. Je vous ferai tenir l'ordre que j'ai donne pour regler les affaires de Venise. La republique cisalpine s'est emparee de quelques villages qui sont sur la rive gauche du Po, qui depuis long-temps sont en controverse avec le duc de Parme, et des lors les genaient beaucoup. Elle s'empare egalement de la forteresse de Saint-Leo, enclavee dans la Romagne, ou le pape est entre. Je ne sais trop pourquoi elle aura cette forteresse, extremement interessante, en donnant quelque argent aux soldats du pape qui la defendent, et en faisant quelques dispositions. BONAPARTE. Au quartier-general a Milan, le 23 brumaire an 6 (13 novembre 1797). _Au consul de la republique francaise a Malte._ De nouvelles relations, citoyen, vont resulter de la reunion a la republique francaise des iles de Corfou, Zante, Cephalonie et Cerigo. Je charge le citoyen Poussielgue, premier secretaire de la legation de France a Genes, qui a la confiance du gouvernement et toute la mienne, de se transporter dans les differentes echelles du Levant, a l'effet d'y recueillir les observations et d'y prendre tous les renseignemens necessaires pour mettre le gouvernement en etat de faire les changemens et modifications a apporter dans nos relations commerciales et politiques dans cette partie, et d'etablir, de la maniere la plus sure, la correspondance et les communications regulieres entre le continent de la republique francaise et ses iles de l'Adriatique. Je vous prie d'aider le citoyen Poussielgue de vos connaissances et de vos lumieres dans tout ce qui concerne sa mission, et de le faire connaitre aupres du gouvernement du pays ou vous residez. L'intention du gouvernement de la republique francaise est de consolider toujours ses interets avec ceux des gouvernemens etrangers, dans les relations qu'il peut avoir a etablir chez eux. BONAPARTE. _Commission d'inspecteur general des echelles du Levant._ La reunion a la republique francaise des iles de Corfou, Zante, Cephalonie et Cerigo, allant procurer a la France de nouvelles relations politiques et commerciales dans la Mediterranee et principalement dans le Levant; et le gouvernement voulant, le plus tot possible, etablir ses rapports d'une maniere reguliere et avantageuse, le general en chef de l'armee d'Italie charge, en son nom, le citoyen Poussielgue, premier secretaire de la legation de la republique francaise a Genes de se transporter immediatement, en qualite d'inspecteur general des echelles du Levant aupres des differens consuls et agens de la republique dans le Levant, et en general de visiter tous les etablissemens francais situes dans cette partie; il examinera dans chaque point la situation actuelle de notre commerce et de nos relations; observera les changemens eprouves depuis la revolution; recherchera les moyens les plus prompts de retablir l'ancienne prosperite de notre commerce, et de l'accroitre en proportion des avantages de notre nouvelle position; il examinera sous quels rapports il conviendrait d'etendre ou de modifier nos relations politiques; il prendra enfin des renseignemens sur la maniere la plus sure d'etablir notre correspondance et nos communications regulieres et periodiques entre le continent de la France et nos iles de l'Adriatique, en fixant les points intermediaires en Corse, en Sardaigne, en Sicile ou a Malte, ou en les etablissant sur le continent de l'Italie par Ancone. Au retour de cette mission, qu'il accelerera autant qu'il sera possible, il remettra au general en chef de l'armee d'Italie son rapport general sur tous les objets dont il est charge par la presente commission. BONAPARTE. Au quartier-general a Milan, le 24 brumaire an 6 (14 novembre 1797). _Au ministre des relations exterieures._ Je vous fais passer, citoyen ministre, copie de la commission que j'ai donnee au citoyen Poussielgue et de ma lettre au consul a Malte. Le but reel de la mission du citoyen Poussielgue est de mettre la derniere main aux projets que nous avons sur Malte. BONAPARTE. Au quartier-general a Milan, le 24 brumaire an 6 (14 novembre 1797). _Au cardinal Mattei._ J'ai recu, monsieur le cardinal, votre lettre du 9 novembre. Je pars demain pour le congres de Rastadt. La cour de Rome commence a se mal conduire. Contre l'opposition formelle qu'avait faite l'ambassadeur, et la promesse qu'avait donnee le secretaire de l'etat, elle vient de donner le commandement des troupes papales au general Provera. Je crains bien que les maux que vous avez en partie epargnes a votre patrie ne tombent sur elle. Souvenez-vous, monsieur le cardinal, des conseils que vous avez donnes au pape a votre depart de Ferrare. Faites donc entendre a Sa Saintete, que, si elle continue a se laisser mener par le cardinal Busca et autres intrigans, cela finira mal pour vous. BONAPARTE. Au quartier-general a Milan, le 24 brumaire an 6 (14 novembre 1797). _Au citoyen Joseph Bonaparte, ambassadeur de la republique francaise a Rome._ J'ai partage votre indignation, citoyen ambassadeur, lorsque vous m'avez appris l'arrivee du general Provera. Vous pouvez declarer presentement a la cour de Rome que, si elle recoit a son service aucun officier connu pour etre on avoir ete au service de l'empereur, toute bonne intelligence entre la France et la cour de Rome cesserait a l'heure meme, et la guerre se trouverait declaree. Vous ferez connaitre, par une note speciale au pape, que vous adresserez a lui-meme en personne, que quoique la paix soit faite avec S.M. l'empereur, la republique francaise ne consentira pas a ce que le pape accepte dans ses troupes aucun officier ni aucun agent, sous quelque denomination que ce soit, de l'empereur, hormis les agens diplomatiques d'usage. Vous exigerez que M. le general Provera, vingt-quatre heures apres la presentation d'une note que vous ferez a ce sujet, quitte le territoire de Sa Saintete, sans quoi vous declarerez que vous allez quitter Rome. Vous ferez connaitre, dans la conversation, au pape que je viens d'envoyer trois autres mille hommes a Ancone, lesquels ne retrograderont que lorsque vous leur ferez connaitre que M. Provera et tous les autres officiers autrichiens auront quitte le territoire de Sa Saintete. Vous ferez connaitre au secretaire-d'etat que si Sa Saintete se porte a faire executer aucun des detenus, de ceux que vous avez reclames, la republique francaise, par represailles, fera arreter les attenans du cardinal Busca et des autres cardinaux qui egarent la cour de Rome. Enfin, je vous invite a prendre dans vos notes un style concis et ferme, et, si le cas arrive, vous pouvez quitter Rome et vous rendre a Florence ou a Ancone. Vous ne manquerez pas de faire connaitre a Sa Saintete et au secretaire-d'etat, qu'a peine vous aurez quitte le territoire de Sa Saintete, vous declarerez la reunion d'Ancone a la Cisalpine. Vous sentez que cette phrase doit se dire et non pas s'ecrire. BONAPARTE. Au quartier-general a Milan, le 24 brumaire an 6 (14 novembre 1797). _Au general Kilmaine._ Je pars, citoyen general, pour me rendre au congres de Rastadt. Vous prendrez le commandement de l'armee jusqu'a l'arrivee du general Berthier. Le general de brigade Leclerc remplira les fonctions de chef de l'etat-major. Le chef de l'etat-major vous fera connaitre les mouvemens que j'ai ordonnes pour mettre l'armee en etat de faire son mouvement retrograde, des l'instant que je vous en enverrai l'ordre par un de mes aides-de-camp. Si le bataillon de la soixante-dix-neuvieme, qui etait dans la huitieme division militaire arrive, vous l'enverrez a Ancone, ou il s'embarquera pour Corfou, ainsi que tous les detachemens des sixieme et soixante-dix-neuvieme demi-brigades. Vous laisserez a Ancone la trente-neuvieme demi-brigade de ligne. Les generaux Chabot et Lasalcette ont ordre de se rendra a Corfou. Le general Baraguey d'Hilliers, comme vous le verrez par les ordres que j'ai donnes, doit faire l'arriere-garde de l'armee. Jusqu'a ce que vous receviez de nouveaux ordres de moi de Rastadt, le general Baraguey d'Hilliers occupera la Ponteba, les gorges de Cividale et Monte-Falcone, independamment de quoi il y aura une demi-brigade, comme j'en ai specialement donne l'ordre, pour la garnison de Palma-Nova, et un bataillon pour celle d'Osopo. Si des evenemens quelconques vous faisaient penser necessaire de renforcer le general Baraguey d'Hilliers, vous le feriez avec la onzieme demi-brigade de ligne, qui doit etre a Bassano, et avec la division du general Guieux, qui se trouvera a Padoue et composee des onzieme, vingt-troisieme et vingt-neuvieme d'infanterie legere; et enfin, si cela ne suffisait pas, par toute la division du general Serrurier, qui est a Venise, et par la grosse cavalerie, le vingt-quatrieme de chasseurs, le septieme de hussards, et, s'il le fallait, par toute la division de cavalerie aux ordres du general Rey. Par ce moyen, la partie de l'armee qui est destinee a faire partie de l'armee d'Angleterre, resterait toujours placee en deca de la Brenta. Je ne prevois pas le cas ou vous vous trouverez en rupture ouverte avec l'ennemi, alors meme il faudrait marcher avec toutes vos divisions, et employer tous les moyens qui sont en votre pouvoir. Vous devez prendre les mesures, meme celles de rigueur, des arrestations, des contributions forcees, pour que les ordres que j'ai donnes a Venise pour l'achevement de nos vaisseaux et l'evacuation de cette place soient termines. Le chef de l'etat-major, le general Serrurier et le citoyen Villetard vous donneront des renseignemens sur cette place. J'ai donne tous les ordres necessaires, il ne s'agit plus que de les executer avec vigueur. Il faut laisser le gouvernement cisalpin livre a lui-meme, s'essayer; cependant, s'il demandait votre secours, vous devez lui accorder celui de votre influence morale et des troupes qui sont a vos ordres, pour le soutenir. Tous les princes d'Italie etant accoutumes, pour le moindre evenement, a recourir a moi, vous devez, pour ce qui regarde la republique cisalpine, les renvoyer au ministre des affaires etrangeres, disant que cela ne vous regarde point. Pour ce qui est de nos troupes, veillez a ce qu'elles vivent en bonne intelligence et sous la plus severe discipline, a ce qu'elles soient bien logees et bien nourries, excepte dans la republique cisalpine, ou nous en sommes empeches par nos traites. Vous pouvez favoriser tous les elans de la ville d'Ancone pour la liberte, notre intention etant de la considerer comme une republique independante. La neuvieme demi-brigade de bataille doit etre toute reunie a Genes. Vous devez egalement preter le secours de votre influence morale et de vos troupes, pour soutenir le gouvernement democratique a Genes. Vous me ferez passer a Rastadt, par des courriers extraordinaires, toutes les depeches que vous recevrez de Corfou et de l'amiral Brueys. La cour de Rome commence a se mal conduire: vous devez soutenir par votre influence morale, et, dans l'occasion, en faisant concourir le mouvement de quelques troupes, les demarches que ferait l'ambassadeur de la republique de Rome, et surtout avoir bien soin que le roi de Naples ne sorte point de ses frontieres. BONAPARTE. Au quartier-general a Milan, le 24 brumaire an 6 (14 novembre 1797). _Au contre-amiral Brueys._ Je vous ai ecrit, general, par mon aide-de-camp Eugene Beauharnais, pour vous donner des nouvelles de la paix. Je vous instruis aujourd'hui que la paix ayant ete ratifiee par les deux conseils, je me rends a Rastadt pour suivre differentes negociations diplomatiques. Je vous ai deja ecrit de vous preparer avec vos vaisseaux venitiens, afin de pouvoir les convoyer jusqu'aux iles Saint-Pierre, et, de la, prendre votre vol pour la grande expedition. J'ai ete nomme pour commander l'armee d'Angleterre, j'ai demande que Truguet commandat: vous sentez combien il serait necessaire de vous avoir la avec vos six vaisseaux, vos fregates et vos corvettes. Je viens d'envoyer un agent diplomatique a Malte. La sixieme demi-brigade, forte de seize cents hommes, part demain pour se rendre a Corfou: cela vous mettra a meme de pouvoir embarquer trois mille hommes pour la petite expedition, et je vous enverrai des ordres pour l'une et pour l'autre par un de mes aides-de-camp. Vous aurez avec vous _la Diane_ et _la Junon_. BONAPARTE. Au quartier-general a Milan, le 25 brumaire an 6 (15 novembre 1797). _Au directoire executif._ Le general Clarke, qui se rend a Paris, est employe en Italie depuis plusieurs mois. Dans toutes les lettres qui lui ont ete adressees et qui ont ete interceptees, et qui me sont parvenues, je n'ai jamais rien vu que de conforme aux principes de la republique. Il s'est conduit dans les memes principes aux negociations. Le general Clarke est travailleur et d'un sens droit. Si ses liaisons avec Carnot le rendent suspect dans la diplomatie, je crois qu'il peut etre utile dans le militaire, et surtout a l'expedition d'Angleterre. S'il se trouve avoir besoin d'indulgence, je vous prie de lui en accorder un peu. En derniere analyse, le general Clarke est un bon homme: je l'ai retenu a Passeriano jusqu'au 30 vendemiaire, et depuis il a ete malade. BONAPARTE. Au quartier-general a Milan, le 25 brumaire an 6 (15 novembre 1797). _Au directoire executif._ Je vous envoie plusieurs exemplaires de mes adieux a la republique cisalpine et a l'armee: je compte partir decidement demain. Le citoyen Cerbelloni m'a demande sa demission. Je vous fais passer copie de sa lettre et de l'arrete du directoire. Le citoyen Savaldi, patriote prononce, un des chefs du gouvernement de Brescia, a ete nomme pour le remplacer. La cour de Rome n'a pas reconnu la republique cisalpine. Je vous envoie copie du message du directoire executif aux comites reunis, faisant fonctions de corps legislatif, et de la resolution qu'ils ont prise en consequence. Cela ne laissera pas de beaucoup embarrasser le pape et finira par l'avilir, en l'obligeant a reconnaitre de force une puissance qu'il eut du, comme les autres puissances, reconnaitre de bonne volonte. Notre ambassadeur a Rome instruit, je crois, le ministre des relations exterieures de la conduite de cette imbecile cour de Rome; je vous envoie copie de la lettre que j'ecris a notre ambassadeur. J'ai lieu de penser qu'a l'heure qu'il est Provera aura ete chasse. Je pense que nous devons tenir garnison dans la citadelle d'Ancone, et laisser cette ville se declarer independante. Dans cet intervalle, le temps s'ecoulera, et nous aurons toujours un point extremement interessant pour notre commerce, pour observer le pape et brider Naples. Il faudra, je pense, garder Ancone, en disant toujours que nous y attachons peu de prix, et que, des que le pape se conduira envers nous comme il convient, nous n'aurons point de difficulte a le lui rendre. Je vous envoie une lettre d'Ottolini, gouverneur de Bergame, que l'on a trouvee dans les papiers des inquisiteurs de Venise. Vous y verrez qu'elle compromet beaucoup un adjudant-general nomme Landrieux, qui, depuis long-temps, a quitte l'armee pour se rendre en France. Ce miserable, a ce qu'il parait, excitait le Brescian et le Bergamasque a l'insurrection, et en tirait de l'argent; dans le meme temps qu'il prevenait les inquisiteurs, il en tirait aussi de l'argent. Peut-etre jugerez-vous a propos de faire un exemple de ce coquin-la; mais, dans tous les cas, j'ai pense qu'il fallait que vous fussiez instruits, afin qu'il ne vint pas a demander a etre employe. J'ai destitue un nomme Gerard, chef de brigade, qui a ete sept ou huit mois commandant a Brescia; il parait, par la correspondance egalement prise a Venise, qu'il avait avec le provediteur ou gouverneur de la republique de Venise des relations d'intimite que l'interet de l'armee aurait du lui prohiber. Dans quelques autres lettres trouvees egalement a Venise, de legers indices de soupcons planent sur des officiers d'ailleurs estimables. Ces malheureux inquisiteurs repandaient l'argent partout, et cherchaient par ce moyen a connaitre et a avoir des indices sur tout. J'ai envoye a Corfou le citoyen Rolhieres, homme instruit, pour remplir les fonctions de commissaire pres le departement de la mer Egee. Je n'ai point trouve de sujets pour envoyer comme commissaires dans les departemens de Corcyre et d'Ithaque. Il faudrait des hommes instruits et extremement desinteresses. Ces peuples aiment beaucoup les Francais. Je vous fais passer copie d'une lettre de la municipalite de Zante. Je vous prie de donner l'ordre pour que l'on fasse travailler a la fonderie et a l'organisation d'un petit equipage d'un calibre anglais. J'envoie a Paris le citoyen Andreossy, chef de brigade d'artillerie, pour faire executer ledit travail. BONAPARTE. _P.S._ Le citoyen Pocholle, ex-conventionnel, et le citoyen Carbini, m'ayant demande a etre commissaires dans les departemens de Corcyre et d'Ithaque, je les y ai envoyes. Cela vous donnera le temps d'envoyer dans ces departemens des hommes qui aient votre confiance, en meme temps que cela epargne des frais de route, ces citoyens se trouvant ici. Le citoyen Comeyras, president de la republique a Coire, desirerait etre votre commissaire pour l'organisation de ces iles. Comme cette place est tres-importante, et que le citoyen Comeyras est employe comme agent, je n'ai pas voulu prendre sur moi de le nommer. BONAPARTE. Au quartier-general a Milan, le 26 brumaire an 6 (16 novembre 1797). _Au directoire executif._ Je vous envoie le drapeau dont la convention fit present a l'armee d'Italie par un des generaux qui ont le plus contribue aux differens succes des dernieres campagnes, et par un des officiers d'artillerie les plus instruits de deux corps savans qui jouissent d'une reputation distinguee dans l'Europe. Le general Joubert, qui a commande a la bataille de Rivoli, a recu de la nature les qualites qui distinguent les guerriers. Grenadier par le courage, il est general par le sang-froid et les talens militaires: il s'est trouve souvent dans ces circonstances ou les connaissances et les talens d'un homme influent tant sur le succes. C'est de lui qu'on a dit avant le 18 fructidor: Cet homme vit encore. Malgre plusieurs blessures et mille dangers, il a echappe aux perils de la guerre; il vivra long-temps, j'espere, pour la gloire de nos armes, le triomphe de la constitution de l'an III et le bonheur de ses amis! Le chef de brigade d'artillerie Andreossy a dirige dans les deux campagnes la partie la plus essentielle comme la plus difficile en Italie; il a eu la direction des ponts; il nous a rendu de grands services a tous les passages. A celui de l'Izonzo, il trouva plus expeditif, pour repondre a la demande qu'on lui fit si la riviere etait gueable, de s'y jeter le premier devant l'ennemi pour la sonder. Un etat n'acquiert des officiers comme le citoyen Andreossy, qu'en soignant l'education et en protegeant les sciences dont le resultat s'applique a la marine, a la guerre comme aux arts, a la culture des terres, a la conservation des hommes et des etres vivans. BONAPARTE. Rastadt, le 10 frimaire an 6 (30 novembre 1797). _Au directoire executif._ J'ai recu, citoyens directeurs, votre lettre du 6 frimaire. Conformement a vos intentions, je partirai demain au soir ou apres-demain. Nous avons aujourd'hui echange les ratifications. M. le comte de Cobentzel et le general Meerweldt ont ete charges de cette operation du cote de l'empereur. Demain nous acheverons tout ce qui nous reste a faire pour l'execution de la convention secrete. Si cela est acheve demain, je partirai le soir meme. BONAPARTE. Paris, 21 frimaire an 6 (17 decembre 1797). _Discours de Bonaparte en presentant au directoire la ratification du traite de Campo-Formio._ "Citoyens directeurs, "Le peuple francais, pour etre libre, avait des rois a combattre. "Pour obtenir une constitution fondee sur la raison, il avait dix-huit siecles de prejuges a vaincre. "La constitution de l'an III, et vous, vous avez triomphe de tous ces obstacles. "La religion, la feodalite et le royalisme ont successivement, depuis vingt siecles, gouverne l'Europe; mais de la paix que vous venez de conclure, date l'ere des gouvernemens representatifs. "Vous etes parvenus a organiser la grande nation, dont le vaste territoire n'est circonscrit, que parce que la nature en a pose elle-meme les limites. "Vous ayez fait plus. "Les deux plus belles parties de l'Europe, jadis si celebres par les arts, les sciences et les grands hommes dont elles furent le berceau, voient avec les plus grandes esperances le genie de la liberte sortir des tombeaux de leurs ancetres. "Ce sont deux piedestaux sur lesquels les destinees vont placer deux puissantes nations. "J'ai l'honneur de vous remettre le traite signe a Campo-Formio, et ratifie par S.M. l'empereur. "La paix assure la liberte, la prosperite et la gloire de la republique. "Lorsque le bonheur du peuple francais sera assis sur les meilleures lois organiques, l'Europe entiere deviendra libre." Paris, le 18 nivose an 6 (7 fevrier 1798). _Au ministre de la guerre._ Je recois, citoyen ministre, avec reconnaissance, le drapeau et le sabre que vous m'avez envoyes. C'est l'armee d'Italie que le gouvernement honore dans son general. Agreez en particulier mes remercimens sur la belle lettre qui accompagne votre envoi. BONAPARTE. Paris, le 18 nivose an 6 (7 fevrier 1798). _Au general de brigade Lannes._ Le corps legislatif, citoyen general, me donne un drapeau en memoire de la bataille d'Arcole: il a voulu honorer l'armee d'Italie dans son general. Il fut, aux champs d'Arcole, un instant ou la victoire incertaine eut besoin de l'audace des chefs: plein de sang et couvert de trois blessures, vous quittates l'ambulance, resolu de mourir ou de vaincre. Je vous vis constamment, dans cette journee, au premier rang des braves; c'est vous egalement qui, a la tete de la colonne infernale, arrivates le premier a Dego, passates le Po et l'Adda: c'est a vous a etre le depositaire de cet honorable drapeau, qui couvre de gloire les grenadiers que vous avez constamment commandes. Vous ne le deploierez desormais que lorsque tout mouvement en arriere sera inutile, et que la victoire consistera a rester maitre du champ de bataille. BONAPARTE. _Au directoire executif de la republique cisalpine._ Le pays de Vaud et les differens cantons de la Suisse, animes d'un meme esprit de liberte, adoptent les principes de liberte, d'egalite et d'indivisibilite sur lesquels est fonde le gouvernement representatif. Nous savons que les bailliages italiens sont animes du meme esprit; nous croyons essentiel que, dans ce moment-ci, ils imitent le pays vaudois et manifestent le voeu de se reunir a la republique helvetique. Nous desirons, en consequence, que vous vous serviez de tous les moyens que vous pouvez avoir pour repandre chez ces peuples, vos voisins, l'esprit de liberte; faites repandre des imprimes liberaux; excitez-y un mouvement qui accelere le mouvement general de la Suisse. Nous donnons l'ordre au general de brigade Monnier de se porter sur les confins des bailliages suisses avec des troupes, afin d'encourager et de soutenir les mouvemens que pourraient operer les insurges. Il a ordre de se concerter avec vous pour parvenir a ce but, qui interesse egalement les deux republiques. _Note._ Dans la position actuelle de l'Europe, la prudence nous fait une loi de nous tenir prets sur nos differentes frontieres a pouvoir, au premier signal des autres puissances, faire la guerre. Nous avons en Italie seize mille Francais et cinq mille Polonais contre le roi de Naples, ce qui, joint a deux mille hommes de debarquement que le gouvernement a ordonne de preparer a Toulon, suffit pour n'avoir rien a craindre de ce monarque. Nous avons en Italie, contre l'empereur, vingt-un mille hommes, qui, joints aux quatre mille que le gouvernement vient de mettre a la disposition de cette armee, forment vingt-cinq mille hommes. On peut compter a peu pres sur dix mille Cisalpins de mauvaises troupes, ce qui porterait nos forces a trente-cinq mille hommes, nombre insuffisant pour garnir les places et former un corps d'observation, en comparaison de quatre-vingt mille hommes que l'empereur a sur cette frontiere. Mais toutes les forces de la republique peuvent se reunir en Allemagne pour bien vite degager l'Italie, et empecher les places fortes d'etre prises. Il nous serait bien facile de porter a quatre-vingt ou quatre-vingt-dix mille-hommes l'armee de Mayence, et d'avoir quarante ou cinquante mille hommes sur le lac de Constance, renforces d'un certain nombre de Suisses. Ces deux armees se reuniraient bien vite pour attaquer la maison d'Autriche dans le coeur de ses etats hereditaires. Si nous avions la guerre contre le roi de Prusse, l'armee de Mayence et celle de Hollande se jetteraient bien vite dans l'eveche de Munster, pour entrer dans le Hanovre. Mais, dans tous les cas, il est indispensable: 1 deg.. de faire travailler a l'armement et a l'approvisionnement de Dusseldorf et a celui de Mayence; 2 deg.. De suspendre le licenciement de nos equipages d'artillerie, afin de ne pas etre oblige de faire des achats presses, qui necessiteraient beaucoup d'argent et perdraient un temps precieux, car si la guerre a lieu, ceux qui frapperont les premiers coups auront, par leur position, de grands avantages. _Au general Bernadote._ Je recois, citoyen general, votre derniere lettre. Le directoire executif, a ce qu'il m'a assure, s'empressera de saisir toutes les occasions de faire ce qui pourrait vous convenir. Il a decide qu'il vous laisserait le choix de prendre le commandement des iles ioniennes; de prendre une division de l'armee d'Angleterre, laquelle sera augmentee des anciennes troupes que vous aviez a l'armee de Sambre-et-Meuse, ou meme de prendre une division territoriale, la dix-septieme, par exemple. Personne ne fait plus de cas que moi de la purete de vos principes, de la loyaute de votre caractere, et des talens militaires que vous avez developpes pendant le temps que nous avons servi ensemble. Vous seriez injuste si vous pouviez en douter un instant. Dans toutes les circonstances, je compterai sur votre estime et sur votre amitie. BONAPARTE. Paris, le 8 ventose an 6 (26 fevrier 1798). _Au general Dufalga._ Le resultat a obtenir dans les travaux des ports du Pas-de-Calais est celui-ci: Travailler a ces ports de maniere a obtenir que le plus grand nombre de bateaux possible put sortir dans une seule maree. Calais, Ambleteuse, Boulogne, Etaples, peuvent seuls etre comptes, et encore n'est-ce qu'avec reserve, de sorte que je me trouverais oblige de calculer sur Calais pour porter les premiers trente mille hommes. Il serait inutile de faire des travaux longs et couteux au port de Boulogne, pour le rendre susceptible de contenir un plus grand nombre de bateaux qu'il n'en peut sortir dans une maree. Ainsi, il est bien prouve que l'on ne peut sortir du port de Boulogne que cent a cent cinquante bateaux dans une maree; il ne faut travailler au port que pour le mettre a meme de contenir ce nombre de bateaux. A Calais, meme raisonnement. Il faudrait forcer les travaux du port d'Ambleteuse, et le mettre a meme de contenir autant de bateaux qu'il serait possible d'en faire sortir dans une maree. Je vous prie de me faire connaitre le parti que l'on peut tirer d'Etaples, tant en raisonnant sur sa situation actuelle, que sur sa position geographique. Si le chenal du port de Boulogne et ceux des autres ports etaient paralleles au rivage de la mer, il est clair que les batimens, recevant l'eau de la maree au meme instant, pourraient sortir sur-le-champ: c'est donc sur la partie des ports qui est la plus proche de la mer, qu'il faut travailler. Enfin, il faut que vous vous appliquiez a favoriser partout les travaux qu'il sera possible de faire pour la prompte sortie d'une grande quantite de bateaux. Tous les petits bateaux ne portant que quarante a cinquante hommes ne pourraient-ils pas etre echoues sur la plage, et ne pourrait-on pas favoriser cet echouage eu faisant quelques travaux sur la plage? Tous les batimens hollandais, et meme ceux de Dieppe, ne pourraient-ils pas etre echoues sur la plage? Puisqu'il n'est pas possible de faire sortir plus de cent bateaux de Boulogne dans une maree, nous y mettrons de preference les ecuries, les batimens charges et les grosses chaloupes canonnieres. Nous mettrons les bateaux canonniers et les muskins[2], qui ne tirent que trois pieds d'eau, dans le port d'Ambleteuse. Et les trois ou quatre cents bateaux, nous les echouerons sur la plage de la rade de Saint-Jean: ces batimens ne doivent porter que des hommes et deux ou trois sacs de biscuit, et ne se trouveront charges de rien. Je voudrais que vous vous occupassiez de choisir: 1 deg.. le local de la plage, depuis Ambleteuse jusqu'a Boulogne, le plus favorable pour cet echouement; 2 deg.. voir les travaux que l'on pourrait faire a ladite plage pour rendre cette operation plus facile et moins fatigante pour les bateaux. Quant a Calais et a Dunkerque, on s'en servirait pour le complement de l'armee, le reste des denrees, les bagages, les approvisionnemens, etc. BONAPARTE. [Footnote 2: Espece de prame ou chaloupe cannoniere, de l'invention du capitaine de vaisseau Muskins.] Paris, le 24 ventose an 6 (14 mai 1798). _Au ministre des relations exterieures._ Je viens d'etre instruit, citoyen ministre, que l'Empire a enfin consenti a prendre pour base du traite de Rastadt la rive gauche du Rhin. Les citoyens Treilhard et Bonnier acheveront sans difficulte ce qu'ils viennent de commencer si heureusement. Mon intervention desormais devient superflue; je vous prie donc de vouloir bien m'autoriser a faire revenir de Rastadt une partie de ma maison que j'y avais laissee, ma presence a Paris etant necessaire pour differens ordres et differentes expeditions. BONAPARTE. Paris, le 7 germinal an 6 (27 mai 1798). _Au directoire executif._ Les papiers publics repandent que vous avez fait arreter plusieurs membres des conseils de la republique cisalpine, et qu'il est dans ce moment-ci question de faire arreter Moscati et Paradisi, deux membres du directoire executif de ladite republique. Je crois qu'il est de mon devoir, comme citoyen qui a quelque connaissance des personnes et des evenement qui se sont passes en Italie, de vous faire connaitre que la France et la liberte n'ont point d'amis plus vrais que ces deux directeurs. Le citoyen Paradisi, qui etait professeur renomme a Reggio, est le seul Italien qui ait rendu quelques services aux armees francaises, tandis que Mantoue etait encore au pouvoir des Autrichiens, et, vers le milieu de la premiere campagne, il osa, les armes a la main, a la tete de douze cents hommes de Reggio, ses compatriotes, investir un detachement de deux cents Autrichiens qui s'etaient retires dans un chateau, et les fit prisonniers. Lui, sa famille et la ville de Reggio ont ete depuis specialement menaces par les Autrichiens, qui leur ont conserve un ressentiment tres-vif de cet evenement. Le citoyen Moscati etait connu pour un des plus celebres medecins de l'Europe, ayant de grandes connaissances dans les sciences morales et politiques. Il s'abandonna tout entier au service de l'armee, et c'est a lui et a ses conseils que nous devons peut-etre vingt mille hommes, qui eussent peri dans nos hopitaux en Italie. L'avilissement du gouvernement cisalpin des sa naissance et la perte de ses meilleurs citoyens seraient un malheur reel pour la France, et un sujet de triomphe pour l'empereur et ses partisans. Voyez, je vous prie, dans cette lettre, le desir constant qui m'a toujours anime, d'employer toutes mes connaissances au service de la patrie. BONAPARTE. EXPEDITION D'EGYPTE. LIVRE DEUXIEME. Paris, le 15 ventose an 6 (5 mars 1798). _Note remise par le general Bonaparte au directoire executif._ Pour s'emparer de Malte et de l'Egypte, il faudrait de vingt a vingt-cinq mille hommes d'infanterie, et de deux a trois mille hommes de cavalerie sans chevaux. L'on pourrait prendre et embarquer ces troupes de la maniere suivante, en Italie et en France: A Civita-Vecchia, la vingt-unieme d'infanterie legere, deux mille; la soixante-unieme de ligne, seize cents; la quatre-vingt-huitieme, _id._, seize cents; le vingtieme de dragons, de quatre cents; et le septieme de hussards, de quatre cents: en tout six mille hommes, commandes par les generaux Belliard, Friant et Muireur. A Genes, la vingt-deuxieme d'infanterie legere, deux mille; la treizieme de ligne, dix-huit cents; soixante-neuvieme _id._, seize cents; quatorzieme de dragons, quatre cents; deux escadrons du dix-huitieme de dragons qui sont en Italie, deux cents; en tout cinq mille cinq cents hommes, commandes par les generaux Baraguey d'Hilliers, Veaux, Vial et Murat. En Corse, la quatrieme d'infanterie legere, douze cents hommes, commandes par le general Menars. A Marseille, la neuvieme de ligne, dix-huit cents; la quarante-cinquieme _id._, deux mille; vingt-deuxieme de chasseurs, quatre cents; deux escadrons du dix-huitieme dragons qui sont dans le midi, deux cents; en tout quatre mille quatre cents hommes, commandes par les generaux Bon et -------. A Toulon, sur les vaisseaux de guerre, la dix-huitieme de ligne, deux mille; vingt-cinquieme _id._, deux mille; trente-deuxieme _id._, deux mille; soixante-quinzieme _id._, deux mille; troisieme dragons, quatre cents; quinzieme _id._, quatre cents; en tout huit mille huit cents hommes, commandes par les generaux Brune, Rampon, Pigeon et Leclerc. A Nice et a Antibes, la deuxieme d'infanterie legere, quinze cents hommes. Ce qui formerait un total de vingt-quatre mille six cents hommes d'infanterie, et de deux mille huit cents de cavalerie. Les demi-brigades, avec leurs compagnies de canonniers. La cavalerie, avec les harnois et sans chevaux, et chaque cavalier arme d'un fusil. Tous les corps avec leur depot, cent cartouches par homme; de l'eau pour les batimens, pour un mois; des vivres pour deux. Il faudrait que ces troupes fussent embarquees dans ces differens ports, et pretes a partir au commencement de floreal, pour se rendre dans le golfe d'Ajaccio, et reunies et pretes a partir de ce golfe avant la fin de floreal. Il faudrait joindre a ces troupes soixante pieces d'artillerie de campagne, quarante grosses bouches a feu de siege, deux compagnies de mineurs, un bataillon d'artillerie, deux compagnies d'ouvriers, un bataillon de pontonniers, qui seraient embarques dans les ports d'Italie et de France de la maniere suivante: A Marseille, vingt obusiers de six pouces, quatre pieces de 12, trois cents coups a tirer par piece, deux compagnies d'artillerie a pied. A Civita-Vecchia, deux obusiers de 6 pouces, deux pieces de 8, deux pieces de 12, trois cents coups par piece; une compagnie d'artillerie a cheval, une compagnie d'artillerie de ligne, commandes par le general Sugny. A Genes, quatre obusiers de 6 pouces, quatre pieces de 8, quatre pieces de 12, douze pieces de 3, cinq cents coups a tirer par piece; deux compagnies d'artillerie a chenal, deux _id._ d'artillerie de ligne. A Nice et Antibes, vingt pieces de 24, six mortiers a la Gomere, de 12 pouces, cinq cents coups a tirer par piece, deux compagnies d'artillerie de ligne, commandees par le general Dommartin. A Toulon, six obusiers de 6 pouces, six pieces de 8, six pieces de 12, quatre mortiers a la Gomere de 12 pouces, quatre _id._ de 6, cinq cents coups a tirer par piece, quatre compagnies d'artillerie a pied, deux compagnies d'artillerie a cheval. A Civita-Vecchia, le general Massena peut etre charge de noliser les batimens les plus grands qu'il trouvera dans ce port, d'y embarquer les troupes et ladite artillerie, et les faire partir sur-le-champ pour se rendre et rester jusqu'a nouvel ordre dans le port d'Ajaccio: on peut prendre, sur les contributions de Rome, de quoi subvenir aux frais de cet embarquement. On doit specialement y affecter les galeres du pape qui seraient dans le cas de tenir la mer. Le general qui commande dans la Cisalpine peut executer le meme ordre a Genes, et le general Baraguey d'Hilliers peut s'y rendre a cet effet; il faut, au prealable, envoyer l'argent necessaire. On demandera au directoire executif de la republique cisalpine deux galeres, qui serviront a aider, a transporter les troupes et a escorter le convoi. Quant a Nice, Antibes et Marseille, il faut que le ministre de la marine: 1 deg.. Frete les plus gros batimens de commerce, suffisamment pour porter les troupes et l'artillerie designees ci-dessus; 2 deg.. Travaille aux approvisionnement necessaires; 3 deg.. Que le ministre de la guerre donne ordre pour y faire passer les troupes ci-dessus, avec l'artillerie et autres approvisionnemens. Nous avons a Toulon six vaisseaux de guerre, des fregates, des corvettes; il faudrait y joindre six tartanes canonnieres. Tous ces batimens reunis seraient dans le cas de porter la partie des troupes qui doit etre embarquee a Toulon. Cette escadre, selon le rapport du ministre de la marine, sera, sous quinze jours, prete a partir; mais elle manque entierement de matelots. Il n'y aura donc qu'a noliser et mettre l'embargo sur les batimens necessaires au transport de l'artillerie. Pour reussir dans cette expedition, on doit calculer sur une depense extraordinaire de cinq millions, sans compter les depenses ordinaires tant pour l'approvisionnement, armement et solde de l'escadre, que pour la solde, nourriture et habillement des troupes, que pour les depenses de l'artillerie et du genie, auxquelles il est indispensable de pourvoir en effectif; ce qui forme donc une somme de huit a neuf millions qu'il faudrait que le gouvernement deboursat d'ici au 20 germinal. Paris, le 7 ventose an 6 (7 mars 1798). _Instruction pour la commission chargee de l'inspection de la cote de la Mediterranee_ (proposee par Bonaparte au directoire executif). Le premier soin de la commission doit etre de conferer a Toulon avec les chefs du port, et de prendre toutes les mesures pour que les six vaisseaux de guerre, les quatre fregates qui s'y trouvent, les quatre fregates que le citoyen Perree amene avec lui d'Ancone, six corvettes, six chaloupes canonnieres, six tartanes canonnieres et quatre bombardes portant un mortier de 10 ou 12 pouces, ayant a bord pour trois mois de vivres, soient prets a partir de la rade de Toulon au 15, ou au plus tard au 20 germinal. On placera sur chaque chaloupe ou tartane canonniere, independamment de ces pieces, un mortier de 4 a 5 pouces. 2º. Faire prendre les mesures pour que les approvisionnemens pour deux mois soient embarques sur lesdits vaisseaux, a raison de six cents hommes par vaisseau de guerre, deux cent dix par fregate, et cent par corvette. 3 deg.. Faire preparer la solde et les vivres, egalement pour trois mois, pour l'escadre de l'amiral Brueys, de maniere que cette escadre puisse, le 15 germinal, sortir de quarantaine pour reprendre la mer. 4 deg.. Faire armer _le Conquerant,_ les gabares, les vieilles fregates, etc., en flute, de maniere a pouvoir porter le supplement de dix mille hommes que doit embarquer le port de Toulon, dans le cas ou l'amiral Brueys ne rejoindrait pas a temps. 5 deg.. Donner des ordres pour que l'on embarque sur-le-champ a bord des six vaisseaux de guerre et des six fregates ou gabares, vingt pieces de 24 en bronze, avec deux affuts, un porte-voix, cinq ou six cents coups a tirer par piece. Dix mortiers a la Gomere, de 12 pouces; dix _id._, de 8 pouces, avec cinq cents coups a tirer par mortier; double crapaud et les camions necessaires pour transporter les mortiers; six forges pour rougir les boulets, avec leurs soufflets et leurs ustensiles; quatre millions de cartouches avec les pierres a feu, en proportion; vingt mille fusils; trente mortiers de 4 a 5 pouces, ayant chacun six cents coups a tirer, et tous les ustensiles et approvisionnemens necessaires a un equipage de siege de quarante bouches a feu; specialement une grande quantite d'objets pour artifices. _Nota_. Une partie de ces objets est portee sur le tableau joint aux instructions du gouvernement, comme devant etre embarques a Nice ou a Antibes; mais il sera possible de les faire embarquer sur les vaisseaux de guerre, si cela ne les obstrue pas trop. 6 deg.. Faire embarquer sur les vaisseaux de guerre et fregates six obusiers de campagne, six pieces de 8, six pieces de 12; cinq cents coups a tirer par piece. 7 deg.. Faire transformer en ecuries deux ou trois gabares ou autres batimens de transport, de maniere a pouvoir transporter deux cent cinquante chevaux. 8 deg.. Se procurer et faire embarquer trois paires de boeufs sur chaque batiment de guerre, avec les harnois et les hommes necessaires, afin de pouvoir s'en servir pour le transport de l'artillerie. 9 deg.. La commission fera charger a Antibes ou a Nice, sur deux ou trois tres-gros batimens, des approvisionnemens, de maniere a ce que toutes les pieces de campagne de l'equipage qui s'embarque a Civita-Vecchia, a Genes, a Nice, a Toulon et a Marseille, et qui se trouve compose de seize pieces de campagne, seize pieces de 12, seize pieces de 8, seize pieces de 3, ait sur ces batimens un approvisionnement de reserve de trois cents coups par piece. L'on pourra egalement faire embarquer a Nice ou a Antibes un supplement extraordinaire d'artifices, d'outils et autres objets necessaires au gros parc de l'armee, independamment des onze cents hommes que l'on doit faire embarquer dans ce port. Le general Dommartin donnera les ordres pour toute la partie de l'artillerie, et fournira les etats necessaires. 10 deg.. La commission fera mettre l'embargo et nolisera a Marseille de gros batimens en suffisance pour embarquer de quatre a cinq mille hommes, et des ecuries pour deux cents chevaux, et fera en sorte que ces batimens soient approvisionnes d'un mois d'eau, de deux mois de vivres, et que ce convoi soit pret a partir de Marseille le 15 germinal. 11 deg.. La commission correspondra avec le consul de Genes; elle enverra de suite, a Genes, un officier de marine intelligent, qui puisse lui rendre compte de tout. Independamment des 200,000 fr. que le payeur y fait passer, il y fera passer tous les fonds qui seraient necessaires. 12 deg.. La commission ne correspondra qu'avec moi. 13 deg.. Si l'amiral Brueys arrivait a temps pour pouvoir partir le 20 germinal, la commission ferait sur-le-champ armer en flute les six vaisseaux venitiens qu'il amene avec lui, ce qui diminuerait d'autant le convoi. 14 deg.. La commission correspondra avec le general Vaubois en Corse, pour l'embarquement des deux mille hommes que ce general a recu l'ordre du gouvernement de faire embarquer. Independamment des 200,000 fr. que l'on a envoyes dans cette ile, elle y fera passer ce qui pourrait etre necessaire pour l'etablissement d'un hopital de cinq cents lits et un magasin de rafraichissemens que l'ordonnateur de la division de Corse a recu ordre d'etablir a Ajaccio. 15 deg.. Independamment de tous ces objets, la commission formera a Toulon et a Marseille un magasin de seize mille paires de souliers, mille paires de bottes, seize mille chemises, huit mille gibernes, six mille chapeaux, seize mille paires de bas pour pouvoir etre distribues aux troupes. 16 deg.. Elle fera egalement acheter un million de pintes de vin, cent vingt mille pintes d'eau-de-vie, qu'elle fera charger sur de gros batimens, auxquels elle donnera ordre de se rendre dans le port d'Ajaccio, ou ils resteront sans decharger, jusqu'a nouvel ordre; les equipages ayant de l'eau pour un mois et des vivres pour deux. 17 deg.. Le commissaire ordonnateur Sucy ordonnancera toutes les depenses relatives aux troupes de terre; le citoyen Leroy, celles relatives au fret des batimens et en general a la marine, et l'on mettra a la disposition des directeurs d'artillerie les sommes necessaires pour les depenses de l'artillerie. 18 deg.. Les dix mille hommes qui s'embarqueront a Toulon, les cinq mille autres qui s'embarqueront a Marseille, et ceux qui s'embarquent a Genes, doivent avoir chacun une ambulance avec les chirurgiens, medecins et approvisionnemens necessaires. 19 deg.. Independamment du million que le payeur de la commission recevra demain, la commission recevra, chaque decade, a commencer du 20 ventose, 500,000 fr. jusqu'au 30 germinal. Elle aura soin de garder en reserve, et pour etre employes sur un ordre expres de moi, 200,000 fr. sur le million qu'elle touche demain, et 200,000 fr. sur le demi-million qu'elle touchera chaque decade; ce qui fera, au 30 germinal, qu'il y aura dans la caisse du payeur un million en reserve. Lorsque la commission fera des marches, elle reservera une partie des paiemens desdits marches pour etre faits en floreal. 20 deg.. La commission m'enverra, le plus tot possible, l'etat des sommes presumees necessaires pour l'execution du present ordre. 21 deg.. La commission formera une compagnie de vingt-cinq armuriers, avec leurs outils; deux compagnies d'ouvriers bourgeois de la meme formation que celles de l'artillerie, avec leurs outils, destinees egalement a etre embarquees. Paris, le 25 ventose an 6 (15 mars 1798). _Aux commissaires de la tresorerie nationale._ J'ai l'honneur de vous envoyer, citoyens, l'arrete du directoire, relatif a la commission de la Mediterranee, et que vous m'avez paru desirer. Je joins egalement l'etat des demi-brigades qui se trouvent en ce moment a Genes et en Corse. Je desirerais savoir si la solde des troupes est assuree pour les mois de ventose et germinal. BONAPARTE. _Etat des troupes qui se trouvent dans ce moment-ci en Corse._ Dix-neuvieme demi-brigade de ligne, deux mille hommes; premier bataillon de la quatre-vingt-sixieme, neuf cents; quatrieme d'infanterie legere, quinze cents; vingt-troisieme id., deux mille cent; artillerie, deux cents: en tout, six mille sept cents hommes. _Etat des troupes qui viennent de recevoir l'ordre de se rendre a Genes._ Vingt-deuxieme d'infanterie legere, quinze cents hommes; treizieme de ligne, deux mille; soixante-neuvieme id., dix-sept cents; quatorzieme de dragons, cinq cents; dix-huitieme id., deux cents; artillerie, trois cents: en tout, six mille deux cents hommes. Paris, le 25 ventose an 6 (15 mars 1798). _A la commission de l'armement de la Mediterranee._ Le citoyen Esteve, nomme payeur pres de la commission, part ce soir. Il a des ordres pour toucher 1,300,000 fr. a Toulon. Il a touche ici, et a fait partir pour Genes, par un courrier extraordinaire, 200,000 fr., ce qui fait les 1,500,000 f. que vous deviez toucher dans ce mois. J'aurai soin qu'au premier germinal on vous fasse passer 500,000 autres francs. Il est indispensable que vous fassiez partir sur-le-champ, par une fregate, 200,000 fr. en Corse. J'attends avec interet votre premiere depeche. Mettez la plus grande activite dans tous vos travaux. Les troupes qui doivent s'embarquer a Toulon sont en marche, et arriveront vers le 15 germinal. Faites preparer les casernes et les subsistances. BONAPARTE. Paris, le 25 ventose an 6 (15 mars 1798). _Instruction pour le general Dommartin._ L'equipage d'artillerie pour la Mediterranee est compose d'un equipage de campagne et d'un de siege. Il a ete ordonne au general Massena, par un courrier qui est parti le 15 ventose, de faire embarquer a Civita-Vecchia deux obusiers de 6 pouces, deux pieces de 8, deux pieces de 12; trois cents coups a tirer par piece; une compagnie d'artillerie a cheval, une id. de ligne, un capitaine faisant fonctions de directeur du parc. Il a ete ordonne au general Berthier, par un courrier parti le meme soir, de faire embarquer a Genes le general Sugny, un chef de brigade d'artillerie, deux compagnies d'artillerie a cheval, deux id. de ligne, le commissaire des guerres Boinod, des conducteurs et inspecteurs d'equipages, deux cents charretiers, cinq cents harnois de chevaux de trait, une compagnie d'ouvriers, une id. de mineurs, une id. de pontonniers, un bataillon de sapeurs, douze pieces de 3 approvisionnees a cinq cents coups, quatre obusiers de 6 pouces approvisionnes a trois cents coups, quatre pieces de 8 id., quatre pieces de 12 approvisionnees a trois cents coups, deux mortiers a la Gomere de 12 pouces, deux id. de 6 pouces approvisionnes a cinq cents coups, deux cents outils de pionniers, un million de cartouches. Vous devez faire embarquer a Marseille deux obusiers de 6 pouces, quatre pieces de 12, trois cents coups a tirer par piece, deux compagnies de ligne; a Toulon, six obusiers de 6 pouces, six pieces de 8, six pieces de 12, approvisionnees a trois cents coups par piece. Vous devez faire embarquer a Nice ou a Antibes un double approvisionnement pour tout l'equipage. Vous devez faire egalement embarquer a Toulon ou a Marseille trois ou quatre millions de cartouches, avec tout ce qui est necessaire pour un equipage de campagne de cette importance. Vous devez egalement faire embarquer un equipage de siege de vingt pieces de 24, dix mortiers de 12 pouces, dix id. de 8 pouces, vingt ou trente mortiers de 3 ou 4 pouces; le tout approvisionne a six cents coups. Embarquez le plus d'ouvriers et d'armuriers, munis de leurs outils, qu'il vous sera possible. BONAPARTE. Paris, le 25 ventose an 6 (15 mars 1798). _Au general Berthier._ Le courrier qui vous porte cette lettre, mon cher general, porte au consul de Genes des lettres de change pour 200,000 fr., afin de subvenir aux depenses extraordinaires de l'embarquement, tant pour la marine que pour l'artillerie et les approvisionnemens extraordinaires de deux mois. Il serait necessaire de faire arranger trois des plus gros batimens de transport, pour servir d'ecuries, de maniere qu'ils pussent porter, a eux trois, une centaine de chevaux de cavalerie et une cinquantaine d'artillerie. Vous feriez alors choisir les chevaux les plus forts et en meilleur etat. Si l'on peut trouver a Civita-Vecchia, egalement pour embarquer, une centaine de chevaux de cavalerie et une cinquantaine d'artillerie, donnez-en l'ordre; si on ne le peut pas, on s'en passera. Envoyez a Civita-Vecchia un de vos aides-de-camp qui prendra l'etat de situation des troupes qui s'embarquent, de l'artillerie; le nombre, le nom et le tonnelage des batimens. Donnez l'ordre, tant a Genes qu'a Civita-Vecchia, pour que le general de division ne puisse pas embarquer plus de trois chevaux, le general de brigade, plus de deux, le chef de brigade plus d'un: vous sentez combien il est necessaire de n'avoir que ce qui est strictement necessaire et indispensable; mais vous pouvez engager les officiers a embarquer leurs selles, brides, etc., pour les chevaux qu'ils doivent avoir. Je vous ai deja ecrit, je crois, pour que vous teniez tous vos chevaux, ceux de Leclerc, et cinq a six autres bons chevaux, prets a partir. Vous enverrez egalement a Genes, pour etre embarquee, la compagnie des guides qui est dans le Mont-Blanc, ainsi que les douze gardes a cheval que vous avez gardes avec vous. BONAPARTE. Paris, le 26 ventose an 6 (16 mars 1798). _Au ministre de la marine._ Je desirerais, citoyen ministre, que vous envoyassiez l'ordre a la fregate qui est a Cadix de se rendre a Ajaccio en Corse, ou elle attendra les ordres du contre-amiral Duchayla, et que vous en previnssiez a Toulon, pour qu'on y fit passer la solde et les vivres dont elle doit avoir besoin. BONAPARTE. Paris, le 27 ventose an 6(17 mars 1798). _Au ministre de la guerre._ J'ai recu, citoyen ministre, votre lettre relative aux adjudans-generaux Gresieux et Clauzel. Vous pourrez donner des lettres de service au citoyen Clauzel pour l'armee d'Angleterre, et envoyer le citoyen Gresieux a Toulon, ou il serait employe sur les cotes de la Mediterranee. Je vous demanderai egalement d'employer l'adjudant-general Jullien a Marseille, sous les ordres du general Bon. Cet adjudant-general est actuellement employe a l'armee d'Angleterre. BONAPARTE. Paris, le 27 ventose an 6 (17 mars 1798). _Aux commissaires du gouvernement, a Rome._ Le directoire executif, attachant la plus grande importance a la bonne organisation et au prompt depart de la division qui doit s'embarquer a Civita-Vecchia, a juge a propos d'en confier le commandement au general Desaix, qui part ce soir meme pour s'y rendre en toute diligence. Je vous prie de lui faire fournir tout ce dont il peut avoir besoin, et tous les officiers d'etat-major, d'artillerie, du genie, commissaires des guerres qu'il demandera. BONAPARTE. Paris, le 27 ventose an 6 (17 mars 1798). _Note au directoire executif._ Le general commandant a Berne fera faire le pret de la deuxieme demi-brigade d'infanterie legere, de la dix-huitieme de ligne, de la vingt-cinquieme idem, du troisieme regiment de dragons, du quinzieme idem, ainsi que des canonniers attaches a cette division, jusqu'au 13 germinal. Il fera completer leur armement, leur buffleterie, et, autant qu'il sera possible, leur habillement. Il donnera l'ordre au troisieme et au quinzieme regimens de dragons, avec toute l'artillerie de campagne qui est attachee a la division qui est venue de l'armee d'Italie, de se rendre, par le chemin le plus court, a Toulon. Le ministre de la guerre donnera l'ordre au general de brigade de cavalerie Leclerc de se rendre sur-le-champ a Lyon pour prendre le commandement de ces deux regimens, et les conduire lui-meme a Toulon. Le general commandant l'armee d'Helvetie incorporera dans la seconde d'infanterie legere les eclaireurs de la vingt-troisieme d'infanterie legere; apres quoi, il donnera l'ordre au general Pigeon de partir avec la deuxieme demi-brigade d'infanterie legere, les dix-huitieme et vingt-cinquieme de ligne, pour se rendre a Lyon, ou ces corps s'embarqueront sur le Rhone jusqu'a Avignon, d'ou ils se rendront par terre a Toulon. Deux jours apres, il donnera l'ordre au general Rampon de partir avec la trente-deuxieme et la soixante-quinzieme pour se rendre egalement a Lyon, s'y embarquer sur le Rhone jusqu'a Avignon, et se rendre de la par terre a Toulon. Le ministre de la guerre donnera l'ordre au general Lannes de partir sur-le-champ en poste de Paris, pour se rendre a Lyon avec l'adjudant-general Lagrange, et prendre toutes les mesures, en se concertant avec le commandant de cette place, le commissaire-ordonnateur et celui du directoire executif, pour qu'il y ait dans cette ville la quantite de bateaux et tout ce qui est necessaire pour embarquer les troupes ci-dessus, et surveiller ledit embarquement; apres quoi, le general Lannes et le citoyen Lagrange se rendront a Toulon. Le ministre de la guerre donnera egalement les ordres pour qu'il y ait a Lyon: dix mille paires de souliers, six mille paires de culottes, six mille chapeaux, quatre mille vestes, dix mille paires de bas, dix mille chemises, trois mille sacs de peau, trois mille habits, quatorze mille paires de bottes, pour pouvoir etre distribues auxdites troupes, a leur passage. Le general Lannes aura soin de veiller aux distributions, pour qu'elles se fassent conformement aux besoins de chaque corps. Le general commandant l'armee d'Helvetie fera mettre a l'ordre des demi-brigades ci-dessus designees, qu'elles vont se rendre a Toulon, d'ou elles partiront pour une operation extremement essentielle, et qu'elles trouveront a Toulon le general Bonaparte, sous les ordres duquel elles continueront d'etre. BONAPARTE. Paris, le 27 ventose an 6 (17 mars 1798). _Au president du directoire executif._ Je vous ferai passer, citoyen president, la reponse de la tresorerie a la demande que je lui avais faite si la solde etait assuree pour les troupes qui se rendent en Corse et a Genes. La caisse de l'armee d'Italie a bien de la peine a subvenir aux depenses des corps qui sont dans ce pays. Je crois qu'il serait necessaire que le directoire prit l'arrete ci-joint: ARRETE. ART. 1er. La tresorerie nationale fera sur-le-champ passer a son payeur, en Corse, la solde pour les troupes qui y sont, pour les mois de nivose, pluviose et ventose. 2. L'ordonnateur de la marine a Toulon fera partir une corvette pour porter lesdits fonds. Pour cet effet, il en remettra les sommes au payeur de la marine a Toulon, qui les fera passer en Corse par un aviso. 3. La tresorerie nationale fera solder a Genes, dons le plus court delai, aux troupes qui s'y trouvent, la solde des mois de ventose et germinal. _Etat des troupes qui sont en Corse._ La quatrieme d'infanterie legere, quinze cents hommes; la vingt-troisieme _id._, deux mille cent; la dix-neuvieme de ligne, dix-huit cents; un bataillon de la quatre-vingt-sixieme _id._, huit cents; artillerie, trois cents: en tout, six mille cinq, cents hommes. _Etat des troupes qui sont a Genes, sous les ordres du general Baraguey d'Hilliers._ La vingt-deuxieme d'infanterie legere, quinze cents hommes; la treizieme de ligne, deux mille; la soixante-neuvieme _id._, dix-huit cents; le quatorzieme de dragons, cinq cents; le dix-huitieme _id._, deux cents; artillerie, deux cents: en tout, six mille deux cents hommes. BONAPARTE. Paris, le 2 germinal an 6 (22 mars 1798). _Au ministre des finances._ La commission chargee de l'armement de la cote de la Mediterranee doit recevoir 500,000 fr. cette decade-ci. Je desirerais, citoyen ministre, etre informe si la tresorerie a donne des ordres pour cet objet. Je vous prierais de faire reserver sur cette somme 50,000 f., pour etre mis a la disposition du general Dufalga, commandant l'arme du genie, attache a ladite commission, lesquels 50,000 fr. doivent etre soldes a Paris. Je vous prie egalement de donner des ordres pour que la tresorerie fasse passer des fonds pour solder les troupes qui sont dans les deux departemens de Liamone et du Golo, qui sont arrierees de trois mois. BONAPARTE. Paris, le 3 germinal an 6 (23 mars 1798). _Au ministre de la guerre._ Je vous prie, citoyen ministre, de donner l'ordre au general de brigade Gardane, qui est a Paris, de se rendre a Toulon, ou il s'adressera au general Dommartin, chez lequel il trouvera de nouveaux ordres. Je vous prie de donner les memes ordres au general Verdier, qui est a Toulouse; au general de brigade Davoust, qui est dans ce moment-ci a Paris, de se rendre a Marseille, pour y prendre le commandement de la cavalerie qui se reunit dans cette ville, ou il sera sous les ordres du general Bon; et au general de division Dumas de se rendre a Toulon, ou il recevra de nouveaux ordres. BONAPARTE. Paris, le 5 germinal an 6 (25 mars 1798). _A la commission chargee de l'approvisionnement de la Mediterranee._ J'ai recu, citoyens, la lettre que vous m'avez envoyee par un courrier extraordinaire. J'ai vu avec plaisir l'etat satisfaisant de l'escadre. J'aurais desire avoir egalement l'etat des galeres ou batimens de transport que vous avez arretes a Toulon, pour l'embarquement de dix mille hommes. Les troupes arriveront avant le 15 germinal; il est necessaire que tout soit pret a partir le 20. Si le contre-amiral Brueys n'est point arrive lorsque vous aurez recu cette lettre, vous ferez vos preparatifs pour vous en passer. Les six vaisseaux de guerre qui sont en rade: _le Conquerant,_ les fregates, les briks, doivent, ensemble, porter facilement six mille hommes. Il ne vous reste donc plus qu'a chercher, a Toulon, des batimens de transport pour quatre mille hommes. Si l'escadre du contre-amiral Brueys etait arrivee, ou si vous aviez des nouvelles du jour ou elle arrivera, vous n'auriez plus alors besoin de transports a Toulon. Le general Dommartin doit etre arrive. Vous avez deja, sans doute, commence a embarquer l'artillerie. Si le citoyen Sucy n'etait pas arrive, cela ne doit pas vous empecher de faire tout ce dont il est charge, appelant aupres de vous un commissaire-ordonnateur le plus a portee. Le payeur, qui doit etre arrive, vous aura apporte l'argent qui vous etait necessaire; la tresorerie prend ses dispositions pour vous faire toucher 500,000 fr. cette decade. J'attends avec impatience votre premier courrier pour savoir si tout est pret, et si les troupes pourront etre embarquees le 20 de ce mois. BONAPARTE. Paris, le 6 germinal an 6 (26 mars 1798). _Aux commissaires de la tresorerie nationale._ Le ministre des finances, citoyens commissaires, a du vous prevenir que, sur les 500,000 fr. de cette decade que vous devez mettre a la disposition de la commission de la Mediterranee, 50,000 fr. devaient etre soldes, a Paris, au general Dufalga. Je vous prie, citoyens commissaires, de vouloir bien faire solder lesdits 50,000 fr. au general Dufalga, et de donner son recu en paiement au payeur de la commission, qui le recevra pour comptant. Le revirement est tout simple: la lettre du ministre des finances et celle que j'ai l'honneur de vous ecrire, cette commission se trouvant sous mes ordres, vous y autorisent suffisamment. BONAPARTE. Paris, le 6 germinal on 6 (26 mars 1798). _Au ministre des relations exterieures._ Ayant besoin, citoyen ministre, pour remplir les intentions du gouvernement, des citoyens Royer et Belletete, deux jeunes gens qui sont partis, il y a quelques jours, pour Constantinople, et qui doivent etre actuellement a Toulon, je vous prie de leur envoyer l'ordre de rester a Toulon. Je desirerais egalement que vous donnassiez l'ordre aux citoyens Jaubert, Chery, Lapone, trois jeunes gens les plus avances a l'ecole des langues orientales a Paris, de se rendre a Constantinople, et de leur envoyer contre-ordre a Toulon, pour qu'ils y attendent de nouveaux ordres. BONAPARTE. Paris, le 6 germinal an 6 (26 mars 1798). _Au ministre de l'interieur._ Le directeur de l'imprimerie de la republique et le citoyen Langles, citoyen ministre, sont animes de la plus mauvaise volonte. Je vous prie de donner l'ordre positif que tous les caracteres arabes actuellement existans, hormis les matrices, soient sur-le-champ emballes, et au citoyen Langles l'ordre de les suivre. Le citoyen Langles m'a paru, dans la premiere conference que j'ai eue avec lui, tres-dispose a venir; d'ailleurs la republique, qui a fait son education et qui l'entretient depuis long-temps, a le droit d'exiger qu'il obeisse. Je vous prie de donner l'ordre que l'on emballe egalement les caracteres grecs; il y en a, puisque l'on imprime en ce moment Xenophon, et ce n'est pas un grand mal que le Xenophon soit retarde de trois mois, pendant lequel temps on fera d'autres caracteres, les matrices restant. Je vous prie de donner egalement l'ordre positif d'emballer les caracteres pour trois presses francaises. Il nous suffit d'avoir des caracteres ordinaires. BONAPARTE. Paris, le 6 germinal au 6 (26 mars 1798). _Au ministre de l'interieur._ J'ai l'honneur de vous envoyer, citoyen ministre, la lettre du directoire pour vous. Je vous prie en consequence de vouloir bien donner l'ordre aux citoyens dont la liste est ci-jointe[3] de se tenir prets a partir, au premier ordre qu'ils recevront, pour se rendre a Bordeaux. Ceux d'entre eux qui ont des places les conserveront, les appointemens en seront payes a leur famille. Ils recevront en outre un traitement extraordinaire et les frais de poste pour la route. Je vous prie de donner l'ordre aux citoyens dont la liste est ci-jointe[4] de se tenir prets a partir, au premier ordre, pour Flessingue. Les ingenieurs jouiront d'un traitement pour leurs travaux extraordinaires. Leur mission n'etant que temporaire, leurs places doivent leur etre conservees. BONAPARTE. [Footnote 3: Danges, Duc-la-Chapelle, astronomes; Costaz, Fourier, Monge, Molard, geometres; Conte, chef de bataillon des aerostiers; Thouin, Geoffroi, Delisle, naturalistes; Dolomieu, mineralogiste; Berthoilet, chimiste; Dupuis, antiquaire.] [Footnote 4: Isnard, Lepere, Lepere (Gartien), Lancret, Lefebvre, Chezy, ingenieur des ponts et chaussees; Panuson, interprete.] Paris, le 6 germinal an 6 (26 mars 1798). _A la commission chargee de l'inspection des cotes de la Mediterranee._ Je viens de recevoir, citoyens, des nouvelles du contre-amiral Brueys. Il est parti de Corfou, le 6 ventose, avec six vaisseaux de guerre francais, six fregates _idem_, cinq vaisseaux de guerre venitiens, trois fregates _idem_, deux cutters pris sur les Anglais. Le chef de brigade Perree est parti d'Ancone le 12, avec deux fregates francaises et deux venitiennes. Il est donc possible que, lorsque vous recevrez cette lettre, l'un et l'autre soient deja arrives, et j'espere que, moyennant votre activite et les mesures que vous avez prises avec l'ordonnateur Najac, ces vaisseaux pourront repartir quinze jours apres leur arrivee. _Le Mercure_ est le seul vaisseau, je crois, qui ait besoin de reparation. Quant aux vaisseaux venitiens, s'ils peuvent etre armes en guerre tous les cinq, vous y ferez travailler de suite; et, s'il fallait trop de temps, vous n'en ferez armer qu'une partie: ainsi, vous n'auriez besoin d'aucun secours de batimens de transport pour porter les dix mille bommes que vous devez embarquer a Toulon, avec l'artillerie; et, je vous le repete, le 25 ou meme le 20 germinal, tout doit etre pret a partir. Plusieurs medecins et officiers generaux ont eu ordre de se rendre a Toulon: ils s'adresseront a vous, vous leur ferez fournir le logement et tout ce dont ils auront besoin, et vous leur direz d'attendre de nouveaux ordres. La quatre-vingt-cinquieme demi-brigade s'est embarquee le 3 a Lyon, pour se rendre a Marseille. Le deuxieme bataillon du quatrieme regiment d'artillerie s'est embarque le 5 pour se rendre a Toulon. Cinq demi-brigades doivent etre, a l'heure qu'il est, embarquees a Lyon, pour aller par le Rhone jusqu'a Avignon, et de la se rendre a Toulon. Conferez avec le commissaire ordonnateur et le general de division Dugua, pour vous assurer que les subsistances et les cantonnemens de ces troupes sont assures. Les dix-huitieme et trente-deuxieme demi-brigades, commandees par le general Rampon, feront cantonnees au fort Lamalgue, a Lavalette, a Solier, a Hieres et autres villages dans ces environs. Les vingt-cinquieme et soixante-quinzieme, commandees par le general Gardanne, seront cantonnees a Ollioules, au Bausset, Laseine, Saint-Lazaire et autres villages environnans. La deuxieme demi-brigade d'infanterie legere sera cantonnee dans Toulon. Le general Pigeon aura le commandement de la deuxieme demi-brigade d'infanterie legere. Le general Gardanne commandera la vingt-cinquieme et la soixante-quinzieme. Vous placerez les troisieme et quinzieme regimens de dragons dans les endroits ou il y aura le plus de fourrages. Je vous recommande de veiller a ce que les troupes aient tous les jours du vin ou de l'eau-de-vie, et a ce que les subsistances leur soient assurees. Il me tarde d'avoir un compte detaille sur tous les ordres contenus dans les instructions que je vous ai donnees, ainsi que d'apprendre l'arrivee et l'etat dans lequel se trouve le contre-amiral Brueys. Pour n'etre pas dans le cas de vous tromper dans vos calculs, vous devez compter, pour l'embarquement de Toulon, sur douze a treize mille hommes, compris l'artillerie, les charretiers et les domestiques, et cinq mille a Marseille. Actuellement que le contre-amiral Brueys est arrive, il sera bon que vous menagiez a Toulon de quoi embarquer plutot mille hommes de plus que de moins. Je vous envoie: 1 deg.. Des plans et des notes sur la construction d'un ponton qui ne doit pas peser plus de neuf cents livres; vous en ferez mettre sur-le-champ trente en construction, avec les poutrelles et ce qui est necessaire pour etablir le pont. 2 deg.. L'esquisse d'un petit bateau portant une piece de 12, et dont la simple carcasse de doit pas peser plus de dix milliers: vous en ferez mettre sur-le-champ deux en construction. 3 deg.. Le memoire et le projet d'une petite corvette portant une piece de 24 et plusieurs pieces de 6, laquelle doit se diviser en parties, pour pouvoir etre transportees par terre sur huit diables. Vous en ferez mettre une sur-le-champ en construction. Vous ferez en sorte que les pontons et les deux petits bateaux soient en etat de partir le plus tot possible. Il les faudrait avoir pour les premiers jours de floreal. Quant a la petite corvette, mettez-la en construction; lorsqu'elle sera finie, nous nous en servirons. Je sais bien que cela ne peut pas etre avant le milieu de prairial: ce serait un grand bien, s'il etait possible que cela fut plus tot. En vous envoyant ces plans et les memoires qui les expliquent, je n'ai pas entendu vous prescrire de n'y faire aucun changement dans le detail. Le veritable point de vue est de tout sacrifier a la legerete, afin de les rendre transportables par terre. Je vous prie de remettre la lettre ci-jointe au contre-amiral Brueys, du moment qu'il arrivera. BONAPARTE. Paris, le 10 germinal an 6 (30 mars 1798). _Au contre-amiral Brueys._ Je presume, citoyen general, que vous etes arrive a Toulon, puisque vos dernieres depeches m'apprennent que vous etes parti de Corfou le 7 ventose. L'on est ici extremement satisfait de votre conduite. Il faut que les batimens qui vous ont plusieurs fois porte les ordres du gouvernement aient ete pris. Maintenez une severe quarantaine parmi vos equipages: c'est le plus sur moyen d'empecher la desertion. Tous les ordres ont ete donnes pour que la solde et les vivres leur soient fournis. Vous aurez sous vos ordres une des plus belles escadres qui soient sorties depuis long-temps de Toulon. Je compte sur vos six vaisseaux. Vous vous depecherez de faire faire les reparations dont _le Mercure_ pourrait avoir besoin; ce qui, joint aux six vaisseaux qui sont en ce moment en rade; aux treize fregates, au _Conquerant_ arme en flute, et au plus grand nombre des vaisseaux venitiens qui seront susceptibles d'etre promptement armes, vous mettra a meme de remplir la mission brillante qui vous est destinee. Je serai fort aise de vous revoir: j'espere que ce sera dans tres-peu de temps. Casabianca partira bientot pour servir sous vos ordres. Il faut absolument que vous vous arrangiez de maniere a ce que vous puissiez partir le premier floreal. BONAPARTE. Paris, le 10 germinal an 6 (30 mars 1798). _Au general Lannes._ Je recois, citoyen general, votre derniere lettre de Lyon, du 3 du courant. J'aurais desire que vous m'eussiez envoye l'etat de situation de la quatre-vingt-cinquieme, celui des effets qui lui ont ete delivres, et des notes sur l'esprit qui anime les troupes. Ne manquez pas de me l'envoyer le plus tot possible, ainsi que celui des demi-brigades qui viennent de Suisse. Prevenez le general Dugua a Marseille, et le commissaire ordonnateur Sucy a Toulon, des mouvemens des troupes, afin qu'ils fassent preparer tout ce qui leur est necessaire sur les routes d'Avignon a Marseille et Toulon. BONAPARTE. Paris, le 10 germinal an 6 (30 mars 1798). _Au general Dugua._ Les neuvieme et quatre-vingt-cinquieme demi-brigades de ligne, ainsi que le vingt-deuxieme de chasseurs et le deuxieme escadron du dix-huitieme regiment de dragons, se rendent a Marseille, ou ils doivent s'embarquer. Je vous prie, mon cher general, de veiller a ce qu'ils ne manquent de rien. Le general Bon et le general Davoust sont partis pour commander, le premier l'infanterie, le second la cavalerie, et l'adjudant-general Jullien, pour faire les fonctions de chef de l'etat-major de cette division. La deuxieme d'infanterie legere, les dix-huitieme, vingt-cinquieme, trente-deuxieme et soixante-quinzieme arriveront egalement sous peu de jours a Avignon par le Rhone. Elles ont ordre de se rendre a Toulon. Vous enverrez l'ordre au general Rampon avec, les dix-huitieme et trente-deuxieme, de tenir garnison au fort Lamalgue, Solliers, Lavalette et Hieres; a la vingt-cinquieme et soixante-quinzieme de tenir garnison a Ollioules, Saint-Lazaire, Lascine et autres villages environnans. Cette brigade sera commandee par le general Gardanne. Vous enverrez l'ordre a la deuxieme d'infanterie legere, qui sera commandee par le general Pigeon, de tenir garnison a Toulon. Vous placerez le general Leclerc et deux regimens de dragons qu'il commande, dans l'endroit le plus favorable pour la subsistance de la cavalerie, mais de maniere a ce qu'ils soient dans un cercle de trois ou quatre lieues de Toulon. Donnez les ordres a votre commissaire-ordonnateur pour que ces troupes ne manquent de rien, et prevenez le payeur de votre division pour qu'elles aient leur pret avec exactitude, qu'elles aient le vin ou l'eau-de-vie tous les jours. Voyez aussi l'ordonnateur Sucy, le general Dommartin, l'amiral Blanquet et le citoyen Leroy, qui forment la commission de la Mediterranee. Prevenez vos etapiers d'Avignon a Toulon, afin que ces troupes aient leur subsistance assuree pendant la route. BONAPARTE. Paris, le 10 germinal an 6 (30 mars 1798). _Au citoyen Sucy._ Independamment, citoyen ordonnateur, de votre qualite de membre de la commission, vous remplissez plus specialement les fonctions de l'ordonnateur en chef de l'armee qui va s'embarquer. Je compte assez sur votre discretion pour vous faire part de suite de la composition de toute l'armee dont vous etes charge, en vous enjoignant surtout de garder le plus profond silence. L'armee sera composee de cinq divisions: 1 deg.. Les trois demi-brigades qui s'embarquent a Civita-Vecchia, qui ont ordre d'embarquer avec elles deux commissaires des guerres, un chef de chaque administration, une ambulance et des vivres pour deux mois. 2 deg.. La division qui s'embarque a Genes, composee de trois demi-brigades, et qui a ordre d'embarquer deux commissaires des guerres, un chef de chaque administration, une ambulance et des vivres pour deux mois. 3 deg.. Une division qui s'embarque a Toulon, composee de la quatrieme d'infanterie legere, de la dix-huitieme et de la trente-deuxieme de ligne; vous y attacherez deux commissaires des guerres, un chef de chaque administration, une ambulance. 4 deg.. Une division qui s'embarquera a Marseille, composee des neuvieme et quatre-vingt-cinquieme de ligne, a laquelle vous attacherez egalement un chef de chaque administration, deux commissaires des guerres et une ambulance. Vous ferez bien attention surtout que la maniere dont je viens de classer les divisions, n'est point par les numeros qu'elles doivent garder; j'ai suivi leur position geographique; ainsi vous designerez les deux divisions qui sont a Toulon, l'une sous le nom de Solliers, l'autre sous celui de Laseine, sans leur donner aucun numero. Toutes ces troupes, avec un corps de cavalerie et d'artillerie a proportion, doivent etre reunies sur un seul point pour concourir a une meme operation. Il est donc necessaire que vous ayez avec vous, pour les employer selon les circonstances, sept a huit bons commissaires des guerres, un chef d'attelage d'artillerie et huit ou dix hommes entendus, pour pouvoir, lorsque notre debarquement sera opere, les charger des differens services de l'armee, sans cependant leur designer encore aucune fonction. Le general Dommartin commande l'artillerie de ladite armee; vous vous entendrez avec lui pour tous les details. Le citoyen Desgenettes est medecin en chef; le citoyen Larrey, chirurgien en chef. Dix-huit chirurgiens et medecins doivent etre partis, et, a l'heure qu'il est, etre rendus a Toulon. Independamment de cela, vous prendrez le plus de chirurgiens et de medecins que vous pourrez, soit en en faisant venir de l'armee d'Italie, soit en prenant ceux de quelque merite, que vous pourriez trouver dans le pays ou vous etes: vous n'en aurez jamais de trop. Vous organiserez aussi une pharmacie, que vous prendrez dans les hopitaux de Marseille et de Toulon. Chaque vaisseau de guerre ou vaisseau de transport doit avoir sa pharmacie pour les malades qui pourraient survenir pendant le passage, et vous devez aussi embarquer une quantite de medicamens proportionnee a la force de l'armee, qui se trouve etre de trente mille hommes. Procurez-vous deux ou trois cents infirmiers, huit ou dix bons directeurs d'hopitaux, un bon architecte, douze ou quinze macons, cinq ou six garde-magasins, et un agent en chef des hopitaux. Vous avez la dessus liberte toute entiere. Dans les instructions de la commission, j'ai demande beaucoup de souliers; independamment des besoins qu'aura la troupe au moment de l'embarquement, il faudra encore y suppleer jusqu'a ce que nous ayons pu faire des etablissemens dans le pays ou nous allons. Le payeur general sera le citoyen Esteve. Il faut qu'il y ait autant de payeurs qu'il y a de divisions, independamment des bureaux et des payeurs qui peuvent lui devenir necessaires. N'oubliez pas de vous procurer quelques artistes veterinaires. Le general de division ne pourra embarquer que trois chevaux, le general de brigade deux, et tous les officiers qui eut le droit d'avoir des chevaux, un; le commissaire ordonnateur, trois, et les commissaires des guerres en chef, un; les administrateurs, aucun; mais tout le monde a la liberte d'embarquer le nombre de selles et de palfreniers que la loi lui accorde. Faites-vous rendre compte s'il y a des tentes dans l'arrondissement ou vous vous trouvez: s'il y en avait, il faudrait les faire mettre en etat: je desirerais en avoir un millier. Le deuxieme bataillon du quatrieme regiment s'est embarque le 5 a Lyon, pour Avignon. Ainsi, il sera deja rendu a Toulon quand vous recevrez cette lettre. J'ai donne ordre que l'on embarque cinquante chevaux d'artillerie a Civita-Vecchia, cinquante a Genes. Nous en embarquerons le plus que nous pourrons a Toulon et a Marseille. Dans les instructions que j'ai donnees a la commission, cet article de l'artillerie est specialement detaille. BONAPARTE. Paris, le 11 germinal an 6 (31 mars 1798). _Au ministre des finances._ Vous devez remettre, citoyen ministre, pour cette decade, 500,000 fr. a la disposition de la commission chargee de l'inspection des cotes de la Mediterranee. Je desirerais que la tresorerie put faire partir demain des lettres de change pour 200,000 francs sur Genes, et faire passer 300,000 francs a Toulon. La solde des troupes qui s'embarquent a Genes est arrieree. Il serait necessaire que la tresorerie fit passer au payeur de la division du general Baraguey-d'Hilliers a Genes 400,000 fr., pour payer cette division jusqu'au premier germinal. J'ai un courrier tout pret, qui porterait les lettres de change pour ces 600,000 fr. Il serait fort essentiel a nos operations que cela put partir demain. Je vous prie aussi de donner des ordres pour qu'elle fasse passer de l'argent pour la solde des troupes qui sont en Corse. Il faudrait au moins 300,000 fr. BONAPARTE. Paris, le 13 germinal an 6 (a avril 1798). _Au general Baraguey-d'Hilliers._ Le consul recevra, citoyen general, par un courrier que j'expedierai demain, 600,000 fr., ce qui, joint aux 200,000 fr. que j'ai deja fait passer, fournira les sommes necessaires a l'embarquement. Faites-moi passer, par le retour de mon courrier: 1 deg.. L'etat de situation des batimens, le nombre des tonneaux et de l'equipage de chaque batiment, avec le nombre d'hommes et le nombre de chaque corps que chaque batiment transporte. 2 deg.. L'etat de situation de votre division, le nom de votre payeur, de vos deux commissaires des guerres, de vos deux adjudans generaux, et des officiers d'artillerie et de genie attaches a l'etat-major de la division. Tachez d'embarquer avec vous le plus de chirurgiens et de medecins que vous pourrez, francais ou italiens; quatre medecins, douze chirurgiens, independamment des chirurgiens des corps et de l'ambulance, ne seraient pas trop. Embarquez huit ou dix armuriers avec leurs outils, francais ou italiens, et des calfats, charrons, serruriers, le plus que vous pourrez vous en procurer. J'ecris au general Berthier de vous faire passer trois mille fusils, s'il peut se les procurer. Ne partez pas sans de nouveaux, ordres. Faites en sorte d'avoir plutot trois ou quatre jours de vivres de plus que de moins. Tenez la main a ce que l'on n'embarque rien d'inutile. Vous ne pouvez embarquer pour vous que trois chevaux, les generaux de brigade deux, et les autres officiers qui ont le droit d'avoir des chevaux, un; mais chacun embarquera ses selles et ses palfreniers. Laissez a Genes un officier superieur par corps composant votre division, afin de reunir dans cette ville tous vos hommes sortant des hopitaux; et, toutes les fois qu'il y en aura cent, on leur donnera des ordres pour vous rejoindre. Les officiers peuvent egalement donner rendez-vous a Genes a leurs domestiques, et gros bagages, qu'ils ne pourraient pas embarquer avec eux. Embarquez tous les depots actuellement existans. J'imagine que vous menez avec vous Parthouneaux. J'ecris a Berthier de vous envoyer Almeyras, qui est un fort bon adjudant-general. Faites-moi connaitre, par le retour du courrier, l'etat exact et par corps de tout ce qui serait du aux soldats. Ayez avec vous trois bons directeurs d'hopitaux et une centaine de bons infirmiers. BONAPARTE. Paris, le 13 germinal an 8 (2 avril 1798). _Au general Lannes._ Je vous envoie, citoyen general, des lettres pour le payeur de la division qui vient de Suisse, pour le payeur de Lyon et de deux autres departemens. Vous ferez donner a Lyon la solde aux troupes jusqu'au 15 de ce mois. Si la division n'avait point a Lyon de payeur, vous chargeriez un des quartiers-maitres d'en faire les fonctions et de recevoir l'argent que la tresorerie donne ordre de remettre entre ses mains pour subvenir aux depenses ulterieures du pret. Ayez soin, en m'envoyant l'etat de situation de chaque corps, de m'instruire jusqu'a quel jour les soldats ont ete payes, ainsi que de la quantite d'effets qui a ete distribuee a chaque corps et ce qui pourrait leur manquer encore. Surtout ayez bien soin de completter l'armement. Voyez le commandant de l'artillerie a Lyon, pour vous informer quand partiront les differens objets que le general Dommartin doit lui avoir demandes, et pressez-le le plus que vous pourrez. Voyez les salles d'armes. Faites partir le plus tot possible dix ou douze mille bons fusils avec autant de sabres, et deux mille selles et brides de hussards et meme de dragons. Il faut que tous ces differens objets soient a Avignon le 25 de ce mois. Vous previendrez le general Dommartin de tout ce qui partira, afin qu'il prenne ses mesures pour que, d'Avignon, le tout se rende de suite a Toulon. Instruisez moi de tout dans le plus grand detail. Envoyez l'adjudant-general Lagrange a Grenoble, pour connaitre le jour ou les differens objets que le general Dommartin a du demander, seront arrives a Avignon et pressez le depart du tout. BONAPARTE. Paris, le 13 germinal an 6 (2 avril 1798). _Au general Brune._ Je profite du depart de Suchet pour vous ecrire deux mots. J'ai expedie a Rome un courrier extraordinaire il y a trois heures: il etait charge d'une lettre pour Berthier ou vous. J'imagine que Berthier, en vous remettant le commandement de l'armee, vous communiquera les renseignemens sur les embarcations qui se font a Civita-Vecchia et a Genes. Comme il est extremement essentiel que ces embarquemens n'eprouvent aucun retard, je vous les recommande specialement. Il parait que celui de Genes va assez bien, mais celui de Civita-Vecchia est bien arriere. Aidez Dessaix, a qui le directoire a confie le commandement des troupes qui s'embarquent a Civita-Vecchia. Vous avez beaucoup a faire dans le pays ou vous etes. J'espere que ce sera le passage d'ou vous viendrez me rejoindre pour donner le dernier coup de main a la plus grande entreprise qui ait encore ete executee parmi les hommes. Entourez-vous d'hommes a talens et forts. Je vous recommande de proteger l'observatoire de Milan, et, entre autres, Oriani, qui se plaint de la conduite que l'on tient a son egard: c'est le meilleur geometre qu'il y ait eu. BONAPARTE. Paris, le 13 germinal an 6 (2 avril 1798). _Au general Schawenbourg._ La tresorerie donne ordre, citoyen general, a son payeur a Berne, de faire passer 3,000,000 a Lyon. J'expedie l'ordre de la tresorerie par un courrier extraordinaire. Comme ces 3,000,000 sont destines a l'armee d'Angleterre, je vous serai oblige de me faire connaitre le jour ou ils pourront arriver a Lyon, et en quelle monnaie. Il serait necessaire que, le plus possible, ce fut en monnaie de France. La tresorerie donne ordre de les faire partir en toute diligence. Je vous prierai d'activer par tous les moyens possibles leur arrivee a Lyon avant le 20 de ce mois. Je suis fort aise, citoyen general, que cette circonstance m'ait fourni l'occasion de correspondre avec vous et de vous temoigner l'estime et la consideration distinguee avec laquelle je suis, BONAPARTE. Paris, le 13 germinal an 6 (2 avril 1798). _Au citoyen Belleville._ J'ai recu, citoyen, vos dernieres lettres. Je ferai partir, par un courrier extraordinaire, des lettres de change pour 600,000 fr. Elles ne sont payables que dans un mois; mais vous vous arrangerez pour avoir tout de suite de l'argent comptant. Quatre cent mille fr. sont destines pour la solde des troupes, et 200,000 pour l'extraordinaire de l'expedition. Le payeur de la division du general Baraguey-d'Hilliers rendra compte des 400,000 fr. a la tresorerie, et vous rendrez compte a la commission a Toulon des autres 200,000. J'espere que, moyennant cet argent, vous pourrez subvenir a toutes les depenses de l'operation, puisque vous ne paierez que quinze jours de nolis aux batimens. Vous savez qu'il est avantageux qu'il ne soit paye en definitif qu'a la fin de l'expedition. Vous avez parfaitement fait de noliser par mois. J'ai trouve que 16 fr. par tonneau etait excessivement cher. Vous devez trouver quelques biscuits a Tortone ou a Milan: j'en ai fait faire une tres-grande quantite; cela economiserait d'autant. Sur les 400,000 fr. que j'envoie sur la solde, vous devez retenir une decade, laquelle ne doit etre donnee que lorsqu'on sera embarque. J'ecris a Berthier qu'il vous fasse remettre le present que j'ai destine au marquis de Gallo. Il doit valoir 100,000 fr.; vous le vendrez; mais faites en sorte que l'on ne sache pas que c'etait ce que l'on destinait a M. de Gallo, afin que cela ne fasse pas un mauvais effet. L'argent provenant de ces diamans sera mis dans la caisse du payeur de cette division, pour les evenement extraordinaires, et on n'en disposera que pour subvenir aux depenses que pourrait necessiter un nouveau relache dans quelque port, et sur mon ordre. Le convoi ne partira que d'apres de nouveaux ordres; mais je vous conjure de faire en sorte qu'il puisse partir dans les premiers jours de floreal, et que les deux mois de vivres soient bien complets, et qu'il y ait plutot pour quatre ou cinq jours de plus que de moins. Specifiez qui doit nourrir les equipages, et que dans tous les cas leur subsistance soit assuree pour deux mois. BONAPARTE. Paris, le 13 germinal an 6 (2 avril 1798). _Au general Berthier._ Vous ferez remettre, mon cher general, a Belleville, le present que j'avais destine pour M. de Gallo. Il s'en servira pour faire de l'argent. Les circonstances presentes et le besoin que nous en avons pour l'expedition de la Mediterranee, sont d'une importance majeure. Gardez le plus profond secret, afin que cela ne produise pas un mauvais effet. Je vous prie de donner l'ordre au citoyen Monge et a tous les ingenieurs des ponts et chaussees, ou geographes qui sont a l'armee, de se rendre a Genes, pour y etre embarques sous les ordres du general Baraguey-d'Hilliers. Faites-lui passer trois bons directeurs d'hopital, une centaine d'infirmiers, et les medecins et chirurgiens qu'il vous demandera. Voyez aussi, je vous prie, s'il ne serait pas possible de faire passer, de Milan ou de Tortone, 3,000 fusils, pour etre embarques a Genes. BONAPARTE. Paris, le 13 germinal an 6 (2 avril 1798). _Au general Desaix._ Par la lettre que je recois de Monge, citoyen general, du 30 ventose, je vois qu'il sera impossible que vous soyez pret pour le 30 germinal. Dans ce cas-la, continuez toujours vos preparatifs, et tachez d'etre-pret pour le 20 floreal epoque a laquelle je vous Enverrai de nouveaux ordres. Je prefere, si cela est possible, que vous vous embarquiez sur les plus gros batimens, ayant les vivres et tout ce qui vous est necessaire, et retardiez d'une ou deux decades pour vous les procurer, a vous voir passer en Corse sur de petits bateaux. Ou je viendrai vous prendre a Civita-Vecchia, ou je vous enverrai des fregates pour vous escorter et vous conduire a l'endroit ou il sera necessaire. Tachez de vous procurer a Rome deux ou trois mille fusils; faites-les transporter a Civita-Vecchia; embarquez-les sur votre convoi, ou, si cela vous encombre et exige de nouveaux moyens de transport, nous l'es ferons venir apres. Vous ne devez avancer aux patrons que tout juste ce qu'il leur faut pour commencer l'operation. On leur soldera tous les mois le nolis de leurs batimens. Specifiez qui doit nourrir les equipages, et que, dans tous les cas, leur subsistance leur soit assuree pour deux mois. Le contre-amiral Brueys est arrive a Toulon; la, a Marseille et a Genes, les affaires vont parfaitement. Je compte partir de Paris le 26 de ce mois. Si vous envoyez des courriers, il sera necessaire qu'ils s'adressent, a Lyon, au general Lannes, ou, dans le cas qu'il n'y soit plus, au general commandant, qui saura seul si je suis passe, afin de se diriger sur Toulon ou sur Paris. BONAPARTE. Paris, le 13 germinal an 6 (3 avril 1798). _Au citoyen Monge._ J'ai recu, mon cher Monge, votre lettre du 30 ventose. Desaix doit etre arrive. Je vous prie de lui remettre la lettre ci-jointe. Je ne compte que sur vous et sur lui pour l'embarquement de Civita-Vecchia. J'ai envoye d'ici de l'argent, afin de vous decharger entierement de l'embarquement a Genes. Je compte sur l'imprimerie arabe de la Propagande et sur vous, dusse-je remonter le Tibre avec l'escadre pour vous prendre. BONAPARTE. Paris, le 16 germinal an 6 (5 avril 1798). _Au meme._ J'apprends a l'instant qu'un courrier part pour Rome. Je vous ecris deux mots: j'ai recu votre lettre du 8. J'ai appris avec plaisir que l'embarquement de Civita-Vecchia avancait. J'envoie l'ordre, par un courrier extraordinaire, a Toulon, a une fregate armee en flute, de se tendre a Civita-Vecchia; elle pourra embarquer quatre cents hommes et servira a embarquer Desaix, auquel vous direz de m'envoyer un courrier extraordinaire pour m'instruire de sa position au 1er floreal. Nous aurons avec nous un tiers de l'institut et des instrumens de toute espece. Je vous recommande specialement l'imprimerie arabe de la Propagande. Si Faypoult voulait etre des notres, il pourrait nous etre bien utile la-bas. Les choses sont ici assez tranquilles. BONAPARTE. Paris, le 16 germinal an 6 (5 avril 1798). _A la commission chargee de l'inspection des cotes de la Mediterranee._ Je vous prie, citoyens, de m'envoyer par le retour du courrier, 1 deg.. l'etat des vaisseaux de guerre, de leurs vivres et de leurs equipages qui se trouvent en rade et prets a partir au 1er floreal, avec le nombre d'hommes que chacun peut porter; 2 deg.. Les batimens de guerre armes en flute, le nombre d'hommes, d'equipages, et la quantite de monde que chacun peut embarquer; 3 deg.. L'etat de l'artillerie, ou embarquee, ou qui pourra etre embarquee pour le 1er floreal; 4 deg.. La situation des vivres et des approvisionnemens pour la troupe de passage, pendant deux mois, qui se trouvera embarquee au 1er floreal; 5 deg.. La quantite d'eau que chaque batiment aura a bord au 1er floreal; 6 deg.. Le transport, avec le nombre d'equipages, le nombre d'hommes que chacun doit porter, qui seront prets a partir au 1er. floreal, tant a Marseille qu'a Toulon, et la quantite de vivres et d'eau que chacun aura a bord; 7 deg.. Le nom des officiers de genie, d'artillerie, commissaires des guerres, generaux, troupes d'artillerie, demi-brigades qui seront arrives a Marseille ou a Toulon, au jour ou ledit etat sera fait, ainsi que les sommes qui seront dues a ces differens corps. Le courrier part aujourd'hui 16 a dix heures du soir; il arrivera le 20, avant minuit, a Toulon. Je vous prie de le faire partir dans la journee du 21, afin qu'il soit de retour, au plus tard, le 25. BONAPARTE. Paris, le 16 germinal an 6 (5 avril 1798). _Au citoyen Belleville._ La division du general Baraguey-d'Hilliers, qui s'embarque a Genes, ne se monte pas a plus de six mille hommes, et cependant le convoi compose de soixante-six batimens, dont vous m'avez envoye l'etat, porte de douze a treize mille tonneaux. Un batiment peut porter un homme par tonneau, sans aucune espece d'inconvenient. Je vous prie de faire l'essai et de vous assurer du nombre d'hommes que chaque batiment peut porter: car si c'est un inconvenient de trop resserrer les hommes, c'en serait un aussi de trop les diviser et d'employer plus de transports qu'il ne faut. Je m'en rapporte la-dessus a votre experience. S'il arrivait que ces batimens ne pussent pas porter davantage d'hommes, mais pussent porter davantage d'artillerie, je vous prierais d'y faire embarquer, sans augmenter le convoi, un second million de cartouches, et jusqu'a la concurrence de dix mortiers de 12 pouces, dix _id._ de 8 pouces, dix pieces de 24, approvisionnes tous a cinq cents coups, avec double affut. Vous ne manquez pas a Genes de ces differens objets d'artillerie, qui, en tout cas, seraient bien vite arrives de Tortone. Vous aurez soin de m'instruire de ce que vous pourrez faire la-dessus, et d'en envoyer l'etat circonstancie au general Dommartin. Ce que vous embarquerez de ces objets diminuera d'autant l'embarquement que nous sommes obliges de faire de notre equipage de siege. BONAPARTE. Paris, le 16 germinal an 6 (5 avril 1798). _A la commission chargee de inspection des cotes de la Mediterranee._ La tresorerie, citoyens, vous fait passer exactement l'argent qui vous est destine: vous devez n'avoir aucune inquietude sur cet objet, et pousser vos travaux avec la plus grande activite. Il est indispensable que l'escadre du contre-amiral Brueys et celle qui est en rade avec tous les transports soient pretes a partir au 1er floreal. La fregate armee en flute recoit l'ordre, par le courrier, de se rendre a Civita-Vecchia, pour embarquer du monde dans ce port. Il est urgent qu'elle parte le plus promptement possible. BONAPARTE. Paris, le 16 germinal an 6 (5 avril 1798). _Au general Dommartin._ Je vois avec peine, citoyen general, que tous les preparatifs que vous faites, pour vous procurer de l'artillerie, traineront en longueur. Voyez a prendre a Toulon, Antibes, Marseille et Nice, ce qui vous serait necessaire. Il y a, a Nice, toutes les pieces de 24 que vous pourrez desirer. Il y a sur la cote de la Mediterranee plus de soixante mortiers a la Gomere. Il faut etre pret a partir dans les premiers jours de floreal: vous sentez bien que les bombes que vous faites faire dans les foyers du Forez, ne peuvent etre pretes pour cette epoque. Faites-moi connaitre par le retour de mon courrier, dans le plus grand detail, dans quelle situation vous vous trouverez au moment ou vous m'ecrirez, quelles sont les pieces ou autres effets qui sont embarques, et ou se trouvent les objets qui ne le sont pas. J'ai ecrit au general Lannes pour qu'il ait a activer, de Lyon et Grenoble, les demandes que vous avez faites. BONAPARTE. Paris, le 16 germinal an 6 (5 avril 1798). _Au ministre de la marine._ Vous avez ordonne, citoyen ministre, il y a un mois, a l'ordonnateur Najac d'armer en flute une vieille fregate pour servir au transport des troupes: je vous prie de faire donner l'ordre a cette fregate de se rendre a Civita-Vecchia, ou elle servira a embarquer une partie des troupes qui ont ordre de s'y embarquer. Elle servira en meme temps pour l'escorte du convoi. Elle embarquera le general qui commande cette expedition, duquel elle recevra des ordres pour toute la destination du convoi. Il serait necessaire que cette fregate partit le plus tot possible. BONAPARTE. Paris, le 16 germinal an 6 (5 avril 1798). _Au Ministre de la guerre._ Il serait necessaire, citoyen ministre, d'avoir a Toulon vingt mille fusils pour l'operation qu'y a commandee le gouvernement. Comme il n'y en a pas dans cette place, ni a Marseille, je vous prie de les faire partir le plus tot possible de Lyon ou de Saint-Etienne. BONAPARTE. Paris, le 16 germinal an 6 (5 avril 1798). _Au general Brune._ Je vous prie, general, de faire partir, par un courrier extraordinaire, la lettre ci-jointe pour le citoyen Belleville. Je desirerais que le citoyen Belleville fit embarquer a Genes dix pieces de 2, vingt mortiers, a cinq cents coups par piece, si les batimens du convoi y peuvent suffire. Je vous prie de lui fournir, soit de Tortone, ou meme de Genes, les effets d'artillerie dont il peut avoir besoin. Je vous recommande, mon cher general, d'accelerer de tous vos moyens l'embarquement de Civita-Vecchia. Il ne faudrait pas que cet embarquement retardat nos operations. BONAPARTE. Paris, le 18 germinal an 6 (7 avril 1798). _Au citoyen Belleville._ Je vous envoie, citoyen consul, la lettre que vous ecrit la tresorerie, avec l'envoi de lettres de change pour quarante-huit mille piastres; sous trois jours je vous enverrai le reste, jusqu'au complement de 600,000 fr. Je vous ai ecrit tous ces jours-ci. Je vous prie, par le retour de mon courrier, de m'instruire dans le plus grand detail de la situation dans laquelle vous vous trouverez au 1er. floreal, et de me l'expedier de suite. Je lui donne l'ordre de ne pas rester plus de vingt-quatre heures a Genes. BONAPARTE. Paris, le 20 germinal an 6 (9 avril 1798). _Au general Berthier._ Je n'ai pas encore recu de vos nouvelles, mon cher general; mais les dernieres nouvelles que j'ai recues de Monge, le 8 germinal, etaient assez satisfaisantes. Le general de division ne peut embarquer que trois chevaux, le general de brigade, deux, et les deux autres officiers qui ont droit a des chevaux, un. Il faut tenir la main a l'execution du dit ordre. Si vous pouvez faire embarquer cinquante chevaux d'artillerie et cent chevaux de cavalerie, vous ferez embarquer les cent meilleurs chevaux du septieme regiment de hussards, ayant soin de les donner tous a un meme escadron, et tenir la main a ce que, sous ce pretexte, les officiers de cavalerie ne fassent passer tous leurs chevaux, de sorte qu'au commencement du debarquement, vous ayez cent hommes de cavalerie a mettre a terre. Les chevaux restans du septieme regiment de hussards et du vingtieme de dragons, seront donnes aux autres corps de cavalerie de l'armee; en embarquant le harnachement, vous aurez soin que, sous quelque pretexte que ce soit, il ne reste aucun homme du septieme et du vingtieme en Italie. Faites completer la musique de vos differentes demi-brigades. Donnez-en une a la vingt-unieme d'infanterie legere, s'il n'y en a pas. Ayez soin qu'il ne manque point de tambours. Si cela etait, vous pourriez vous en faire donner dans les corps qui restent a Rome. Faites donner un drapeau a chaque bataillon de la vingt-unieme d'infanterie legere. Ayez soin que les lieutenans et les sous-officiers d'infanterie legere soient armes de fusils, ainsi que les sous-officiers de ligne. Faites armer de fusils les canonniers. J'avais ordonne, dans le temps, que chaque corps eut un certain nombre de sapeurs, avec des haches et des outils. Assurez-vous que cet ordre est execute. _La Courageuse_, fregate armee en flute, qui peut porter six cents hommes, doit etre partie de Toulon, pour se rendre a Civita-Vecchia. Cela servira a vous embarquer. Tout etant pret a Toulon, Marseille et Genes, je compte partir dans six jours. J'y serai dans les premiers jours de floreal. Envoyez-moi un courrier pour Lyon. Il s'informera chez le general commandant ou je suis. Je desirerais aussi que vous m'en envoyassiez un en droite ligne a Toulon, qui me fit connaitre la situation dans laquelle vous vous trouverez au 1er floreal, pour que je vous envoie des ordres en consequence. BONAPARTE. Paris, le 20 germinal an 6 (9 avril 1798). _Au general Brune._ Il etait reste en Italie, citoyen general, vingt-cinq hommes de mes guides a cheval, soit aux hopitaux, soit en detachement avec le general Berthier; je vous prie de leur donner l'ordre de se rendre a Genes, ou ils s'embarqueront avec le general Baraguey-d'Hilliers. Je vous prie aussi de faire partir pour Genes tous les hommes qui resteraient des demi-brigades suivantes: deuxieme d'infanterie legere, vingt-deuxieme _id._; dix-huitieme, vingt-cinquieme, trente-deuxieme, soixante-quinzieme, neuvieme, quatre-vingt-cinquieme, treizieme, soixante-neuvieme de ligne; quatorzieme, quinzieme, dix-huitieme regimens de dragons; vingt-deuxieme de chasseurs. Et de faire rendre a Civita-Vecchia ceux des vingt-unieme d'infanterie legere, soixante-unieme, quatre-vingt-huitieme de ligne; septieme regiment de hussards, vingtieme _idem_ de dragons. Ces hommes s'embarqueront a la suite des divisions qui s'embarquent a Genes et a Civita-Vecchia; et quand meme ces divisions seraient parties, leurs depots resteront a Genes et a Civita-Vecchia, de maniere que lorsqu'il y aura cent hommes reunis, on pourra les faire partir pour rejoindre au lieu ou se rend ledit embarquement. Les quatorzieme et dix-huitieme de dragons et le septieme de hussards laissent leurs chevaux sans hommes a Genes et a Civita-Vecchia. Envoyer des detachemens des differens corps de cavalerie qui ont le plus d'hommes a pied. Vous trouverez dans les regimens de dragons, des chevaux qui pourront remonter votre grosse cavalerie. BONAPARTE. Paris, le 20 germinal an 6 (9 avril 1798) _Au general Baraguey-d'Hilliers._ J'imagine, citoyen general, qu'a l'heure qu'il est, l'embarquement de Genes doit etre pret. J'avais ecrit au general Berthier, en date du 25 ventose, pour qu'il fit preparer des batimens capables de porter cent cinquante chevaux, independamment de ceux des etats-majors. Vous ferez choisir cinquante chevaux des plus forts d'artillerie et cent des meilleurs chevaux du quatorzieme de dragons. Vous aurez surtout bien soin que ces chevaux montent les hommes d'un meme escadron, et que les officiers de cavalerie n'en profitent point pour faire passer leurs chevaux, de maniere qu'au moment du debarquement, vous ayez un escadron tout monte pour votre service. Vous ferez preparer en outre des batimens pour porter les chevaux de l'etat-major, si vous ne croyez pas plus convenable de les embarquer dans les memes batimens ou s'embarquent les officiers. Au reste, ce ne doit pas etre un objet, puisque je ne calcule pas que cela puisse passer vingt ou vingt-cinq chevaux. Les chevaux restans des quatorzieme et dix-huitieme de dragons seront donnes a des detachemens de differens regimens qui sont en Italie, auxquels ils seront distribues; bien entendu que vous aurez soin de faire embarquer les selles et tout le harnachement. Vous aurez soin que le quatorzieme et le dix-huitieme de dragons ne laissent aucun homme en Italie, et que tout soit embarque. Faites completter la musique de vos differentes demi-brigades. Donnez-en une a la vingt-deuxieme d'infanterie legere, si elle n'en a pas. Donnez trois drapeaux a la vingt-deuxieme d'infanterie legere. Ayez soin que les lieutenans et les sous-officiers d'infanterie legere aient des fusils, ainsi que les sous-officiers des demi-brigades de bataille. Faites donner a l'artillerie a pied des fusils. BONAPARTE. Paris, le 21 germinal an 6 (10 avril 1798). _Au general Regnier._ Le general de division Regnier se rendra a Lyon; il y verra le general de brigade Lannes; il s'informera si les objets d'artillerie, qui ont ete demandes par le general Dommartin, sont partis de Lyon. Il verra le commandant de l'artillerie et le directeur des transports, pour activer le depart des objets demandes. Il m'ecrira de Lyon pour me rendre compte de tout ce qu'il aura fait. Il se rendra a Grenoble pour activer egalement le depart des objets d'artillerie qui auraient ete demandes par le general Dommartin. Arrive a Avignon, il fera faire toutes les dispositions necessaires pour que tous les objets d'artillerie qui arriveraient dans cette ville, soient sur-le-champ mis en route pour Toulon. Avant de partir pour Paris, il verra le general Dufalga, pour avoir de lui la note de tous les effets qui sont partis ou doivent partir de Paris, et le jour ou ils passent a Lyon ou a Avignon. Il previendra les directeurs des transports de ces deux villes, afin que ces objets n'eprouvent aucun retard. De la il se rendra a Marseille, ou il attendra de nouveaux ordres. BONAPARTE. Paris, le 22 germinal an 6 (11 avril 1798). _Au general Baraguey-d'Hilliers._ J'ai recu, citoyen general, votre lettre du 11, avec les etats qui y etaient joints. Le courrier porte au citoyen Belleville le restant des sommes pour completter 800,000 fr., y compris le premier envoi de 200,000 fr. Je trouve que quatorze mille tonneaux pour sept mille hommes, c'est trop. Dans les embarquemens que nous faisons a Toulon et a Brest, l'on ne compte qu'un tonneau par homme; 16 fr. par tonneau, c'est encore trop cher: nous ne payons que la moitie sur l'Ocean et a Marseille. Une decade d'avance pour les nolis suffit. Le reste sera paye lors de l'arrivee. Six cent quatre-vingts francs par navire pour les arrangemens me paraissent aussi trop cher. Pourvu que le pret soit paye a jour, a l'instant qu'on s'embarque, l'on pourra se passer de deux mois d'avance. Il resulte, que les 800,000 fr. que Belleville a touches doivent faire votre embarquement, puisque vous en portez la valeur a 1,500,000 fr., et que vous y comprenez 260,000 fr. pour deux mois de pret d'avance, 400,000 fr. pour le nolis de deux mois; en tout 660,000 fr. d'economises. Il sera facile d'economiser 40 ou 60,000 fr. sur le reste. S'il vous est possible d'avoir deux decades de pret au moment de votre embarquement, ce sera un grand bien. S'il reste une queue de 100,000 fr. a devoir aux fournisseurs, cela serait paye a Paris. J'espere donc qu'au 1er floreal vous serez pret a partir. Dans quatre jours, je vous expedierai un courrier, avec l'ordre, qui devra etre execute, quelle que soit la position ou vous vous trouverez. BONAPARTE. Paris, le 22 germinal an 6 (11 avril 1798) _Au citoyen Belleville._ Je vous en voie, citoyen consul, une lettre de la tresorerie nationale avec des lettres de change pour 20,000 piastres. Ainsi, voila 800,000 fr. que vous avez recus pour l'embarquement. Cela doit vous suffire: d'ailleurs les diamans que vous vendez vous mettront peut-etre a meme de pouvoir prendre 200,000 fr., s'il est necessaire, et enfin s'il y avait un reste de compte de 100,000 francs du aux fournisseurs, cela serait paye a Paris. Dans quatre jours, j'enverrai l'ordre pour le depart du convoi: il faut que tout soit pret a partir le 1er floreal. BONAPARTE. Paris, le 22 germinal an 6 (11 avril 1798). _Au general Lannes._ J'ai recu, citoyen general, la lettre que m'a remise votre aide-de-camp. 3,000,000 sont partis en poste, le 18 de ce mois, de Berne pour Lyon. Vous trouverez ci-joint l'ordre de la tresorerie a son payeur de Lyon, de les faire passer sur-le-champ a Toulon. Vous ferez embarquer ce convoi sur le Rhone; vous vous rendrez avec lui a Avignon, d'ou vous le ferez partir en toute diligence, de Lyon pour Toulon. Vous m'instruirez du jour de votre depart de Lyon, et des differentes especes qui composent le convoi de 3,000,000. Lorsque votre convoi sera parti d'Avignon, et que vous aurez pris toutes les mesures necessaires pour la surete de son transport, vous vous rendrez a Marseille, ou vous attendrez de nouveaux ordres. BONAPARTE. Paris, le 23 germinal an 6 (12 avril 1798). _Au ministre des finances._ Je vous prie, citoyen ministre, de faire nommer par la tresorerie nationale un controleur aupres du payeur de la commission de la Mediterranee. Je vous recommanderai, pour cette place, le citoyen Poussielgue, qui est actuellement a Paris, et qui a ete long-temps employe dans votre ministere. Je desirerais que sur les 600,000 fr. que vous devez mettre, cette decade, a la disposition de la commission de la Mediterranee, vous fissiez remettre, a Paris, au general Dufalga, commandant le genie de l'armement de la Mediterranee, 500,000 fr. pour depenses de ce corps, instrumens, etc.; et 100,000 fr. a ma disposition a toucher a Paris. BONAPARTE. Paris, le 23 germinal an 6 (12 avril 1798). _Au ministre des relations etrangeres._ Je vous prie, citoyen ministre, de vouloir bien donner l'ordre au citoyen Magallou, consul de la republique au Caire, de partir sur-le-champ pour se rendre le 3 floreal a Marseille, ou il recevra de nouveaux ordres. Ce consul reclame 30,000 fr. qui lui sont dus par votre departement, dont les comptes ne sont pas encore apures. Je desirerais que vous lui fissiez donner un a-compte de moitie. Je vous prie de donner egalement l'ordre au citoyen Venture de partir sur-le-champ pour Toulon, ou il recevra de nouveaux ordres. Je desirerais que vous lui fissiez donner les frais de poste, et que vous lui assurassiez la place qu'il a dans votre departement, en faisant toucher a sa famille les appointemens qu'il a. BONAPARTE. Paris, le 23 germinal an 6 (12 avril 1798). _Au ministre de la marine._ Je desirerais, citoyen ministre, que vous ordonnassiez a une de nos bonnes fregates de partir de Toulon pour se rendre a Genes, et prendre sous son escorte le convoi qui est pret a partir de cette ville. Elle prendra a son bord le general de division qui commande le convoi, de qui elle recevra des ordres pour sa destination. Je vous prie egalement de donner l'ordre pour qu'on fasse partir pour Ajaccio, en Corse, neuf des plus gros batimens de transport qui sont a Toulon, pour embarquer les troupes qui doivent partir d'Ajaccio. Ils y attendront de nouveaux ordres. Ils pourraient partir sous l'escorte d'une corvette. BONAPARTE. Paris, le 24 germinal an 6 (13 avril 1798). _Au vice-amiral Brueys._ Le directoire executif, citoyen general, voulant recompenser les services que vous lui avez rendus dans la Mediterranee, ou vous naviguez depuis quinze mois, vous a nomme au grade de vice-amiral. Vous recevrez incessamment votre nomination ainsi que votre brevet. Une fregate recoit ordre de partir pour Genes, pour escorter le convoi qui doit partir de cette ville; il est necessaire qu'elle soit commandee par un homme de tete. Les chefs de division Decres et Thevenard doivent etre arrives. Le citoyen Ganteaume et deux autres officiers de marine partent apres demain de Paris. Nous organiserons l'escadre avant de partir, de maniere a ce qu'elle puisse etre digne de la grande mission qu'elle va remplir. Je ne doute pas que, grace a votre activite, tout ne soit pret a partir dans les premiers jours de floreal. J'imagine qu'a l'heure qu'il est vous avez l'artillerie, les vivres et l'eau a bord, et qu'il n'y a plus qu'a y mettre les hommes. Il est indispensable d'avoir avec l'escadre le plus de corvettes et d'avisos qu'il sera possible. J'imagine que toutes les corvettes et tous les avisos qui etaient de l'armee d'Italie et sous vos ordres, sont dans ce moment a Livourne ou a Genes. Envoyez par la fregate qui part l'ordre a tous ceux qui sont a Genes, de partir pour escorter le convoi, a tous ceux qui sont a Livourne ou ailleurs, de se rendre a Civita-Vecchia, ou ils seront sous les ordres de la fregate qui s'y rendra de Toulon, et serviront a escorter le convoi. Faites rallier a Toulon toutes les corvettes qui seraient disseminees dans nos differens ports. BONAPARTE. Paris, le 24 germinal an 6 (13 avril 1798). _Note remise au directoire._ Dans notre position, nous devons faire a l'Angleterre une guerre sure, et nous le pouvons. Que nous soyons en paix ou en guerre, il nous faut quarante ou cinquante millions pour reorganiser notre marine. Notre armee de terre n'en sera ni plus ni moins forte, au lieu que la guerre oblige l'Angleterre a faire des preparatifs immenses qui ruinent ses finances, detruisent l'esprit de commerce et changent absolument la constitution et les moeurs de ce peuple. Nous devons employer tout l'ete a armer notre escadre de Brest, a faire exercer nos matelots dans la rade, a achever les vaisseaux qui sont en construction a Rochefort, a Lorient et a Brest. Si l'on met quelque activite dans ces travaux, nous pouvons esperer d'avoir au mois de septembre, trente-cinq vaisseaux a Brest, y compris les quatre ou cinq nouveaux que l'on peut construire a Lorient et a Rochefort. Nous aurons, vers la fin du mois, dans les differens ports de la Manche, pres de deux cents chaloupes canonnieres. Il faut les placer a Cherbourg, au Havre, a Boulogne, a Dunkerque et a Ostende, et employer tout l'ete a emmariner nos soldats. En continuant a donner a la commission des cotes de la Manche 300,000 fr. par decade, nous pouvons faire construire deux cents autres chaloupes d'une dimension plus forte et propre a transporter des chevaux. Nous aurions donc, au mois de septembre, quatre cents chaloupes canonnieres a Boulogne, et trente-cinq vaisseaux de guerre a Brest. Les Hollandais peuvent egalement avoir dans cet intervalle douze vaisseaux de guerre au Texel. Nous avons dans la Mediterranee deux especes de vaisseaux: Douze vaisseaux de construction francaise qui peuvent, d'ici au mois de septembre, etre augmentes de deux nouveaux; Neuf vaisseaux de construction venitienne. Il serait possible, apres l'expedition, que le gouvernement projetat dans la Mediterranee de faire passer les quatorze vaisseaux a Brest et de garder dans la Mediterranee, simplement les neuf vaisseaux venitiens; ce qui nous ferait, dans le courant des mois d'octobre ou de novembre, cinquante vaisseaux de guerre francais a Brest, et presque autant de fregates. Il serait possible alors de transporter quarante mille hommes sur le point de l'Angleterre que l'on voudrait, en evitant meme un combat naval, si l'ennemi etait plus fort, dans le temps que quarante mille hommes menaceraient de partir sur les quatre cents chaloupes canonnieres et autant de bateaux pecheurs de Boulogne, et que l'escadre hollandaise et dix mille hommes de transport menaceraient de se porter en Ecosse. L'invasion en Angleterre, executee de cette maniere, et dans les mois de novembre et de decembre, serait presque certaine. L'Angleterre s'epuiserait par un effort immense et qui ne la garantirait pas de notre invasion. En effet, l'expedition dans l'Orient obligera l'ennemi a envoyer six vaisseaux de guerre de plus dans l'Inde et peut-etre le double de fregates a l'embouchure de la mer Rouge. Elle serait obligee d'avoir de vingt-deux a vingt-cinq vaisseaux a l'embouchure de la Mediterranee, soixante vaisseaux devant Brest, et douze devant le Texel, ce qui ferait un total de trois cents vaisseaux de guerre, sans compter ceux qu'elle a aujourd'hui en Amerique et aux Indes, sans compter dix ou douze vaisseaux de cinquante canons, avec une vingtaine de fregates, qu'elle serait obligee d'avoir pour s'opposer a l'invasion de Boulogne. Nous nous conserverions toujours maitres de la Mediterranee, puisque nous y aurions neuf vaisseaux de construction venitienne. Il y aurait encore un moyen d'augmenter nos forces dans cette mer; ce serait de faire ceder par l'Espagne trois vaisseaux de guerre et trois fregates a la republique ligurienne: cette republique ne peut plus etre aujourd'hui qu'un departement de la France. Elle a plus de vingt mille excellens marins. Il est d'une tres-bonne politique de la part de la France de favoriser et d'exiger meme que la republique ligurienne ait quelques vaisseaux de guerre. Si l'on prevoit des difficultes a ce que l'Espagne cede a nous ou a la republique ligurienne trois vaisseaux de guerre, je croirais utile que nous-memes nous rendissions a la republique ligurienne trois des neuf vaisseaux que nous avons pris aux Venitiens, et que nous exigeassions qu'ils en construisissent trois autres. C'est une bonne escadre, montee par de bons marins, que nous nous trouverons avoir gagnee. Avec l'argent que nous aurons des Liguriens, nous ferons faire a Toulon trois bons vaisseaux de notre construction, car les vaisseaux de construction venitienne exigent autant de matelots qu'un bon vaisseau de 74; et des matelots, voila notre partie faible. Dans les evenemens futurs qui peuvent arriver, il nous est extremement avantageux que les trois republiques d'Italie qui doivent balancer les forces du roi de Naples et du grand-duc de Toscane, aient une marine plus forte que celle du roi de Naples. BONAPARTE. Paris, le 24 germinal an 6 (l3 avril 1798). _Au directoire executif._ Je ne mene avec moi, citoyens directeurs, dans l'expedition de la Mediterranee, que deux mille cinq cents hommes de cavalerie sans chevaux. Cela fait donc deux mille cinq cents chevaux qui seront distribues aux autres regimens de cavalerie de la republique. Mais, dans le pays ou nous allons, on peut compter facilement sur dix ou douze mille tres-bons chevaux. Je crois donc qu'il serait necessaire de faire embarquer quatre ou cinq regimens de cavalerie sans chevaux, et remonter avec les chevaux desdits regimens les hommes que nous avons a pied dans les differens depots. Je desirerais que le gouvernement ordonnat au premier regiment de cavalerie de se rendre a Genes pour y etre embarque avec ses selles et sans chevaux; au vingt-quatrieme regiment de chasseurs, de s'embarquer a Civita-Vecchia avec ses selles et sans chevaux; au onzieme de hussards, de se rendre a Toulon, de s'y embarquer avec ses selles et sans chevaux; aux deux regimens de chasseurs qui ont le plus d'hommes a pied, de se rendre a Toulon pour s'y embarquer. Faire distribuer les chevaux: 1 deg.. du vingt-quatrieme regiment de chasseurs, du neuvieme d'hussards, du vingtieme de dragons, qui s'embarquent a Civita-Vecchia; 2 deg.. du quatorzieme de dragons, du premier de cavalerie, de deux escadrons du dix-huitieme de dragons qui s'embarquent a Genes, ces six regimens faisant ensemble a peu pres dix-huit cents chevaux; aux cinquieme et onzieme regimens de cavalerie, premier d'hussards, quinzieme, dix-neuvieme, vingt-cinquieme regimens de chasseurs; et comme ces regimens n'ont pas plus de douze cents hommes a pied, il serait necessaire d'envoyer en Italie des regimens de chasseurs et d'hussards de ceux qui ont le plus d'hommes a pied. Cela servirait d'ailleurs a renouveler les regimens qui sont en Italie depuis long-temps et qui s'ennuient d'y etre. Il faudrait distribuer les chevaux du vingt-deuxieme regiment de chasseurs, des deux escadrons du dix-huitieme de dragons, du troisieme et quinzieme de dragons, du onzieme d'hussards, formant seize cents chevaux, et de deux regimens de chasseurs que je demande, aux regimens de la republique qui en ont le plus besoin, et des-lors envoyer dans la huitieme division des detachemens d'hommes a pied des regimens auxquels on veut les donner, pour les prendre. Je crois qu'il serait necessaire d'envoyer en Italie un officier general inspecteur de cavalerie, uniquement charge de la distribution desdits chevaux, afin qu'il n'y ait point de perte pour la republique. Je crois qu'il serait egalement necessaire d'en envoyer un dans la huitieme division, uniquement charge de la meme operation: sans quoi, je prevois que les trois quarts des chevaux seront dilapides. En prenant toutes ces precautions, nous nous trouverons avoir tres-peu d'hommes a pied, a nos depots. BONAPARTE. Paris, le 25 germinal an 6 (14 avril 1798). _Au directoire executif._ J'ai recu, citoyen president, le dernier arrete que le directoire a pris, relatif a l'armement de la Mediterranee. Je desirerais: 1 deg.. Une lettre du directoire qui autorisat le citoyen Monge, commissaire du gouvernement a Rome, a s'embarquer avec le general Desaix, comme savant attache a l'expedition. 2 deg.. Avoir avec moi le citoyen Peyron, qui a ete longtemps employe aupres de Tippoo Sultan, en qualite d'agent du roi. On essaierait de le faire passer aux Indes pour renouveler nos intelligences dans ce pays. BONAPARTE. Paris, le 27 germinal an 6 (16 avril 1798). _Au directoire executif._ Le general d'artillerie Andreossi, citoyen president, qui etait directeur de l'equipage des ponts de l'armee d'Italie, serait necessaire a l'expedition de la Mediterranee. Il est, dans ce moment, employe dans la commission des cotes de l'Ocean. Vous pourriez le remplacer dans cette commission par un autre general du genie ou d'artillerie, soit par le general Debelle, soit par le general Dulanloy, soit par les generaux Marescot ou Sorbier. BONAPARTE. Paris, le 28 germinal an 6 (17 avril 1798). _Au general Lannes._ D'apres les renseignemens que j'ai recus de Berne, citoyen general, les 3,000,000 doivent arriver au plus tard le 30 de ce mois a Lyon. Il est indispensable qu'ils ne s'y arretent que douze heures, pour en faire la verification, et que vous ne vous couchiez pas qu'ils ne soient partis. Des l'instant que les 3,000,000 seront arrives, vous m'en expedierez la nouvelle par un courrier extraordinaire. Comme j'ai des nouvelles que cet argent est parti de Berne en toute diligence, faites preparer des bateaux en toute diligence pour le transport. BONAPARTE. Paris, le 28 germinal an 6 (17 avril 1798). _A la commission chargee de l'armement de la Mediterranee._ Les citoyens Sucy et Blanquet sont arrives hier, et mon courrier, Lesimple, est arrive ce matin. Les differens etats de situation que vous m'avez envoyes sont satisfaisans, et incessamment vous recevrez les ordres pour l'embarquement. Vous ne devez avoir aucune inquietude pour l'argent, les dispositions sont faites depuis long-temps pour qu'il arrive dix millions dans les caisses du payeur de la marine a Toulon: 2,500,000 fr. existans dans la caisse, du 20 ventose; 683,000 fr. qu'il a du recevoir depuis, dont les ordres etaient envoyes par la tresorerie precedemment a cette epoque; 655,000 fr. que la tresorerie a fait des dispositions, au 29 ventose, pour faire passer a Toulon. Le 5 germinal, on a envoye des ordres pour faire passer 941,525 fr. Le 15 germinal, 670,000 fr. Le 25 germinal, 1,050,000 fr. La tresorerie a donne des ordres pour que 3,000,000 se rendissent a Toulon; ils doivent etre arrives dans cette ville, a l'heure qu'il est. Vous ne devez donc avoir aucune espece d'inquietude; vous voyez que les 200,000 fr. qui sont necessaires a la solde de l'amiral Brueys; Les 4,500,000 fr. que doit avoir la commission pour ventose, germinal et floreal; Les 700,000 fr. pour le service des deux mois du port, et 1,500,000 fr. pour les depenses extraordinaires de l'ordonnateur, et specialement les deux mois d'avance aux matelots; Les 600,000 fr. pour la solde des troupes de terre, et 600,000 pour la Corse, sont assures. Marchez hardiment, rassurez les fournisseurs, et n'ayez aucune inquietude. Je viens moi-meme de me rendre a la tresorerie avec le ministre des finances, et j'ai verifie que tous ces fonds sont en pleine marche pour Toulon. Faites connaitre la presente lettre a l'ordonnateur Najac, dont les services et le zele sont apprecies par le gouvernement. Les fonds qui existent dans ce moment-ci, soit dans la caisse d'Esteve, soit dans celle du payeur de la marine, doivent etre employes a lever tous les obstacles qui s'opposeraient a vos approvisionnemens. Les matelots de l'escadre du vice-amiral Brueys seront soldes avant le depart et a l'instant ou les trois millions de Berne seront arrives; ce qui sera avant le 5 floreal. Il faut que le general Dommartin fasse embarquer sur-le-champ son artillerie, de maniere qu'au 5 floreal, il n'y ait plus aucun chariot a embarquer. Il faut qu'il emporte le plus de charrettes qu'il pourra; qu'il fasse embarquer sur-le-champ toutes les cartouches, et les fasse distribuer par chaque vaisseau de guerre. Le capitaine Perrin, qui est un excellent artificier, doit se tenir pret a partir. Il est impossible d'attendre le convoi de marine jusqu'au 15 floreal; qu'un membre de la commission s'y rende sur-le-champ, et que l'on prenne toutes les mesures pour qu'il soit pret le 6. Si l'on n'a pas tout le biscuit necessaire, et que l'on ne puisse pas se le procurer, l'on embarquera de la farine pour l'equivalent. Si tous les batimens pour les chevaux ne sont pas prets a partir, il suffit d'en avoir pour cent cinquante, a Marseille, et l'on continuera toujours pour les autres qui viendront apres. Vous ferez prevenir les generaux commandans a Marseille et a Toulon de se tenir prets a s'embarquer le 5 floreal. Vous enverrez l'ordre par un courrier a Nice et a Antibes, pour que tous les batimens que vous y avez fait preparer se rendent sur-le-champ a Toulon, ou il serait a desirer qu'ils fussent arrives avant le 5 ou le 6 floreal. Enfin, vous recevrez les ordres par le courrier prochain, de faire embarquer a Marseille et a Toulon, le 5 floreal, et de se trouver pret a partir le 7 ou le 8, tel qu'on se trouvera. Tout ce qui ne sera pas pret sera l'objet d'un second convoi. Je vous promets qu'avant cette epoque, tout l'argent ci-dessus designe sera en caisse a Toulon. BONAPARTE. Paris, le 28 germinal an 6 (17 avril 1798). _Au vice-amiral Brueys._ J'ai recu, citoyen general, les differentes lettres que vous m'avez ecrites. Le gouvernement a une entiere confiance en vous, et ce ne seront pas quelques tetes folles, payees peut-etre par nos ennemis pour semer le trouble dans nos escadres et nos armees, qui pourront le faire changer d'opinion. Maintenez une severe discipline. Dans la premiere decade de floreal, je serai a votre bord. Faites-moi preparer un bon lit comme pour un homme qui sera malade toute la traversee. Le general Berthier, chef de l'etat-major; le general Dufalga, commandant du genie; le general Dommartin, commandant l'artillerie; le commissaire ordonnateur Sucy; l'ordonnateur de la marine Leroy; le payeur general de l'armee (Esteve); le medecin et le chirurgien en chef (Desgenettes et Larrey) seront a votre bord. J'aurai avec mois huit ou dix aides-de-camp. Berthier aura deux ou trois adjudans-generaux et cinq ou six adjoints a l'etat-major. Faites de bonnes provisions. Faites mettre a l'ordre de l'escadre, de ma part, qu'avant de partir les matelots seront satisfaits. Il faut que tout ce qui doit partir de Toulon soit pret a lever l'ancre le 8 floreal. J'imagine que vous avez des avisos au detroit de Gibraltar et aux iles Saint-Pierre. Si vous n'en avez pas, envoyez-en sur-le-champ, avec ordre de venir vous instruire de ce qu'il y aurait de nouveau aux iles Saint-Pierre; ou ils apprendront si vous etes passe, et dans le cas ou vous ne le seriez pas encore, et qu'il y ait quelque chose d'important a vous faire connaitre, ils se dirigeront sur Ajaccio, et dans le cas ou vous ne seriez pas arrive, ils feront route sur Toulon. Si vous etiez passe aux iles Saint-Pierre, ils trouveront la des nouvelles de la route qu'ils devront faire pour vous trouver. Je vous recommande surtout d'avoir le plus d'avisos possible. Je crois qu'une douzaine ne serait pas trop. Comme vous etes le seul auquel, j'ai ecrit que je dois me rendre a Toulon, il est inutile de le dire. Je crois indispensable que nous montions _l'Orient_, qui est le vaisseau a trois ponts. Vous donnerez vos ordres en consequence. J'ecris a l'ordonnateur de faire entrer dans la grande rade les treize batimens de guerre, les fregates et les avisos, et de les mettre sous votre commandement immediat. Je lui donne l'ordre egalement de faire mettre le vaisseau _l'Orient_ en quarantaine, afin que vous puissiez le monter, et d'y mettre pour garnison tous ceux des hommes de la sixieme demi-brigade que vous avez amenes de Corfou. Vous repartirez sur le vaisseau _l'Orient_ une partie de l'equipage du _Guillaume Tell_ ou des autres vaisseaux. Vous sentez qu'il est essentiel que le vaisseau amiral ne soit pas le plus mal equipage. BONAPARTE. _P.S._ Je vous fais passer un arrete du directoire, que vous ne devez communiquer a personne. Je vous enverrai par un courrier qui partira dans vingt-quatre heures, differens ordres pour l'organisation de l'escadre. Je vous le repete, il faut que tout soit pret a partir du 6 au 7 floreal. Paris, le 28 germinal an 6 (17 avril 1798). _Au commissaire ordonnateur Najac._ Je vous envoie, citoyen ordonnateur, un arrete du directoire executif; le general Brueys seul en a connaissance. Vous devez garder le plus grand secret. Repandez le bruit que le ministre de la marine va se rendre a Toulon, et faites en consequence preparer un logement qui sera pour moi. Donnez des ordres pour que les vaisseaux dont l'etat est ci-joint, se rendent sur-le-champ dans la grande rade, ou ils seront sous les ordres immediats du general Brueys. Mettez le vaisseau _l'Orient_ en quarantaine, afin que le vice-amiral Brueys puisse le monter de suite. Vous pourrez en retirer les garnisons, pour les repartir sur les autres batimens. Prenez vos mesures pour que les vaisseaux _le Dubois_ et _le Causse_ soient armes en flutes, et que les fregates _la Muiron, la Carrere, la Leoben, la Mantoue, la Montenotte, la Sensible_ soient egalement armees en flutes. Faites embarquer, tant sur les vaisseaux de l'escadre que sur les vaisseaux armes en flutes, les vivres, savoir: Trois mois pour les equipages. Deux mois pour les hommes de passage. Deux mois d'eau pour tout le monde. Un mois d'eau suffira pour les fregates armees en flutes, s'il n'est pas possible de faire autrement. Tachez d'avoir des transports pour pouvoir embarquer, a Toulon, trois ou quatre cents chevaux. Je vous recommande specialement, citoyen ordonnateur, d'employer tous vos soins pour que l'escadre soit prete a partir et a lever l'ancre le 6 ou le 7 floreal. La flotte qui va partir de Toulon est due au zele que vous avez montre dans toutes les circonstances. Je renouvellerai votre connaissance avec un plaisir particulier, et je me ferai un devoir de faire connaitre au gouvernement les obligations que l'on vous a. Vous ne manquerez pas d'argent; avant le 5 floreal vous aurez recu cinq ou six millions. BONAPARTE. Paris, le 28 germinal an 6 (17 avril 1798.) _Au general Dufalga._ Vous voudrez bien, general, donner l'ordre a tous les savans, ouvriers, artistes, et officiers du genie, de partir le plus tot possible pour se rendre a Lyon, ou il est indispensable qu'ils soient arrives le 4 floreal. Vous vous adresserez au general Berthier, chef de l'etat-major de l'armee d'Angleterre, qui vous donnera des passeports pour chacun d'eux. Vous partirez vous-meme, de maniere a etre arrive a Lyon avant cette epoque. Vous ferez partir sur-le-champ un officier de genie, qui louera une diligence ou un coche, et, en cas qu'il n'y en ait pas, il louera un bateau, afin de faciliter l'arrivee de toutes ces personnes a Avignon. Vous leur donnerez a Lyon un rendez-vous, soit chez vous, soit chez l'officier de genie que vous y enverrez, ou ils trouveront leurs ordres pour se rendre a Toulon. Il est indispensable qu'ils soient arrives le 8 au soir. Vous pouvez leur dire dans la lettre que vous leur ecrirez, qu'ils doivent se preparer a faire le voyage de Rome. BONAPARTE. Paris, le 29 germinal an 6 (18 avril 1738). _Aux commissaires de la tresorerie nationale._ Je vous prie, citoyens commissaires, de vous rappeler la promesse que vous m'avez faite de 500,000 fr. en lettres de change sur vous ou vos payeurs. J'aurai soin de les employer de maniere a ce qu'elles nous valent de l'argent. Je charge le citoyen Poussielgue, votre controleur aupres de la commission de la Mediterranee, de prendre lesdites lettres de change que je desire avoir le 1er. floreal. BONAPARTE. Paris, le 29 germinal an 6 (18 avril 1798). _Au general Brune._ Je vous fais passer, citoyen general, un arrete du directoire executif. J'envoie, par le meme courrier, des ordres pour leur depart aux generaux de division Baraguey-d'Hilliers et Desaix. Je vous recommande la formation des depots pour les hommes qui rentreront apres notre depart, et de les faire rejoindre a mesure, des l'instant qu'on connaitra la destination. Je vous prie de donner l'ordre au chef de brigade Hullin de rejoindre en poste la demi-brigade a Toulon, et au chef de bataillon Dupas de se rendre a Genes, ou il sera sous les ordres du general Baraguey-d'Hilliers. Je compte partir sous peu de jours. Avant de m'embarquer, je vous enverrai un courrier extraordinaire. Je vous prie de faire en sorte qu'il y ait deux bons commissaires des guerres a la division du general Baraguey-d'Hilliers. L'ordonnateur Sucy a demande au citoyen Aubernon plusieurs objets qu'il lui a refuses. Je vous prie d'ordonner a cet ordonnateur d'acceder aux demandes du citoyen Sucy. BONAPARTE. Paris, le 29 germinal an 6 (18 avril 1798). _A la commission chargee de l'armement de la Mediterranee._ Je vous envoie, citoyens, par un courrier extraordinaire, l'etat des fonds que la tresorerie a faits pour l'armement de Toulon. Vous y verrez ce que je vous ai dit, par mon courrier d'hier, que vous ne devez avoir aucune inquietude. Allez hardiment, l'argent ne manquera point. Ce courrier-ci porte encore au citoyen Peyrusse, en sus de tous les calculs etablis, des lettres de change a tirer sur les differens payeurs, pour la somme de 600,000 fr. Lorsque la tresorerie les a donnees, elle s'est assuree que les fonds existaient dans la caisse de ces differens payeurs. J'ai prefere ces lettres de change a des mandats ordinaires, parce que l'argent de ces payeurs n'aurait pu arriver a Toulon avant quinze jours. Vos collegues sont partis, ils arriveront vingt-quatre heures apres ce courrier. Je ne doute pas que, le 7 ou le 8 floreal, tout ne soit pret a mettre a la voile. BONAPARTE. Paris, le 29 germinal an 6 (18 avril 1798). _Au citoyen Peyrusse, payeur._ Je vous adresse, citoyen, des lettres de change pour 600,000 fr. tirees sur differens payeurs, que la tresorerie vous envoie. J'ai prefere ces traites a la mesure ordinaire. Par ce moyen, vous pouvez utiliser de suite ces fonds et faire marcher le service. Ces traites ne doivent rien perdre. S'il etait necessaire, vous pouvez les garantir personnellement. Comme ce qui se fait a Toulon exige la plus grande celerite, et que c'est une des operations les plus importantes de l'armee d'Angleterre, je vous serai particulierement oblige de ce que vous voudrez bien faire pour sa reussite. BONAPARTE. Paris, le 29 germinal an 6 (18 avril 1798). _Au meme._ J'ecris a l'ordonnateur Najac de faire partir sur-le-champ un aviso pour la Corse. Il est indispensable que vous fassiez passer 100,000 fr. des 600,000 que la tresorerie a destines pour la Corse. La celerite des operations qui doivent s'executer dans cette ile depend du prompt envoi de cet argent. BONAPARTE. Paris, le 29 germinal an 6 (18 avril 1798) _Au citoyen Najac._ J'ecris a la commission, citoyen ordonnateur, d'envoyer 100,000 fr. a Ajaccio en Corse, a la disposition de l'ordonnateur de cette division pour le service de l'extraordinaire de l'expedition. J'ecris au payeur Peyrusse d'envoyer 100,000 fr. des 600,000 que la tresorerie a destines pour la Corse. Faites partir ces deux sommes par un aviso qui mouillera dans le port d'Ajaccio. Mettez-y deux officiers intelligens, un pour commander l'embarquement qui a lieu dans ce port, l'autre pour y prendre note de la situation positive ou se trouve ledit embarquement, et venir m'en rendre compte a Toulon. Il serait necessaire, si le temps le permet, que l'aviso ne restat pas plus de vingt-quatre heures mouille a Ajaccio. Si les neuf batimens de transport que le ministre de la marine vous a ordonnes par sa depeche du 23, n'etaient pas encore partis, la corvette qui doit escorter ce convoi pourrait etre chargee de cette mission. BONAPARTE. Paris, le 29 germinal an 6 (18 avril 1798). _Au vice-amiral Brueys._ Le general Villeneuve part demain pour se rendre a Toulon, et servir sous vos ordres. La fregate qui est a Cadix a recu ordre, il y a un mois, de se rendre a Ajaccio en Corse, si elle peut le faire avec surete. Envoyez-lui, par le meme aviso, l'ordre de completter son eau a Ajaccio, et de se tenir prete a partir avec tout le couvois qui est dans cette rade, pour joindre l'escadre, lorsque vous en ferez parvenir l'ordre. Le citoyen Casablanca sera votre capitaine de pavillon. BONAPARTE. Paris, le 29 germinal an 6 (18 avril 1798). _Au general Vaubois._ Je vous ai mande precedemment, citoyen general, de reunir a Ajaccio la quatrieme legere et la dix-neuvieme de ligne, avec les bateaux necessaires pour les faire embarquer, de l'eau pour un mois et des vivres pour deux. Craignant que vous ne fussiez embarrasse, je vous ai prevenu que j'avais donne l'ordre, a Toulon, a neuf batimens de transport, de se rendre a Ajaccio pour aider a l'embarquement desdites troupes. Je vous prie aujourd'hui de reunir egalement a Ajaccio deux bataillons de la vingt-troisieme d'infanterie legere. Toutes ces troupes seront commandees par le general de division Mesnard, et sous ses ordres, par le general de brigade Casalta et l'adjudant-general Brouard. Vous y attacherez un officier de genie, et, comme je vous l'ai deja prescrit, une compagnie d'artillerie et quatre pieces de 3, si vous en avez. Ce convoi doit etre pret a lever l'ancre au premier signal que lui donnera un aviso que lui enverra l'escadre, du 12 au 15 floreal. Je donne l'ordre a la commission de vous faire passer 200,000 fr.; ces 400,000 doivent suffire pour les depenses de l'embarquement. Independamment de cette somme, vous recevrez sous peu de l'argent pour completter la solde de vos troupes. Je vous prie de me faire connaitre, par le retour de l'aviso, la situation exacte dans laquelle vous vous trouverez du 12 au 15 floreal. BONAPARTE. Paris, le 30 germinal an 6 (19 avril 1798). _Au general Baraguey-d'Hilliers._ Il est ordonne au general Baraguey-d'Hilliers de lever l'ancre de Genes, si le temps le permet, le 6 floreal, ou au plus tard le 7, et se diriger sur Toulon avec toute sa division. Il m'expediera, au moment de son depart, un courrier a Toulon avec l'etat exact de sa situation. Il m'expediera un courrier extraordinaire de tous les endroits ou il sera possible de relacher. Il est probable que, si les temps le permettent, l'escadre de Toulon mettra a la voile, au plus tard le 10 floreal. Il doit etre accorde aux officiers un mois de gratification pour les mettre a meme de faire leurs petites emplettes. BONAPARTE. Paris, le 30 germinal an 6 (19 avril 1798). _Au citoyen Belleville._ Je vous envoie, citoyen consul, l'ordre pour le depart du general Baraguey-d'Hilliers. Il est indispensable que le convoi mette a la voile au plus tard le 7 floreal. Vous emploierez toute votre activite pour que cet ordre soit promptement execute, et si cela vous fait prendre de nouveaux engagemens de finance, j'y ferai faire honneur. Les fregates, briks et galeres de la republique de Genes doivent partir avec le convoi. Il sera forme a Genes un depot pour tous les hommes des deuxieme, vingt-deuxieme d'infanterie legere; treizieme, dix-huitieme, vingt-cinquieme, trente-deuxieme, soixante-quinzieme, soixante-neuvieme, quatre-vingt-cinquieme de bataille; troisieme, quatorzieme, quinzieme et dix-huitieme regimens de dragons. Toutes les fois qu'il y aura cent cinquante hommes de ces differens corps a Genes, vous les ferez partir pour une destination qui vous sera designee. Vous me renverrez le present courrier en toute diligence a Toulon, ou je serai le 6 floreal, et vous correspondrez avec moi dans cette ville, jusqu'a ce que je vous aie envoye un courrier extraordinaire pour vous instruire de mon depart. BONAPARTE. Paris, le 30 germinal an 6 (19 avril 1798). _Au general Desaix._ Je n'ai point de vos nouvelles depuis le 15, mon cher general; je pars demain pour Toulon. L'escadre mettra a la voile le 10 floreal et se dirigera droit sur les iles Saint-Pierre. Le convoi qui est a Genes part le 7 floreal pour se rendre dans les mers de Toulon. Vous recevrez incessamment des ordres pour partir le 15. Cotoyez toutes les cotes de Naples; passez le phare de Messine et mouillez a Syracuse, ou dans toute autre rade, dans les environs. Vous devez avoir une fregate, deux briks, deux avisos et deux galeres du pape. Il serait a desirer que vous pussiez vous procurer deux autres avisos, bons voiliers, soit en arretant deux corsaires francais et mettant des officiers et des hommes intelligens a bord, soit en se servant de deux bons voiliers du pays. Notre point de reunion sera sur Malte, Quoique nous n'ayons aucun indice que les Anglais aient passe ou veuillent passer le detroit, cependant la necessite de ne pas vous aventurer, me fait preferer de vous faire filer cote a cote. Il sera cependant necessaire que vous expediiez un aviso aux iles Saint-Pierre, pour croiser entre la Sardaigne et l'Afrique, afin que, si les Anglais arrivaient aux iles Saint-Pierre avant nous, vous pussiez en etre prevenu et regler vos mouvemens en consequence. Soit que vous soyez dans un port du continent, soit dans un de ceux de la Sicile, vous n'avez rien a craindre des Anglais; mais la prudence veut que vous preveniez ce cas, et vous ferez donc embarquer quatre pieces de 24, deux mortiers, deux grils a boulets rouges, deux ou trois cents coups par piece, afin de pouvoir etablir une bonne batterie. Ce seront d'ailleurs des pieces qui, arrivees dans l'endroit principal, nous serviront. Vous devez organiser votre depot a Civita-Vecchia, afin que tous les hommes malades, ou en arriere des corps que vous commandez, puissent se reunir et filer a fur et mesure. Je vous enverrai, d'ici a quatre jours, des ordres positifs pour votre depart. Ce que je vous en dis la, c'est pour vous preparer et que vous preniez d'avance, dans le secret, les renseignements qui vous seront necessaires. Vous embarquerez avec vous le citoyen Mesnard et tous les hommes qui servent a l'organisation du port de Civita-Vecchia et dont vous pourrez avoir besoin; on les remplacera de Toulon. BONAPARTE. Paris, le 1er floreal an 6 (20 avril 1798). _Aux commissaires de la tresorerie nationale._ Vous avez donne l'ordre, citoyens commissaires, au payeur de Lyon de ne faire passer a Toulon que la partie des trois millions qui serait en especes francaises ou en piastres; il serait cependant necessaire d'etre assure d'avoir a Toulon ces trois millions. Je desirerais que vous m'envoyassiez l'ordre pour votre payeur a Lyon, de faire passer a Toulon ces trois millions, quelles que soient les especes qui les composent; on aura soin de se servir des monnaies etrangeres, de maniere a ce que la tresorerie n'y perde rien. Je vous prie aussi d'expedier la commission que vous avez l'intention d'accorder au citoyen Poussielgue, de controleur pres du payeur de la Mediterranee, desirant que ce citoyen parte de suite. Je vous prierais egalement de le faire porteur d'une commission de payeur pour le citoyen Esteve, qui n'est que payeur de departement, et de lui donner l'ordre de s'embarquer, et, des l'instant que toutes les divisions seront reunies et formeront une armee, il jouira du traitement de payeur general d'armee. BONAPARTE. Paris, le 1er floreal an 6 (20 avril 1798). _Au general Desaix._ Je vous ai ecrit hier, citoyen general, par un courrier extraordinaire que j'ai expedie a Milan, en priant le general Brune de vous faire parvenir ma depeche par un autre courrier. Je recois aujourd'hui votre courrier du 23, et je vois avec une vive satisfaction que vous serez pret a partir le 15, comme je l'esperais hier. _La Courageuse_, fregate armee en flute, et capable de porter six cents hommes, doit etre arrivee a Civita-Vecchia. Cela nous servira d'autant. Je reunis a Toulon le convoi de Genes, et si les vents contrariaient son arrivee a Toulon, l'escadre attendrait a la cape, entre Toulon et les iles Saint-Pierre, mais sans relacher dans un fort de Corse. J'ai considere que tout relache dans un port de la Corse nous donnerait des retards tres-considerables. La saison est deja avancee, puisque nous ne pouvons esperer d'etre hors de Toulon que vers le 1er de mai. Vous recevrez l'ordre de vous rendre de Civita-Vecchia a Syracuse, et vous n'avez pas plus de chemin a faire que si vous vous rendiez a Toulon; ainsi, en partant le 15, il y a possibilite a ce que vous soyez le 20 au point designe, et il serait difficile, meme favorises autant qu'on peut l'etre, que nous fussions a la meme epoque sur Malte. Je prefere de vous voir aller a Syracuse plutot qu'a Trepano, parce que je crois que vous cotoierez toujours l'Italie et profiterez du vent de terre. Si, pendant votre navigation, les vents deviennent contraires et s'opposent a votre passage au detroit et vous permettent de vous rendre promptement a Trepano, je ne verrai aucun inconvenient a cela; mais dans ce cas, il faudrait doubler le cap Trepano et vous mettre dans une rade d'ou vous pussiez sortir avec le meme vent qui nous est necessaire pour nous rendre des iles Saint-Pierre a Malte. Vous sentez que, dans ce dernier cas, plus encore que dans le premier, il serait necessaire que vous fissiez croiser un aviso entre la Sardaigne et le Cap-Blanc, afin d'avoir a temps des nouvelles des Anglais, si jamais ils paraissaient. Dans tous les cas, des l'instant que nous aurons passe les iles Saint-Pierre, j'enverrai a Trepano un aviso, pour avoir de vos nouvelles. De votre cote, il sera bon que vous envoyiez dans la petite ile de Pentellaria, ou j'enverrai prendre de vos nouvelles. Je vous ai deja mande d'embarquer six pieces de 3 autrichiennes. Ce sont les plus commodes dans le pays ou nous allons, puisqu'une bete de somme peut en porter une. BONAPARTE. Paris, le 1er floreal an 6 (20 avril 1798). _Au general Baraguey-d'Hilliers._ Par la lettre que je vous ai ecrite le 22 germinal, citoyen general, je vous dis que, dans quatre jours, vous recevrez l'ordre de vous embarquer, et que cet ordre devra etre execute de suite. Vous avez du recevoir cette lettre le 28, vous aurez fait des-lors toutes vos dispositions. Ainsi, j'espere que mon courrier, qui est parti d'ici le 30 germinal, avec l'ordre positif du depart pour le 7, arrivera a Genes le 4, et que mon ordre pourra etre ponctuellement execute. BONAPARTE. Paris, le 1er floreal an 6 (20 avril 1798). _Au general Dufalga._ Le general Dufalga, commandant le genie de l'expedition de la Mediterranee, nommera deux officiers ou adjoints du genie par chacune des divisions, de Regnier, qui est reunie a Marseille, et qui est composee des neuvieme et quatre-vingt-cinquieme demi-brigades de ligne; de Kleber, qui est a la droite de Toulon, a Laseine et villages voisins, et qui est composee des vingt-cinquieme et soixante-quinzieme de ligne, de la deuxieme d'infanterie legere; enfin la division Mesnard, qui est composee de la quatrieme d'infanterie legere, la dix-huitieme, la trente-deuxieme de ligne. Le general Dufalga ira droit a Marseille, et il verra l'ordonnateur de la marine dans ce port, les commissaires des guerres charges du service de cette division, et le citoyen Perrier, commandant l'artillerie de Marseille. Il se fera remettre les etats de la situation et du nombre d'hommes que peut porter chaque batiment de transport et de la distribution de rembarquement. Il chargera l'officier de genie commandant la division, de lui rendre compte, tous les jours, au quartier-general, de la situation dudit embarquement. Il me transmettra les notes qu'il aura faites sur l'etat de l'embarquement et la situation morale des individus qu'il aura vus. Arrive a Toulon, il fera prendre de suite connaissance, par les officiers du genie, du cantonnement des troupes, de la situation des vaisseaux de guerre, des approvisionnemens, et me tiendra egalement pretes des notes sur la situation materielle et personnelle. Il aura soin de voir les membres de la commission, l'ordonnateur de la marine, auquel il aura soin de dire que je fais grand cas de lui; le vice-amiral Brueys et le contre-amiral Decres. Il cherchera a voir egalement le commandant de la place de Toulon, les generaux Gardanne et Rampon. Il fera aussi tout ce qu'il pourra pour trouver des logemens pour les savans. Dans l'organisation generale de l'armee, il restera charge de transmettre a tous les savans et artistes des ordres pour l'embarquement. Il aura donc soin d'avoir, a son etat-major, la note de leurs logemens et des details de l'embarquement. Il dira au vice-amiral Brueys et a l'ordonnateur qu'ils fassent faire sur le vaisseau _l'Orient_ tous les preparatifs necessaires pour qu'il y ait le plus de logemens possible, vu que tous les chefs de l'etat-major seront sur ce vaisseau. Il fera preparer a Avignon tous les transports necessaires pour que tout ce qui y arrivera en parte pour Toulon sans eprouver de retard. BONAPARTE. Paris, le 3 floreal an 6 (22 avril 1798). _A la commission chargee de l'armement de la Mediterranee._ Le citoyen Poussielgue, controleur de la tresorerie nationale aupres de votre payeur, part cette nuit, portant avec lui 300,000 fr. en or, et 200,000 fr. en lettres de change sur Marseille. J'espere que le 9 ou le 10 tout sera pret et qu'on pourra lever l'ancre. Le citoyen Leroi doit se tenir pret a s'embarquer. Le general Blanquet doit s'embarquer en sa qualite de contre-amiral sur l'escadre, et le general Dommartin, en qualite de commandant d'artillerie; le citoyen Sucy, commissaire ordonnateur, en qualite de commissaire ordonnateur en chef; et le citoyen Esteve comme payeur general de l'armee. BONAPARTE. Paris, le 3 floreal an 6 (22 avril 1798). _Au citoyen Najac._ J'expedie l'ordre par le present courrier, citoyen ordonnateur, au vice-amiral Brueys d'organiser l'escadre et de nommer le citoyen Ganteaume pour faire les fonctions de chef de l'etat-major, et de distribuer les chefs de division, et autres officiers sur les differens vaisseaux, afin qu'ils soient promptement prets a mettre a la voile. Il faudrait que tout fut pret a lever l'ancre sans aucune espece de retard, le 9 ou le 10 au matin. Je vous prie de tenir la main a ce que, pour cette epoque, l'eau, les vivres et les autres approvisionnemens soient embarques. Je pars demain dans la nuit, et je compte etre le 8 a Toulon. BONAPARTE. Paris, le 4 floreal an 6 (23 avril 1798). _Au general Baraguey-d'Hilliers._ Il est ordonne au general Baraguey-d'Hilliers de rester a Genes jusqu'a nouvel ordre; de debarquer ses troupes, si elles etaient embarquees; de rentrer dans le port, s'il avait mis a la voile, de cantonner ses troupes tant a Genes que dans les environs, de maniere a pouvoir les rassembler en quarante-huit heures. Ces troupes seront a la disposition du general commandant en Italie. BONAPARTE. Paris, le 4 floreal an 6 (23 avril 1798). _Au general Desaix._ Il est ordonne au general de division Desaix de debarquer ses troupes s'il les a embarquees, et de les cantonner tant a Civita-Vecchia que dans les environs, de maniere a pouvoir les rassembler en quarante-huit heures. Ces troupes seront a la disposition du general commandant en Italie. BONAPARTE. Paris, le 4 floreal an 6 (23 avril 1798). _Au general Brune._ Je donne ordre, citoyen general, au general Baraguey-d'Hilliers de debarquer ses troupes, si elles sont embarquees, et de retourner, s'il est parti. Les troupes resteront cantonnees a Genes et dans les environs, et seront a votre disposition, ainsi que celles qui sont a Civita-Vecchia, ou j'ai donne le meme ordre, si des indices vous font penser avoir besoin de ces troupes. Dans ces nouvelles mesures du gouvernement, vous voyez l'effet des evenemens qui viennent d'arriver a Vienne, sur lesquels cependant le gouvernement n'a encore rien de positif. Si jamais les affaires se brouillaient, je crois que les principaux efforts des Autrichiens seraient tournes de votre cote, et, dans ce cas, je sens bien que vous avez besoin de beaucoup de troupes, de beaucoup de moyens, et surtout de beaucoup d'argent. BONAPARTE. Paris, le 9 floreal an 6 (28 avril 1798). _Au general Dufalga_. Vous avez appris, citoyen general, l'evenement arrive a Vienne. Cela est arrive au moment ou j'allais partir, et a du necessairement occasionner un retard; j'espere cependant que cela ne derangera rien. Peut-etre serai-je oblige d'aller a Rastadt pour avoir une entrevue avec le comte de Cobentzel, et, si tout allait bien, je partirais de Rastadt pour Toulon. Le 11 au soir, je ferai partir un courrier avec l'ordre a l'escadre de partir avec le convoi pour se rendre a Genes, ou je serai moi-meme le 26 de ce mois. Je donne, par le present courrier, l'ordre au convoi de Marseille de se rendre a Toulon. Ayez soin que tous les savans, et que tous les objets necessaires a notre expedition soient embarques comme il faut qu'ils le soient. Le convoi de Genes a recu contre-ordre, puisque c'est nous, au contraire, qui allons a Genes et a Civita-Vecchia. BONAPARTE. Paris, le 9 floreal an 6 (28 avril 1798). _Au general Kleber_. Il est ordonne au general Kleber de prendre le commandement des troupes de terre composant la division du general Reguier, la division du general Mesnard et celle du general Kleber; de transmettre au general Regnier l'ordre ci-joint, et de tout disposer pour l'embarquement des deux autres divisions sur l'escadre et sur les autres vaisseaux de guerre armes en flutes, afin d'etre pret a partir au premier ordre qu'il recevra. Il se concertera avec le general Dufalga, qui lui donnera tous les renseignemens relatifs au nombre des savans et des artistes qui doivent s'embarquer. BONAPARTE. Paris, le 9 floreal an 6 (28 avril 1798). _Au vice-amiral Brueys_. Quelques troubles arrives a Vienne, citoyen general, ont necessite ma presence quelques jours a Paris: cela ne changera rien a l'expedition. Je donne l'ordre par le present courrier aux troupes qui sont a Marseille de s'embarquer et de se rendre a Toulon. Vous tiendrez ce convoi en grande rade et dans le meilleur ordre qu'il vous sera possible. Je vous expedierai, le 11 au soir, par un courrier, l'ordre d'embarquer et de partir avec l'escadre et le convoi pour Genes, ou je vous rejoindrai. Le retard que ce nouvel incident a apporte dans l'expedition aura ete, j'imagine, necessaire pour vous mettre plus en mesure. BONAPARTE. Paris, le 9 floreal an 6 (28 avril 1798). _Au general Regnier_. Il est ordonne au general Regnier de faire embarquer ses troupes a Marseille, le 16 floreal, sur les batimens de transport qui sont prepares, et de partir le 17, si le temps le permet, pour se rendre a Toulon, ou son convoi se rangera sous les ordres du vice-amiral Brueys. BONAPARTE. Paris, le 9 floreal an 6 (28 avril 1798). _A l'ordonnateur Najac_. L'ordonnateur Najac donnera, l'ordre au convoi de Marseille d'embarquer les troupes du general Regnier le 16 floreal, et de partir le 17 pour se rendre a Toulon. Il se concertera avec le vice-amiral Brueys, pour faire sortir, s'il est necessaire, une fregate pour l'escorte dudit convoi. BONAPARTE. Paris, le 13 floreal an 6 (2 mai 1798). _Au general Baraguey-d'Hilliers._ Je vous ai donne l'ordre, citoyen general, par ma lettre du 30 germinal, de vous rendre a Toulon. Je vous ai donne l'ordre, par ma lettre du 4 floreal, de debarquer et de cantonner vos troupes aux environs de Genes jusqu'a nouvel ordre. Je vous envoie l'ordre d'embarquement le plus tot possible, et de vous diriger sur Toulon. BONAPARTE. Paris, le 13 floreal an 6 (2 mai 1798). _Au meme._ Il est ordonne au general Baraguey d'Hilliers d'embarquer sa division le 20, et de mettre a la voile le 21, pour se rendre a Toulon. S'il rencontrait sur sa route l'escadre francaise, compose de 14 vaisseaux de guerre et de douze ou quinze fregates, il enverrait un aviso a l'amiral pour prendre des ordres, et si ladite escadre n'est point encore partie de Toulon, il enverra prendre des ordres aupres du vice-amiral Brueys, pour la place qu'il doit occuper dans la rade. Il me previendra par un courrier extraordinaire a Toulon, de son depart. BONAPARTE. Paris, le 13 floreal an 6 (2 mai 1798). _Au general Desaix._ Je vous avais donne l'ordre, citoyen general, par une lettre du 4 floreal, de cantonner vos troupes a Civita-Vecchia et aux environs, et d'attendre de nouveaux ordres. C'etait l'effet des nouveaux evenemens arrives a Vienne. Vous devez vous preparer a partir au premier ordre. Le meme courrier porte ordre au general Baraguey-d'Hilliers de partir pour Toulon. La je verrai si j'irai vous prendre a Civita-Vecchia, ou je vous donnerai des ordres pour vous rendre sur les cotes de Syracuse, comme je vous en ai deja entretenu. Ainsi, dans l'un et l'autre cas, il faut vous tenir pret a lever l'ancre vingt-quatre heures apres l'arrivee de mon courrier ou aviso. BONAPARTE. Paris, le 13 florea| an 6 (2 mai 1798). _Au vice-amiral Brueys._ J'espere, citoyen general, que le 20 vous pourrez embarquer les troupes, pour mettre a la voile incessamment apres. Je compte etre a bord le 19. Je viens de faire partir un courrier pour Genes, avec ordre au general Baraguey d'Hilliers de se rendre a Toulon. L'un et l'autre seront sous vos ordres, des qu'ils seront arrives. Vous les placerez convenablement dans la rade. BONAPARTE. Paris, le 13 floreal an 6 (2 mai 1798). _Au general Brune._ Par ma lettre du 4 floreal, je vous ai instruit, citoyen general, que les divisions Baraguey-d'Hilliers et Desaix etaient a votre disposition. Le premier bruit des evenemens survenus a Vienne avait fait penser que cette mesure etait necessaire. Aujourd'hui le gouvernement a pris une autre determination. Je donne l'ordre aux generaux Baraguey-d'Hilliers et Desaix de s'embarquer sur-le-champ. L'on vous fait passer par la Suisse, six autres demi-brigades, independamment des deux autres qui avaient deja recu les ordres anterieurement, et deux autres regimens de cavalerie. Je tous prie, citoyen general, de surveiller autant qu'il vous sera possible, lesdits embarquemens. J'ai recu votre lettre de Genes et j'ai vu le zele et l'activite que vous y avez montres. BONAPARTE. Paris, le 13 floreal an 6 (2 mai 1798). _A la commission chargee de l'armement de la Mediterranee._ Par ma derniere lettre datee du 9 floreal, j'ai envoye l'ordre au convoi de Marseille de se rendre a Toulon, et de se tenir tout pret a embarquer, au premier instant, a Toulon. Je pars dans la journee de demain pour cette ville, et j'espere que tout sera pret a mettre a la voile le 20. Noubliez rien pour atteindre ce but. BONAPARTE. Chalons, le 16 floreal an 6 (5 mai 1798). _A l'ordonnateur Najac._ Je recois a Chalons votre courrier du 12, par lequel vous m'annoncez que le convoi de Genes etait sur le point d'arriver, lorsque vous lui avez expedie l'aviso, avec mou contre-ordre. J'ai donne a ce convoi l'ordre de partir le 8 de Genes pour Toulon. Je lui ai expedie un contre-ordre le 4; cela etait relatif aux evenemens de Vienne. Je lui ai expedie le 13, l'ordre de partir de Genes au plus tard le 18. Ainsi, s'il est dans vos parages, donnez-lui l'ordre de se rendre en grande rade ou tenez-le a Hyeres, en lui faisant completter ses vivres et son eau. Je serai, douze heures apres mon courrier, a Toulon. BONAPARTE. Le 18 floreal an 6 (7 mai 1798). _A la commission chargee de l'armement de la Mediterranee._ Mon courrier, Lesimple, qui m'a rejoint sur le Rhone pres Valence, m'a remis vos dernieres depeches. Vous devez executer l'ordre relatif a l'embarquement, tel que je l'ai donne, c'est-a-dire les generaux de division doivent embarquer trois chevaux; les generaux de brigade, deux, les adjudans generaux, aides-de-camp et chefs de brigade des corps, un. Chacun peut embarquer ses selles, ses brides et les palfreniers, conformement au nombre de chevaux que la loi lui accorde. Vous ferez embarquer a Marseille cent chevaux d'artillerie et deux cents de cavalerie. Si vous pouvez en embarquer davantage, vous ferez toujours les embarquemens dans cette proportion. Les corps embarqueront toutes leurs selles et leurs brides, et vous aurez soin que l'on embarque les meilleurs chevaux, en les faisant donner aux premier et deuxieme escadrons, et en prenant de preference les chevaux de chasseurs. Le restant des chevaux sera donne aux detachemens de cavalerie des autres regimens qui se trouvent a Marseille. Je vous prie de m'expedier un courrier extraordinaire, qui m'attendra a mon passage a Aix, qui ne sera pas plus de huit heures apres celui de Lesimple, pour m'instruire si le convoi de Marseille est parti, afin que je me decide a aller a Marseille ou droit a Toulon. Je serais meme fort aise, si cela ne derangeait rien a vos operations, qu'un de vous se transportat a Aix, car je ne compte pas m'y arreter du tout, mon intention etant d'aller droit a Toulon. BONAPARTE. Le 18 floreal an 6 (7 mai 1798). _Au general commandant a Lyon._ Le 19 ou le 20, doivent arriver 60 ou 80 de mes guides a cheval. Je vous envoie l'ordre pour qu'ils se rendent a Toulon. Je vous prie de les faire embarquer sur le Rhone. S'il passe par Lyon des courriers pour moi, je vous prie de les diriger sur Toulon. BONAPARTE. Toulon, le 18 floreal an 6 (7 mai 1798). _Aux guides._ J'ordonne a la compagnie de mes guides qui arrive a Lyon le 20, de partir le 2, pour se rendre en toute diligence a Toulon. BONAPARTE Toulon, le 20 floreal an 6 (9 mai 1798). _Au general Mesnard._ Il est ordonne au general Mesnard de s'embarquer immediatement apres la reception du present ordre, avec la quatrieme d'infanterie legere, la dix-neuvieme de bataille, et de partir au premier beau temps. Il se rendra dans les iles de la Madelaine, au nord de la Sardaigne, ou il recevra des ordres nouveaux du vice-amiral Brueys. Il se conformera exactement aux ordres qu'il recevra dudit amiral, qui lui envoie un officier de marine intelligent pour diriger tous ses mouvemens. BONAPARTE. Toulon, le 20 floreal an 6 (9 mai 1798). _Au general Vaubois_. Je vous fais passer, citoyen general, un ordre pour le general Mesnard. Si ce general n'y etait pas, ou s'il etait malade, vous feriez commander ledit convoi par l'officier le plus ancien. Sur les representations que vous m'avez faites du besoin que vous avez de garder la vingt-troisieme d'infanterie legere, je renonce a l'idee que j'avais de la faire partir, et je la laisse en Corse jusqu'a ce que le gouvernement vous ait renvoye son remplacement. N'oubliez pas d'embarquer sur le convoi trois ou quatre pieces de canon de 3 ou 4, avec une bonne compagnie de canonniers. BONAPARTE. Toulon, le 20 floreal an 6 (9 mai 1798). _Au commandant de la place_. Je vous prie, citoyen general, de faire embarquer tout ce qui reste de la sixieme demi-brigade d'artillerie, sur les vaisseaux de l'escadre, pour suppleer au manque de matelots. BONAPARTE. Toulon, le 20 floreal an 6 (9 mai 1798). _Au commandant des armes_. Je vous prie, citoyen general, de faire armer dans la journee de demain, s'il est possible, les deux felouques nouvellement construites. BONAPARTE. Toulon, le 20 floreal an 6 (9 mai 1798). _Au general Vaubois_. Les magasins pour vingt-cinq mille hommes, citoyen general, que vous aviez formes, deviennent a peu pres inutiles. Vous pouvez donc prendre dans ces magasins tout ce qui sera necessaire pour approvisionner le convoi qui va partir. BONAPARTE. Toulon, le 21 floreal an 6 (10 mai 1798). _Au general Dugua_. Je vous fais passer, citoyen general, l'ordre que vous enverrez au chef de brigade Lucotte, pour se rendre avec les troupes de la demi-brigade qui sont a Aix, a Toulon. J'emmene avec moi les trois compagnies de carabiniers de la septieme demi-brigade. Je ferai aussi venir le reste de la demi-brigade, lorsqu'elle sera remplacee; j'ecris a Paris pour cela. Je vous prie de les faire rapprocher, en les tenant, soit a Toulon ou a Marseille, afin qu'elles soient a portee. BONAPARTE. Toulon, le 21 floreal an 6 (10 mai 1798). _Au meme_. Je vous prie, mon cher general, de faire mettre l'embargo sur tous les batimens qui sont dans le port de Marseille. Aucun ne pourra sortir, a moins que ce ne soit un batiment pour l'expedition, que cinq jours apres le depart de l'escadre. Je vous prie aussi de faire ramasser a Marseille, a la petite pointe du soir, tous les matelots qui peuvent s'y trouver, et de les envoyer a Toulon. BONAPARTE. Toulon, le 21 floreal an 6 (10 mai 1798). _Au commandant des armes a Toulon._ Je vous prie, citoyen general, de donner les ordres pour qu'il ne sorte aucun batiment de Toulon, a dater d'aujourd'hui, jusqu'a dix jours apres le depart de l'escadre. BONAPARTE. Toulon, le 21 floreal an 6 (10 mai 1798). _Au general Desaix._ Je suis a Toulon, mon cher general, depuis hier. La division du general Regnier est partie hier au soir de Marseille, je l'attends a chaque instant de la rade de Toulon. Je partirai sur-le-champ pour aller a la rencontre du general Baraguey-d'Hilliers, et de la passer entre l'ile d'Elbe et la Corse, faisant route vers la Sicile et la Sardaigne. Nous vous enverrons prevenir par un aviso, afin que vous veniez nous joindre. Il faut donc que vous soyez en rade, embarques, afin qu'au premier jour vous puissiez mettre a la voile. Si vous avez des avisos a votre disposition, vous pouvez envoyer reconnaitre. Si le temps est bon, il est probable que le 28 ou le 29, nous passerons a votre hauteur. Vous ne recevrez cette lettre que le 27; ainsi vous n'aurez guere que vingt-quatre heures pour vous preparer. Tout le monde est rendu ici, et votre colonie de savans est en tres bonnes dispositions. BONAPARTE. Toulon, le 21 floreal an 6 (10 mai 1738). _A l'ordonnateur Najac_. Je vous prie, citoyen ordonnateur, de vouloir bien faire solder aux officiers subalternes, tant de marine que de terre, embarques sur l'escadre, ou sur le convoi a la suite de l'escadre, 3 fr. par jour, pour la table. Il suffira que vous fassiez les fonds pour quatre decades. BONAPARTE. Toulon, le 22 floreal an 6 (11 mai 1798). _Au general Dugua_. Je vous prie, mon cher general, de faire partir dans la matinee de demain pour Toulon, si le vent est bon, cinq batimens neutres, soit danois, soit suedois, espagnols, etc.; vous mettrez a bord de chaque batiment une garnison suffisante pour etre sur que ces batimens sortis de Marseille arrivent a Toulon, et si vous avez un aviso ou une chaloupe canonniere, vous les ferez escorter. Vous prendrez les plus gros batimens possible; cela doit servir a embarquer des troupes. Il y a a Marseille cinq ou six batimens que l'ordonnateur Leroy avait fretes. S'il y en avait un ou deux qui fussent prets, faites-les partir de suite. BONAPARTE. Toulon, le 23 floreal an 6 (12 mai 1798). _Ordre_. En vertu de l'autorisation qu'il a recue du directoire executif, le general en chef ordonne: ART. 1er. Les deux vaisseaux venitiens qui sont en ce moment-ci dans le port de Toulon, seront armes en guerre et en etat de partir au 20 prairial, avec deux mois de vivres. 2. Les deux vieilles fregates seront armees en flute et pretes a partir pour la meme epoque, ayant egalement pour deux mois de vivres. Sur les deux vaisseaux et sur les deux fregates, l'on embarquera les soldats qui seront rendus au depot le 20 prairial; on peut calculer sur un millier d'hommes. Il suffira de les approvisionner pour un mois de vivres et vingt jours d'eau. 3. Il sera arme extraordinairement douze avisos bons voiliers, portant au moins une piece de 8, et commandes par de bons officiers, pour servir a la communication de l'expedition. Il devra en partir au moins deux fois par decade. On embarquera dessus, le courrier ordinaire de l'armee, et des officiers et soldats, autant que le batiment pourra en porter. 4. Les batimens fretes a Marseille recevront ordre de se rendre a Toulon. Ils seront approvisionnes pour vingt jours d'eau et trente jours de vivres. L'on embarquera dessus le restant de l'artillerie, les habillemens, le vin et les soldats qni pourraient arriver. On doit calculer sur un millier d'hommes, independamment de mille autres qui se trouveront au depot pour le 20 prairial. Les troupes de passage seront egalement approvisionnees pour un mois de vivres et vingt jours d'eau. 5. La fregate _la Badine_ va recevoir ordre de se rendre a Toulon, et escortera ce convoi, qui devra etre pret a partir du 10 au 15 prairial. Je remettrai une instruction particuliere au commandant de _la Badine_, pour la route qu'elle devra tenir et le lieu ou il devra se rendre avec ledit convoi. 6. Il y aura a Toulon un commissaire des guerres qui aura les ordres de l'ordonnateur Sucy, pour tous les objets qui devront etre embarques, un officier d'artillerie qui aura les ordres du general Dommartin, et enfin un general ou un officier superieur commandant les depots, qui aura les ordres de l'etat-major. Ces trois personnes ont ordre de voir souvent l'ordonnateur de la marine, et de prendre ses ordres pour tous les objets qui doivent etre embarques. 7. En partant, je laisserai deux avisos. Le premier partira quarante-huit heures apres l'escadre; il portera le courrier de l'armee, s'il est arrive, les officiers ou les savans qui sont en retard; et le second partira soixante-douze heures apres le premier. Il escortera un batiment portant soixante guides, s'ils sont arrives le 29. Il est donc indispensable que l'ordonnateur se procure un batiment pour porter ces soixante guides. BONAPARTE. Toulon, le 23 floreal An 6 (12 mai 1798). Au citoyen Najac. Le depart de l'escadre est invariablement fixe dans la nuit du 24 au 25. Il est indispensable que le convoi soit en grande rade dans la matinee de demain. J'ai, en partant, trois choses a vous recommander: 1 deg.. De me faire passer, avec la plus grande celerite, les courriers qui m'arment, de Paris; 2 deg.. De faire executer avec la plus grande exactitude l'ordre ci-joint; 3 deg.. De faire terminer de suite la corvette et de me l'envoyer; nous en aurons le plus grand besoin. BONAPARTE. Toulon, le 24 floreal an 6 (13 mai 1798). Promotion. En consequence de l'autorisation speciale que j'en ai recue du directoire executif, et voulant reconnaitre les services que les citoyens Jean Villeneuve, capitaine de vaisseau; Guillaume-Francois Bourde, capitaine de fregate.; Pierre-Philippe Altimont, lieutenant de vaisseau; Serval, aspirant de premiere classe, ont rendus depuis quinze mois sur l'escadre qui etait attachee a l'armee d'Italie, dans le golfe Adriatique: je nomme le citoyen Villeneuve, chef de division; les citoyens Bourde, capitaine de vaisseau; Altimont, capitaine de fregate; et Serval, enseigne de vaisseau. BONAPARTE. Toulon, le 24 floreal an 6 (13 mai 1798). A l'administration municipale de Toulon, Je donne les ordres, citoyens administrateurs, pour que la partie de la garde nationale qui sera requise pour faire le service, soit payee conformement aux lois. J'ai cependant pourvu a une augmentation de garnison. Dans tous les cas, la republique ne doit avoir aucune sollicitude, les habitans de Toulon ayant toujours donne des preuves de leur attachement a la liberte. BONAPARTE. Toulon, le 24 floreal an 6 (13 mai 1798). A l'administration centrale du Var. Je vous remercie, citoyens administrateurs, de la deputation que vous m'avez envoyee, et des choses extremement flatteuses qu'elle m'a dites de votre part. L'operation que nous allons entreprendre, sera specialement avantageuse a votre departement et a celui des Bouches-du-Rhone. Il y aura une grande activite sur les routes et dans les postes, qui sont absolument desorganisees. Je vous prie de prendre des mesures pour reorganiser ce service essentiel, afin que les courriers et autres officiers portant des ordres, puissent aller a Paris et en revenir facilement. Croyez au desir que j'aurai toujours de meriter l'estime de mes concitoyens. BONAPARTE. Toulon, le 24 floreal an 6 (i3 mai 1798). Ordre. Ordonne que tous les maitres, contre-maitres, matelots, novices, ouvriers de l'arsenal qui ont ete mis en surveillance par ordre du gouvernement, seront embarques et repartis sur l'escadre. BONAPARTE. Toulon, le 27 floreal an 6 (16 mai 1798). Au vice-roi de Sardaigne. J'envoie, monsieur, a Cagliari, pour y resider en qualite de consul, le citoyen Augier, officier de marine. Je vous prie de le reconnaitre en cette qualite, et d'agreer les sentimens d'estime et de consideration que j'ai pour vous. BONAPARTE. Toulon, le 27 floreal an 6 (16 mai 1798). Au citoyen Augier, consul a Cagliari. Vous vous rendrez, citoyen, a Cagliari, en qualite de consul; vous remettrez la lettre ci-jointe au vice-roi de Sardaigne ou a celui qui en fait les fonctions. Vous interrogerez tous les batimens pour avoir des nouvelles des Anglais, et si vous appreniez qu'ils ont mouille dans la Mediterranee, vous expedieriez un batiment que vous freteriez, a la suite de l'amiral Brueys, pour l'en informer. Vous dirigerez ce batiment du cote de Malte. BONAPARTE. Toulon, le 29 floreal an 6 (18 mai 1798). A l'ordonnateur Najac. Le service de l'expedition qui va avoir lieu a exige, de la part des principaux employes de l'administration, des efforts ou ils ont ete a meme de faire connaitre leur zele pour la prosperite des armes de la republique. Je vous prie de temoigner aux directeurs des constructions, de l'artillerie du port, au citoyen Cuviller, commissaire des approvisionnemens, et en general a tous les controleurs, commissaires et sous-commissaires, une satisfaction particuliere sur leurs services dans cette circonstance essentielle. Je vous autorise a nommer a la place de chef des mouvemens les citoyens Aycard et Giroudreux; a la place de commissaire de premiere classe, les citoyens Bugerin, Pigeon et Gobert; a celle de deuxieme classe, le citoyen Desanit; a elever au grade de commissaires de la marine les citoyens Gasquet, Giraud, Franqueville, Galopin et Bellanger; a la place de sous-commissaires, les citoyens Nicolas et Rey qui remplissent les fonctions de sous-commissaires a la Ciotat; a la place de commis principal, le citoyen Cappel, et de commis en deuxieme, le citoyen Ollivault. BONAPARTE. Toulon, le 29 floreal an 6 (18 mai 1798). Bonaparte, general en chef, ordonne: ART. Ier. Tout marin qui, etant embarque, aura reste a terre apres le depart de l'armee navale, sera traduit en prison jusqu'au depart d'un batiment de guerre quelconque, a l'effet de rejoindre celui dont il a deserte. 2. Tout maitre charge qui aura manque le depart, sera casse et reduit a la basse paie de deuxieme maitre. 3. Les maitres non charges subiront la meme punition. 4. Les deuxiemes maitres de toutes classes et les contre-maitres de la manoeuvre, restes a terre, seront mis a la basse paie de quartier-maitre ou d'aide de leur profession respective. 5. Les aides de toute classe et les quartiers-maitres deserteurs seront reduits a la paie des matelots a vingt-sept sous. 6. Les matelots de premiere et deuxieme classe, egalement deserteurs, descendront a la paie de 12 sous, ceux de troisieme et quatrieme classe seront reduits a celle de novice, a huit sous. 7. Dans aucun cas, les officiers, mariniers et matelots, qui auront subi les reductions prescrites par les articles precedens, ne pourront etre reintegres dans leurs grades primitifs que par un avancement progressif d'une paie a l'autre, et de six mois en six mois sur la demande motivee des commandans de leurs vaisseaux, qui certifieront leur exactitude et leur bonne conduite. 8. Les attestations de maladie n'auront de valeur que sur la signature de la majorite des membres composant le conseil de salubrite navale. Il est defendu formellement aux commissaires de marine preposes aux details des armemens, d'en admettre d'autres, sous leur responsabilite personnelle. 9. Il sera etabli garnison chez toutes les familles des marins embarques qui seront restes a terre apres le depart de l'armee; et les garnisaires n'en seront retires que lorsque ces deserteurs se seront presentes au bureau des armemens pour y recevoir une nouvelle destination. 10. Dans le temps que l'armee navale de la republique, de concert avec l'armee de terre, se prepare a relever la gloire de la marine francaise, les marins, dans le cas de servir et qui restent chez eux, meritent d'etre traites sans aucun menagement. Avant de sevir contre eux, le general en chef leur ordonne de se rendre a bord de la deuxieme flottille qui est en armement. Ceux qui, quinze jours apres la publication du present ordre, ne se seront pas fait inscrire pour faire partie dudit armement, seront regardes comme des laches. En consequence l'ordonnateur de la marine leur fera signifier individuellement l'ordre de se rendre au port de Toulon, et si, cinq jours apres, ils n'ont point comparu, ils seront traites comme des deserteurs. L'ordonnateur de la marine tiendra la main a l'execution du present reglement. BONAPARTE. Toulon, le 29 floreal an 6 (18 mai 1798). _Reglement pour la repression des delits commis a bord de l'armee navale._ Vu que les lois existantes sur la maniere de proceder aux jugemens des delits militaires n'ont pas prevu le cas ou se trouve l'armee par sa composition actuelle; qu'il est juste et urgent que les troupes de terre et de mer, les soldats, matelots et autres employes a la suite de l'armee, reunis sur les vaisseaux, ne soient pas, pour le meme delit, soumis a des lois differentes, soit pour la procedure, soit pour la forme des jugemens, ordonne: ART. 1. La loi du 15 brumaire an 5, qui regle la maniere de proceder aux jugemens militaires, sera ponctuellement et exclusivement suivie a bord des vaisseaux composant l'armee navale. 2. Chaque vaisseau ou fregate sera considere comme une division militaire. 3. Il y aura en consequence, par chaque vaisseau ou fregate, un conseil de guerre compose de sept membres, pris dans les grades designes par l'article 2 de la loi du 13 brumaire, ou dans les grades correspondans de l'armee de mer. 4. Les membres du conseil de guerre, le rapporteur et l'officier charge des fonctions de commissaire du pouvoir executif, seront nommes par le contre-amiral, dans chaque division de l'armee navale; en cas d'empechement legitime de quelqu'un de ces membres, il sera pourvu a son remplacement par le commandant du vaisseau. 5. A defaut d'officier dans quelqu'un des grades designes par l'art. 2 de la loi du 13 brumaire, ou des grades correspondans dans la marine, il y sera supplee par des officiers du rang immediatement inferieur. 6. Les jugemens prononces par le conseil de guerre seront sujets a revision. 7. Il sera etabli a cet effet, a bord de chaque vaisseau ou fregate de l'armee navale, un conseil permanent de revision, dans la forme indiquee par la loi du 18 vendemiaire an 6. 8. Ce conseil sera compose de cinq membres du grade designe en l'article 21 de ladite loi, ou du grade correspondant dans la marine; et a defaut d'officiers superieurs, il y sera supplee, ainsi qu'il est dit a l'article 5, pour la formation du conseil de guerre. 9. En cas d'annulation du jugement par le conseil de revision, celui-ci renverra le fond du proces, pour etre juge de nouveau par-devant le conseil de guerre de tel autre vaisseau qu'il designera. Ce conseil de guerre remplira des lors les fonctions et aura toutes les attributions du deuxieme conseil de guerre etabli par l'article 9 de la loi du 18 vendemiaire an 6. 10. Les fonctions du commissaire du pouvoir executif seront remplies par un commissaire d'escadre ou par un commissaire ordonnateur des guerres, et a leur defaut, par un sous-commissaire de marine ou commissaire ordinaire des guerres. 11. Le commandant de l'armee navale nommera les membres du conseil permanent de revision. En cas d'empechement d'aucun de ses membres, il sera pourvu a son remplacement par le commandant du vaisseau a bord duquel le conseil devra se tenir. 12. Les delits commis sur les batimens de transport et autres, faisant partie du convoi, seront juges par le conseil de guerre du vaisseau ou fregate sous le commandement desquels ils se trouveront naviguer. En cas d'empechement, les prevenus seront mis aux fers, si le cas l'exige, pour etre juges au premier mouillage ou a la premiere occasion favorable. 13. Les peines portees par la loi du 21 brumaire an 5, notamment celles contre la desertion, sont applicables aux marins, et reciproquement celles portees par la loi du 22 aout 1790 sont declarees communes aux troupes de terre et a tous individus embarques, dans les cas non prevus par la loi du 21 brumaire. 14. Seront justiciables desdits conseils de guerre et de revision, le cas echeant, tous individus faisant partie de l'armee de terre et de mer, et autres embarques sur les vaisseaux. BONAPARTE. Toulon, le 30 floreal an 6 (19 mai 1798). PROCLAMATION. _Aux soldats de terre et de mer de l'armee de la Mediterranee._ Soldats, Vous etes une des ailes de l'armee d'Angleterre. Vous avez fait la guerre de montagnes, de plaines, de sieges; il vous reste a faire la guerre maritime. Les legions romaines, que vous avez quelquefois imitees, mais pas encore egalees, combattaient Carthage tour-a-tour sur cette meme mer, et aux plaines de Zama. La victoire ne les abandonna jamais, parce que constamment elles furent braves, patientes a supporter la fatigue, disciplinees et unies entre elles. Soldats, l'Europe a les yeux sur vous! vous avez de grandes destinees a remplir, des batailles a livrer, des dangers, des fatigues a vaincre; vous ferez plus que vous n'avez fait pour la prosperite de la patrie, le bonheur des hommes et votre propre gloire. Soldats, matelots, fantassins, canonniers, cavaliers, soyez unis; souvenez-vous que, le jour d'une bataille, vous avez besoin les uns des autres. Soldats, matelots, vous avez ete jusqu'ici negliges; aujourd'hui la plus grande sollicitude de la republique est pour vous: vous serez dignes de l'armee dont vous faites partie. Le genie de la liberte, qui a rendu, des sa naissance, la republique l'arbitre de l'Europe, veut qu'elle le soit des mers et des nations les plus lointaines. BONAPARTE. A bord de _l'Orient_, le 24 prairial an 6 (12 juin 1798). _Convention arretee entre la republique francaise et l'ordre des chevaliers de Saint-Jean de Jerusalem, sous la mediation de Sa Majeste Catholique le roi d'Espagne._ ART. 1er. les chevaliers de l'ordre de Saint-Jean de Jerusalem remettront a l'armee francaise la ville et les forts de Malte. Ils renoncent, en faveur de la republique francaise, aux droits de souverainete et de propriete qu'ils ont tant sur cette ville que sur les iles de Malte, du Gozo et de Cumino. 2. La republique francaise emploiera son influence au congres de Rastadt pour faire avoir au grand-maitre, sa vie durant, une principaute equivalente a celle qu'il perd, et, en attendant, elle s'engage a lui faire une pension annuelle de 300,000 fr. Il lui sera donne en outre la valeur de deux annees de ladite pension, a titre d'indemnite, pour son mobilier. Il conservera, pendant le temps qu'il restera a Malte, les honneurs militaires dont il jouissait. 3. Les chevaliers de l'ordre de Saint-Jean de Jerusalem qui sont Francais, actuellement a Malte, et dont l'etat sera arrete par le general en chef, pourront rentrer dans leur patrie; et leur residence a Malte leur sera comptee comme une residence en France. La republique francaise emploiera ses bons offices aupres des republiques cisalpine, ligurienne, romaine et helvetique, pour que le present article soit declare commun aux chevaliers de ces differentes nations. 4. La republique francaise fera une pension de 700 fr. aux chevaliers francais actuellement a Malte, leur vie durant. Cette pension sera de 1,000 fr. pour les chevaliers sexagenaires et au-dessus. La republique francaise emploiera ses bons offices aupres des republiques cisalpine, ligurienne, romaine et helvetique, pour qu'elles accordent la meme pension aux chevaliers de ces differentes nations. 5. La republique francaise emploiera ses bons offices aupres des autres puissances de l'Europe, pour qu'elles conservent aux chevaliers de leur nation l'exercice de leurs droits sur les biens de l'ordre de Malte situes dans leurs etats. 6. Les chevaliers conserveront les proprietes qu'ils possedent dans les iles de Malte et du Gozo, a titre de propriete particuliere. 7. Les habitans des iles de Malte et du Gozo continueront a jouir, comme par le passe, du libre exercice de la religion catholique, apostolique et romaine. Ils conserveront les privileges qu'ils possedent: il ne sera mis aucune contribution extraordinaire. 8. Tous les actes civils, passes sous le gouvernement de l'ordre, seront valables, et auront leur execution. Fait double, a bord du vaisseau l'_Orient_, devant Malte, le 24 prairial an 6 de la republique francaise (12 juin 1798.) BONAPARTE, etc. En execution des articles conclus le 24 prairial, entre la republique francaise et l'ordre de Malte, ont ete arretees les dispositions suivantes: ART. 1. Aujourd'hui, 24 prairial, le fort Manoel, le fort Timer, le chateau Saint-Ange, les ouvrages de la Bormola, de la Cottonnere, et de la Cite Victorieuse, seront remis, a midi, aux troupes francaises. 2. Demain, 25 prairial, le fort de Riccazoli, le chateau Saint-Elme, les ouvrages de la Cite Valette, ceux de la Florianne, et tous les autres, seront remis, a midi, aux troupes francaises. 3. Des officiers francais se rendront aujourd'hui, a dix heures du matin, chez le grand-maitre, pour y prendre les ordres pour les gouverneurs qui commandent dans les differens ports et ouvrages qui doivent etre mis au pouvoir des Francais. Ils seront accompagnes d'un officier maltais. Il y aura autant d'officiers qu'il sera remis de forts. 4. Il sera fait les memes dispositions que ci-dessus pour les forts et ouvrages qui doivent etre mis au pouvoir des Francais, demain 25 prairial. 5. En meme temps que l'on consignera les ouvrages de fortifications, l'on consignera l'artillerie, les magasins, et papiers du genie. 6. Les troupes de l'ordre de Malte pourront rester dans les casernes qu'elles occupent jusqu'a ce qu'il y soit autrement pourvu. 7. L'amiral commandant la flotte francaise nommera un officier pour prendre possession aujourd'hui des vaisseaux, galeres, batimens, magasins, et autres effets de marine appartenans a l'ordre de Malte. BONAPARTE. A bord de _l'Orient_, le 24 prairial an 6 (12 juin 1798). _A l'eveque de Malte._ J'ai appris avec un veritable plaisir, monsieur l'eveque, la bonne conduite, que vous avez eue, et l'accueil que vous avez fait aux troupes francaises. Vous pouvez assurer vos diocesains que la religion catholique, apostolique et romaine, sera non-seulement respectee, mais ses ministres specialement proteges. Je ne connais pas de caractere plus respectable et plus digne de la veneration des hommes, qu'un pretre qui, plein du veritable esprit de l'evangile, est persuade que ses devoirs lui ordonnent de preter obeissance au pouvoir temporel, et de maintenir la paix, la tranquillite et l'union au milieu d'un diocese. Je desire, monsieur l'eveque, que vous vous rendiez sur-le-champ dans la ville de Malte, et que, par votre influence, vous mainteniez le calme et la tranquillite parmi le peuple. Je m'y rendrai moi-meme ce soir. Je desire que, des mon arrivee, vous me presentiez tous les cures et autres chefs d'ordre de Malte et villages environnans. Soyez persuade, monsieur l'eveque, du desir que j'ai de vous donner des preuves de l'estime et de la consideration que j'ai pour votre personne. BONAPARTE. Malte, le 25 prairial an 6 (13 juin 1798). Bonaparte, general en chef, ordonne: ART. 1er. Les citoyens Berthollet, le controleur de l'armee, et un commis du payeur, enleveront l'or, l'argent et les pierres precieuses qui se trouvent dans l'eglise de St.-Jean, et autres endroits dependans de l'ordre de Malte, l'argenterie des auberges et celle du grand-maitre. 2. Ils feront fondre dans la journee de demain tout l'or en lingots, pour etre transporte dans la caisse du payeur a la suite de l'armee. 3. Ils feront un inventaire de toutes les pierres precieuses qui seront mises sous le scelle dans la caisse de l'armee. 4. Ils vendront pour 250 a 300,000 fr. d'argenterie a des negocians du pays pour de la monnaie d'or et d'argent, qui sera egalement remise dans la caisse de l'armee. 5. Le reste de l'argenterie sera remis dans la caisse du payeur, qui la laissera a la monnaie de Malte, pour etre fabriquee, et l'argent remis au payeur de la division, pour la subsistance de cette division. On specifiera ce que cela doit produire, afin que le payeur puisse en etre comptable. 6. Ils laisseront, tant a l'eglise St.-Jean qu'aux autres eglises, ce qui sera necessaire pour l'exercice du culte. BONAPARTE. Malte, le 25 prairial an 6 (13 juin 1798). _Au citoyen Garat, ministre a Naples._ Je vous envoie, citoyen ministre, un courrier que j'expedie a Paris. Je vous prie de lui fournir les passe-ports necessaires, et de l'expedier en toute diligence. Je vous prie de donner a la cour de Naples une connaissance pure et simple de l'occupation de Malte par les troupes francaises, et de la souverainete et propriete que nous venons d'y acquerir. Vous devez en meme temps faire connaitre a S.M. le roi des Deux-Siciles, que nous comptons conserver les meme relations que par le passe pour notre approvisionnement, et que si elle en agissait avec nous autrement qu'elle en agissait avec Malte, cela ne serait rien moins qu'amical. Quant a la suzerainete que le royaume de Sicile a sur Malte, nous ne devons pas nous y refuser, toutes les fois que Naples reconnaitra la suzerainete de la republique romaine. Je m'arrete ici deux jours pour faire de l'eau, apres lesquels je pars pour l'Orient. Je ne sais pas si vous resterez encore long-temps a Naples; je vous prie de me faire connaitre ce que vous comptez faire, et de me donner, le plus souvent que vous pourrez, des nouvelles de l'Europe. Vous connaissez l'estime et la consideration particuliere que j'ai pour vous. BONAPARTE. P.S. Pour epargner le temps, je mets ma lettre au directoire, sous cachet volant; vous pourrez en prendre connaissance. Malte, le 25 prairial an 6 (13 juin 1798). Bonaparte, general en chef, ordonne: ART. 1er. Les chevaliers qui n'etaient pas profes et qui se seraient maries a Malte; 2. Les chevaliers qui auraient des possessions particulieres dans l'ile de Malte; 3. Ceux qui auraient etabli des manufactures ou des maisons de commerce; 4. Enfin, ceux compris dans la liste que je vous envoie, connus par les sentimens qu'ils ont pour la republique, seront regardes comme citoyens de Malte et pourront y rester tant qu'ils desireront. Ils seront exceptes de l'ordre donne aujourd'hui. BONAPARTE. Malte, le 25 prairial an 6 (13 juin 1798). Bonaparte, general en chef, ordonne: ART. 1er. Les iles de Malte et du Gozo seront administrees par une commission de gouvernement composee de neuf personnes, qui seront a la nomination du general en chef. 2. Chaque membre de la commission la presidera a son tour pendant six mois. Elle choisira un secretaire et un tresorier hors de son sein. 3. Il y aura, pres de la commission, un commissaire francais. 4. Cette commission sera specialement chargee de toute l'administration des iles de Malte et du Gozo, et de la surveillance de la perception des contributions directes et indirectes. Elle prendra des mesures relatives a l'approvisionnement de l'ile. L'administration de sante sera specialement sous ses ordres. 5. Le commissaire ordonnateur en chef fera un abonnement avec la commission pour etablir ce qu'elle doit donner par mois a la caisse de l'armee. 6. La commission de gouvernement s'occupera incessamment de l'organisation des tribunaux pour la justice civile et criminelle, en le rapprochant le plus possible de l'organisation qui existe actuellement en France. La nomination des membres aura besoin de l'approbation du general de division commandant a Malte. En attendant que ces tribunaux soient organises, la justice continuera d'etre administree comme par le passe. 7. Les iles de Malte et du Gozo seront divisees en cantons dont le moindre aura trois mille ames de population. Il y aura a Malte deux municipalites. 8. Chaque canton sera administre par un corps municipal de cinq membres. 9. Il y aura dans chaque canton un juge de paix. 10. Les juges de paix, les differentes magistratures seront nommes par la commission de gouvernement, avec l'approbation du general de division commandant a Malte. 11. Tous les biens du grand-maitre de l'ordre de Malte et des differens couvens des chevaliers appartiennent a la republique francaise. 12. Il y aura une commission, composee de trois membres, chargee de faire l'inventaire desdits biens et de les administrer; elle correspondra avec l'ordonnateur en chef. 13. La police sera toute entiere sous les ordres du general de division commandant et des differens officiers sous ses ordres. BONAPARTE. Malte, le 25 prairial an 6 (13 juin 1798). Bonaparte, general en chef, ordonne: ART. 1er. Il y aura, dans chaque municipalite de la ville de Malte, un bataillon de garde nationale compose de neuf cents hommes, qui portera l'uniforme habit vert, paremens et collet rouges, et passe-poil blanc. Cette garde nationale sera choisie parmi les hommes les plus riches, les marchands, et ceux qui sont interesses a la tranquillite publique. 2. Elle fournira tous les jours toutes les gardes et patrouilles necessaires pour la police. Elle ne sera jamais de garde aux forts. 3. L'institution du corps des chasseurs sera conservee. 4. Le general de division fera un reglement tant pour l'organisation et le service de la garde nationale que pour l'organisation et le service des chasseurs. On donnera aux uns et aux autres la quantite d'armes necessaire pour le service. 5. On formera quatre compagnies de veterans de tous les vieux soldats qui auraient ete au service de l'ordre de Malte, et qui sont incapables d'un service actif. Les deux premieres, des l'instant qu'elles seront organisees, seront envoyees pour tenir garnison dans le fort de Corfou. On executera le present article, quelques difficultes que l'on puisse rencontrer, mon intention n'etant pas que cette grande quantite d'hommes, habitues a l'ordre de Malte, continue a y rester. 6. On formera quatre compagnies de canonniers, a peu pres sur le meme pied que celles qui existaient ci-devant, qui seront employees dans les batteries de la cote. Il y aura, dans chacune de ces compagnies de canonniers, un officier et un sous-officier francais. 7. Tous les individus qui voudront former une compagnie de cent chasseurs seront maitres de la former. Eux et les officiers de ces compagnies seront conserves, et, des l'instant qu'elles seront organisees, le general de division les fera partir pour rejoindre l'armee. BONAPARTE. Malte, le 27 prairial an 6 (15 juin 1798). _Aux commissaires du gouvernement a Corcyre, Ithaque, et pres le departement de la mer Egee._ Je vous previens, citoyens, que le pavillon de la republique flotte sur tous les forts de Malte, et que l'ordre de Saint-Jean de Jerusalem est detruit. Je vous instruirai incessamment de la direction que prendra l'armee. Apprenez aux habitans de votre departement ce que nous faisons dans ce moment-ci; ils en tireront tout l'avantage. N'oubliez aussi aucun moyen de le faire connaitre a tous les Grecs de la Moree et des autres pays. BONAPARTE. Malte, le 27 prairial an 6 (15 juin 1798). _Aux consuls de Tunis, Tripoli et Alger._ Je vous previens, citoyens, que l'armee de la republique est en possession depuis deux jours de la ville et des deux iles de Malte et du Gozo. Le pavillon tricolore flotte sur tous les forts. Vous voudrez bien, citoyen, faire part de la destruction de l'ordre de Malte et de cette nouvelle possession de la republique au bey, pres duquel vous vous trouvez, et lui faire connaitre que, desormais, il doit respecter les Maltais, puisqu'ils se trouvent sujets de la France. Je vous prie aussi de lui demander qu'il mette en liberte les differens esclaves maltais qu'il avait; j'ai donne l'ordre pour que l'on mit en liberte plus de deux mille esclaves barbaresques et turcs, que l'ordre de Saint-Jean de Jerusalem tenait aux galeres. Laissez entrevoir au bey que la puissance qui a pris Malte en deux ou trois jours, serait dans le cas de le punir, s'il s'ecartait un moment des egards qu'il doit a la republique. BONAPARTE. Malte, le 27 prairial an 6 (15 juin 1798). _Au general Chabot._ Nous sommes entres, citoyen general, depuis trois jours dans Malte. La republique vient, par-la, d'acquerir une place aussi forte que favorablement situee pour le commerce. Les habitans des trois departemens qui composent votre division, doivent en tirer un avantage tout particulier. Annoncez-leur cette bonne nouvelle. Je laisse le general Vaubois pour commander ici. Vous pourrez correspondre avec lui pour tous les objets dont vous pourriez avoir besoin. Votre division fait partie de l'armee que je commande. Je vous prie de m'envoyer par le brick l'etat de situation exacte de vos troupes, de votre marine, de vos magasins, soit d'artillerie, soit de vivres. Faites-moi connaitre aussi ce qui est du a la troupe, et s'il vous serait possible de pouvoir vous procurer des matelots, d'armer en flute le vaisseau et la fregate qui sont a Corfou, et de me les envoyer dans l'endroit que je vous designerai. Je vous prie d'expedier a notre ministre a Constantipople, la nouvelle de l'occupation de Malte par l'armee francaise, et de la destruction de l'ordre de Saint-Jean de Jerusalem. Annoncez egalement cette nouvelle a Ali-Pacha, au pacha de Scutari et au pacha de la Moree. Je desire que vous n'envoyiez a Constantinople qu'un bateau de commerce. Le chebeck _le Fortunatus_ a ordre de venir joindre l'armee: faites-le accompagner par un de vos meilleurs bricks, afin que je puisse vous le renvoyer avec de nouveaux ordres. Mettez-vous en mesure contre l'attaque des Turcs. Il est inutile que vous fassiez connaitre la destination que prend l'armee. BONAPARTE. Malte, le 28 prairial an 6 (16 juin 1798). Bonaparte, general en chef, ordonne: ART. 1er. Tous les habitans des iles de Malte et du Gozo sont tenus de porter la cocarde tricolore. Aucun habitant de Malte ne pourra porter l'habit national francais, a moins qu'il n'en ait obtenu la permission speciale du general en chef. Le general en chef accordera la qualite de citoyen francais et la permission de porter l'habit national aux habitans de Malte et du Gozo qui se distingueront par leur attachement a la republique, par quelque action d'eclat, trait de bienfaisance ou de bravoure. 2. Tous les habitans de Malte sont desormais egaux en droits. Leurs talens, leur merite, leur patriotisme, et leur attachement a la republique francaise, etablissent seuls la difference entre eux. 3. L'esclavage est aboli: tous les esclaves connus sous le nom de _bonnivagli_ seront mis en liberte, et le contrat deshonorant pour l'espece humaine qu'ils ont fait est detruit. 4. En consequence de l'article precedent, tous les Turcs qui sont esclaves de quelque particulier seront remis entre les mains du general commandant, pour etre traites comme prisonniers de guerre; et, vu l'amitie qui existe entre la republique francaise et la Porte ottomane, ils seront envoyes chez eux lorsque le general en chef l'ordonnera, et lorsqu'il aura connaissance que les beys consentent a renvoyer a Malte tous les esclaves francais ou maltais qu'ils auraient. 5. Dix jours apres la publication du present ordre, il est defendu d'avoir des armoiries soit a l'interieur, soit a l'exterieur des maisons, de cacheter des lettres avec des armoiries, ni de prendre des titres feodaux. 6. L'ordre de Malte etant dissous, il est expressement defendu a qui que ce soit de prendre des titres de baillis, commandeurs, ou chevaliers. 7. On mettra dans chaque eglise, a la place ou etaient les armes du grand-maitre, celles de la republique. 8. Dix jours apres la publication du present ordre, il est defendu, sous quelque pretexte que ce soit, de porter des uniformes des corps de l'ancien ordre de Malte. 9. L'ile de Malte appartenant a la republique francaise, la mission des differens ministres plenipotentiaires a cesse. 10. Tous les consuls etrangers cesseront leurs fonctions, et oteront les armes qui sont sur leurs portes, jusqu'a ce qu'ils aient recu des lettres de creance de leur gouvernement pour continuer leurs fonctions dans la ville de Malte, devenue port de la republique francaise. 11. Tous les etrangers venant et vivant a Malte seront obliges de se conformer au present ordre, quels que soient leur grade et le rang qu'ils auraient chez eux. 12. Tous les contrevenans aux articles ci-dessus seront condamnes, pour la premiere fois, a une amende du tiers de leurs revenus; la seconde, a trois mois de prison; la troisieme, a un an de prison; la quatrieme, a la deportation de l'ile de Malte, et a la confiscation de la moitie de leurs biens. BONAPARTE. Malte, le 28 prairial an 6 (16 juin 1798). Bonaparte, general en chef, ordonne: ART. 1er. Il sera fait un desarmement general de tous les habitans des iles de Malte et du Gozo. Il ne sera accorde des armes que par une permission du general commandant, et a des hommes dont le patriotisme sera reconnu. 2. L'organisation des chasseurs volontaires dans les iles de Malte et du Gozo sera continuee; mais ce corps ne sera compose que d'hommes sur les services desquels on peut compter. On aura soin surtout d'avoir des officiers patriotes. 3. Les signaux seront retablis depuis la pointe du Gozo a Malte. 4. Les lois de la sante a Malte ne seront ni plus ni moins rigoureuses que les lois de la sante a Marseille. 5. Il sera forme une compagnie de trente volontaires, composee de jeunes gens de quinze a trente ans, et pris dans les familles les plus riches. 6. Le general de division designera, dans l'espace de dix jours, a la commission de gouvernement les hommes qui doivent composer ladite compagnie. La commission de gouvernement le leur fera signifier; et, vingt jours apres, ils seront obliges d'etre armes d'un sabre. Ils auront le meme uniforme que les guides de l'armee, a l'exception qu'ils porteront l'aiguillette et le bouton blanc. 7. Ceux qui ne se trouveraient pas a la revue que passera le general de division dix jours apres seront condamnes, les jeunes gens a un an de prison, et les parens, jouissant du bien de la famille, a mille ecus d'amende. 8. La commission de gouvernement designera les jeunes gens de neuf a quatorze ans, appartenans aux plus riches familles, lesquels seront envoyes a Paris pour etre eleves dans les ecoles de la republique. Les parens seront tenus de leur faire 800 fr. de pension, et de leur donner 600 fr. pour leur voyage. Le passage leur sera accorde sur les vaisseaux de guerre. 9. La commission de gouvernement enverra la liste de ces jeunes gens, au plus tard dans vingt jours, au general en chef, et ils partiront au plus tard dans un mois. 10. Ils devront avoir pantalon et gilet bleus, paremens et revers rouges, lisere blanc. Ils seront debarques a Marseille, ou le ministre de l'interieur donnera des ordres pour les faire passer dans les ecoles nationales. 11. Le commissaire-ordonnateur de la marine designera a la commission de gouvernement les jeunes gens maltais appartenans aux familles les plus riches, pour pouvoir etre places comme aspirans, et pouvoir s'instruire et parvenir a tous les grades. 12. Comme l'education interesse principalement la prosperite et la surete publiques, les parens dont les enfans seront designes, et qui s'y refuseraient, seront condamnes a payer mille ecus d'amende. 13. Les classes pour les matelots seront retablies comme dans les ports de France. Lorsque l'escadre aura besoin de matelots, et qu'il n'y aura pas assez de gens de bonne volonte, on prendra de preference les jeunes gens de quinze a vingt-cinq ans. Si cela ne suffit pas, on prendra ceux de vingt-cinq a trente-cinq, et enfin ceux de trente-cinq a quarante-cinq. BONAPARTE. Malte, le 28 prairial an 6 (16 juin 1798). Bonaparte, general en chef, ordonne: ART. 1er. Tous les pretres, religieux et religieuses, de quelque ordre que ce soit, qui ne sont pas natifs des iles de Malte et du Gnzo, seront tenus d'evacuer l'ile au plus tard dix jours apres la publication du present ordre: l'eveque, vu ses qualites pastorales, sera seul excepte du present ordre. 2. Toutes les cures, benefices, qui, en vertu du present ordre, seraient vacans, seront donnes a des naturels des iles de Malte et du Gozo, n'etant point juste que des etrangers jouissent desavantages du pays. 3. On ne pourra pas desormais faire de voeux religieux avant l'age de trente ans. Il est defendu de faire de nouveaux pretres, jusqu'a ce que les pretres actuellement existans soient tous employes. 4. Il ne pourra pas y avoir a Malte et au Gozo plus d'un couvent de chaque ordre. 5. La commission de gouvernement, de concert avec l'eveque, designera les maisons ou les individus d'un meme ordre doivent se reunir. Tous les biens qui deviendraient inutiles a la subsistance desdits couvens seront employes a soulager les pauvres. 6. Toutes les fondations particulieres, tous les couvens d'ordre seculier et corporations de penitens, toutes les collegiales, sont supprimes. La cathedrale seule aura quinze chanoines residans a Malte, et cinq residans a Civita-Vecchia. 7. Il est expressement defendu a tout seculier, qui n'est pas au moins sous-diacre, de porter le collet ou la soutane. 8. L'eveque sera tenu de remettre, dix jours apres la publication du present ordre, l'etat des pretres et le certificat qu'ils sont naturels des iles de Malte et du Gozo, et l'etat de ceux qui, en vertu du present ordre, doivent evacuer le territoire. Chaque chef d'ordre sera tenu de remettre un pareil etat au commissaire du gouvernement. Tout individu qui n'aurait pas obtempere au present ordre sera condamne a six mois de prison. 9. La commission de gouvernement, le commissaire pres elle, le general de division, sont charges, chacun en ce qui le concerne, de l'execution du present ordre. BONAPARTE. Malte, le 28 prairial an 6(16 juin 1798). _A l'ordonnateur Najac._ Il y a deja long-temps que vous n'avez recu de nos nouvelles. Vous devez cependant avoir recu deux avisos que je vous ai envoyes. Je n'ai recu de Toulon, depuis mon depart, que le brick qui est parti quarante-huit heures apres nous. Apres deux jours de fusillade et de canonnade, nous avons obtenu la ville de Malte et tous ses forts: nous y avons trouve deux vaisseaux de guerre, une fregate, quatre galeres, quinze a dix-huit cents pieces de canon, et quarante mille fusils. Du reste, l'arsenal est fort peu approvisionne. _La Sensible_ que je vous expedie, conduira l'ambassadeur de la republique a Constantinople. J'espere que les trois vaisseaux venitiens, grace a vos soins, seront a present en etat, et que toutes les troupes restees en arriere, pourront partir sous leur escorte. Adressez tout ce qui nous serait destine, a Malte qui necessairement doit etre notre premiere echelle. Je desirerais que ces vaisseaux prissent sous leur escorte toutes les troupes que le consul de Genes a a nous envoyer. Je vous prie d'expedier, deux fois par decade, un aviso pour Malte, d'ou il retournera a Toulon: le commissaire de la marine, qui est a Malte, nous expediera nos courriers la ou nous serons. BONAPARTE. Malte, le 29 prairial an 6 (17 juin 1798). _Au citoyen Lavalette._ _L'Arthemise_, citoyen, a ordre de vous faire mouiller sur la cote d'Albanie, pour vous mettre a meme de conferer avec Ali-Pacha. La lettre ci-jointe que vous devrez lui remettre, ne contient rien autre chose que d'ajouter foi a ce que vous lui direz, et de l'inviter a vous donner un truchement sur pour vous entretenir seul avec lui. Vous lui remettrez vous-meme ladite lettre, afin d'etre assure qu'il en prenne lui-meme lecture. Apres quoi, vous lui direz que, venant de m'emparer de Malte, et me trouvant dans ces mers avec trente vaisseaux et cinquante mille hommes, j'aurai des relations avec lui, et que je desire savoir si je peux compter sur lui; que je desirerais aussi qu'il envoyat pres de moi, en l'embarquant sur la fregate, un homme de marque et qui eut sa confiance; que sur les services qu'il a rendus aux Francais, et sur sa bravoure et son courage, s'il me montre de la confiance et qu'il veuille me seconder, je peux accroitre de beaucoup sa gloire et sa destinee. Vous prendrez en general note de tout ce que vous dira Ali-Pacha, et vous vous rembarquerez sur la fregate pour venir me joindre et me rendre compte de tout ce que vous aurez fait. En passant a Corfou, vous direz au general Chabot, qu'il nous envoie des batimens charges de bois, et qu'il fasse une proclamation aux habitans des differentes iles pour qu'ils envoient a l'escadre, du vin, des raisins secs, et qu'ils en seront bien payes. BONAPARTE. Malte, le 29 prairial an 6 (17 juin 1798). _A Ali-Pacha._ Mon tres-respectable ami, apres vous avoir offert les voeux que je fais pour votre prosperite et la conservation de vos jours, j'ai l'honneur de vous informer que depuis long-temps je connais l'attachement que vous avez pour la republique francaise, ce qui me ferait desirer de trouver le moyen de vous donner des preuves de l'estime que je vous porte. L'occasion me paraissant aujourd'hui favorable, je me suis empresse de vous ecrire cette lettre amicale, et j'ai charge un de mes aides-de-champ de vous la porter, pour vous la remettre en mains propres. Je l'ai charge aussi de vous faire certaines ouvertures de ma part, et comme il ne sait point votre langue, veuillez bien faire choix d'un interprete fidele et sur pour les entretiens qu'il aura avec vous. Je vous prie d'ajouter foi a tout ce qu'il vous dira de ma part, et de me le renvoyer promptement avec une reponse ecrite en turc de votre propre main. Veuillez-bien agreer mes voeux et l'assurance de mon sincere devouement. BONAPARTE. Malte, le 29 prairial an 6 (17 juin 1798). _Au roi d'Espagne._ La republique francaise a accepte la mediation de V.M. pour la capitulation de la ville de Malte. M. le chevalier d'Amatti, votre resident dans cette ville, a su etre a la fois agreable a la republique francaise et au grand-maitre. Mais par l'occupation du port de Malte par la republique, la place de M. d'Amatti se trouve supprimee. Je le recommande a Votre Majeste, pour qu'elle veuille bien ne pas l'oublier dans la distribution de ses graces. Je prie Votre Majeste de croire aux sentimens d'estime et a la tres-haute consideration que j'ai pour elle. BONAPARTE. Malte, le 29 prairial an 6 (17 juin 1798). Bonaparte, general en chef, ordonne: ART. 1er. Les pretres latins ne pourront pas officier dans l'eglise qui appartient aux Grecs. 2. Les messes que les pretres latins ont coutume de dire dans les eglises grecques seront dites dans les autres eglises de la place. 3. Il sera accorde protection aux Juifs qui voudront etablir une synagogue. 4. Le general commandant remerciera les Grecs etablis a Malte de la bonne conduite qu'ils ont tenue pendant le siege. 5. Tous les Grecs des iles de Malte et du Gozo, et des departemens d'Ithaque, de Corcyre, et de la mer Egee, qui conserveront des relations quelconques avec les Russes, seront condamnes a mort. 6. Tous les batimens grecs qui naviguent sous pavillon russe, s'ils sont pris par des batimens francais, seront coules bas. _Ordre du 29 prairial_ (17 juin 1798). ART. 1er. Les femmes et les enfans des grenadiers de la garde du grand-maitre et du regiment de Malte, qui partent avec la flotte francaise, recevront: Les femmes, vingt sous par decade; les enfans au-dessous de dix ans, dix sous par decade. 2. Tous les garcons au-dessus de dix ans seront embarques sur les batimens de la republique, comme mousses. 3. Il sera fait, par le payeur, une retenue d'un centime sur la paie de chaque grenadier ou soldat, du regiment de Malte, qui a des enfans. 4. Les femmes des sous-officiers auront trente sous par decade, et les enfans au-dessous de dix ans, quinze sous. 5. La retenue en sera faite sur les appointemens de leur mois. 6. La commission du gouvernement de Malte est chargee de l'execution du present ordre. _Ordre du 29 prairial_ (17 juin 1798). ART. 1er. La commission du gouvernement se divisera en bureau et en conseil. 2. Le bureau sera compose de trois membres; y compris le president. 3. Le conseil nommera tous les six mois un des deux membres qui doivent composer le bureau. 4. Le bureau sera en activite constante de service; chacun des membres aura 4,000 fr. d'appointemens. 5. Le conseil ne se reunira qu'une fois par decade, pour prendre connaissance de ce qu'aura fait le bureau. 6. Il leur sera accorde a chacun un traitement de 1,000 fr. par an. 7. Les membres du bureau seront, pour cette fois, le citoyen N---- pour six mois, et le citoyen N---- pour un an. 8. Le commissaire de gouvernement aura 6,000 fr. d'appointemens: outre ses frais de bureau, il lui sera accorde, sur l'extraordinaire, une gratification pour son etablissement. _Ordre du 29 prairial_ (17 juin 1798). ART. 1er. Le general de division commandant a la police generale de l'ile et du port; aucun batiment ne peut ni entrer ni sortir qu'en consequence de son reglement. 2. La commission du gouvernement est chargee de l'organisation civile, judiciaire et administrative. 3. Elle ne peut rien faire que sur la demande du commissaire, ou apres avoir oui son rapport; les conclusions du commissaire devront etre mises dans toutes les deliberations de la commission. 4. Tout ce qui est reglement ne peut etre publie, ni avoir son effet, que vise par le commandant et le general de division. 5. La commission des domaines est chargee de faire l'inventaire de tous les meubles et immeubles appartenans a la republique; ainsi que de l'administration de tous les biens nationaux. 6. Elle enverra tous les mois les inventaires qu'elle aura faits et le bordereau de ce qu'elle aura recu au commissaire du gouvernement. 7. Elle ne pourra faire aucune vente qu'en consequence d'un ordre du general en chef, et, s'il survenait des circonstances extraordinaires qui exigeassent des fonds, le general de division, le commissaire du gouvernement, le commissaire des guerres, et la commission, se reuniraient et prendraient un arrete, en consequence duquel on serait autorise a vendre jusqu'a la concurrence de 150,000 fr. Le commissaire du gouvernement serait alors charge de faire un reglement, et d'en suivre tous les details. 8. La commission des domaines n'aura pas d'autre payeur que celui de la division militaire, qui aura un registre et une caisse particuliere pour les objets y relatifs. 10. Le general commandant l'ile aura seul le droit de controler et de se meler de l'administration du pays. Les generaux commandant sous lui, les commandans de place, et autres agens militaires, ne se meleront en aucune maniere des objets administratifs. Le general-commandant ne pourra jamais etre represente par un de ses subordonnes. _Ordre du 29 prairial_ (17 juin 1798). ART. 1er. Les impots etablis seront provisoirement maintenus. Le commissaire du gouvernement et la commission administrative en assureront la perception. 2. Dans le plus court delai, il sera etabli un systeme d'impositions nouvelles, de maniere que le produit total, pris sur les douanes, le vin, l'enregistrement, le timbre, le tabac, le sel, les loyers de maisons et les domestiques, s'eleve a 720,000 fr. 3. De cette somme, il sera verse chaque mois 50,000 fr. dans la caisse du payeur de l'armee. Ce versement n'aura lieu cependant que dans trois mois, et jusque-la la caisse des domaines nationaux y suppleera. 4. Les 120,000 fr. restans seront laisses pour fournir aux frais d'administration, justice, etc., selon l'etat par apercu ci-joint. 5. Cet etat sera arrete definitivement par la commission du gouvernement avec le commissaire de la republique francaise, lors de l'organisation des tribunaux, et des diverses parties du service administratif. 6. Le pave des villes, et l'entretien pour la proprete et le" lumieres, sera paye par les habitans. 7. L'entretien des fontaines, par un droit qui sera etabli sur les batimens qui font de l'eau, ainsi que les gages des employes attaches a ce service. 8. Il sera etabli un droit de passe pour l'entretien des routes. 9. L'instruction publique sera payee avec les biens qui y sont deja affectes; et, en cas d'insuffisance, avec ceux des fondations et couvens supprimes, suivant l'ordre precedent du general en chef. 10. Les gages des magistrats de sante et frais y relatifs seront payes par un droit sur les vaisseaux et sur les voyageurs. 11. Le mont-de-piete sera maintenu, et le commissaire du gouvernement pour voira a son organisation nouvelle. 12. L'etablissement dit de l'Universite, pour l'approvisionnement en grains de l'ile, sera maintenu, en separant l'administration ancienne a compter du premier messidor; et le commissaire du gouvernement sera tenu de l'organiser de maniere a ne laisser aucune inquietude a la republique sur l'approvisionnement de l'ile. 13. Les hopitaux seront organises sur des bases nouvelles, et il sera pourvu a leurs besoins par des biens des couvens ou fondations supprimes; ceux qui y sont deja affectes leur seront conserves. 14. La poste aux lettres sera organisee de maniere a couvrir, par la taxe des lettres, la depense qu'elle occasionnera. 15. Les depenses relatives au passage de l'armee, aux fournitures faites pour elle, a l'etat du nouveau gouvernement, seront prises sur les fonds qui resteront disponibles pendant les trois mois ou le gouvernement ne paiera rien a l'armee. 16. Le commissaire du gouvernement est autorise a regler, provisoirement, les cas non prevus, en rendant compte de la determination au general en chef. _Ordre du 29 prairial (17 juin 1798.)_ ECOLES PRIMAIRES. ART. 1er. Il sera etabli dans les iles de Malte et du Gozo quinze ecoles primaires. 2. Les instituteurs des ecoles enseigneront aux eleves a lire et ecrire en francais, les elemens de calcul et du pilotage, et les principes de la morale et de la constitution francaise. 3. Les instituteurs seront nommes par le commissaire du gouvernement. 4. Ils seront loges dans une maison nationale a laquelle sera attache un jardin. 5. Leur salaire en argent sera de mille francs dans les villes et de 800 fr. dans les casals. 6. Il sera affecte au paiement de chaque instituteur une portion suffisante des biens des couvens supprimes. 7. La distribution des ecoles et les reglemens sur leurs administration et regime seront confies a la commission de gouvernement. ECOLE CENTRALE. ART. 1er. Il sera etabli a Malte une ecole centrale qui remplacera l'universite et les autres chaires. 2. Elle sera compose: 1 deg.. D'un professeur d'arithmetique, et de stereotomie, aux appointemens de 1,800 f.; 2 deg.. d'un professeur d'algebre et de stereotomie, aux appointemens de 2,000 fr.; 3 deg.. d'un professeur de geometrie et d'astronomie, aux appointemens de 2,400 fr.; 4 deg.. d'un professeur de mecanique et de physique, aux appointemens de 5,000 fr.; 5 deg.. d'un professeur de navigation, aux appointemens de 2,400 fr.; 6 deg.. d'un professeur de chimie, aux appointemens de 1,800 fr.; 7 deg.. d'un professeur de langues orientales, aux appointemens de 1,200 francs; 8 deg.. d'un bibliothecaire, charge des cours de geographie, aux appointemens de 1,000 fr. 3. A l'ecole centrale seront attaches: 1 deg.. La bibliotheque et le cabinet d'antiquites; 2 deg.. un museum d'histoire naturelle; 3 deg.. un jardin de botanique; 4 deg.. l'observatoire. Une somme de 3,000 fr. sera affectee a l'entretien du materiel de l'ecole centrale. 5. On vendra pour 300,000 fr. de biens nationaux pour la fondation de l'approvisionnement. 6. Le commissaire du gouvernement se concertera avec le commissaire des domaines pour la vente desdits biens. _Ordre du 29 prairial_ (17 juin 1798.) Le commissaire-ordonnateur ouvrira un credit sur le payeur de la place, de 3,000 fr. par mois pour le commandant de l'artillerie; 4,000 fr. par mois pour le commandant du genie; 25,000 fr. par mois pour la marine; 3,000 fr. par mois pour l'extraordinaire, a la disposition du general-commandant. _Ordre du 29 prairial_ (17 juin 1798.) ART. 1er. Les commissaires des domaines nationaux auront chacun 4,000 fr. d'appointemens par an. 2. Ceux qui ne sont pas etablis dans le pays auront six mois d'appointemens en forme de gratification pour leur etablissement. 3. Sur les fonds provenant des domaines, il sera accorde egalement une somme de 6,000 fr. au commissaire de gouvernement pour son etablissement, dont 3,000 fr. seront payes sur les premiers fonds, et 3,00 fr. dans six mois. 4. les frais de logement et de bureau de la commission ne pourront pas exceder la somme de 12 a 1,500 fr. par an. 5. Les professeurs formeront ensemble un conseil qui s'occupera des moyens de perfectionner l'instruction, et proposera a la commission de gouvernement les mesures d'administration qu'il jugera necessaires. 6. Les appointemens des professeurs, le salaire des employes, dont l'etat aura ete arrete par la commission de gouvernement, et les depenses necessaires pour l'entretien des divers etablissemens, seront payes sur les fonds ci-devant affectes a l'entretien de l'universite et de la chaire des langues orientales. 7. Il sera affecte au jardin de botanique un terrain de trente arpens, que la commission de gouvernement designera sans delai parmi les terrains les plus fertiles et les plus pres de la ville. 8. Il sera fait a l'hopital de la ville de Malte des lecons d'anatomie, de medecine et d'accouchement, par les officiers qui y sont attaches. _Ordre du 29 prairial_ (17 juin 1798.) ART. 1. On affectera pour l'hopital, des fonds des couvens ou dotations supprimees, jusqu'a la concurrence de 40,000 fr. de rentes. On prendra de preference toutes les dotations qui existent deja affectees aux hospices, quelques denominations qu'elles aient. 2. On affectera des biens nationaux pour 300,000 fr., pour les creanciers du grand-maitre. 3. On vendra pour 300,000 fr. de biens nationaux pour subvenir aux besoins de la garnison et de la marine. Ordre du 29 prairial (17 juin 1798.) ART. 1er. L'eveque n'exercera d'autre justice qu'une police sur les ecclesiastiques; toutes procedures relatives au mariages seront du ressort de la justice civile et criminelle. Il est expressement defendu a l'eveque, aux ecclesiastiques et aux habitans de l'ile, de rien recevoir pour l'administration des sacremens, le devoir de leur etat etant de les administrer gratis. Ainsi les droits d'etole, et autres pareils, restent abolis. 3. Aucun prince etranger ne pourra avoir d'influence ni dans l'administration de la religion, ni dans celle de la justice. Ainsi aucun ecclesiastique ni habitant ne pourra avoir recours au pape ni a aucun metropolitain. BONAPARTE. Le 30 prairial (18 juin 1798). Au directoire executif. Je vous envoie, citoyens directeurs, 1 deg.. Un reglement pour la repression des delits a bord de l'escadre. 2 deg.. Copie d'une lettre ecrite au citoyen Najac, pour les differens avancemens dans l'arsenal. Le citoyen Najac a mis autant d'activite que de zele dans l'execution de vos ordres pour l'expedition; c'est un homme de merite, qui entend parfaitement sa besogne. 3 deg.. Un ordre pour la punition des matelots qui se seraient debarques de dessus l'escadre. (Cette lettre a ete ecrite a differentes reprises, tant a bord De la flotte qu'a Malte. Nous la classons a sa derniere date.) Le 8 prairial (27 mai 1798). Nous sommes depuis deux jours en calme, a dix lieues au large du detroit de Bonifaccio. Le convoi de Corse vient de se reunir a nous; les troupes de ce convoi sont commandees par le general Vaubois. J'attends a chaque instant le convoi de Civita-Vecchia. Un brick anglais a ete poursuivi par l'aviso _le Corcyre_, commande par le citoyen Renould, et oblige de se jeter sur les cotes de Sardaigne, ou il s'est brule. L'equipage de ce batiment nous parle toujours d'une escadre anglaise. Le convoi de l'escadre n'a encore eu aucune espece d'avaries ni de maladies; tout continue a fort bien aller. Nos soldats travaillent nuit et jour, soit pour apprendre a grimper sur les matures, soit a l'exercice du canon. Le 9, a huit heures du soir. Le troisieme bataillon de la soixante-dix-neuvieme, auquel vous aviez depuis long-temps donne l'ordre de passer a Corfou, est encore a Ancone. J'ecris a Brune pour qu'il ne perde pas un instant pour l'y faire passer. Il est bien essentiel que nos iles soient suffisamment gardees, surtout dans le premier moment. Malte, le 25 prairial an 6 (13 juin 1798). Nous sommes arrives le 21, a la pointe du jour, a la vue de l'ile de Gozo. Le convoi de Civita-Vecchia y etait arrive depuis trois jours. Le 21 au soir, j'ai envoye un de mes aides-de-camp pour demander au grand-maitre la faculte de faire de l'eau dans differens mouillages de l'ile. Le consul de la republique a Malte vint me porter sa reponse, qui etait un refus absolu, ne pouvant, disait-il, laisser entrer plus de deux batimens de transport a la fois: ce qui, calcul fait, aurait exige plus de trois cents jours pour faire de l'eau. Le besoin de l'armee etait urgent et me faisait un devoir d'employer la force pour m'en procurer. J'ordonnai a l'amiral Brueys de faire des preparatifs pour la descente. Il envoya le contre-amiral Blanquet avec son escadre et le convoi de Civita-Vecchia, pour l'effectuer dans la calle de Marsa-Siroco. Le convoi de Genes debarqua a la calle Saint-Paul, celui de Marseille a l'ile de Gozo. Le general de brigade Lannes, le chef de brigade Marmont, descendirent a la portee du canon de la place. Le general Desaix fit debarquer le general Belliard avec la vingt-unieme. Il s'empara de toutes les batteries et de tous les forts qui defendaient la rade et le mouillage de Marsa-Siroco. Le 22, a la pointe du jour, nos troupes etaient a terre sur tous les points, malgre l'obstacle d'une canonnade vive, mais extremement mal executee. Le 22 au soir, la place etait investie de tous les cotes, et le reste de l'ile etait soumis. Le general Reynier venait de s'emparer de l'ile de Gozo; le general Baraguey-d'Hilliers de tout le midi de l'ile de Malte, apres avoir fait plusieurs chevaliers et deux cents hommes prisonniers. Le general Desaix etait a une portee de pistolet du glacis de la Cottonere et du fort Riccazoli: il avait aussi fait plusieurs chevaliers prisonniers. Les malheureux habitans, effrayes au-dela de ce qu'on peut imaginer, s'etaient refugies dans la ville de Malte, qui se trouva par ce moyen suffisamment garnie de monde. Pendant toute la soiree du 22, la ville canonna avec la plus grande activite. Les assieges voulurent faire une sortie; mais le chef de brigade Marmont, a la tete de la dix-neuvieme, leur enleva le drapeau de l'ordre. Le 22, je commencai a faire debarquer l'artillerie. Nous avons peu de places en Europe aussi fortes et aussi soignees que celle de Malte. Je ne m'en tins pas aux seuls moyens militaires, et j'entamai differentes negociations: le resultat en a ete heureux. Le grand-maitre m'envoya demander, le 22 au matin, une suspension d'armes. J'ai envoye mon aide-de-camp chef de brigade Junot au grand-maitre, avec la faculte de signer une suspension d'armes, s'il consentait, pour preliminaires, a negocier de la reddition de la place. J'envoyai les citoyens Poussielgue et Dolomieu pour sonder les intentions du grand-maitre. Le 22 a minuit, les charges de pouvoir du grand-maitre vinrent a bord de l'Orient, ou ils conclurent dans la nuit la convention dont je vous envoie les articles. A la tete de la deputation du grand-maitre etait le commandeur Bosredon-Ransigeat, chevalier de la ci-devant langue d'Auvergne, qui, du moment ou il vit que l'on prenait les armes contre nous, a sur-le-champ ecrit au grand-maitre que son devoir, comme chevalier de Malte, etait de faire la guerre aux Turcs, et non a sa patrie; qu'en consequence il declarait ne vouloir prendre aucune part a la mauvaise conduite de l'Ordre dans cette circonstance. Il fut sur-le-champ mis en prison, et il n'en sortit que pour etre charge de venir negocier. Hier, 24, nous sommes entres dans la place, et nous avons pris possession de tous les forts. Aujourd'hui, a midi, l'escadre y est venue mouiller. Je suis extremement satisfait de la conduite de l'amiral Brueys, de l'harmonie et de l'ensemble qui regnent dans toute l'escadre. J'ai beaucoup a me louer du zele et de l'activite du citoyen Gantheaume, chef de division de l'etat-major de l'escadre. Le citoyen Motard, capitaine de fregate, a commande les chaloupes de debarquement. C'est un jeune officier d'esperance. Nous avons trouve a Malte deux vaisseaux de guerre, une fregate, quatre galeres, douze cents pieces de canon, quinze cents milliers de poudre, quarante mille fusils, etc. On vous en enverra incessamment l'etat. Je vous envoie copie des differens ordres que j'ai donnes pour l'etablissement du gouvernement dans cette ile. Je vous envoie la liste des Francais residant a Malte, dont la plupart chevaliers, qui, un mois avant notre arrivee, ont fait des dons pour la descente en Angleterre. Je vous prie d'accorder le grade de general de brigade au citoyen Marmont. Malte, le 28 prairial an 6 (16 juin 1798). L'escadre commence a sortir du port; et, le 30, nous comptons etre tous a la voile pour suivre notre destination. J'ai laisse, pour commander l'ile, le general de division Vaubois; c'est lui qui a commande le debarquement, et il s'est concilie les habitans de l'ile par sa sagesse et sa douceur. Le grand-maitre part demain pour se rendre a Trieste. Sur les six cent mille francs que nous lui avons accordes, il laisse ici trois cent mille francs pour payer ses dettes. Je ferai prevaloir ces trois cent mille francs sur les terres que nous avons appartenant a l'Ordre. Je lui ai donne cent mille francs comptant, et le payeur lui a remis quatre traites sur celui de Strasbourg, de cinquante mille francs chacune, faisant les deux cent mille francs. Je vous prie d'ordonner qu'elles soient acquittees. Toute l'argenterie d'ici, y compris le tresor de Saint-Jean, ne nous donnera pas un million. Je laisse cet argent pour subvenir aux depenses de la garnison et a l'achevement du vaisseau _le Saint-Jean_. Vous trouverez ci-joint les noms que j'ai donnes aux deux vaisseaux, a la fregate et aux galeres que nous avons trouves ici. Je vous envoie copie de plusieurs ordres que j'ai donnes. Je n'ai rien oublie de ce qui pouvait nous assurer cette ile. Je vous prie d'y envoyer le reste de la septieme demi-brigade d'infanterie legere, de la quatre-vingtieme et de la vingt-troisieme. Cette derniere est en Corse. Nous avons besoin ici d'un bon corps de troupes. Rien n'egale l'importance de cette place. Elle est soignee et dans le meilleur etat; mais les fortifications sont tres-etendues. Je vous prie de faire rejoindre tous les hommes de nos demi-brigades qui sont restes en arriere: cela se monte a plusieurs milliers. Malte aurait besoin aussi de quatre compagnies d'artillerie a pied. J'ai fait embarquer comme matelots tous les esclaves turcs qui etaient ici: ils nous seront utiles. Le nombre des chevaliers de Malte francais se monte a trois cents. Une partie ayant plus de soixante ans pourra rester ici. J'emmene avec moi tout ce qui avait moins de trente ans. Le reste se rend a Antibes, afin que ceux qui n'ont pas porte les armes contre la France puissent rentrer, conformement a l'article 3 de la capitulation. Malte, le 29 prairial an 6 (17 juin 1798). Du moment que le convoi de Civita-Vecchia nous a joints, j'ai ete instruit que les ordres que vous aviez donnes pour arreter les instigateurs des troubles de Rome n'avaient pas ete executes, et que tous les officiers avaient donne leur parole d'honneur de ne pas souffrir leur arrestation; ce qui avait oblige le general Saint-Cyr a se relacher de l'execution de vos ordres. J'ai sur-le-champ fait arreter quatre officiers du septieme de hussards, et quatre de la soixante-unieme, qui sont designes par les chefs comme les principaux meneurs. Je les ai destitues et renvoyes en France, comme indignes de servir dans les troupes de la republique. N'ayant pas le temps de faire faire leur proces, j'ordonne qu'on les tienne au fort Lamalgue, jusqu'a ce qu'on ait recu vos ordres. Malte, le 29 prairial an 6 (17 juin 1798). Je vous envoie l'original du traite que venait de conclure l'ordre de Malte avec la Russie. Il n'y avait que cinq jours qu'il etait ratifie, et le courrier, qui est le meme que celui que j'ai arrete, il y a deux ans, a Ancone, n'etait pas encore parti. Ainsi, sa majeste l'empereur de Russie nous doit des remercimens, puisque l'occupation de Malte epargne a son tresor quatre cent mille roubles. Nous avons mieux entendu que lui-meme les interets de sa nation. Cependant, si son but avait ete de preparer les voies pour s'etablir dans le port de Malte, sa majeste aurait du, ce me semble, faire les choses un peu plus en secret, et ne pas mettre ses projets tant a decouvert. Mais enfin, quoi qu'il en soit, nous avons, dans le centre de la Mediterranee, la place la plus forte de l'Europe, et il en coutera cher a ceux qui nous en delogeront. Malte, le 30 prairial an 6 (18 juin 1798). Le general Baraguey-d'Hilliers vous porte le grand drapeau de l'Ordre et ceux de plusieurs des regimens de Malte. La sante de cet officier l'obligeait de retourner a Paris. Le general Baraguey-d'Hilliers s'est conduit toujours avec distinction a l'armee d'Italie, et s'est fort bien acquitte des differentes missions que je lui ai confiees. Malte, le 30 prairial an 6 (18 juin 1798). Je vous envoie copie de nouveaux ordres pour l'organisation de l'ile. Vous en trouverez, entre autres, un pour l'instruction publique. Je vous prie d'envoyer ici trois eleves de l'ecole polytechnique, qui pourront vous etre designes par le citoyen Guyton. Le premier montrera l'arithmetique et la geometrie descriptive; le second l'algebre; le troisieme la mecanique et la physique. Ils seront loges et bien payes. Vous trouverez aussi ci-joint plusieurs des meilleures vues de l'ile de Malte. Je vous envoie une galere en argent. Cest le modele de la premiere galere qu'a eue l'ordre de Rhodes: ainsi cela est curieux par son anciennete. Je vous envoie un surtout de table venant de Chine. Il servait au grand-maitre dans les grandes ceremonies; il est assez bien travaille. Malte, le 30 prairial an 6 (18 juin 1798). Bonaparte, general en chef, ordonne: ART. 1er. Le general Vaubois fera deporter a Rome, sous quarante-huit heures, les consuls d'Angleterre et de Russie. 2. Si ces deux consuls sont naturels du pays, la deportation sera d'une annee, au bout de laquelle ils pourront rentrer, si la republique francaise n'a pas a se plaindre d'eux. BONAPARTE. A bord de _l'Orient_, le 3 messidor an 6 (21 juin 1798). Bonaparte, general en chef, ordonne: ART. 1. Tout individu de l'armee qui aura pille ou viole, sera fusille. 2. Tout individu de l'armee qui, de son chef, mettra des contributions sur les villes, villages, sur les individus, ou commettra des extorsions de quelque genre que ce soit, sera fusille. 3. Lorsque des individus d'une division auront commis du desordre dans une contree, la division entiere en sera responsable; si les coupables sont connus, le general de division les fera fusiller; s'ils sont inconnus, le general de division previendra a l'ordre que l'on ait a lui faire connaitre les coupables, et, s'ils restent inconnus, il sera retenu, sur le pret de la division, la somme necessaire pour indemniser les habitans de la perte qu'ils auront soufferte. 4. Lorsque des individus d'un corps auront commis du desordre dans une contree, le corps entier en sera responsable; si le chef a connaissance des coupables, il les denoncera au general de division qui les fera fusiller; s'ils sont inconnus, le chef fera battre a l'ordre pour qu'on les lui fasse connaitre; et s'ils continuent a etre inconnus, il sera retenu sur le pret du corps, la somme necessaire pour indemniser les habitans de la perte qu'ils auront soufferte. 5. Aucun individu de l'armee n'est autorise a faire des requisitions ni lever des contributions, que muni d'une instruction du commissaire ordonateur en chef, en consequence d'un ordre du general en chef. 6. Dans le cas d'urgence, comme il arrive souvent a la guerre, si le general en chef et le commissaire ordonnateur en chef se trouvaient eloignes d'une division, le general de division enverra sur-le-champ copie au general en chef de l'autorisation qu'il aura donnee, et le commissaire des guerres enverra une copie au commissaire ordonnateur en chef des objets qu'il aura requis. 7. Il ne pourra etre requis que des choses necessaires aux soldats, aux hopitaux, aux transports et a l'artillerie. 8. Une fois la requisition frappee, les objets requis doivent etre remis aux agens des differentes administrations qui doivent en donner des recus, et en recevoir de ceux a qui ils les distribueront, afin d'avoir leur comptabilite en matiere, en regle. Ainsi, dans aucun cas, les officiers et soldats ne doivent recevoir directement des objets requis. 9. Tout l'argent et matieres d'or et d'argent provenant des requisitions, des contributions et de tout autre evenement, doit, sous douze heures, se trouver dans la caisse du payeur de la division, et dans le cas que celui-ci soit eloigne, il sera verse dans la caisse du quartier-maitre du corps. 10. Dans les places ou il y aura un commandant, aucune requisition ne pourra etre faite sans qu'auparavant, le commissaire des guerres n'ait fait connaitre au commandant de la place, en vertu de quel ordre cette requisition est frappee; le commandant de la place devra sur-le-champ en instruire l'etat-major general. 11. Ceux qui contreviendraient aux articles 5, 6, 7, 8, 9 et 10, seront destitues et condamnes a deux annees de fers. 12. Le general en chef ordonne au general chef de l'etat-major, aux generaux, au commissaire-ordonnateur en chef, de tenir la main a l'execution du present ordre, son intention n'etant pas que les fonds de l'armee deviennent le profit de quelques individus; ils doivent tourner a l'avantage de tous. BONAPARTE. A bord de _l'Orient_, le 10 messidor an 6 (28 juin 1798). Bonaparte, general en chef, ordonne: Art. 1er. L'amiral aura la partie des ports et cotes des pays occupes par l'armee. Tous les reglemens qu'il fera, et ordres qu'il donnera, auront leur execution. 2. Les ports de Malte et d'Alexandrie seront organises conformement aux reglemens que fera l'amiral, ainsi que ceux de Corfou et de Damiette. 3. Le citoyen Leroy remplira les fonctions d'ordonnateur a Alexandrie; le citoyen Vavasseur, celles de directeur de l'artillerie. 4. Les agens de l'administration des ports et rades des pays occupes par l'armee, correspondront avec l'ordonnateur Leroy de qui ils recevront directement des ordres. 5. Toutes les munitions navales qui seront trouvees dans les pays conquis par l'armee, seront mises dans les magasins des ports. 6. Les classes pour les matelots seront etablies a Malte, en Egypte et dans les iles de la mer Ionienne. Tous les matelots ayant moins de trente ans, seront requis pour l'escadre. 7. La marine n'aura aucun hopital particulier; elle se servira des hopitaux de l'armee de terre. BONAPARTE. A bord de _l'Orient_, le 10 messidor an 6 (28 juin 1798). Bonaparte, general en chef, ordonne: ART. 1er. Il ne sera rien debarque des batimens de transports et des convois que sur l'ordre de l'amiral, et en consequence des reglemens qu'il fera. 2. Les batimens seront reduits au fret de 18 fr. le tonneau par mois, pour ceux de cent tonneaux, et de 16 f. pour ceux au-dessus. 3. Les batimens hors de service, et qui ne seront pas juges capables de retourner en Europe, seront evalues et depeces pour le service de l'escadre. 4. Il sera fait trois etats des batimens du convoi. 1 deg.. De ceux au-dessus de cent tonneaux. 2 deg.. De ceux au-dessus de deux cents. 3 deg.. De ceux au-dessus. On specifiera la nation dont ils sont. 5. Tous les matelots francais qui sont a bord des batimens du convoi, seront pris pour la flotte. Il sera pris des matelots egyptiens pour les convois. 6. Tout batiment qui s'en retournera en Europe, ne pourra avoir que le nombre de matelots qui lui est necessaire, de quelque nation qu'il soit. Le surplus sera mis a bord de l'escadre. 7. Les batimens du convoi, les equipages sont sous les ordres de l'amiral. Il fera tous les reglemens qu'il jugera necessaires pour le bien de l'armee. BONAPARTE. A bord de _l'Orient_, le 11 messidor an 6 (19 juin 1798). Bonaparte, general en chef. En consequence de l'autorisation speciale du Directoire executif, et voulant reconnaitre les services du citoyen Mesnard, commissaire de la marine: Le nomme controleur de la marine pour prendre rang avec ceux des grands ports. BONAPARTE. A bord de _l'Orient_, le 12 messidor an 6 (30 juin 1798). PROCLAMATION. Soldats! Vous allez entreprendre une conquete dont les effets sur la civilisation et le commerce du monde sont incalculables. Vous porterez a l'Angleterre le coup le plus sur et le plus sensible, en attendant que vous puissiez lui donner le coup de mort. Nous ferons quelques marches fatigantes; nous livrerons plusieurs combats; nous reussirons dans toutes nos entreprises; les destins sont pour nous. Les beys mameloucks, qui favorisent exclusivement le commerce anglais, qui ont couvert d'avanies nos negocians, et qui tyrannisent les malheureux habitans des bords du Nil, quelques jours apres notre arrivee, n'existeront plus. Les peuples avec lesquels nous allons vivre sont mahometans; leur premier article de foi est celui-ci: "il n'y a pas d'autre Dieu que Dieu, et Mahomet est son prophete". Ne les contredisez pas; agissez avec eux comme nous avons agi avec les juifs, avec les Italiens; ayez les egards pour leurs muphtis et leurs imans, comme vous en avez eu pour les rabbins et les eveques; ayez pour les ceremonies que prescrit l'alcoran, pour les mosquees, la meme tolerance que vous avez eue pour les couvens, pour les synagogues, pour la religion de Moise et celle de Jesus-Christ. Les legions romaines protegeaient toutes les religions. Vous trouverez ici des usages differens de ceux de l'Europe: il faut vous y accoutumer. Les peuples chez lesquels nous allons entrer traitent les femmes differemment que nous; mais, dans tous les pays, celui qui viole est un monstre. Le pillage n'enrichit qu'un petit nombre d'hommes; il nous deshonore; il detruit nos ressources; il nous rend ennemis des peuples qu'il est de notre interet d'avoir pour amis. La premiere ville que nous allons rencontrer a ete batie par Alexandre: nous trouverons a chaque pas de grands souvenirs, dignes d'exciter l'emulation des Francais. BONAPARTE. A bord de _l'Orient_, le 12 messidor an 6 (30 juin 1798). Au pacha d'Egypte. Le directoire executif de la republique francaise s'est adresse plusieurs fois a la sublime Porte pour demander le chatiment des beys d'Egypte, qui accablaient d'avanies les commercans francais. Mais la sublime Porte a declare que les beys, gens capricieux et avides, n'ecoutaient pas les principes de la justice, et que non-seulement elle n'autorisait pas les outrages qu'ils faisaient a ses bons et anciens amis les Francais, mais que meme elle leur otait sa protection. La republique francaise s'est decidee a envoyer une puissante armee pour mettre fin aux brigandages des beys d'Egypte, ainsi qu'elle a ete obligee de le faire plusieurs fois dans ce siecle, contre les beys de Tunis et d'Alger. Toi qui devrais etre le maitre des beys, et que cependant ils tiennent au Caire sans autorite et sans pouvoir, tu dois voir mon arrivee avec plaisir. Tu es sans doute deja instruit que je ne viens point pour rien faire contre l'Alcoran, ni le sultan. Tu sais que la nation francaise est la seule et unique alliee que le sultan ait en Europe. Viens donc a ma rencontre, et maudis avec moi la race impie des beys. BONAPARTE. A bord de _l'Orient_, le 12 messidor an 6 (30 juin 1798). _Au commandant de la Caravelle._ Les beys ont couvert nos commercans d'avanies; je viens en demander reparation. Je serai demain dans Alexandrie; vous ne devez avoir aucune inquietude; vous appartenez a notre grand ami le sultan: conduisez-vous en consequence; mais si vous commettez la moindre hostilite contre l'armee francaise, je vous traiterai en ennemi, et vous en serez cause, car cela est loin de mon intention et de mon coeur. BONAPARTE. Alexandrie, le 13 messidor an 6 (1er juillet 1798). PROCLAMATION. Depuis trop long-temps les beys qui gouvernent l'Egypte insultent a la nation francaise, et couvrent ses negocians d'avanies: l'heure de leur chatiment est arrivee. Depuis trop long-temps ce ramassis d'esclaves achetes dans le Caucase et la Georgie tyrannisent la plus belle partie du monde; mais Dieu, de qui depend tout, a ordonne que leur empire finit. Peuples de l'Egypte, on vous dira que je viens pour detruire votre religion; ne le croyez pas: repondez que je viens vous restituer vos droits, punir les usurpateurs, et que je respecte, plus que les mameloucks, Dieu, son prophete, et le Koran. Dites-leur que tous les hommes sont egaux devant Dieu: la sagesse, les talens et les vertus mettent seuls de la difference entre eux. Or, quelle sagesse, quels talens, quelles vertus distinguent les mameloucks, pour qu'ils aient exclusivement tout ce qui rend la vie aimable et douce? Y a-t-il une belle terre? elle appartient aux mameloucks. Y a-t-il une belle esclave, un beau cheval, une belle maison? cela appartient aux mameloucks. Si l'Egypte est leur ferme, qu'ils montrent le bail que Dieu leur en a fait. Mais Dieu est juste et misericordieux pour le peuple; tous les Egyptiens sont appeles a gerer toutes les places: que les plus sages, les plus instruits, les plus vertueux gouvernent; et le peuple sera heureux. Il y avait jadis parmi vous de grandes villes, de grands canaux, un grand commerce: qui a tout detruit, si ce n'est l'avarice, les injustices et la tyrannie des mameloucks? Qadhys, cheykhs, Imams, thcorbadjys, dites au peuple que nous sommes aussi de vrais Musulmans. N'est-ce pas nous qui avons detruit le pape, qui disait qu'il fallait faire la guerre aux Musulmans? N'est-ce pas nous qui avons detruit les chevaliers de Malte, parce que ces insenses croyaient que Dieu voulait qu'ils fissent la guerre aux Musulmans? N'est-ce pas nous qui avons ete dans tous les temps les amis du grand-seigneur (que Dieu accomplisse ses desseins), et l'ennemi de ses ennemis? Les mameloucks au contraire ne sont-ils pas toujours revoltes contre l'autorite du grand-seigneur, qu'ils meconnaissent encore? Ils ne font que leurs caprices. Trois fois heureux ceux qui seront avec nous! Ils prospereront dans leur fortune et leur rang. Heureux ceux qui seront neutres! Ils auront le temps de nous connaitre, et ils se rangeront avec nous. Mais malheur, trois fois malheur, a ceux qui s'armeront pour les mameloucks, et combattront contre nous: il n'y aura pas d'esperance pour eux; ils periront. ART. 1er. Tous les villages, situes dans un rayon de trois lieues des endroits ou passera l'armee, enverront une deputation au general commandant les troupes, pour le prevenir qu'ils sont dans l'obeissance, et qu'ils ont arbore le drapeau de l'armee (blanc, bleu et rouge.) 2. Tous les villages qui prendraient les armes contre l'armee seront brules. 3. Tous les villages qui se seront soumis a l'armee mettront, avec le pavillon du grand-seigneur notre ami, celui de l'arme. 4. Les cheykhs feront mettre les scelles sur les biens, maisons, proprietes qui appartiennent aux mameloueks, et auront soin que rien ne soit detourne. 5. Les cheykhs, les qadhys et les Imams, conserveront les fonctions de leurs places; chaque habitant restera chez lui et les prieres continueront comme a l'ordinaire. Chacun remerciera Dieu de la destruction des mameloucks, et criera: gloire au sultan, gloire a l'armee francaise, son amie! malediction aux mameloucks et bonheur au peuple d'Egypte! BONAPARTE. Alexandrie, le 25 messidor an 6 (3 juillet 1798). Dans la circonstance ou se trouve l'armee, il est indispensable de prendre des dispositions telles que l'escadre puisse manoeuvrer selon les evenemens qui peuvent survenir, et se trouver a l'abri des forces superieures que pourraient avoir les Anglais dans ces mers; le general en chef ordonne, en consequence, les dispositions suivantes: ART. 1er. L'amiral Brueys fera entrer, dans la journee de demain, son escadre dans le port vieux d'Alexandrie, si le temps le permet et s'il y a le fond necessaire. 2. S'il n'y avait pas dans ce port le fond necessaire pour mouiller, il prendra des mesures telles, que dans la journee de demain, il ait debarque l'artillerie et autres effets de terre, ainsi que tous les individus composant l'armee de terre, en gardant seulement cent hommes par vaisseau de guerre et quarante par fregate, ayant soin qu'il ne se trouve parmi les troupes ni grenadiers ni carabiniers. 3. Il enverra a terre le citoyen Ganteaume, chef de l'etat-major de l'escadre, pour presider et verifier lui-meme l'operation de la sonde du port, et, dans le cas ou il n'y aurait pas le fond necessaire pour que l'escadre puisse mouiller, pour accelerer le debarquement des individus et objets qui sont a bord de l'escadre. Mais, vu le peu de ressource qu'il y a dans ce port, l'amiral ne peut compter que sur les embarcations. 4. _Le Dubois_ et _le Causse_ entreront dans le port. 5. Le citoyen Perree, chef de division, avec les deux galeres, les bombardes et les differentes chaloupes canonnieres et avisos se rendra dans le port d'Alexandrie; le general en chef lui fera passer des instructions pour seconder avec ses forces, les operations de l'armee de terre. 6. Le citoyen Leroy et le citoyen Vavasseur, avec les employes, officiers de la marine et tous les ouvriers que l'escadre pourra fournir, se rendront egalement a Alexandrie pour y former un etablissement maritime. 7. L'amiral fera, dans la journee de demain, connaitre au general en chef, par un rapport, si l'escadre peut entrer dans le port d'Alexandrie, ou si elle peut se defendre, embossee dans la rade d'Aboukir, contre une escadre ennemie superieure; et dans le cas ou ni l'un ni l'autre ne pourraient s'executer, il devra partir pour Corfou, l'artillerie debarquee, laissant a Alexandrie _le Dubois_, _le Causse_, tous les effets necessaires pour les armer en guerre; _la Diane_, _la Junon_, _l'Alceste_, _l'Arthemise_, toute la flottille legere, et toutes les fregates armees en flute, avec ce qui est necessaire, pour leur armement. 8. Si l'ennemi paraissait avec des forces tres-superieures, dans le cas ou l'amiral ne put entrer, ni a Alexandrie, ni au Beckier, la flotte se retirerait egalement a Corfou ou l'amiral prendrait toutes les mesures pour executer les dispositions de l'article septieme. BONAPARTE. Alexandrie, le 15 messidor an 6 (3 juillet 1798). Bonaparte, general en chef, ordonne: ART 1er. Tous les bles et autres comestibles et bois necessaires a l'armee, qui se trouvent sur les batimens qui sont dans l'un ou l'autre port, seront sur-le-champ debarques. L'inventaire en sera fait, et lesdits vivres seront achetes a des particuliers des nations qui ne seront pas ennemies de la France. 2. Tous les batimens de guerre qui appartiendraient aux mameloucks ou a des nations ennemies de la France, seront confisques. 3. Le scelle sera mis sur toutes les maisons et autres proprietes des mameloucks. 4. Toutes les marchandises qui sont a la Douane, appartenant aux mameloucks ou a des sujets des nations ennemies de la France, qui sont la Russie, l'Angleterre et le Portugal, seront confisquees. L'ordonnateur en chef nommera une commission de trois personnes specialement chargees de faire les recherches, les inventaires, et meme les evaluations. Elle remettra aux commissaires des guerres les differens objets a la disposition des diverses administrations. BONAPARTE. Alexandrie, le 15 messidor an 6 (3 juillet 1798). Bonaparte, general en chef, ordonne: ART. 1er. Demain a midi, il se tiendra un conseil chez le general du genie, compose du commissaire-ordonnateur en chef, du general d'artillerie, du commandant de la place, du citoyen Dumanoir, commandant du port, et de l'ordonnateur Leroy: l'officier du genie, charge du casernement, fera les fonctions de secretaire. 2. On etablira dans ce conseil les emplacemens qui doivent etre donnes pour les differens services. 3. Pour l'artillerie: l'arsenal de construction, les magasins a poudre, le parc, le logement du personnel. Il faudrait que tout cela fut a peu pres reuni dans un meme endroit. 4. Le logement du personnel: un petit atelier de construction et quelques magasins pour les outils. 5. Pour le service de l'ordonnateur: differens magasins pour les vivres et autres parties de l'administration, au moins douze fours, des hopitaux. 6. Pour la place et le service des troupes: le logement des officiers de l'etat-major, un cachot, deux prisons, une pour les gens du pays, une pour les militaires. Pour la marine: les lazarets, l'arsenal, le logement du personnel. 8. On fera une organisation particuliere pour les differentes parties. Pour le fort du Phare, pour le grand fort, pour le pharillon, pour le fort d'Aboukir, pour le Marabou. BONAPARTE. Alexandrie, le 15 messidor an 6 (3 juillet 1798). Bonaparte, general en chef, ordonne: ART 1er. Tous les matelots turcs qui etaient esclaves a Malte et qui ont ete mis en liberte, et qui sont de Syrie, des iles de l'Archipel ou du Bey de Tripoli, seront sur-le-champ mis en liberte. 2. L'amiral les fera debarquer demain a Alexandrie, d'ou l'etat-major leur donnera des passeports pour se rendre chez eux, et des proclamations en arabe. BONAPARTE. Alexandrie, le 15 messidor an 6 (3 juillet 1798). _A l'ordonnateur Najac._ Nous sommes arrives, citoyen ordonnateur, a Alexandrie, apres differentes operations militaires. Nous avons deja fait divers etablissemens militaires. Nous sommes maitres d'Alexandrie, de Rosette et de Damanhour, qui sont trois grandes villes eloignees de douze lieues. Nous avons bien besoin que le second convoi que vous preparez nous arrive promptement. Faites, je vous prie, imprimer un ecrit dans nos differens ports de la Provence et du Languedoc, et meme au consul de Genes, pour engager tous les negocians a nous envoyer a Alexandrie des chargemens de vin et d'eau-de-vie qui seront payes, soit en marches d'echange, soit en argent comptant. Les negocians ne doivent avoir desormais aucune inquietude, puisque le port de Malte leur offre une retraite aussi sure que commode. Notre premier soin a ete d'etablir ici un lazaret auquel nous avons donne la meme organisation qu'a celui de Marseille. Ainsi, des ce moment, il n'y a plus rien a craindre de la peste qui, heureusement dans ce moment-ci, n'existe plus ni a Alexandrie, ni a Rosette, ni dans aucun endroit de l'Egypte. Je vous recommande de nouveau de nous envoyer promptement tout ce qui est de la suite de l'armee. BONAPARTE. Alexandrie, le 17 messidor an 6 (5 juillet 1798). Bonaparte, general en chef, ordonne: ART 1er. Les noms de tous les hommes de l'armee francaise qui ont ete tues a la prise d'Alexandrie, seront graves sur la colonne de Pompee. 2. Ils seront enterres au pied de la colonne. Les citoyens Costas et Dutertre feront un plan qu'ils me presenteront pour l'execution du present ordre. 3. Cela sera mis a l'ordre de l'armee. 4. L'etat-major remettra a cette commission l'etat des noms des hommes tues a la prise d'Alexandrie. BONAPARTE. Alexandrie, le 17 messidor an 6 (5 juillet 1798). _Au citoyen Ferree._ Vous ferez partir de suite tous les batimens de votre flottille qui ne tirent que quatre ou cinq pieds d'eau. Vous en donnerez le commandement a l'officier qui aura votre confiance. Il se rendra a Aboukir; il mettra embargo sur tous les batimens qui pourraient s'y trouver. Il correspondra avec le commandant du fort, pour savoir si la division Dugua est passee, et se mettra sur-le-champ en marche pour arriver au bord du Nil par la Barre, et se portera a Rosette. Un de ces batimens fera sonder l'embouchure, et y restera pour la designer aux batimens qui arriveront apres. Les batimens arrives de Rosette seront a la disposition du general Dugua. Vous partirez le plus tot possible avec le reste de votre flottille. Vous laisserez deux avisos ici, a la disposition du general Dumanoir. Quand vous serez a l'embouchure du Nil, vous ferez entrer tous les batimens que vous pourrez, en vous servant de tous les moyens que vous suggereront vos connaissances et votre experience. Vous laisserez cependant deux de vos plus grands batimens en dehors, que vous enverrez croiser au canal de Damiette, avec ordre d'amener a l'escadre, mouillee au Beckier, tous les batimens qui voudraient sortir du Nil. Vous leur recommanderez de respecter les pecheurs et les djermes, de leur faire beaucoup d'honnetetes, et leur donner des proclamations dont je vous envoie ci-joint une trentaine d'exemplaires. BONAPARTE. Alexandrie, le 18 messidor an 6 (6 juillet 1798) _Au directoire executif._ L'armee est partie de Malte le 1er messidor, et est arrivee le 13, a la pointe du jour devant Alexandrie. Une escadre anglaise que l'on dit etre tres-forte, s'y etait presentee trois jours avant et avait remis un paquet pour les Indes. Le vent etait grand frais, et la mer tres-houleuse. Cependant je crus devoir debarquer de suite; la journee se passa a faire les preparatifs du debarquement. Le general Menou, a la tete de sa division, debarqua le premier pres du Marabou, a une lieue et demie d'Alexandrie. Je debarquai avec le general Kleber, et une autre partie des troupes, a onze heures du soir. Nous nous mimes sur-le-champ en marche pour nous porter sur Alexandrie; nous apercumes a la pointe du jour la colonne de Pompee. Un corps de mameloucks et arabes commencait a escarmoucher avec nos avant-postes; mais nous nous portames rapidement, la division du general Bon a la droite, celle du general Kleber au centre, et celle du general Menou a la gauche, sur les differens points d'Alexandrie. L'enceinte de la ville des Arabes etait garnie de monde; le general Kleber partit de la colonne de Pompee, pour escalader la muraille; dans le temps que le general Bon forcait la porte de Rosette, le general Menou bloquait le chateau triangulaire avec une partie de sa division, se portait avec le reste sur une autre partie de l'enceinte, et la forcait. Il entra le premier dans la place; il y recut six blessures dont heureusement aucune n'est dangereuse. Le general Kleber, au pied de la muraille, designait l'endroit ou il voulait que ses grenadiers montassent; mais il recut une balle au front qui le jeta par terre; sa blessure, quoique tres-grave, n'est pas mortelle; les grenadiers de sa division en doublerent de courage et entrerent dans la place. La quatrieme demi-brigade, commandee par le general Marmont, enfonca a coups de hache la porte de Rosette, et toute la division du general Bon entra dans l'enceinte des Arabes. Le citoyen Mars, chef de brigade en second de la trente-deuxieme, a ete tue, et l'adjudant general l'Escalle dangereusement blesse. Maitres de l'enceinte des Arabes, les ennemis se refugierent dans le fort triangulaire, dans le Phare et dans la nouvelle ville. Chaque maison etait pour eux une citadelle; mais avant la fin de la journee la ville fut calme, les deux chateaux capitulerent, et nous nous trouvames entierement maitres de la ville, des forts et des deux ports d'Alexandrie. Pendant ce temps-la les Arabes du desert etant accourus par pelotons de 30 a 50 hommes, inondaient nos derrieres et tombaient sur nos trainards. Ils n'ont cesse de nous harceler pendant deux jours; mais hier je suis parvenu a conclure avec eux un traite, non-seulement d'amitie, mais meme d'alliance: treize des principaux chefs sont venus hier chez moi; je m'assis au milieu d'eux et nous eumes une tres-longue conversation. Apres etre convenus de nos articles, nous nous sommes reunis autour d'une table et nous avons voue au feu de l'enfer celui de moi ou d'eux qui violerait nos conventions, consistantes: Eux a ne plus harceler nos derrieres, a me donner tous les secours qui dependraient d'eux, et a me fournir le nombre d'hommes que je leur demanderais pour marcher contre les mameloucks. Moi a leur restituer, quand je serai maitre de l'Egypte, les terres qui leur avaient appartenu jadis. Les prieres se font, dans les Mosquees, comme a l'ordinaire, et ma maison est toujours pleine des imans ou cadis, des scheicks, des principaux du pays, des muphtis ou chefs de la religion. Cette nation-ci n'est rien moins que ce que l'ont peinte les voyageurs et les faiseurs de relations, elle est calme, fiere et brave. Le port vieux d'Alexandrie peut contenir une escadre aussi nombreuse qu'elle soit; mais il y a un point de la passe ou il n'y a que cinq brasses d'eau, ce qui fait penser aux marins qu'il n'est pas possible que les vaisseaux de 74 y entrent. Cette circonstance contrarie singulierement mes projets; les vaisseaux de construction Venitienne pourront y entrer, et deja _le Dubois_ et _le Causse_ y sont. L'escadre sera aujourd'hui a Aboukir, pour achever de debarquer l'artillerie qu'elle a a nous. La division du general Desaix est arrivee a Damanhour apres avoir traverse quatorze lieues dans un desert aride, ou elle a ete bien fatiguee; celle du general Reynier doit y arriver ce soir. La division du general Dugua est a Rosette; le chef de division Ferree commande notre flottille legere, et va chercher a faire remonter le Nil par une partie de ses batimens. Je vous demande le grade de contre-amiral pour le citoyen Gantheaume, chef de l'etat-major de l'escadre, officier du plus grand merite, aussi distingue par son zele que par son experience et ses connaissances. J'ai nomme le citoyen Leroi, ordonnateur de la marine a Alexandrie. J'ai fait dans l'armee differens avancemens dont je vous enverrai l'etat des que l'armee aura pris un peu d'assiette. Nous avons eu a la prise d'Alexandrie trente ou quarante hommes tues, et quatre-vingts a cent blesses. Je vous demande le grade de chef d'escadron pour le citoyen Sulkowski, qui est un officier du plus grand merite, et qui a ete deux fois culbute de la breche. BONAPARTE. Alexandrie, le 18 messidor an 6 (8 juillet 1798). _Au charge d'affaires a Constantinople._ Je vous envoie une depeche que je vous ai ecrite a bord de _l'Orient_. L'armee est arrivee: elle a debarque pres d'Alexandrie et s'est emparee de cette ville apres quelques fusillades. Nous sommes en pleine marche sur le Caire. Vous devez convaincre la Porte de notre ferme resolution de continuer a vivre en bonne intelligence avec elle. Un ambassadeur vient d'etre nomme pour s'y rendre, et il ne tardera pas a y arriver. Je desire que vous repondiez le plus tot possible a ces differentes lettres et que vous m'en accusiez la reception. BONAPARTE. Giza, le 4 thermidor an 6 (22 juillet 1798). _Au pacha d'Egypte._ Je suis tres-fache de la violence que vous a faite Ibrahim, en vous forcant a quitter le Caire pour le suivre. Si vous en etes le maitre, revenez dans cette ville; vous y jouirez de la consideration et du rang dus au representant de notre ami le sultan. Je vous ai ecrit d'Alexandrie la lettre ci-jointe (en date du ...), et j'ai charge le commandant de la caravelle de vous la faire remettre, et je suis assure que vous ne l'avez pas recue. Par la Grace de Dieu, de qui tout depend, les mameloucks ont ete detruits. Soyez assure que les memes armes que nous avons rendues victorieuses, seront toujours a la disposition du sultan. Que le ciel comble ses desirs contre ses ennemis! BONAPARTE. Giza, le 4 thermidor an 6 (22 juillet 1798). _Aux scheicks et notables du Caire._ Vous verrez, par la proclamation ci-jointe, les sentimens qui m'animent. Hier, les mameloucks ont ete pour la plupart tues ou faits prisonniers, et je suis a la poursuite du peu qui reste encore. Faites passer de mon cote les bateaux qui sont sur votre rive, envoyez-moi une deputation pour faire connaitre votre soumission. Faites preparer du pain, de la viande, de la paille et de l'orge pour mon armee, et soyez sans inquietude, car personne ne desire plus contribuer a votre bonheur que moi. BONAPARTE. Giza, le 4 thermidor an 6 (22 juillet 1798). _Proclamation jointe a la precedente._ Peuple du Caire, je suis content de votre conduite: vous avez bien fait de ne pas prendre parti contre moi; je suis venu pour detruire la race des mameloucks, proteger le commerce et les naturels du pays. Que tous ceux qui ont peur se tranquillisent; que ceux qui se sont eloignes rentrent dans leurs maisons; que la priere ait lieu comme a l'ordinaire, comme je veux qu'elle continue toujours. Ne craignez rien pour vos familles, vos maisons, vos proprietes, et surtout pour la religion du prophete, que j'aime. Comme il est urgent qu'il y ait des hommes charges de la police, afin que la tranquillite ne soit pas troublee, il y aura un divan compose de sept personnes qui se reuniront a la mosquee de Ver. Il y en aura toujours deux pres du commandant de la place, et quatre seront occupees a maintenir la tranquillite publique et a veiller a la police. BONAPARTE. Giza, le 4 thermidor an 6 (22 juillet 1798). _Au general Desaix._ L'etat-major a du vous donner l'ordre, citoyen general, de vous porter avec votre division a deux lieues en avant de Giza, en suivant les bords du Nil. Vous emploierez la journee de demain, 6 thermidor, a choisir un emplacement qui ne soit pas, lors de la crue du Nil, inonde, et qui, cependant, soit pres du Nil. Mon intention est que ce point soit retranche par trois redoutes formant le triangle, et se flanquant entre elles. Chacune de ces redoutes devra pouvoir etre defendue par quatre-vingt-dix hommes, deux canonniers, et deux petites pieces de canon. Lorsque ces redoutes seront achevees, elles seront reunies entre elles par trois bons fosses, qui formeront les courtines, et de maniere a ce que ce triangle puisse contenir toute votre division et lui servir de camp retranche. Le general du genie a ordre d'envoyer un officier superieur du genie pour tracer ces ouvrages, et vous laisserez un officier du genie de votre division et tous vos sapeurs, et vous prendrez meme a la journee le plus de paysans que vous pourrez pour pousser vivement la confection desdits travaux. Le general d'artillerie a ordre d'y envoyer six pieces de canon pour les trois redoutes, et deux pieces de 24 pour faire une batterie qui domine la navigation du Nil. Vous donnerez l'ordre au general Belliard d'envoyer des espions, et de pousser souvent des reconnaissances au loin pour connaitre ce que font les mameloucks, et d'envoyer des lettres jusqu'a cinq et six lieues en remontant le Nil, en repandant des proclamations, et en exigeant que les villages envoient des deputes pour preter le serment d'obeissance. Le 8 a la pointe du jour, si toutes ces operations sont finies, vous vous en retournerez avec le reste de votre division a Giza, ou vous recevrez de nouveaux ordres. Vous ferez connaitre au general Belliard que, des l'instant que les trois redoutes seront susceptibles de quelque defense, et qu'il croira suffisant d'y laisser un bataillon, il vous en fera part et je lui enverrai l'ordre de rejoindre sa division. Vous ordonnerez a l'autre officier du genie de votre division de faire un croquis a la main de tout le pays, depuis Giza jusqu'a la position que vous choisirez, et aux Pyramides, ou est l'avant-garde du general Dugua. Il aura soin de bien placer les villages, et de specifier particulierement ceux qui sont habites par les Arabes. BONAPARTE. Giza, le 5 thermidor an 6 (23 juillet 1798). _Au pacha du Caire._ L'intention de la republique francaise en occupant l'Egypte a ete d'en chasser les mameloucks, qui etaient a la fois rebelles a la Porte et ennemis du gouvernement francais. Aujourd'hui qu'elle s'en trouve maitresse par la victoire signalee que son armee a remportee, son intention est de conserver au pacha du grand-seigneur ses revenus et son existence. Je vous prie donc d'assurer la Porte qu'elle n'eprouvera aucune espece de perte, et que je veillerai a ce qu'elle continue a percevoir le meme tribut qui lui etait ci-devant paye. BONAPARTE. Giza, le 5 thermidor an 6 (23 juillet 1798). _Au general du genie._ Vous voudrez bien, citoyen general, envoyer un officier superieur du genie avec l'avant-garde de la division du general Dugua, qui part demain pour se rendre aux Pyramides, et un autre avec la division du general Desaix, qui part ce soir pour prendre position a deux lieues, en remontant le Nil. Ils seront charges de tracer des ouvrages dans la position qu'occupe le general Desaix, trois redoutes ou bastions retranches se flanquant entre eux, et capables d'etre defendus chacun par quatre-vingt-dix hommes, deux pieces de canon et dix canonniers. Ces trois redoutes se lieront par un grand fosse, ce qui formera un retranchement, dans lequel la division du general Desaix devra pouvoir se camper. Le profil de ces redoutes doit etre respectable, elles doivent surtout avoir un fosse tres-profond, et sur toutes les parties les plus faibles, vous pouvez ordonner que l'on fasse une grande quantite de trous de loup. L'officier du genie qui ira aux Pyramides devra tracer un fort a etoile, ou redoute brisee, capable de contenir deux cent cinquante a trois cents hommes, et pouvant etre defendue par cent hommes et deux pieces de canon: le but de cette redoute est de contenir les Arabes. L'un et l'autre de ces deux ouvrages doivent etre a l'abri de l'inondation du Nil. Celui que vous ferez etablir a la position du general Desaix, aura une batterie de deux pieces de 24, qui doivent etre placees de maniere a etre maitre de la navigation du Nil. BONAPARTE. Giza, le 5 thermidor an 6 (23 juillet 1798). _Au general Dugua._ Vous voudrez bien, general, faire partir demain, a la pointe du jour, votre avant-garde avec une piece de 3 et trente hommes a cheval, le tout commande par le general Verdier; elle se rendra aux Pyramides. Il fera connaitre par une circulaire a tous les Arabes qui sont etablis dans les environs, qu'ils seront responsables si les Arabes continuent a assassiner les Francais et a nous faire la guerre; que je leur donne quarante-huit heures pour prevenir leurs compatriotes desdites dispositions: apres quoi, si l'on continue, je sevirai contre eux. Vous enverrez egalement avec cette avant-garde tous vos sapeurs et un officier du genie. Le general du genie a ordre d'y envoyer un officier superieur de cette arme, lequel se concertera avec le general Verdier pour y tracer une redoute a etoile capable de contenir cent hommes et deux pieces de canon, et de la mettre a l'abri de toute attaque de la part des Arabes. Vous ordonnerez au general Verdier de fournir des sapeurs travailleurs de la demi-brigade pour aider les sapeurs, et de prendre des paysans pour travailler. Des l'instant que cette redoute sera achevee, le general Verdier m'en previendra, et je lui donnerai l'ordre de rejoindre sa division. Le general d'artillerie a ordre de fournir deux pieces de canon pour ladite redoute. Vous ordonnerez a cette division de nettoyer demain ses armes, pour pouvoir apres demain occuper la position qui lui sera designee de l'autre cote du Nil. Cherchez a vous procurer le plus de bateaux que vous pourrez, afin de passer promptement. J'ai ordonne qu'on vous en envoyat du Caire le plus que l'on pourra. BONAPARTE. Au Caire, le 6 thermidor an 6 (24 juillet 1798). _Au directoire executif._ Le 19 messidor, l'armee partit d'Alexandrie. Elle arriva a Damanhour le 20, souffrant beaucoup a travers ce desert de l'excessive chaleur et du manque d'eau. _Combat de Rahmanieh._ Le 22 nous rencontrames le Nil a Rahmanieh, et nous nous rejoignimes avec la division du general Dugua, qui etait venue par Rosette en faisant plusieurs marches forcees. La division du general Desaix fut attaquee par un corps de sept a huit cents mameloucks, qui apres une canonnade assez vive, et la perte de quelques hommes, se retirerent. _Bataille de Chebrheis._ Cependant j'appris que Mourad-Bey, a la tete de son armee composee d'une grande quantite de cavalerie, ayant huit ou dix grosses chaloupes canonnieres, et plusieurs batteries sur le Nil, nous attendait au village de Chebrheis. Le 24 au soir, nous nous mimes en marche pour nous en approcher. Le 25, a la pointe du jour, nous nous trouvames en presence. Nous n'avions que deux cents hommes de cavalerie eclopes et harasses encore de la traversee; les mameloucks avaient un magnifique corps de cavalerie, couvert d'or et d'argent, armes des meilleures carabines et pistolets de Londres, des meilleurs sabres de l'Orient, et montes peut-etre sur les meilleurs chevaux du continent. L'armee etait rangee, chaque division formant un bataillon carre, ayant les bagages au centre et l'artillerie dans les intervalles des bataillons. Les bataillons ranges, les deuxieme et quatrieme divisions derriere les premiere et troisieme. Les cinq divisions de l'armee etaient placees en echelons, se flanquant entre elles, et flanquees par deux villages que nous occupions. Le citoyen Perree, chef de division de la marine, avec trois chaloupes canonnieres, un chebec et une demi-galere, se porta pour attaquer la flottille ennemie. Le combat fut extremement opiniatre. Il se tira de part et d'autre plus de quinze cents coups de canon. Le chef de division Perree a ete blesse au bras d'un coup de canon, et, par ses bonnes dispositions et son intrepidite, est parvenu a reprendre trois chaloupes canonnieres, et la demi-galere, que les mameloucks avaient prises, et a mettre le feu a leur amiral. Les citoyens Monge et Berthollet, qui etaient sur le chebec, ont montre dans des momens difficiles beaucoup de courage. Le general Andreossy, qui commandait les troupes de debarquement, s'est parfaitement conduit. La cavalerie des mameloucks inonda bientot toute la plaine, deborda toutes nos ailes, et chercha de tous cotes sur nos flancs et nos derrieres le point faible pour penetrer; mais partout elle trouva que la ligne etait egalement formidable, et lui opposait un double feu de flanc et de front. Ils essayerent plusieurs fois de charger, mais sans s'y determiner. Quelques braves vinrent escarmoucher; ils furent recus par des feux de pelotons de carabiniers places en avant des intervalles des bataillons. Enfin, apres etre restes une partie de la journee a demi-portee de canon, ils opererent leur retraite, et disparurent. On peut evaluer leur perte a trois cents hommes tues ou blesses. Nous avons marche pendant huit jours, prives de tout, et dans un des climats les plus brulans du monde. Le 2 thermidor au matin, nous apercumes les pyramides. Le 2 au soir, nous nous trouvions a six lieues du Caire; et j'appris que les vingt-trois beys, avec toutes leurs forces, s'etaient retranches a Embabeh, qu'ils avaient garni leurs retranchemens de plus de soixante pieces de canon. _Bataille des Pyramides._ Le 3, a la pointe du jour, nous rencontrames les avant-gardes, que nous repoussames de village en village. A deux heures apres midi, nous nous trouvames en presence des retranchemens et de l'armee ennemie. J'ordonnai aux divisions des generaux Desaix et Reynier de prendre position sur la droite entre Djyzeh et Embabeh, de maniere a couper a l'ennemi la communication de la Haute-Egypte, qui etait sa retraite naturelle. L'armee etait rangee de la meme maniere qu'a la bataille de Chebrheis. Des l'instant que Mourad Bey s'apercut du mouvement du general Desaix, il se resolut a le charger, et il envoya un de ses beys les plus braves avec un corps d'elite qui, avec la rapidite de l'eclair, chargea les deux divisions. On le laissa approcher jusqu'a cinquante pas, et on l'accueillit par une grele de balles et de mitraille, qui en fit tomber un grand nombre sur le champ de bataille. Ils se jeterent dans l'intervalle que formaient les deux divisions, ou ils furent recus par un double feu qui acheva leur defaite. Je saisis l'instant, et j'ordonnai a la division du general Bon, qui etait sur le Nil, de se porter a l'attaque des retranchemens, et au general Vial, qui commande la division du general Menou, de se porter entre le corps qui venait de le charger et les retranchemens, de maniere a remplir le triple but, D'empecher le corps d'y rentrer; De couper la retraite a celui qui les occupait; Et enfin, s'il etait necessaire, d'attaquer ces retranchemens par la gauche. Des l'instant que les generaux Vial et Bon furent a portee, ils ordonnerent aux premieres et troisiemes divisions de chaque bataillon de se ranger en colonnes d'attaque, tandis que les deuxiemes et quatriemes conservaient leur meme position, formant toujours le bataillon carre, qui ne se trouvait plus que sur trois de hauteur, et s'avancait pour soutenir les colonnes d'attaque. Les colonnes d'attaque du general Bon, commandees par le brave general Rampon, se jeterent sur les retranchemens avec leur impetuosite ordinaire, malgre le feu d'une assez grande quantite d'artillerie, lorsque les mameloucks firent une charge. Ils sortirent des retranchemens au grand galop. Nos colonnes eurent le temps de faire halte, de faire front de tous cotes, et de les recevoir la baionnette au bout du fusil, et par une grele de balles. A l'instant meme le champ de bataille en fut jonche. Nos troupes eurent bientot enleve les retranchemens. Les mameloucks en fuite se precipiterent aussitot en foule sur leur gauche. Mais un bataillon de carabiniers, sous le feu duquel ils furent obliges de passer a cinq pas, en fit une boucherie effroyable. Un tres-grand nombre se jeta dans le Nil, et s'y noya. Plus de quatre cents chameaux charges de bagages, cinquante pieces d'artillerie, sont tombes en notre pouvoir. J'evalue la perte des mameloucks a deux mille hommes de cavalerie d'elite. Une grande partie des beys a ete blessee ou tuee. Mourad Bey a ete blesse a la joue. Notre perte se monte a vingt ou trente hommes tues et a cent vingt blesses. Dans la nuit meme, la ville du Caire a ete evacuee. Toutes leurs chaloupes canonnieres, corvettes, bricks, et meme une fregate, ont ete brulees, et le 4, nos troupes sont entrees au Caire. Pendant la nuit, la populace a brule les maisons des beys, et commis plusieurs exces. Le Caire, qui a plus de trois cent mille habitans, a la plus vilaine populace du monde. Apres le grand nombre de combats et de batailles que les troupes que je commande ont livres contre des forces superieures, je ne m'aviserais point de louer leur contenance et leur sang-froid dans cette occasion, si veritablement ce genre tout nouveau n'avait exige de leur part une patience qui contraste avec l'impetuosite francaise. S'ils se fussent livres a leur ardeur, ils n'auraient point eu la victoire, qui ne pouvait s'obtenir que par un grand sang-froid et une grande patience. La cavalerie des mameloucks a montre une grande bravoure. Ils defendaient leur fortune, et il n'y a pas un d'eux sur lequel nos soldats n'aient trouve trois, quatre, et cinq cents louis d'or. Tout le luxe de ces gens-ci etait dans leurs chevaux et leur armement. Leurs maisons sont pitoyables. Il est difficile de voir une terre plus fertile et un peuple plus miserable, plus ignorant et plus abruti. Ils preferent un bouton de nos soldats a un ecu de six francs; dans les villages ils ne connaissent pas meme une paire de ciseaux. Leurs maisons sont d'un peu de boue. Ils n'ont pour tout meuble qu'une natte de paille et deux ou trois pots de terre. Ils mangent et consomment en general fort peu de chose. Ils ne connaissent point l'usage des moulins, de sorte que nous avons bivouaque sur des tas immenses de ble, sans pouvoir avoir de farine. Nous ne nous nourrissions que de legumes et de bestiaux. Le peu de grains qu'ils convertissent en farine, ils le fout avec des pierres; et, dans quelques gros villages, il y a des moulins que font tourner des boeufs. Nous avons ete continuellement harceles par des nuees d'Arabes, qui sont les plus grands voleurs et les plus grands scelerats de la terre, assassinant les Turcs comme les Francais, tout ce qui leur tombe dans les mains. Le general de brigade Muireur et plusieurs autres aides-de-camp et officiers de l'etat-major ont ete assassines par ces miserables. Embusques derriere des dignes et dans des fosses, sur leurs excellens petits chevaux, malheur a celui qui s'eloigne a cent pas des colonnes. Le general Muireur, malgre les representations de la grande garde, seul, par une fatalite que j'ai souvent remarque accompagner ceux qui sont arrives a leur derniere heure, a voulu se porter sur un monticule a deux cents pas du camp; derriere etaient trois bedouins qui l'ont assassine. La republique fait une perte reelle: c'etait un des generaux les plus braves que je connusse. La republique ne peut pas avoir une colonie plus a sa portee et d'un sol plus riche que l'Egypte. Le climat est tres-sain, parce que les nuits sont fraiches. Malgre quinze jours de marche, de fatigues de toute espece, la privation du vin, et meme de tout ce qui peut alleger la fatigue, nous n'avons point de malades. Le soldat a trouve une grande ressource dans les pasteques, espece de melons d'eau qui sont en tres-grande quantite. L'artillerie s'est specialement distinguee. Je vous demande le grade de general de division pour le general de brigade Dommartin. J'ai promu au grade de general de brigade le chef de brigade Destaing, commandant la quatrieme demi-brigade; le general Zayonschek s'est fort bien conduit dans plusieurs missions importantes que je lui ai confiees. L'ordonnateur Sucy s'etait embarque sur notre flotille du Nil, pour etre plus a portee de nous faire passer des vivres du Delta. Voyant que je redoublais de marche, et desirant etre a mes cotes lors de la bataille, il se jeta dans une chaloupe canonniere, et, malgre les perils qu'il avait a courir, il se separa de la flottille. Sa chaloupe echoua; il fut assailli par une grande quantite d'ennemis. Il montra le plus grand courage; blesse tres-dangereusement au bras, il parvint, par son exemple, a ranimer l'equipage, et a tirer la chaloupe du mauvais pas ou elle s'etait engagee. Nous sommes sans aucune nouvelle de France depuis notre depart. Je vous enverrai incessamment un officier avec tous les renseignemens sur la situation economique, morale et politique de ce pays-ci. Je vous ferai connaitre egalement, dans le plus grand detail, tous ceux qui se sont distingues, et les avancemens que j'ai faits. Je vous prie d'accorder le grade de contre-amiral au citoyen Perree, chef de division, un des officiers de marine les plus distingues par son intrepidite. Je vous prie de faire payer une gratification de 1,200 fr. a la femme du citoyen Larrey, chirurgien en chef de l'armee. Il nous a rendu, au milieu du desert, les plus grands services par son activite et son zele. C'est l'officier de sante que je connaisse le plus fait pour etre a la tete des ambulances d'une armee. BONAPARTE. Au Caire, le 7 thermidor an 6 (25 juillet 1798). Bonaparte, general en chef, ordonne: ART. 1er. Le Caire sera gouverne par un divan compose de neuf personnes, savoir: le scheick El-Sadat, le scheick El-Cherkaoui, le scheick El-Sahoni, le scheik El-Bekri, le scheick El-Fayoumiy, le scheick Chiarichi, le scheick Mussa-Lirssi, le scheick Nakib-el-Aschraf Seid-Omar, le scheick Mohamed-el-Emir. Ils se rendront ce soir a cinq heures dans la maison de ...; ils composeront le divan, et nommeront un d'entre eux pour president; ils choisiront un secretaire pris hors de leur sein, et deux secretaires interpretes, sachant le francais et l'arabe. Ils nommeront deux agas pour la police, une commission de trois pour surveiller les marches et la proprete de la ville, et une autre egalement de trois, qui sera chargee de faire enterrer les morts qui se trouveraient au Caire, ou a deux lieues aux environs. 2. Le divan sera assemble tous les jours a midi, et il y aura perpetuellement trois membres qui seront en permanence. 3. Il y aura a la porte du divan une garde francaise et une garde turque. 4. Le general Berthier et le commandant de la place se rendront le soir au divan, a cinq heures, pour les installer et leur faire preter le serment de ne rien faire contre les interets de l'armee. BONAPARTE. _Noms des familles les plus anciennes._ La maison des Beckris, la maison El-Sadat, la maison du nakib El-Aschraf, la maison du scheick Yuani. Au Caire, le 8 thermidor an 6 (26 juillet 1798). _Au general Vial._ Vous devez avoir recu, citoyen general, l'ordre de l'etat-major pour votre depart a Damiette. Le general Zayonscheck est a Menouf. Je vous envoie une trentaine de proclamations que vous repandrez sur la route; vous vous arreterez dans les plus grands endroits pour faire preter le serment aux scheicks et rassurer les habitans; vous ferez mettre, par les scheicks, les scelles sur les biens des mameloucks, et vous veillerez a ce que rien ne soit vole. Arrive a Damiette, vous previendrez le citoyen Blanc, directeur general de la sante a Alexandrie, pour qu'il y fasse etablir sur-le-champ un lazaret. Vous ne laisserez rien sortir du port. Vous ordonnerez que les douanes et toutes les impositions directes et indirectes soient prises comme a l'ordinaire. Vous ferez faire l'inventaire de tous les effets appartenans aux mameloucks. Vous ferez reparer les forts situes a l'embouchure du Nil, de maniere a les mettre a l'abri d'un coup de main. Vous ferez desarmer tout le pays. Vous aurez soin de vous faire instruire de ce qui se passe a Acre et en Syrie et de m'en prevenir. Vous vous mettrez en correspondance avec la fregate qui croise a l'embouchure du Nil, ainsi qu'avec les bombardes, afin de vous en servir et de les faire avancer jusqu'au Caire, a mesure que le Nil s'accroitra. Votre commandement s'etendra non-seulement dans toute la province de Damiette, mais encore dans celle de Mansoura. Je vous envoie l'organisation donnee a ce pays. Vous nommerez un divan pour la province de Damiette, et un pour celle de Mansoura, ainsi qu'un aga des janissaires. Vous vous empresserez egalement de nommer les deux compagnies. Je fais nommer l'intendant de chacune des provinces, et l'administration des finances nommera l'agent francais. Pour faire l'inventaire des magasins, meubles et maisons des mameloucks, vous nommerez une commission de trois personnes; vous pouvez les prendre parmi les negocians francais etablis a Damiette, tant pour la province de Damiette, que pour celle de Mansoura. Votre premier soin sera de prendre toutes les mesures, et de requerir des chevaux pour monter cent hommes de cavalerie. Vous pouvez demander a Rosette deux pieces de canon de campagne, et vous trouverez dans le pays les moyens de les atteler. BONAPARTE. Au Caire, le 9 thermidor an 6 (27 juillet 1798). Le general en chef Bonaparte, considerant que les femmes des beys et des mameloucks, errantes aux environs de la ville, deviennent la proie des Arabes, et mu par la compassion, premier sentiment qui doit animer l'homme, autorise toutes les femmes des beys et des mameloucks a rentrer en ville dans les maisons qui sont leur propriete, et leur promet surete. Elles seront tenues dans les vingt-quatre heures de leur arrivee, de se faire connaitre au citoyen Magallon, et de declarer leur demeure. BONAPARTE. Au Caire, le 9 thermidor an 6 (27 juillet 1798). _A l'amiral Brueys._ Apres des marches fatigantes et quelques combats, nous sommes enfin arrives au Caire. J'ai ete specialement content du chef de division Perree, et je l'ai nomme contre-amiral. Je suis instruit d'Alexandrie qu'enfin vous avez trouve une passe telle qu'on pouvait la desirer, et qu'a l'heure qu'il est vous etes dans le port avec votre escadre. Vous ne devez avoir aucune inquietude sur les vivres necessaires a votre armee. J'imagine que demain, ou apres, je recevrai de vos nouvelles et des nouvelles de France; je n'en ai point recu depuis mon depart. Des que j'aurai recu une lettre de vous, qui me fasse connaitre ce que vous aurez fait et la position ou vous etes, je vous ferai passer des ordres sur ce que nous aurons encore a faire. L'etat-major vous aura sans doute envoye le detail de notre affaire des Pyramides. Je pense que vous avez une fregate sur Damiette: comme j'envoie prendre possession de cette ville, je vous prie de dire a l'officier qui commande cette fregate de s'approcher le plus possible et d'entrer en communication avec nos troupes qui y seront lorsque vous aurez recu cette lettre. Faites partir le courrier que je vous envoie pour prendre terre a l'endroit qui vous paraitra le plus convenable, selon les nouvelles que vous avez des ennemis et selon les vents qui regnent dans cette saison. Je desire que vous puissiez envoyer une fregate qui aurait ordre de partir quarante-huit heures apres son arrivee, dans les ports, soit de Malte, soit d'Aucune, en lui recommandant de nous apporter les gazettes et nouvelles qu'elle recevrait des agens francais. J'ai fait filer sur Alexandrie une grande quantite de denrees, pour solder le nolis des batimens de transport. Mille choses a Ganteaume et a Casa-Bianca. Faites bien garder Coraim; c'est un coquin qui nous a trompes: s'il ne nous donne pas les cent mille ecus que je lui ai demandes, je lui ferai couper la tete. BONAPARTE. Au Caire, le 12 thermidor an 6 (30 juillet 1798). _Au commissaire ordonnateur._ Je vous fais passer, citoyen ordonnateur, differentes impositions que je viens de frapper sur Rosette, Alexandrie et Damiette. Le tiers de ces impositions sera affecte au service de ces places; donnez vos ordres aux commissaires des guerres pour leur repartition; le deuxieme tiers sera affecte a la solde des troupes, et enfin l'autre tiers a l'ordonnateur Leroi. BONAPARTE. Au Caire, le 12 thermidor an 6 (30 juillet 1798). _Au citoyen Leroi._ Je donne l'ordre au general Kleber de percevoir differentes contributions a Alexandrie, montant a 600,000 fr. Le tiers sera a votre disposition pour le service de la marine, le deuxieme tiers est destine a la solde de l'armee, et le troisieme tiers est a la disposition de l'ordonnateur en chef pour les frais d'administration d'armee. Je donne ordre au general Vial de percevoir a Damiette une contribution de 150, BONAPARTE. Au Caire, le 12 thermidor an 6 (30 juillet 1798). _A l'amiral Brueys._ D'apres tous les releves, il me parait que l'escadre anglaise a passe le detroit le 12 prairial, est arrivee devant Toulon le 23, devant Naples le 29, devant Alexandrie le 9 messidor. BONAPARTE. Au Caire, le 11 thermidor an 6 (30 juillet 1798). _Au general Kleber._ Je vous prie, citoyen general, d'organiser la place d'Alexandrie: des l'instant que tous les officiers seront organises et que vos blessures seront cicatrisees, vous pourrez rejoindre l'armee. Vous sentez que votre presence est encore necessaire dans cette place une quinzaine de jours. BONAPARTE. Au Caire, le 12 thermidor an 6 (30 juillet 1798). _Au meme._ Je viens de recevoir tout a la fois vos lettres depuis le 22 messidor jusqu'au 3 thermidor. La conduite que vous avez tenue est celle qu'il fallait tenir. Je vous ai envoye, avant-hier, l'ordre pour l'organisation de la province d'Alexandrie: ainsi nommez pour composer le divan, l'aga et les commissaires, les hommes les plus attaches aux Francais et les plus ennemis des beys. Non-seulement j'approuve l'arrestation de Coraim, mais vous verrez par l'ordre ci-joint que j'ordonne encore celle de plusieurs autres individus. La chose que nous avions le plus a craindre, c'etait d'etre precedes par la terreur qui n'existait deja que trop et qui nous aurait exposes dans chaque bicoque, a des scenes pareilles a celles d'Alexandrie. Tous ces gens-ci pouvaient penser que nous venions dans le meme esprit que Saint-Louis, et qu'ils portent eux-memes lorsqu'il entrent dans les etats chretiens; mais aujourd'hui les circonstances sont tout opposees. Ce n'est plus ce que nous ferons a Alexandrie qui fixera notre reputation, mais ce que nous ferons au Caire: d'ailleurs repandus sur tous les points, nous sommes parfaitement connus. Il parait que vous etes peu satisfait de la soixante-neuvieme demi-brigade: faites connaitre au chef que si sa demi-brigade ne va pas mieux, on le destituera. Vous trouverez ci-joint differens ordres; vous les ferez publier l'un apres l'autre, et vous veillerez surtout a leur execution. Ce n'est que par ces moyens-la que nous avons pu trouver quelque chose au Caire. BONAPARTE. Au Caire, le 12 thermidor an 6 (30 juillet 1798). _A l'amiral Brueys._ Je recois a l'instant et tout a la fois vos lettres depuis le 25 messidor jusqu'au 8 thermidor. Les nouvelles que je recois d'Alexandrie sur le succes des sondes, me font esperer qu'a l'heure qu'il est, vous serez entre dans le port. Je pense aussi que _le Causse_ et _le Dubois_ sont armes en guerre de maniere a pouvoir se trouver en ligne, si vous etiez attaque; car enfin deux vaisseaux de plus ne sont point a negliger. Le contre-amiral Perree sera pour long-temps necessaire sur le Nil, qu'il commence a connaitre. Je ne vois pas d'inconvenient a ce que vous donniez le commandement de son vaisseau au citoyen ... Faites la-dessus ce qu'il convient. Je vous ai ecrit le 9, je vous ai envoye copie de tous les ordres que j'ai donnes pour l'approvisionnement de l'escadre; j'imagine qu'a l'heure qu'il est, les cinquante bateaux charges de vivres sont arrives. Nous avons ici une besogne immense; c'est un chaos a debrouiller et a organiser qui n'eut jamais d'egal. Nous avons du ble, du riz, des legumes en abondance. Nous cherchons et nous commencons a trouver de l'argent; mais tout cela est environne de travail, de peines et de difficultes. Vous trouverez ci-joint un ordre pour Damiette, envoyez-le par un aviso, qui, avant d'entrer, s'informera si nos troupes y sont. Elles sont parties pour s'y rendre il y a trois jours, en barques sur le Nil: ainsi elles seront arrivees lorsque vous recevrez cette lettre; envoyez-y un des sous-commissaires de l'escadre pour surveiller l'execution de l'ordre. Je vais encore faire partir une trentaine de batimens charges de ble pour votre escadre. Toute la conduite des Anglais porte a croire qu'ils sont inferieurs en nombre, et qu'ils se contentent de bloquer Malte et d'empecher les subsistances d'y arriver. Quoi qu'il en soit il faut bien vite entrer dans le port d'Alexandrie, ou vous approvisionner promptement de riz, de ble, que je vous envoie, et vous transporter dans le port de Corfou; car il est indispensable que jusqu'a ce que tout ceci se decide, vous vous trouviez dans une position a portee d'en imposer a la Porte. Dans le second cas, vous aurez soin que tous les vaisseaux, fregates venitiennes et francaises qui peuvent nous servir, restent a Alexandrie. BONAPARTE. Au Caire, le 12 thermidor an 6 (30 juillet 1798). _Au commissaire ordonnateur en chef._ Les pailles arrivent continuellement au Caire lors de l'inondation du Nil, parce qu'alors le transport devient tres-facile. Les provinces les plus riches de l'Egypte sont dans ce moment occupees par nos troupes; je crois que vous avez un commissaire dans la province de Menoufie ou commande le general Zayonscheck. Envoyez-en un dans la province de Kelioubeh ou commande le general Murat, un dans la province de Giza ou commande le general Belijard, et un dans la province de Mansoura et Damiette, ou commande le general Vial, et un dans la province de Bahhire, ou commande le general Dumuy. Dans chacune de ces provinces, il y a un commandant francais, une commission administrative du pays ou divan, un intendant cophte, un agent francais pres l'intendant, et enfin une commission, pour faire dans chaque province l'inventaire des biens des mameloucks. En envoyant des commissaires de guerre dans ces differentes provinces, il vous sera facile de faire venir au Caire les approvisionnemens du pays. Je vous envoie copie des ordres que j'ai donnes, soit pour les approvisionnemens, soit pour l'organisation du pays. J'ai aussi ordonne a l'etat-major general de vous envoyer une carte avec les divisions des differentes provinces. BONAPARTE. Au Caire, le 12 thermidor an 6 (30 juillet 1798). Bonaparte, general en chef, ayant des preuves de trahison de Sidi Mohamed-el-Coraim qu'il avait comble de bienfaits, ordonne: ART 1er. Sidi Mohamed-el-Coraim paiera une contribution de 300,000 fr. 2. A defaut par lui d'acquitter ladite contribution cinq jours apres la publication du present ordre, il aura la tete tranchee. BONAPARTE. Au Caire, le 12 thermidor an 6 (30 juillet 1798). _Au general Menou._ Je vous fais passer, citoyen general, un ordre pour lever une contribution de 100,000 fr. sur les habitans de Rosette. Le tiers de cette contribution sera destine a l'ordonnateur en chef, pour les depenses de l'administration, et les deux autres tiers a la solde des troupes. BONAPARTE. Au Caire, le 12 thermidor an 6 (30 juillet 1798). _Au general Zayonscheck._ Je donne ordre, citoyen general, pour qu'on etablisse a Menouf un hopital de cinquante lits, et qu'on y construise deux fours. Voyez a faire tout ce qui sera possible pour activer cette operation. Vous avez du recevoir hier les ordres pour l'organisation de votre province. Il faut que vous traitiez les Turcs avec la plus grande severite; tous les jours ici je fais couper trois tetes et les promener dans le Caire: c'est le seul moyen de venir a bout de ces gens-ci. Veillez surtout a l'entier desarmement du pays. Faites-moi faire, par un officier du genie ou de l'etat-major, un croquis de toutes les provinces, avec la situation de tous les villages, et des renseignemens generaux sur leur population, et ce que produisaient le miri, le seddan et autres impositions. Prenez tous les moyens pour monter votre cavalerie; avec les chevaux, prenez les selles, et faites faire par vos commissions, un inventaire exact et prompt de tous les biens appartenans aux mameloucks. Faites-moi connaitre quelles sont les ressources pecuniaires que nous offre votre province. Je vous envoie une grande quantite de proclamations que vous repandrez dans la province; je desire que vous vous mettiez en correspondance avec le general Murat, qui commande la province de Kelioubeh. Il me serait facile de vous procurer deux pieces de canon, si vous trouviez dans le pays des moyens de les atteler. Je vous les enverrais sur des bateaux jusqu'au point de debarquement ou vous les feriez prendre. BONAPARTE. Au Caire, le 13 thermidor an 6 (31 juillet 1798). Bonaparte, general en chef, ordonne: ART 1er. Tous les proprietaires de l'Egypte sont confirmes dans leurs proprietes. 2. Les fondations pieuses affectees aux mosquees, et specialement a celles de Medine et de la Mecque, sont confirmees comme par le passe. 3. Toutes les transactions civiles continueront a avoir lieu comme par le passe. 4. La justice civile sera administree comme par le passe. BONAPARTE. Au Caire, le 13 thermidor an 6 (31 juillet 1798). _Au general Menou._ Votre presence est encore necessaire, citoyen general, a Rosette pendant quelques jours, pour l'organisation de cette province; les Turcs ne peuvent se conduire que par la plus grande severite; tous les jours je fais couper cinq ou six tetes dans les rues du Caire. Nous avons du les menager jusqu'a present pour detruire cette reputation de terreur qui nous precedait: aujourd'hui, au contraire, il faut prendre le ton qui convient pour que ces peuples obeissent; et obeir, pour eux, c'est craindre. Je vous ai envoye, par mon dernier courrier, des ordres pour l'organisation du divan, de l'aga d'une compagnie de soixante hommes turcs pour la police. Il serait necessaire que la commission chargee de faire l'inventaire des biens des mameloucks envoyat ses etats a l'ordonnateur. Faites-nous passer avec la plus grande promptitude des nouvelles de l'amiral et de l'escadre. Ordonnez au commandant d'artillerie d'envoyer prendre a Alexandrie deux ou trois grosses pieces d'artillerie, pour les placer a l'embouchure du Nil, et empecher les chaloupes anglaises de nous insulter. BONAPARTE. Au Caire, le 14 thermidor an 6 (1er aout 1798). Bonaparte, general en chef, ordonne: ART. 1er. Tous les effets et esclaves appartenans a la femme de Mourad-Bey et aux femmes des mameloucks qui composaient sa maison, leur seront laisses en pleine propriete. 2. La femme de Mourad-Bey versera dans la caisse du payeur de l'armee 600,000 fr., dont 100,000 fr. demain, et le restant 50,000 fr. par jour. 3. A defaut d'effectuer lesdits paiemens, tous les esclaves et biens appartenans aux femmes des mameloucks de la maison de Mourad-Bey, seront regardes comme proprietes nationales; il sera seulement laisse a la femme de Mourad-Bey les meubles de l'appartement qu'elle occupe et six esclaves pour la servir. BONAPARTE. Au Caire, le 14 thermidor an 6 (1er aout 1798). _Au citoyen Rosetti._ Vous vous rendrez secretement, citoyen, aupres de Mourad-Bey: vous lui direz que vous m'avez presente l'homme qu'il avait envoye; que cet homme, par des paroles indiscretes, des discours verbeux et faux, n'etait parvenu qu'a m'indisposer davantage contre lui: mais que j'ai compris que le moment pouvait venir ou il fut de mon interet de me servir de Mourad-Bey comme de mon bras droit, et que je consentais a ce qu'il conservat la province de Girge, dans laquelle il devrait se retirer dans l'espace de cinq jours, et que, de mon cote, je n'y ferais point entrer de troupes; vous lui direz que, ce premier arrangement fait, il sera possible, en le connaissant mieux, que je lui fasse de plus grands avantages, et vous signerez de suite un traite en francais et en arabe, concu a peu pres en ces termes: ART 1er. Mourad-Bey conservera avec lui cinq ou six cents hommes a cheval, avec lesquels il gouvernera la province de Girge, depuis les cataractes jusqu'a une demi-lieue plus bas que Girge, et la maintiendra a l'abri des Arabes. 2. Il se reconnaitra dans le gouvernement de ladite province, dependant de la France. Il paiera a l'administration de l'armee le miri que cette province payait. 3. Le general s'engage de son cote a ne faire entrer aucune troupe dans la province de Girge, et a en laisser le gouvernement a Mourad-Bey. 4. Mourad-Bey sera rendu au-dela de Girge, dans l'espace de cinq jours. Aucun de ses gens n'en pourra sortir pour entrer dans les limites d'une autre province sans une permission du general. BONAPARTE. Au Caire, le 14 thermidor an 6 (1er aout 1798). _Pouvoirs au citoyen Rosetti._ Le general en chef, mu par les sentimens d'humanite qui l'ont toujours anime, donne au citoyen Rosetti les pleins pouvoirs pour negocier avec Mourad-Bey, conclure et signer avec lui une convention qui mette fin aux hostilites. BONAPARTE. Au Caire, le 14 thermidor an 6 (1er aout 1798). _Au general Kleber._ Ceux qui m'ont donne des preuves de la trahison de Coraim, m'ont assure que son argent est dans une citerne; qu'il a un registre particulier ou est le detail de toutes ses affaires; qu'il y a plusieurs de ses domestiques qui sont au fait de tout. J'ordonne en consequence a l'amiral Brueys de faire arreter tous les domestiques qu'il a avec lui et de vous les envoyer; faites egalement arreter tous ceux qu'il a dans sa maison, et faites-y mettre les scelles par la commission, ainsi que sur tous ses biens. Faites interroger separement avec de fortes menaces ses domestiques. S'il paie dans les huit jours les 300,000 fr., mon intention est qu'on le retienne comme prisonnier a bord d'un des batimens de l'escadre, de maniere qu'il ne puisse s'echapper, desirant le faire passer en France par une occasion sure. S'il n'a pas, dans les cinq jours, paye au moins le tiers de la contribution a laquelle il est impose, vous donnerez l'ordre qu'on le fasse fusiller. Je vous envoie copie de la lettre que j'ecris a l'amiral Brueys. BONAPARTE. Au Caire, le 14 thermidor an 6 (1er aout 1798). _A l'amiral Brueys._ Depuis que je vous ai ecrit, j'ai acquis de nouvelles preuves de la trahison de Coraim: vous voudrez bien le faire mettre aux fers et prendre toutes les precautions pour qu'il ne vous echappe pas. Vous ferez arreter tous les domestiques et autres individus qu'il aurait avec lui, que vous enverrez sous bonne escorte a Alexandrie, a la disposition du general Kleber. BONAPARTE. Au Caire, le 14 thermidor an 6 (1er aout 1798). Bonaparte, general en chef, Voyant avec deplaisir que le versement d'argent que doivent faire les Cophtes et les negocians de cafe et de Damas ne s'effectue qu'avec la plus grande lenteur, charge le citoyen Magallon de leur declarer que les 60,000 talaris que doivent payer les Cophtes, seront livres dans six jours, a raison de 10,000 talaris par jour. Les 130,000 mille talaris que doivent les negocians de cafe, seront payes a raison de 22,000 par jour; les 35,275 que doivent les negocians de Damas, seront egalement payes en six jours, a raison de 5,878 par jour. BONAPARTE. Au Caire, le 15 thermidor an 6 (3 aout 1798). _A l'ordonnateur en chef._ Je vous envoie, citoyen ordonnateur, un ordre pour la poste. Les individus de l'armee paieront leurs ports de lettres conformement a l'usage etabli en France; mais le directeur de la poste versera, toutes les decades, l'etat des sommes qu'il aura recues; nous en serons responsables, s'il est necessaire, a l'administration des postes, et cela sera un revenu pour l'armee. Vous aurez soin, pour ce moment, de commencer par organiser les bureaux du Caire, d'Alexandrie, de Rosette et de Damiette. Des que ceux-la seront etablis, vous formerez les quatre autres. Cependant, comme il est indispensable que nous communiquions avec Menouf, lorsque le bateau qui va a Rosette sera arrive au village de Genid, il remettra le paquet qui sera pour Menouf. Il y aura a ce village un detachement qui sera charge de le porter a Menouf. BONAPARTE. Au Caire, le 15 thermidor an 6 (2 aout 1798). Bonaparte, general en chef, ordonne: ART. 1er. Les citoyens Berthollet, Monge et le general du genie se concerteront pour choisir une maison dans laquelle on puisse etablir une imprimerie francaise et arabe, un laboratoire de chimie, un cabinet de physique, et, s'il est possible, un observatoire. Il y aura une salle pour l'Institut. 2. Ils me presenteront un projet pour l'organisation de ladite maison avec un etat de depenses. 3. Je desirerais que cette maison fut situee sur la place Elbekieh ou le plus pres possible. BONAPARTE. Au Caire, le 16 thermidor an 6 (3 aout 1798). _Au general Chabot, gouverneur de Corfou et des iles de la mer Ionienne._ C'est avec le plus grand plaisir, citoyen general, que j'ai appris de vos nouvelles; on nous avait beaucoup alarmes sur votre surete. L'etat-major vous aura fait part des evenemens militaires qui ont eu lieu ici. Nous sommes enfin au grand Caire et maitres de toute l'Egypte. Il est indispensable que vous nous fassiez passer, par tout les moyens possibles, la plus grande quantite de vins, eau-de-vie, raisins secs et bois. Ce sont des objets dont vous savez que l'Egypte manque entierement; les negocians porteront en retour, du cafe, du sucre, de l'indigo, du ble, du riz et toute espece de marchandises des Indes. Tenez-moi instruit de toutes les nouvelles que vous avez des affaires des Turcs, et surtout de Passwan-Oglou. Le premier bataillon de la soixante-neuvieme demi-brigade a recu un ordre positif de partir lorsque je quittai Toulon; je ne doute donc pas qu'en ce moment il ne soit arrive. Des l'instant que ce pays sera organise et les impositions assises, je vous enverrai 300,000 fr. qui paraissent necessaires pour votre solde; mais comme il me sera beaucoup plus facile de vous envoyer des bles, du riz, etc., je vous prie de former une compagnie de dix ou douze negocians des plus riches; qu'ils chargent plusieurs batimens, qu'ils m'expedient des bois, du vin, des eaux-de-vie, etc., ils seront payes en echange avec des marchandises du pays. Ils enverront un commissaire avec une lettre de vous, et je leur donnerai en surplus pour 3 ou 400,000 fr. de marchandises qu'il vous solderont. Je vous envoie un ordre qu'il est bien necessaire d'executer ponctuellement pour l'approvisionnement de l'escadre. Comme ici nous manquons de bois, je desire que vous fassiez beaucoup de biscuit a Corfou, afin que nous ayons toujours un point ou nous puissions puiser et ravitailler notre escadre toutes les fois que nous en aurons besoin: je compte sur votre zele. Vous pouvez tirer, pour la confection, pour 50,000 fr. de lettres de change sur le payeur au Caire. Elles seront soldees, soit en marchandises, soit en argent, comme le negociant le desirera. Incessamment je vous enverrai, par la premiere occasion, du ble et du riz pour votre approvisionnement. BONAPARTE. Au Caire, le 16 thermidor an 6 (3 aout 1798). _Au citoyen Rhullieres, commissaire du directoire executif francais a Corfou et dans les iles Ioniennes._ J'ai recu a Paris les differentes lettres que vous m'avez ecrites a votre arrivee a Zante. Je viens d'en recevoir une, en date du 13 messidor, de Corfou. L'etat-major vous aura instruit des differentes batailles que nous avons livrees aux mameloucks et des succes complets qu'a obtenus l'armee de la republique. A la bataille des Pyramides, nous leurs avons pris soixante ou quatre-vingt pieces de canon, et tue plus de dix mille hommes de cavalerie d'elite; nous sommes au Caire depuis une douzaine de jours et en possession de presque toute l'Egypte. Il nous manque ici trois choses, le vin, l'eau-de-vie et le bois a bruler. Faites faire, avec la plus grande quantite que vous aurez de raisins secs, de l'eau-de-vie; les negocians porteront en retour le ble, le sucre, l'indigo, le riz, les marchandises des Indes et le cafe. C'est un vrai service a rendre a la republique, que d'employer l'influence que vous avez par votre place, a activer le commerce de Zante avec l'Egypte. Continuez a bien meriter de ces peuples par votre conduite sage et philantrophique, et croyez au desir vrai que j'ai de vous donner des preuves de l'estime et de l'amitie que vous savez que je vous porte. Soit en Egypte, soit en France, soit ailleurs, vous pouvez compter sur moi. BONAPARTE. Au Caire, le 16 thermidor an 6 (3 aout 1798). _A l'amiral Brueys._ Je vous envoie, citoyen amiral, la lettre que je recois de Corfou; je vous prie de me faire connaitre quand le batiment charge de bois sera arrive. Peut-etre jugez-vous egalement necessaire d'envoyer deux ou trois batimens de transport pour continuer lesdits chargemens de bois, tant pour la flotte que pour Alexandrie. Le general Chabot me mande que _le Fortunatus_ escorte plusieurs batimens charges de bois; moyennant cela, vous serez dans le cas de ne pas prendre les quinze cents quintaux de bois que je vous ai accordes a Rosette et dont nous avons plus grand besoin au Caire. Je vous fais passer un nouvel ordre pour l'approvisionnement de l'escadre. BONAPARTE. Au Caire, le 16 thermidor an 6 (3 aout 1798). _A l'administration centrale de Corcyre (Corfou.)_ Tous les renseignemens qui me sont donnes sur la conduite de votre departement, font l'eloge de ses administrateurs. Les nouveaux etablissemens de la France doivent d'autant plus accroitre votre commerce, et vous ouvrir une nouvelle source de richesse et de prosperite. Faites connaitre aux negocians qu'ils trouveront ici des bles, du riz, du cafe, des marchandises des Indes, du sucre en abondance, et que je desire qu'en echange, ils portent a Alexandrie du bois a bruler, des bois de construction, des vins, des eaux-de-vie: ce sont les principales choses qui manquent a ce beau pays. Croyez au desir que j'ai de vous donner des preuves du vif interet que je prends a votre tranquillite. BONAPARTE. Au Caire, le 16 thermidor an 6 (3 aout 1798). _A Georgio Gioari, intendant general de l'Egypte._ Vos fonctions doivent se borner a l'organisation des revenus de l'Egypte, a une correspondance suivie avec les intendans particuliers des provinces, avec le general en chef et l'ordonnateur en chef de l'armee. Vous vous ferez aider dans ces travaux par le moalleim Fretaou. Ainsi donc, vous chargerez, de ma part, les moalleims Malati, Anfourni, Hanin et Faudus, de la recette de la somme que j'ai demandee a la nation cophte. Je vois avec deplaisir qu'il reste encore en arriere 50,000 talaris, je veux qu'ils soient rentres, dans cinq jours, dans la caisse du payeur de l'armee. Vous pouvez assurer les Cophtes que je les placerai d'une maniere convenable lorsque les circonstances le permettront. BONAPARTE. Au Caire, le 16 thermidor an 6 (3 aout 1798). Bonaparte, general en chef, ordonne: ART. 1. L'or ou l'argent monnoye, tous les objets d'or et d'argent, tous les lingots, les schals de valeur, les tapis brodes en or qui se trouvent dans les magasins generaux, seront enfermes dans des caisses sur lesquelles seront apposes les scelles du payeur de l'armee, de l'etat-major general et de la commission chargee de l'inventaire. Lesdites caisses seront transportees dans le logement du payeur de l'armee; l'inventaire sera remis a l'ordonnateur en chef et a l'administrateur des finances. 2. Tous les objets necessaires a la subsistance de l'armee seront remis de suite a la disposition de l'ordonnateur en chef; la commission tirera un recu du garde-magasin auquel elle remettra lesdites denrees. 3. Tous les cinq jours, l'ordonnateur en chef, assiste d'un officier de l'etat-major, de l'administrateur des finances ou d'un membre de la commission provisoire, et des agens en chef de chaque service, feront une tournee dans les magasins generaux et affecteront aux hopitaux, aux transports, a l'habillement, tout ce qui peut leur etre utile; mais les garde-magasins des magasins generaux ne livreront rien qu'apres avoir dresse un inventaire circonstancie, et tire un recu des garde-magasins d'administration auxquels ils livreront lesdits objets. 4. Il sera forme une compagnie de commerce, a laquelle seront vendus tous les effets qui se trouveraient dans les magasins generaux, et qui ne seraient pas essentiels au service de l'armee. L'ordonnateur en chef me remettra un reglement sur la maniere de former cette compagnie et de proceder avec elle. BONAPARTE. Au Caire, le 16 thermidor an 6 (3 aout 1798). _Au commandant de la place du Caire._ Vous requerrez, citoyen general, deux moines de Terre-Sainte pour etre toujours de planton a l'hopital, afin de servir d'interpretes et de soigner les malades. BONAPARTE. Au Caire, le 16 thermidor an 6 (3 aout 1798). _Aux generaux de l'artillerie et du genie._ Je vous prie, citoyen general, de vouloir bien me faire connaitre combien de temps il vous faudrait pour faire abattre toutes les portes qui barricadent les differens quartiers de la ville et en faire transporter le bois pour le service de votre arme; vous pourriez partager la besogne avec le genie, l'artillerie; je desirerais qu'on put commencer des demain: j'en donnerai l'ordre aussitot que j'aurai recu votre reponse. BONAPARTE. Au Caire, le 16 thermidor an 6 (3 aout 1798). _A l'ordonnateur en chef._ L'hopital du grand Caire manque d'eau, d'eau-de-vie, et de toute espece de medicamens. Je vous prie de vouloir bien me rendre compte si le pharmacien en chef a trouve au Caire de quoi l'approvisionner. Je vous prie d'ordonner que les officiers soient mis dans des chambres separees, et qu'il leur soit fourni tout ce qui leur est necessaire. Vous sentez que cela est d'autant plus essentiel dans un pays ou tout homme malade est oblige d'aller a l'hopital. BONAPARTE. Au Caire, le 16 thermidor an 6 (3 aout 1798). _Au general Berthier._ Je vous prie, citoyen general, de vouloir bien faire verifier en presence d'un officier de l'etat-major, combien un chameau porte d'eau dans les outres ordinaires. BONAPARTE. Au Caire, le 17 thermidor an 6 (4 aout 1798). _Au consul de la republique a Tripoli._ Je profite du passage de la caravane pour vous faire part du succes de la republique a la bataille des Pyramides, ou nous avons tue plus de deux mille mameloucks. Je desire que vous fassiez connaitre au bey de cette regence, que la republique francaise continuera a vivre en bonne intelligence avec lui, comme elle l'a fait par le passe. Tous les sujets du bey seront egalement proteges en Egypte; j'espere que de son cote, il se comportera envers la republique avec tous les egards qui lui sont dus. Faites-moi part de toutes les nouvelles que vous pourriez avoir dans la Mediterranee. BONAPARTE. Au Caire, le 17 thermidor an 6 (4 aout 1798). _Au general Zaionscheck._ Vous avez bien fait, citoyen general, de faire fusiller cinq hommes des villages qui s'etaient revoltes: je desire fort apprendre que vous avez monte notre cavalerie. Le moyen le plus court, je crois, est celui-ci: ordonnez que chaque village vous fournisse deux bons chevaux. Il ne faut pas en recevoir de mauvais, et les villages qui, cinq jours apres la proclamation de votre ordre, ne les auront pas fournis, seront condamnes a payer mille talaris d'amende. C'est un moyen infaillible, expeditif, d'avoir les six cents chevaux qui vous seront necessaires. En requerant les chevaux, requerez les brides et selles, afin d'avoir tout de suite un corps de cavalerie a votre disposition: c'est le seul moyen d'etre maitre de ce pays. Vous pouvez garder sans inconveniens le chef de bataillon du genie Lazowski, qui vous est necessaire. Le general Fugieres, avec un bataillon de la dix-huitieme, part demain ou ce soir pour Mehal-el-Kebir; il passe par Kelioube, et il se rendra a Menouf, ou il arrivera probablement le 21: j'ai donne l'ordre qu'on embarquat sur une djerme, du pain pour ce bataillon, pour quatre ou cinq jours; il se rendra jusqu'a ..., d'ou l'officier qui escorte ces djermes fera partir ce pain a Menouf. Cependant, si vos fours sont acheves, il serait essentiel que vous fissiez preparer du pain pour ce bataillon. J'ai donne ordre a ce bataillon de sejourner deux jours a Menouf. Vous en profiterez pour operer le desarmement et tous les actes difficiles. A mesure que vous aurez des chevaux, donnez-les aux differens detachemens de dragons qui sont sous vos ordres, en tirant des recus des officiers. BONAPARTE. Au Caire, le 17 thermidor an 6 (4 aout 1798). _Au general Dupuis._ Je viens d'ecrire au divan pour qu'il fasse faire une distribution de ble pour les pauvres de la grande mosquee. Il faudra se servir des magasins qui sont a Boulac et a Gizeh, appartenans a ..., attendu qu'un seul magasin ne suffirait pas pour contenir tous les effets provenant des maisons des mameloucks. J'ai ordonne qu'un magasin servirait a deux commissions, tout comme une commission doit faire la visite dans deux arrondissemens. Une grande vigilance est plus necessaire pour la tranquillite de la place, qu'une grande dissemination de troupes; quelques officiers de service qui courent la ville, quelques sergens de planton qui se croisent sur des anes, quelques adjudans-majors qui visitent les endroits les plus essentiels, quelques Francs qui se faufilent dans les marches et les differens quartiers, et quelques compagnies de reserve pour pouvoir envoyer dans les endroits ou il y aurait quelque trouble, sont plus utiles et fatiguent moins que des gardes fixees sur des places et dans les carrefours. Si ce n'etait la surveillance a exercer sur les maisons de mameloucks, quatre cents hommes d'infanterie et cinquante de cavalerie suffiraient pour le service de la place: en mettant trois cents hommes pour le service des mameloucks, cela exige quinze cents hommes. Je pense que deux mille hommes de garnison sont suffisans ici; faites-moi remettre l'etat des postes que vous occupez, et de tout le service en detail. BONAPARTE. Au Caire, le 17 thermidor an 6 (4 aout 1798). _Au commissaire ordonnateur en chef._ Il m'a ete presente plusieurs etats signes par des commissaires des guerres, ou ils paraissent legaliser des abus evidens et des pretentions peu fondees. Je vous prie de leur ecrire pour leur faire sentir combien ils sont coupables, lorsqu'ils s'eloignent de ce que la loi prescrit. J'ai vu un etat ou le commissaire des guerres demande une indemnite pour non fourniture de vin. Je vous prie de faire un reglement pour ce qui est accorde par mois aux demi-brigades et aux regimens, pour leur entretien. Les corps doivent toucher les sommes qui leur reviennent pour l'entretien pendant le temps qu'ils ont ete embarques. Les corps de cavalerie qui n'ont qu'un cinquieme des hommes montes, doivent-ils toucher une somme qui est jugee necessaire pour un regiment de huit cents chevaux? BONAPARTE. Au Caire, le 18 thermidor an 6 (5 aout 1798). _Au general Reynier._ Vous partirez, citoyen general, avec le restant de votre division pour vous rendre au village de El-Hanka, ou se trouve deja le general Leclerc. L'etat-major a du vous donner l'ordre de partir avec six jours de vivres, mais ils ne seront probablement pas prets, et, si vous les attendez, ils retarderaient considerablement votre marche. Laissez votre commissaire des guerres et le troisieme bataillon de la neuvieme, afin qu'ils vous conduisent des vivres des l'instant qu'ils seront livres. Ne partez pas au moins avant que la division n'ait son pain pour la journee de demain. Le general Leclerc a deja fait construire un four, faites-en construire deux autres. Les villages environnans, qui sont extremement riches, vous fourniront de la farine, de la viande et des legumes pour votre division; independamment de cela, j'ordonne qu'on vous complette vos six jours de vivres et qu'on vous en fasse passer une plus grande quantite. Plusieurs scheicks sont reunis a Belbeis, avec Ibrahim-Bey, et l'on pense que demain la caravane y sera arrivee; c'est ce qui m'a fait juger votre presence necessaire a El-Hanka, ou, selon le rapport que l'on m'a fait, vous vous trouverez juste a un jour de chemin du Caire a Belbeis. Le general Leclerc a mene avec lui une certaine quantite de chameaux pour porter des vivres. Il est indispensable qu'il les renvoie, ainsi que tous ceux qui vous porteront des vivres, afin de pouvoir continuer. Vous vous trouverez a El-Hanka au milieu de plusieurs tribus d'Arabes. Faites ce qu'il vous sera possible pour leur faire entendre qu'ils n'ont rien a gagner a nous faire la guerre, pour qu'ils nous envoient des deputations, et pour qu'ils vivent tranquilles sans nous attaquer; vous leur enverrez de mes proclamations. Vous vous tiendrez en garde contre les attaques que vous pourrait faire Ibrahim-Bey. Vous vous retrancherez dans le village de maniere a etre a l'abri de toute insulte, et une heure avant le jour, vous ferez faire des reconnaissances, afin d'etre prevenu et de pouvoir me prevenir aussi avant que la cavalerie ne soit sur vous. Vous interrogerez en detail tous les hommes qui viendraient de Belbeis ou de Syrie, et vous m'enverrez leurs rapports. Si la caravane se presentait pour venir, vous l'accueillerez de votre mieux; mais vous ne dissimulerez pas au boy qui l'escorte, s'il y etait encore, que mon intention est, comme je le lui ai fait ecrire, qu'arrives a la Coube, les mameloucks livrent leurs armes et leurs chevaux, excepte lui et les siens. Je n'attends, pour me mettre en marche et me porter a Belbeis, que la construction de vos trois fours, et l'etablissement d'une boulangerie a El-Hanka; je vous recommande de veiller specialement a la formation de vos magasins de subsistances a El-Hanka, d'y faire reunir le plus de legumes, ble et riz, qu'il vous sera possible. Je desire aussi que vous employiez les deux ou trois jours que vous resterez a El-Hanka, a vous retrancher en crenelant quelques maisons, en creusant quelques fosses. Mon intention est de faire occuper toujours ce village par un bataillon. BONAPARTE. Au Caire, le 18 thermidor an 6 (5 aout 1798). _Au general Dugua._ Le general Murat me mande de Medie, qu'il a entendu quelque canonnade a une lieue en avant de lui, et qu'il est parti avec le bataillon qu'il commande pour connaitre ce que c'etait. Je desire que vous me fassiez partir un bataillon de la soixante-quinzieme, qui se rendra avec une piece de canon jusqu'a Kelioubeh, ou est le general Murat. Si, en route, il apprenait que le general Murat est rentre a son poste, et qu'il n'y a rien de nouveau, il rentrera au camp; s'il n'apprend rien en route, il se rendra a Kelioubeh, ou il restera pendant la journee, et reviendra le lendemain matin, a moins que le general Murat ne croie avoir des raisons pour le retenir. Si le bataillon apprenait en route que le general Murat est aux mains avec l'ennemi, il me renverrait l'officier des guides porteur de la presente, pour me faire part des renseignement qu'il aurait recueillis. Faites commander cette reconnaissance par un homme intelligent. En partant exactement a deux heures apres minuit, elle arrivera a cinq heures a Kelioubeh. BONAPARTE. Au Caire, le 20 thermidor an 6 (7 aout 1798). _Au general Kleber._ Le kyaya du pacha d'Egypte expedie a Constantinople un expres: je vous prie, citoyen general, de lui donner toutes les facilites necessaires pour son passage. BONAPARTE. Au Caire, le 20 thermidor an 6 (7 aout 1798). _A l'ordonnateur en chef._ Je vais partir, citoyen ordonnateur, pour me porter a vingt-cinq lieues d'ici vers la Syrie. Moyennant les differens envois de farine que je vous ai demandes, et ceux que l'etat-major ordonne, nous serons en mesure pour les subsistances; mais je vous prie de veiller a ce qu'on nous fasse les envois demain, comme je le demande, de cinquante quintaux de riz, et autant apres-demain, ainsi que de dix-huit cents rations de pain. La police de la ville exigerait que le ble y fut maintenu a un bon prix. Un moyen necessaire serait que vous fissiez vendre tous les jours une certaine quantite de ble au tarif. Cela nous procurerait de l'argent et ferait un grand bien a la ville. Je vous recommande, pendant mon absence, d'avoir en magasin la plus grande quantite de farine que vous pourrez, et de faire faire, tant a Boulac qu'au Caire et au vieux Caire, la plus grande quantite possible de biscuit: les mameloucks en faisaient faire dans la ville de fort beau. Je desirerais que vous pussiez passer un marche avec les boulangers de la ville, car il serait essentiel que vous eussiez, d'ici a dix jours, trois cent mille rations de biscuit. C'est le seul moyen d'assurer les subsistances dans nos routes et de ne pas mourir de faim dans nos operations. BONAPARTE. Au Caire, le 20 thermidor an 6 (7 aout 1798). _Au general Desaix._ Je vais m'absenter, citoyen general, pour quelques jours de la ville du Caire. Je donne ordre au general commandant de vous instruire de tous les mouvemens qui provoqueraient des mesures extraordinaires. Votre division, dans la position ou elle se trouve, a le double but: 1 deg.. de garantir la province de Gizeh; 2 deg.. de former une reserve pour le Caire. La commission provisoire, composee des citoyens Monge, Berthollet et Magallon, s'adressera a vous pour avoir tous les sauf-conduits qu'elle jugera a propos d'accorder aux femmes des mameloucks, et moyennant les traites particuliers qu'elle conclura avec elles. Vous nommerez quatre officiers pour suivre les quatre commissions chargees de faire les inventaires et de depouiller les maisons des beys. Ces officiers me rendront compte tous les jours de la maniere dont s'est faite l'operation; ils doivent d'ailleurs laisser faire entierement les commissaires. S'ils apercevaient des abus, ils vous les denonceraient et vous y apporteriez remede. Le citoyen Beauvoisin a ordre de vous rendre compte tous les jours de la seance du divan. Je donne ordre au commandant de la place de faire partir tous les jours cinquante ou soixante hommes avec un officier pour me porter de vos depeches, les siennes, celles de la commission, de l'ordonnateur, et de l'adjudant-general qui reste a l'etat-major. Par ce moyen, vous vous trouverez instruit de la position des esprits au Caire, et vous ferez faire a votre division et a la garnison tous les mouvemens que les circonstances exigeront. Si un courrier de France arrivait, il faudrait avoir soin de ne me l'expedier que fortement escorte. BONAPARTE. Au Caire, le 24 thermidor an 6 (11 aout 1798). _A Ibrahim-Bey._ La superiorite des forces que je commande ne peut plus etre contestee: vous voila hors de l'Egypte et oblige de passer le desert. Vous pouvez trouver dans ma generosite la fortune et le bonheur que le sort vient de vous oter. Faites-moi de suite connaitre votre intention. Le pacha du grand-seigneur est avec vous, envoyez-le moi porteur de votre reponse; je l'accepte volontiers comme mediateur. BONAPARTE. Le 25 thermidor an 6 (12 aout 1798). [5]Entrevue de Bonaparte, membre de l'Institut national, general en chef de l'armee d'Orient, et de plusieurs muphtis et imans, dans l'interieur de la grande pyramide, dite pyramide de Cheaps. Cejourd'hui, 25 thermidor de l'an 6 de la republique francaise, une et indivisible, repondant au 28 de la lune de Mucharem, l'an de l'hegire 1213, le general en chef, accompagne de plusieurs officiers de l'etat-major de l'armee et de plusieurs membres de l'Institut national, s'est transporte a la grande pyramide, dite de Cheaps, dans l'interieur de laquelle il etait attendu par plusieurs muphtis et imans, charges de lui en montrer la construction interieure. A neuf heures du matin, il est arrive avec sa suite, sur la croupe des montagnes de Gizeh, au nord-ouest de Memphis. Apres avoir visite les cinq pyramides inferieures, il s'est arrete avec une attention particuliere a la pyramide de Cheaps, dont les membres de l'Institut ont a l'instant determine, par des figures trigonometriques, la hauteur perpendiculaire. Cette hauteur s'est trouvee etre d'environ cent cinquante-cinq metres (pres de quatre cent soixante cinq pieds), ce qui est pres du double de celle des monumens les plus eleves de l'Europe[6]. Le general et sa suite ayant penetre dans l'interieur de la pyramide, ont trouve d'abord un canal de cent pieds de long et de trois pieds de large, qui les a conduits, par une pente rapide, vers les vallees qui servaient de tombeau au Pharaon qui erigea ce monument. Un second canal fort degrade, et remontant vers le sommet de la pyramide, les a menes successivement sur deux plates-formes, et de la, a une galerie voutee, de la longueur de cent dix-huit pieds, aboutissant au vestibule du tombeau. C'est une vallee voutee, d'environ dix-sept pieds de long sur quinze de large, dans un des murs de laquelle on remarque la place d'une momie que l'on croit avoir ete l'epouse du Pharaon. On voit dans cette vallee la trace des fouilles faites avec violence par les ordres d'un calife arabe, qui fit ouvrir la pyramide, et qui croyait que ces lieux recelaient un tresor. L'effet des memes tentatives se remarqua dans une seconde salle, perpendiculaire a la premiere, et plus haute de cent pieds, ou l'on croit qu'etait le corps du Pharaon. Cette derniere salle, a laquelle le general en chef est enfin parvenu, est a voute plate, et longue de trente-deux pieds sur seize de large et dix-neuf de haut. On ignore ce que les Arabes spoliateurs decouvrirent dans ce sanctuaire de la pyramide; le general n'y a trouve qu'une caisse de granit, d'environ huit pieds de long sur quatre d'epaisseur, qui renfermait sans doute la momie d'un Pharaon. Il s'est assis sur le bloc de granit, a fait asseoir a ses cotes les muphtis et imans, Suleiman, Ibrahim et Muhamed, et il a eu avec eux, en presence de sa suite, la conversation suivante: _Bonaparte._ Dieu est grand et ses oeuvres sont merveilleuses. Voici un grand ouvrage de main d'hommes! Quel etait le but de celui qui fit construire cette pyramide? _Suleiman._ C'etait un puissant roi d'Egypte, dont on croit que le nom etait Cheaps. Il voulait empecher que des sacrileges ne vinssent troubler le repos de sa cendre. _B._ Le grand Cyrus se fit enterrer en plein air, pour que son corps retournat aux elemens. Penses-tu qu'il ne fit pas mieux? le penses-tu? _S._ (s'inclinant): Gloire a Dieu, a qui toute gloire est due. _B._ Honneur a Allah! Quel est le calife qui a fait ouvrir cette pyramide et troubler la cendre des morts? _Muhamed._ On croit que c'est le commandeur des croyans Mahmoud, qui regnait il y a plusieurs siecles a Bagdad; d'autres disent le renomme Aaroun-Al-Raschid (Dieu lui fasse paix!) qui croyait y trouver des tresors; mais quand on fut entre par ses ordres dans cette salle, la tradition porte qu'on n'y trouva que des momies, et sur le mur cette inscription en lettres d'or: _l'impie commettra l'iniquite sans fruit, mais non sans remords._ _B._ Le pain derobe par le mechant remplit sa bouche de gravier. _M._ (s'inclinant): C'est le propos de la sagesse. _B._ Gloire a Allah. Il n'y a point d'autre Dieu que Dieu; Mohamed est son prophete, et je suis de ses amis. _S._ Salut de paix sur l'envoye de Dieu. Salut aussi sur toi, invincible general, favori de Mohamed. _B._ Muphti, je te remercie. Le divin Coran fait les delices de mon esprit et l'attention de mes yeux. J'aime le Prophete et je compte, avant qu'il soit peu, aller voir et honorer son tombeau dans la ville sacree; mais ma mission est auparavant d'exterminer les mameloucks. _Ibrahim._ Que les anges de la victoire balayent la poussiere sur ton chemin et te couvrent de leurs ailes. Le mamelouck a merite la mort. _B._ Il a ete frappe et livre aux anges noirs Moukir et Quarkir. Dieu, de qui tout depend, a ordonne que sa domination fut detruite. _S._ Il etendit la main de la rapine sur les terres, les moissons, les chevaux de l'Egypte. _B._ Et sur les esclaves les plus belles, tres-saint muphti. Allah a desseche sa main. Si l'Egypte est sa ferme, qu'il montre le bail que Dieu lui a fait; mais Dieu est juste et misericordieux pour le peuple. _Ib._ O le plus vaillant entre les serviteurs d'Issa[7], Allah t'a fait suivre de l'ange exterminateur pour delivrer sa terre d'Egypte. _B._ Cette terre etait livree a vingt-quatre oppresseurs rebelles au grand sultan notre allie (que Dieu l'entoure de gloire), et a dix mille esclaves venus du Caucase et de la Georgie. Adriel, ange de la mort, a souffle sur eux; nous sommes venus, et ils ont disparu. _M._ Noble successeur de Scander[8], honneur a tes armes invincibles et a la foudre inattendue qui sort du milieu de tes guerriers a cheval[8]. _B._ Crois-tu que cette foudre soit une oeuvre des enfans des hommes? le crois-tu? Allah l'a fait mettre en mes mains par le genie de la guerre._ _Ib._ Nous reconnaissons a tes oeuvres, Allah qui t'envoie. Serais-tu vainqueur si Allah ne l'avait permis? Le Delta et tous les pays voisins retentissent de tes miracles. _B._ Un char celeste montera par mes ordres jusqu'au sejour des nuees[10] et la foudre descendra vers la terre le long d'un fil de metal[11] des que je l'aurai commande. _S._ Et le grand serpent sorti du pied de la colonne de Pompee, le jour de ton entree triomphale a Scanderieh[12], et qui est reste desseche sur le socle de la colonne, n'est-ce pas encore un prodige opere par ta main? _B._ Lumiere des fideles, vous etes destines a voir, encore de plus grandes merveilles; car les jours de la regeneration sont venus. _Ib._ La divine unite te regarde d'un oeil de predilection, adorateur d'Issa, et te rend le soutien des enfans du prophete. _B._ Mohamed n'a-t-il pas dit: tout homme qui adore Dieu et qui fait de bonnes oeuvres, quelle que soit sa religion, sera sauve? _Suleiman, Muhamed, Ibrahim_ (ensemble en s'inclinant): Il l'a dit. _B._ Et si j'ai tempere par ordre d'en haut l'orgueil du vicaire d'Issa, en diminuant ses possessions terrestres pour lui amasser des tresors celestes, dites, n'etait-ce pas pour rendre gloire a Dieu, dont la misericorde est infinie? _M._ (d'un air interdit): Le muphti de Rome etait riche et puissant; mais nous ne sommes que de pauvres muphtis. _B._ Je le sais: soyez sans crainte; vous avez ete peses dans la balance de Balthazar et vous avez ete trouves legers. Cette pyramide ne renfermait donc aucun tresor qui vous fut connu? _S._ (ses mains sur l'estomac): Aucun, seigneur; nous le jurons par la cite sainte de la Mecque. _B._ Malheur, et trois fois malheur a ceux qui recherchent les richesses perissables, et qui convoitent l'or et l'argent, semblables a la Loue! _S._ Tu as epargne le vicaire d'Issa et tu l'as traite avec clemence et bonte. _B._ C'est un vieillard que j'honore (que Dieu accomplisse ses desirs quand ils seront regles par la raison et la verite); mais il a tort de condamner au feu eternel tous les Musulmans, et Allah defend a tous l'intolerance. _Ib._ Gloire a Allah et a son prophete qui t'a envoye au milieu de nous pour rechauffer la foi des faibles et rouvrir aux fideles les portes du septieme ciel. _B._ Vous l'avez dit, tres-zeles muphtis, soyez fideles a Allah, le souverain maitre des sept d'eux merveilleux, a Mohamed son vizir, qui parcourut tous ces cieux dans une nuit. Soyez amis des Francs, et Allah, Mohamed et les Francs vous recompenseront. _Ib._ Que le prophete lui-meme te fasse asseoir a sa gauche le jour de la resurrection, apres le troisieme sou de la trompette. _B._ Que celui-la ecoute, qui a des oreilles pour entendre. L'heure de la resurrection politique est arrivee pour tous les peuples qui gemissaient dans l'oppression. Muphtis, imans, mullahs, derviches, kalenders, instruisez le peuple d'Egypte. Encouragez-le a se joindre a nous pour achever d'aneantir les beys et les mameloucks. Favorisez le commerce des Francs dans vos contrees, et leurs entreprises pour parvenir d'ici a l'ancien pays de Brama. Offrez-leur des entrepots dans vos ports, et eloignez de vous les insulaires d'Albion, maudite entre les enfans d'Issa; telle est la volonte de Mohamed. Les tresors, l'industrie et l'amitie des Francs seront votre partage, en attendant que vous montiez au septieme ciel, et qu'assis aux cotes des houris aux yeux noirs, toujours jeunes et toujours pucelles, vous vous reposiez a l'ombre du laba, dont les branches offriront d'elles-memes aux vrais Musulmans tout ce qu'ils pourront desirer. _S._ (s'inclinant): Tu as parle comme le plus docte des mullahs. Nous ajoutons foi a tes paroles, nous servirons ta cause, et Dieu nous entend. _B._ Dieu est grand et ses oeuvres sont merveilleuses. Salut de paix sur vous, tres-saints muphtis! Le general est alors ressorti, avec sa suite, de la pyramide de Cheaps, et il est retourne au Caire, laissant les autres membres de l'institut national occupes a terminer leurs Observations. [Footnote 5: Ce morceau a ete publie dans le no. LXVII du Moniteur, le 7 frimaire an VII (27 novembre 1798). Quoique son authenticite ait ete discutee, nous n'avons pas cru devoir omettre une piece aussi curieuse et qui donne une si juste idee du caractere de Bonaparte et des moyens qu'il employait avec tant d'habilete pour rapper l'imagination deja si irritable des habitans de l'Egypte.] [Footnote 6: Cette assertion n'est pas exacte. La fleche de Strasbourg, qui est le monument le plus eleve de l'Europe, a quatre cent vingt-huit pieds quatre pouces, on a peu pres cent trente-huit metres de hauteur, y compris la croix. Saint-Pierre de Rome, au-dessus de la croix, a quatre cent vingt-un pieds d'elevation, ou a peu pres cent trente-six metres. On voit donc qu'il n'y a que dix-sept metres de difference entre la pyramide de Cheaps et la fleche de Strasbourg. Voyez a ce sujet les mesures des principaux edifices de l'Europe, consignees dans le _Voyage d'Italie_, par Lalande; edition de 1769, tome IV, pages 62 et suivantes.] [Footnote 7: Jesus-Christ.] [Footnote 8: Alexandre.] [Footnote 9: L'artillerie volante, qui a beaucoup etonne les mameloucks.] [Footnote 10: Les aerostats, inconnus en Egypte.] [Footnote 11: Les phenomenes de l'electricite, les paratonnerres.] [Footnote 12: Alexandrie.] Le 25 thermidor an 6 (12 aout 1798). _Au general Leclerc._ Je vous prie, citoyen general, de vouloir bien temoigner aux septieme de hussards, vingt-deuxieme de chasseurs, troisieme et cinquieme de dragons ma satisfaction de la conduite qu'ils ont tenue dans la charge glorieuse qu'ils ont faite sur l'arriere-garde des mameloucks[13], auxquels ils ont tue et blesse beaucoup de monde, entre autres le chef Aly-Bey, et pris deux pieces de canon. Je donne l'ordre a l'etat-major pour qu'on fasse reconnaitre comme chef de brigade le citoyen d'Estrees, comme chef d'escadron le capitaine Renaud, comme capitaine le citoyen Leclerc, lieutenant du septieme de hussards, et comme lieutenant le sous-lieutenant des guides, Dallemagne. Je vous prie de me faire passer dans la journee la liste des officiers et des soldats des quatre corps qui se sont distingues et qui meritent un avancement particulier. BONAPARTE. [Footnote 13: Il est question du combat de Salchich.] Le 25 thermidor an 6 (12 aout 1798). _Au citoyen Leturq._ Le general Leclerc m'a rendu compte, citoyen, de la bravoure que vous avez montree et de la conduite que vous avez tenue dans la journee d'hier. Vous vous etes souvent distingue dans la campagne d'Italie, et je vous donnerai incessamment l'avancement que vous meritez. BONAPARTE. Le 25 thermidor an 6 (12 aout 1798). _A la commission de commerce._ Je vous autorise, citoyens, a conclure definitivement et a signer les arrangemens que vous ferez avec les differentes femmes des beys et des autres mameloucks pour le rachat de leurs effets: vous delivrerez des sauf-conduits a celles qui consentiront a un accommodement. BONAPARTE. Le 26 thermidor an 6 (13 aout 1798). _Au general du genie._ Mon intention est, citoyen general, de reunir a Salehieh des magasins de bouche et de guerre suffisans pour pourvoir aux besoins d'une armee de trois cent mille hommes pendant un mois. Vous sentez qu'il est indispensable que des magasins aussi precieux soient contenus dans une forteresse qui les mette a l'abri d'etre enleves par une attaque de vive force, et qui fasse que les sept ou huit cents hommes de garnison obligent l'ennemi a un siege d'autant plus penible, qu'il ne peut charrier son artillerie qu'apres un passage de neuf jours dans le desert. Une fois cette forteresse construite, on pourra, si on le juge necessaire, y appuyer un camp retranche, soit pour tenir pendant long-temps les corps de l'ennemi eloignes, soit pour pouvoir proteger un corps d'armee inferieur, mais trop considerable pour y tenir garnison. Il serait essentiel que vous dirigeassiez vos travaux de maniere a ce que, d'ici a quatre ou cinq decades, cette forteresse eut deja l'avantage d'un fort poste de campagne, et qu'avec une garnison plus nombreuse que celle que l'on sera oblige d'y tenir, lorsqu'elle sera achevee, les magasins pussent deja etre a l'abri d'une attaque de vive force. Vous laisserez a Salehieh assez d'ingenieurs pour confectionner lesdits travaux avec promptitude, et pour pouvoir suffire aux reconnaissances qui serviront a determiner la position precise de Salehieh par rapport a la mer, a Mansoura, a Damiette, a l'inondation du Nil, et aux canaux du Nil qui peuvent porter bateau. Vous trouverez l'ordre que j'envoie au payeur du quartier-general qui est a Salehieh, de verser 10,000 fr. a la disposition de l'officier superieur du genie que vous laisserez a Salehieh pour le commencement desdits travaux. BONAPARTE. Le 26 thermidor an 6 (13 aout 1798). _Au general de l'artillerie._ Mon intention, citoyen general, est d'etablir une forteresse a Salehieh qui puisse mettre a l'abri de toute insulte les magasins de bouche et de guerre que j'ai l'intention d'y reunir: vous vous concerterez avec le general du genie pour tous les etablissemens d'artillerie, independamment des magasins necessaires a l'approvisionnement pour trois ou quatre pieces de campagne et cinq ou six cent mille cartouches. Je vous envoie une ordonnance de 2,000 fr. que vous laisserez a la disposition de l'officier d'artillerie que vous chargerez dudit etablissement, pour commencer a travailler de suite. BONAPARTE. Le 16 thermidor an 6 (13 aout 1798). _Au general Reynier._ Mon intention est, citoyen general, que le genie et l'artillerie travaillent a la construction d'une forteresse qui mette les magasins que j'ai l'intention de reunir a Salehieh a l'abri d'une attaque de vive force, et dans le cas d'etre gardes par moins de mille hommes. Jusqu'alors vous sentez qu'il est indispensable que vous occupiez en force le point designe, et que vous envoyiez des espions en Syrie pour vous tenir au fait de tous les mouvemens que l'on pourrait faire de ce cote-la. Vous vous mettrez en correspondance suivie avec Damiette, qui est plus a meme d'en recevoir par mer, et vous reconnaitrez bien la position de Salehieh par rapport a la mer et aux differens canaux du Nil. Le general Dugua, avec sa division, va a Mansoura, et le general Vial va a Damiette. Quand vous aurez reconnu la route qui de la mer conduit a Salehieh, on pourra ordonner a une fregate et a un ou plusieurs avisos de se tenir toujours a portee de ce point, et l'on pourra par la vous faire passer du vin, du canon, des outils, que nous avons a Alexandrie, ainsi que les bagages de votre division. Vous repandrez, soit dans votre province, soit en Syrie, le plus de mes proclamations que vous pourrez, et vous prendrez des mesures pour que tous les voyageurs qui arrivent de Syrie vous soient amenes, afin que vous puissiez les interroger. Independamment de ces fonctions militaires, vous en aurez encore d'administratives a remplir, en organisant la province de Salehieh dont le chef-lieu est a Belbeis. Il faut commencer par vous mettre en correspondance avec toutes les tribus arabes, afin de connaitre les camps qu'ils occupent, les champs qu'ils cultivent, et des lors le mal que vous pourrez leur faire lorsqu'ils desobeiront a vos ordres. Cela fait, il faudra remplir deux buts: le premier de leur oter le plus de chevaux possible; le second de les desarmer. Vous ne leur laisserez entrevoir l'intention de leur oter leurs chevaux que peu a peu, en en demandant d'abord une certaine quantite pour remonter notre cavalerie, et, cela obtenu, il sera possible de prendre d'autres mesures; mais auparavant il faut que vous vous occupiez de connaitre les interets qui les lient a nous; ce qui seul vous fera connaitre les menaces et le mal que vous pouvez leur faire. Je vous envoie une ordonnance de 2,000 fr. pour pouvoir subvenir aux depenses extraordinaires d'espions a envoyer en Syrie. BONAPARTE. Le 28 thermidor an 6 (15 aout 1798). _Au general Dupuy._ Vous voudrez bien, citoyen general, prendre de nouvelles precautions pour vous assurer que Coraim ne vous echappera pas: apres quoi vous lui ferez subir un interrogatoire, dans lequel vous lui demanderez qu'il reponde positivement: 1 deg.. a-t-il ecrit a Mourad-Bey depuis qu'il nous a jure fidelite? 2 deg.. a quels mameloucks a-t-il ecrit depuis qu'il nous a jure fidelite? 3 deg.. quelle espece de correspondance a-t-il eue avec les Arabes de Bahire? BONAPARTE. Le 28 thermidor an 6 (15 aout 1798). _Au general Dupuy._ Je vous prie, citoyen general, de me faire connaitre ce qu'a produit le desarmement. Je desirerais egalement connaitre les mesures efficaces que vous pensez qu'on pourrait prendre pour se procurer des chevaux: vous pourrez faire prendre tous les chevaux, armes et chameaux qui pourraient se trouver dans les maisons des femmes avec lesquelles nous avons traite. Ces trois objets sont objets de guerre. BONAPARTE. Le 28 thermidor an 6 (15 aout 1798). _Au general Ganteaume._ Le tableau de la situation dans laquelle vous vous etes trouve, citoyen general, est horrible. Quand vous n'avez point peri dans cette circonstance, c'est que le sort vous destine a venger un jour notre marine et nos amis; recevez-en mes felicitations: c'est le seul sentiment agreable que j'aie eprouve depuis avant-hier. J'ai recu, a mon avant-garde, a trente lieues du Caire, votre rapport, qui m'a ete apporte par l'aide-de-camp du general Kleber. BONAPARTE. Le 28 thermidor an 6 (15 aout 1798). _Au contre-amiral Ganteaume._ Vous prendrez, citoyen general, le commandement de tout ce qui reste de notre marine, et vous vous concerterez avec l'ordonnateur Leroy pour l'armement et l'approvisionnement des fregates _l'Alceste_, _la Junon_, _la Carrere_, _la Muiron_, les vaisseaux _le Dubois_ et _le Causse_, et toutes les autres fregates, bricks ou avisos qui nous restent. Vous nommerez tous les commandans; vous ferez tout ce qu'il vous sera possible pour retirer de la rade d'Aboukir les debris qui peuvent y rester. Vous ferez partir de suite sur un aviso, pour Corfou et de la pour Ancolie, les depeches que porte le courrier que j'ai expedie il y a quinze jours du Caire, et que l'on m'assure etre encore a Rosette. Vous adresserez au ministre de la marine une relation de l'affaire, telle qu'elle a eu lieu. Je brule du desir de conferer avec vous; mais, avant de vous donner l'ordre de venir au Caire, j'attendrai quelques jours, mon intention etant, s'il est possible, de me porter moi-meme a Alexandrie. Envoyez-moi l'etat des officiers, des matelots et des batimens qui nous restent. Vous sentez qu'il est essentiel que vous fassiez prevenir de suite Malte et Corfou de ce qu'aura fait le general Villeneuve, afin que ces iles se tiennent en surveillance et a l'abri d'une surprise. Je pense bien qu'a l'heure qu'il est, les Anglais se seront retires avec leur proie. BONAPARTE. Le 28 thermidor an 6 (15 aout 1798) _Au citoyen Leroy,_ Je vous envoie par une chaloupe canonniere 100,000 fr. pour servir aux travaux les plus pressans de la marine. Il est indispensable que vous vous concertiez avec le contre-amiral Ganteaume pour armer en guerre _le Dubois_, le _Causse_, _la Carrere_, _la Muiron_; il faudra doubler en cuivre les deux dernieres, qui doivent avoir le doublage. Le contre-amiral Ganteaume nommera au commandement de ces differens batimens. Vous ne devez pas etre embarrasse d'en organiser les equipages avec les debris de l'escadre. J'imagine que _l'Alceste_ n'a besoin de rien. Vous aurez deja sans doute fait travailler a _la Junon_. Des l'instant que vous aurez des nouvelles de la route qu'aura tenue le contre-amiral Villeneuve, vous me la ferez connaitre. Envoyez-moi aussi l'etat de tous les batimens et de tous les matelots echappes, soit de l'escadre, soit des convois qui se trouvent a Rosette. Independamment des sommes que le general Kleber vous fera remettre des contributions d'Alexandrie et de celles qui nous reviendront de la contribution frappee a Damiette, je vous ferai toucher toutes les decades 100,000 fr. Il est arrive a Rosette cinquante djermes chargees de bles et de legumes, que, des mon arrivee au Caire, j'avais envoyees a l'amiral Brueys pour approvisionner l'escadre; je donne ordre au general Menou de les tenir a votre disposition, et de faire tout ce qu'il pourra pour les faire passer a Alexandrie. Faites de votre cote tout ce qui sera possible pour favoriser ce passage, afin que vous ayez a Alexandrie les approvisionnemens necessaires pour cette grande quantite d'hommes. BONAPARTE. Le 18 thermidor an 6 (15 aout 1798). _Au general Kleber._ Vous devez sans doute, a l'heure qu'il est, avoir recu la reponse a toutes vos lettres, et vous aurez vu mon aide-de-camp Julien, qui est parti d'ici, il y a douze jours. J'ai appris la journee du 14, avant-hier 26, par votre aide-de-camp, qui m'a trouve a Salehieh, a trente-trois lieues du Caire. Je n'ai pas perdu un instant a m'y rendre. Je vous ai ecrit souvent, et comme la plupart de vos lettres me sont parvenues toutes a la fois, j'espere qu'il en aura ete de meme des miennes. J'ai envoye l'adjudant-general Brives a Rahmanieh avec un bataillon. Vous devez avoir recu une grande quantite de monde aujourd'hui a Alexandrie. J'envoie 100,000 fr. a l'ordonnateur Leroy pour les premiers besoins de l'armement. J'ordonne que l'on vous fasse passer de Rosette tous les vivres que l'on y avait envoyes pour l'approvisionnement de l'escadre. Apres cinq ou six marches, nous avons pousse Ibrahim-Bey dans les deserts de Syrie; nous avons degage une partie de la caravane qu'il avait retenue, et lui-meme avec tous ses tresors et ses femmes a failli tomber en notre pouvoir. Il nous reste encore a detruire Mourad-Bey, qui occupe la Haute-Egypte, et a soumettre l'interieur du Delta, ou plusieurs partisans des beys se trouvent encore les armes a la main. L'argent est extremement rare dans ce pays, et j'ai ordonne a l'ordonnateur Leroy et au contre-amiral Ganteaume de pousser le plus vivement qu'ils pourront l'armement des vaisseaux _le Dubois_ et _le Causse_, et celui des avisos, bricks ou fregates qui nous restent encore. L'adjudant-general Brives et sa colonne sont a vos ordres: si les Anglais laissent des forces dans ces parages et interceptent nos communications avec Rosette, il devient indispensable d'occuper les villages d'Aboukir en force, afin que vous puissiez communiquer avec Rosette par terre. Le general Manscourt se rend a Alexandrie: c'est un general d'artillerie qui pourra vous servir pour l'armement de la cote; il pourra d'ailleurs prendre des renseignemens sur le pays, pour vous remplacer lorsque les circonstances permettront que vous nous rejoigniez. Je ferai filer des troupes des l'instant que cela sera possible, du cote de Rosette, pour pouvoir vous seconder; mais vous devez, d'ici a plusieurs jours, ne pas y compter: ainsi tirez parti de vos propres forces. Je n'ai point recu de vos lettres depuis celles que m'a remises votre aide-de-camp: ainsi j'ignore jusqu'a quel point les Anglais ont ete maltraites, et quelle est la quantite de troupes et d'equipages qui s'est refugiee a Alexandrie. J'ai ecrit a Ganteaume d'instruire Malte et Corfou de tous les details de cette affaire, afin que ces iles restent en surveillance. L'on m'apprend que le courrier que j'ai expedie d'ici, il y a quinze jours, est encore a Rosette. J'ai ecrit au contre-amiral de l'expedier le plus tot possible pour Corfou, d'ou il passera en Italie. Coraim est arrive ici; je l'ai fait enfermer. Vous ne devez pas avoir eu de difficulte a avoir les 300,000 fr auxquels j'ai impose Alexandrie; il faudra cependant soustraire de cette somme 100,000 fr. que vous avez deja touches. Les choses dans ce pays ne sont pas encore assises, et chaque jour y porte une amelioration considerable. Je suis fonde a penser que, quelques jours encore, nous commencerons a etre maitres du pays. L'expedition que nous avons entreprise exige du courage de plus d'un genre. Le general de brigade Vial occupe Damiette. BONAPARTE. Au Caire, le 28 thermidor an 6 (15 aout 1798). _Au general Menou._ Vous ferez partir, citoyen general, pour Alexandrie tous les bles et autres approvisionnemens qui etaient charges sur les djermes, et qui etaient destines pour l'escadre. Vous devez avoir recu plusieurs de mes lettres par mon aide-de-camp Jullien, qui est parti d'ici il y a quinze jours. Dans une, je vous disais de percevoir une contribution de 100,000 fr. sur le commerce de Rosette, pour subvenir a nos besoins. La djerme de poste vient d'arriver et ne porte aucune de vos lettres: veillez, je vous prie, a ce qu'aucun courrier ne parte de Rosette sans aller vous demander vos ordres, et qu'il y ait toujours un billet de vous ou d'un officier de votre etat-major. L'aide-de-camp du general Kleber ne m'a appris que le 26, a Salehieh, ou je me trouvais, la nouvelle de la journee du 14. Je ne fais que d'arriver au Caire; j'espere cette nuit recevoir de vos lettres qui m'instruisent de la perte reelle des Anglais. BONAPARTE. Au Caire, le 28 thermidor an 6 (15 aout 1798). _Au contre-amiral Ganteaume._ Je vous previens, citoyen general, que j'ai donne ordre de vous envoyer 15,000 fr., qui sont partis aujourd'hui dans la meme caisse que les 100,000 fr. de l'ordonnateur Leroy. Vous vous servirez de ces 15,000 fr. pour distribuer aux officiers de l'armee navale qui auraient le plus de besoins. Vous garderez 3,000 fr. pour vos besoins particuliers. BONAPARTE. Au Caire, le 28 thermidor an 6 (15 aout 1798). _Au general Menou._ Je donne ordre au payeur de vous envoyer 15,000 fr. pour distribuer aux individus de l'escadre qui auraient le plus de besoins et qui se seraient refugies a Rosette, et pour activer l'arrivee au Caire de tous les objets necessaires a l'armee, et a Alexandrie, de tous les objets necessaires a son approvisionnement. BONAPARTE. Au Caire, le 29 thermidor an 6 (16 aout 1798). _Au general Zayonscheck._ J'ai recu, citoyen general, a mon retour de Salehieh, votre lettre. J'espere qu'apres les avantages que nous avons remportes sur Ibrahim-Bey, que nous avons pousse a plus de quarante lieues, et oblige de passer le desert de Syrie, apres l'avoir blesse et apres avoir tue Aly-Bey, les habitans de votre province deviendront plus traitables. Le general Dugua, qui doit etre arrive a Mansoura, se rendra lui-meme a Mehal-el-Kebir, pour soumettre la province de Garbie. Le general Fugieres s'y rendra des l'instant qu'il saura que le general Dugua est en marche; cela necessitera quelques jours encore sa presence a Menouf. Je n'ai pas vu avec plaisir la maniere avec laquelle vous vous etes conduit envers le Cophte: mon intention est qu'on menage ces gens-la et qu'on ait des egards pour eux. Prononcez les sujets de plainte que vous avez contre lui, je le ferai remplacer. Je n'approuve pas non plus que vous ayez fait arreter le divan sans avoir approfondi s'il etait coupable ou non; il a fallu le relacher douze heures apres: ce n'est pas le moyen de se concilier un parti. Etudiez les peuples chez lesquels vous etes, distinguez ceux qui sont les plus susceptibles d'etre employes; faites quelquefois des exemples justes et severes, mais jamais rien qui approche du caprice et de la legerete. Je sens que votre position est souvent embarrassante, et je suis plein de confiance dans votre bonne volonte et votre connaissance du coeur humain; croyez que je vous rends la justice qui vous est due. BONAPARTE. Au Caire, le 29 thermidor an 6 (16 aout 1798). _Au general Rampon._ Je vous envoie, citoyen general, des souliers et du biscuit; on vous a envoye des cartouches. Le general Desaix, avec sa division, s'embarque dans la nuit de demain pour se rendre a Benecouef: par-la vous vous trouverez couvert, et reprendrez sans inconvenient la position d'Alfieli, et punirez le scheick de la conduite perfide qu'il a tenue. Je connais trop l'esprit qui anime les trois bataillons que vous commandez, pour douter qu'ils ne fussent faches que je donnasse a d'autres le soin de les venger de la trahison infame des habitans d'Alfieli. BONAPARTE. Au Caire, le 30 thermidor an 6 (17 aout 1798) _Au general Chabot._ Je recois, citoyen general, votre lettre du 25 messidor: j'y vois que _le Fortunatus_ est arrive avec deux batimens charges de bois; je vous prie de continuer a nous en envoyer. Le contre-amiral Villeneuve, avec une partie de l'escadre, est arrive a Corfou. Je ne doute pas que vous ne lui accordiez tous les secours et approvisionnemens qu'il doit attendre. Dans ce cas, felicitez-le, de ma part, sur le service qu'il a rendu dans cette circonstance, en conservant a la republique un aussi bon officier et d'aussi bons batimens. Vous lui direz que je desire qu'il fasse armer le plus tot possible le batiment de guerre qui est a Corfou, et qu'il envoie l'ordre a Ancone pour que les trois batimens de guerre et les fregates qui y sont, se rendent egalement a Corfou, afin de pouvoir ainsi commencer a reorganiser une escadre. Nous faisons armer les vaisseaux et les fregates qui se trouvent dans le port d'Alexandrie. Plusieurs vaisseaux de guerre et fregates, partis de Toulon, vont arriver a Malte, ou il y a egalement quelques vaisseaux de guerre et fregates: mon intention est de reunir tous ces vaisseaux a Corfou. Ecrivez de ma part au general Brune, pour qu'il fasse mettre, sur nos vaisseaux d'Ancone, de bonnes garnisons de troupes, et mettez-en vous-meme sur ceux qu'a amenes le contre-amiral Villeneuve. Je ne lui ecris pas a lui-meme, parce que je ne suis pas assure qu'il se trouve a Corfou; mais s'il s'y trouve, cette lettre lui sera commune. Tout ici va parfaitement bien, et commence meme a s'organiser: notre conquete se consolide tous les jours. Faites-moi connaitre, le plus souvent que vous pourrez, ce qui se passe en Turquie, et surtout du cote de Passwan-Oglou. En general, quand vous m'ecrirez, envoyez-moi les journaux que vous aurez, et une note de ce que vous aurez appris, car ici nous sommes tres-souvent sans nouvelles de France. J'ai vu avec plaisir que les choses vont bien dans votre division. Les troupes qui vous sont arrivees, sont un renfort bien precieux dans ce moment-ci. Faites faire la plus grande quantite de biscuit que vous pourrez; je vous enverrai des bles le plus tot qu'il me sera possible; d'ailleurs, je vois par votre etat de situation, que vous en avez sept cents quintaux, en approvisionnement de siege. BONAPARTE. Au Caire, le 1er fructidor an 6 (18 aout 1798). _Au general Marmont._ Vous vous rendrez, citoyen general, le plus tot possible a Rosette. En passant a Rahmanieh, vous vous aboucherez avec l'adjudant-general Brives, afin d'avoir des nouvelles, soit d'Alexandrie, soit de la province de Damanhour. Si l'expedition que j'ai ordonnee sur le Damanhour n'avait pas reussi, vous debarqueriez a Rahmanieh, et vous prendriez le commandement de toutes les colonnes mobiles; vous dissiperiez les attroupemens de toute la province de Damanhour, et puniriez les habitans de cette ville pour la maniere dont ils se sont conduits avec le general Dumuy. Si, comme je dois le presumer, il n'y a rien de nouveau a Rahmanieh, et que l'adjudant-general Brives soit a Damanhour ou a Rahmanieh, vous lui donnerez de vos nouvelles en l'instruisant que le but de votre mission est d'entretenir la communication du canal de Rahmanieh a Alexandrie, afin que les eaux y coulent; ainsi que la communication de Rosette a Alexandrie. Arrive a Rosette, votre premier soin sera de visiter la barre du Nil, et de vous assurer si l'on y a place les batteries et chaloupes necessaires pour le mettre a l'abri des corsaires et chaloupes anglaises. Vous vous trouverez sous les ordres du general Menou pour les operations qu'il jugera a propos de faire, soit pour la surete de la ville, soit pour celle des villages environnans: de la vous vous rendrez a Aboukir; vous verrez s'il y a quelque chose a faire pour perfectionner les retranchemens du fort, et rendre plus commode la rade d'Aboukir a Rosette. De la vous vous rendrez a Alexandrie; vous vous trouverez sous les ordres du general Kleber, pendant votre sejour dans cette ville, soit pour les mesures qu'il voudrait prendre dans la ville, soit pour quelque operation contre les Arabes, soit pour quelque operation le long du canal qui va a Rahmanieh. Mon intention est que, de retour a Aboukir et a Rosette, vous restiez dans cette derniere ville, jusqu'a ce que l'escadre anglaise ait disparu, et que la communication par mer soit a peu pres retablie. Ainsi, le but de votre operation est de former une colonne mobile propre a observer les mouvemens de l'escadre anglaise, et a assurer la bouche du Nil de la branche de Rosette, d'empecher toute communication entre les Anglais et les Arabes par Aboukir, de rendre facile la communication de Rosette a Aboukir, d'offrir une reserve pour dissiper les rassemblemens qui se formeraient dans la province de Rahmanieh, de punir la ville de Damanhour, et enfin de proteger l'ecoulement des eaux le long du canal, le seul qui procure de l'eau a Alexandrie. Vous m'enverrez, de Rahmanieh, un memoire sur le temps ou les eaux entrent dans ce canal, sur les obstacles que les Arabes pourraient mettre a l'ecoulement des eaux, et sur la situation de la province de Rahmanieh. J'ai deja ordonne plusieurs fois que tous les magasins qui se trouvent a Rahmanieh filassent sur Rosette et sur Alexandrie. Vous me ferez connaitre specialement si le canal qui va de Rahmanieh a Alexandrie peut porter des djermes. Je vous ordonne, a votre retour a Alexandrie, de rester a Rosette de preference, afin que, si cela etait necessaire, vous pussiez vous porter entre les deux branches du Nil, et vous opposer aux incursions que pourraient faire les Anglais pour tenter de s'approvisionner de Rosette, d'Aboukir et d'Alexandrie. Vous m'ecrirez, dans le plus grand detail, pour me faire connaitre la situation des Anglais, et la maniere dont notre escadre s'est comportee dans le combat. En parlant, soit aux generaux, soit aux marins, soit aux soldats, vous aurez soin de dire et de faire tout ce qui peut encourager. Ayez soin surtout de voir et de conferer avec le contre-amiral Ganteaume, et vous me ferez connaitre ce qu'il pense que feront les Anglais, ce qu'il pense qu'a fait Villeneuve, ce qu'il pense de la conduite de notre escadre et de celle des Anglais. Temoignez-lui l'estime que j'ai pour lui et le plaisir que j'ai eu a apprendre qu'il etait sauve. Vous direz a Brives de faire entrer le plus de vivres qu'il pourra a Damanhour et a Rosette, en y envoyant soit du ble, soit de la viande. Je m'en rapporte a votre zele et a vos talens pour la conduite que vous tiendrez. BONAPARTE. Au Caire, le 1er. fructidor an 6 (18 aout 1798). _Au general Perree._ Vous partirez, citoyen general, cette nuit, avec deux batimens armes, et la quantite de djermes necessaires pour porter la colonne du general Marmont. Arrive a Rosette, vous me rendrez compte si les batteries que l'on y a etablies, sont suffisantes pour empecher les avisos et chaloupes anglaises de venir nous troubler. Vous prendrez, des officiers et matelots qui sont a Rosette, tous les details sur le combat de l'escadre, et vous me les ferez connaitre; vous irez a Aboukir avec le general Marmont, afin de prendre une connaissance exacte sur la position qu'occupe l'escadre anglaise, des vaisseaux qui sont brules, de ceux qui restent, et enfin de tout ce qu'ils ont fait ou de ce qu'ils ont l'air de faire. Vous ferez partir de Rosette _la Cisalpine_, que vous enverrez en Italie porter un de mes courriers. Vous direz au capitaine, que s'il me rapporte la reponse de Paris a ce courrier, je lui donnerai mille louis. Vous lui tracerez une instruction sur le chemin qu'il doit tenir. Vous resterez, jusqu'a nouvel ordre, a Rosette, afin de faciliter autant qu'il sera possible la communication par mer d'Alexandrie a Rosette, celle de Rosette au Caire, et de me faire parvenir promptement les nouvelles interessantes qu'il pourrait y avoir. BONAPARTE. Au Caire, le 1er fructidor an 6 (18 aout 1798). _Au general Menait._ Ce soir, le general de brigade Marmont, avec la quatrieme demi-brigade, part pour se rendre a Rosette et y observer les mouvemens des Anglais. Le contre-amiral Perree se rend a Rosette avec deux avisos; j'espere que des l'instant que le general Marmont sera arrive a Rosette, on pourra empecher les Anglais d'avoir aucune communication avec les Arabes. J'ai appris, par voie indirecte, qu'un de mes derniers courriers avait ete arrete par les Anglais, et qu'il n'avait pas eu l'esprit de jeter ses paquets a la mer. J'ai appris egalement indirectement que deux cents hommes etaient arrives d'Alexandrie a Rosette, J'en vous veux un peu de mal de ce que ce n'est pas vous ou votre etat-major qui m'ayez fait part de ces nouvelles. Vous sentez combien, dans ces circonstances, les moindres choses sont essentielles. L'adjudant-general Jullien et l'aide-de-camp du general Kleber, avec une caisse de 130,000 fr., dont la majeure partie est destinee pour le citoyen Leroy, ordonnateur de la marine, sont partis avant-hier, sur un aviso; ils doivent etre arrives a l'heure qu'il est. Ecrivez-moi, je vous prie, citoyen general, souvent et longuement; faites passer a Alexandrie la plus grande quantite de riz qu'il vous sera possible. Je n'ai pas encore recu le plan que j'avais tant recommande que l'on m'envoyat promptement, de Rosette a la mer. Tout ici va parfaitement bien. La fete que l'on y a celebree pour l'ouverture du canal du Nil, a paru faire plaisir aux habitans. BONAPARTE. Au Caire, le 1er fructidor an 6 (18 aout 1798). _Au general Reynier._ Je recois votre lettre du 26, par laquelle vous m'annoncez qu'Ibrahim-Bey etait, le 27, a plusieurs journees de Salehieh. Je vous ai envoye du riz, de la farine et quatre mille rations de bon biscuit; j'imagine qu'a l'heure qu'il est, vos fours sont faits, et que vous ne manquez point de pain. Le parti que vous avez pris de retrancher la mosquee est extremement sage; vous avez du recevoir six pieces de canon turques qui vous serviront a cet objet. Ne gardez pas de chameaux qui vous soient inutiles, parce que cela vous priverait des moyens de vous approvisionner. BONAPARTE. Au Caire, le 1er fructidor an 6 (8 aout 1798). _Au consul francais a Tripoli._ J'ai recu, citoyen consul, votre lettre du 13 messidor: depuis la prise de Malte, nous avons pris Alexandrie, battu les mameloucks, pris le Caire, et nous nous sommes empares de toute l'Egypte. Les Anglais ayant battu notre escadre, ont dans ce moment la superiorite dans ces mers, ce qui m'engage a vous prier d'expedier un courrier pour se rendre, soit a Malte, soit a Civita-Vecchia, soit a Cagliari, d'ou il regagnera facilement Toulon. Je vous envoie une copie de la lettre a faire partir; vous direz que l'armee de terre est victorieuse et bien etablie en Egypte, sans maladies et sans perte de monde, que je me porte bien, et qu'on n'ajoute pas foi en France aux bruits que l'on fait courir. Expediez-moi de Tripoli un courrier pour me faire parvenir les nouvelles que vous aurez de France, et ecrivez a Malte pour qu'on envoie toutes les gazettes que l'on y recoit et que vous me ferez parvenir. Il est indispensable que vous nous expediiez, au moins une fois toutes les decades, un courrier qui ira par mer jusqu'a Derne, et de la traversera le desert. Je vous ferai rembourser tous les frais que cela vous occasionera. Je n'ose aventurer de l'argent au travers du desert; mais si vous trouvez un negociant de Tripoli qui ait besoin d'avoir 6,000 fr. au Caire, vous pouvez les prendre et tirer une lettre de change sur moi. D'ailleurs, je paierai bien tous les courriers qui m'apporteront des nouvelles interessantes. Faites connaitre au bey que demain nous celebrons la fete du prophete avec la plus grande pompe. La caravane de Tripoli part egalement demain; je l'ai protegee, et elle a eu a se louer de nous. Engagez le bey a envoyer beaucoup de vivres a Malte, des moutons a Alexandrie, et a faire savoir aux fideles que les caravanes sont protegees par nous, et que l'emir-aga est nomme. BONAPARTE. Au Caire, le 2 fructidor an 6 (19 aout 1798). _Au directoire executif._ Le 18 thermidor, j'ordonnai a la division du general Reynier de se porter a Elkhankah, pour soutenir le general de cavalerie Leclerc, qui se battait avec une nuee d'Arabes a cheval, et de paysans du pays qu'Ibrahim-Bey etait parvenu a soulever. Il tua une cinquantaine de paysans, quelques Arabes, et prit position au village d'Elkhankah. Je fis partir egalement la division commandee par le general Lannes et celle du general Dugua. Nous marchames a grandes journees sur la Syrie, poussant toujours devant nous Ibrahim-Bey et l'armee qu'il commandait. Avant d'arriver a Belbeis, nous delivrames une partie de la caravane de la Mecque, que les Arabes avaient enlevee et conduisaient dans le desert, ou ils etaient deja enfonces de deux lieues. Je l'ai fait conduire au Caire sous bonne escorte. Nous trouvames a Qoureyn une autre partie de la caravane, toute composee de marchands qui avaient ete arretes d'abord par Ibrahim-Bey, ensuite relaches et pilles par les Arabes. J'en fis reunir les debris et je la fis egalement conduire au Caire. Le pillage des Arabes a du etre considerable; un seul negociant m'assura qu'il perdait en schalls et autres marchandises des Indes, pour deux cent mille ecus. Le negociant avait avec lui, suivant l'usage du pays, toutes ses femmes. Je leur donnai a souper, et leur procurai les chameaux necessaires pour leur voyage ou Caire. Plusieurs paraissaient avoir une assez bonne tournure; mais le visage etait couvert, selon l'usage du pays, usage auquel l'armee s'accoutume le plus difficilement, Nous arrivames a Ssalehhyeh, qui est le dernier endroit habite de l'Egypte ou il y ait de bonne eau. La commence le desert qui separe la Syrie de l'Egypte. Ibrahim-Bey, avec son armee, ses tresors et ses femmes, venait de partir de Ssalehhyeh. Je le poursuivis avec le peu de cavalerie que j'avais. Nous vimes defiler devant nous ses immenses bagages. Un parti d'Arabes de cent cinquante hommes, qui etaient avec eux, nous proposa de charger avec nous pour partager le butin. La nuit approchait, nos chevaux etaient ereintes, l'infanterie tres-eloignee; nous leur enlevames les deux pieces de canon qu'ils avaient, et une cinquantaine de chameaux charges de tentes et de differens effets. Les mameloucks soutinrent la charge avec le plus grand courage. Le chef d'escadron d'Estrees, du septieme regiment de hussards, a ete mortellement blesse; mon aide-de-camp Shulkouski a ete blesse de sept a huit coups de sabre et de plusieurs coups de feu. L'escadron monte du septieme de hussards et du vingt-deuxieme de chasseurs, ceux des troisieme et quinzieme de dragons, se sont parfaitement conduits. Les mameloucks sont extremement braves et formeraient un excellent corps de cavalerie legere; ils sont richement habilles, armes avec le plus grand soin, et montes sur des chevaux de la meilleure qualite. Chaque officier d'etat-major, chaque hussard a soutenu un combat particulier. Lasalle, chef de brigade du vingt-deuxieme, laissa tomber son sabre au milieu de la charge; il fut assez adroit et assez heureux pour mettre pied a terre et se trouver a cheval pour se defendre et attaquer un des mameloucks les plus intrepides. Le general Murat, le chef de bataillon, mon aide-de-camp Duroc, le citoyen Leturcq, le citoyen Colbert, l'adjudant Arrighi, engages trop avant par leur ardeur dans le plus fort de la melee, ont couru les plus grands dangers. Ibrahim-Bey traverse dans ce moment-ci le desert de Syrie; il a ete blesse dans ce combat. Je laissai a Salehieh la division du general Reynier et des officiers du genie, pour y construire une forteresse, et je partis le 26 thermidor pour revenir au Caire. Je n'etais pas eloigne de deux lieues de Salehieh, que l'aide-de-camp du general Kleber arriva et m'apporta la nouvelle de la bataille qu'avait soutenue notre escadre, le 14 thermidor. Les communications sont si difficiles, qu'il avait mis onze jours pour venir. Je vous envoie le rapport que m'en fait le contre-amiral Ganteaume. Je lui ecris, par le meme courrier, a Alexandrie, de vous en faire un plus detaille. Le 18 messidor, je suis parti d'Alexandrie. J'ecrivis a l'amiral d'entrer sous les vingt-quatre heures, dans le port d'Alexandrie, et, si son escadre ne pouvait pas y entrer, de decharger promptement toute l'artillerie et tous les effets appartenans a l'armee de terre, et de se rendre a Corfou. L'amiral ne crut pas pouvoir achever le debarquement dans la position ou il etait, etant mouille dans le port d'Alexandrie sur des rochers, et plusieurs vaisseaux ayant deja perdu leurs ancres; il alla mouiller a Aboukir, qui offrait un bon mouillage. J'envoyai des officiers du genie et d'artillerie qui convinrent avec l'amiral que la terre ne pouvait lui donner aucune protection, et que, si les Anglais paraissaient pendant les deux ou trois jours qu'il fallait qu'il restat a Aboukir, soit pour decharger notre artillerie, soit pour sonder et marquer la passe d'Alexandrie, il n'y avait pas d'autre parti a prendre que de couper ses cables, et qu'il etait urgent de sejourner le moins possible a Aboukir. Je suis parti d'Alexandrie dans la ferme croyance que, sous trois jours, l'escadre serait entree dans le port d'Alexandrie, ou aurait appareille pour Corfou. Depuis le 18 messidor jusqu'au 6 thermidor, je n'ai recu aucune nouvelle ni de Rosette, ni d'Alexandrie, ni de l'escadre. Une nuee d'Arabes, accourus de tous les points du desert, etaient constamment a cinq cents toises du camp. Le 9 thermidor, le bruit de nos victoires et differentes dispositions rouvrirent nos communications. Je recus plusieurs lettres de l'amiral, ou je vis avec etonnement qu'il se trouvait encore a Aboukir. Je lui ecrivis sur-le-champ pour lui faire sentir qu'il ne devait pas perdre une heure a entrer a Alexandrie, ou a se rendre a Corfou. L'amiral m'instruisit, par une lettre du 2 thermidor, que plusieurs vaisseaux anglais etaient venus le reconnaitre, et qu'il se fortifiait pour attendre l'ennemi, embosse a Aboukir. Cette etrange resolution me remplit des plus vives alarmes; mais deja il n'etait plus temps, car la lettre que l'amiral ecrivait le 2 thermidor ne m'arriva que le 12. Je lui expediai le citoyen Jullien, mon aide-de-camp, avec ordre de ne pas partir d'Aboukir qu'il n'eut vu l'escadre a la voile. Parti le 12 il n'aurait jamais pu arriver a temps; cet aide-de-camp a ete tue en chemin par un parti arabe qui a arrete sa barque sur le Nil, et l'a egorge avec son escorte. Le 8 thermidor, l'amiral m'ecrivit que les Anglais s'etaient eloignes; ce qu'il attribuait au defaut de vivres. Je recus cette lettre par le meme courrier, le 12. Le 11, il m'ecrivait qu'il venait enfin d'apprendre la victoire des Pyramides et la prise du Caire, et que l'on avait trouve une passe pour entrer dans le port d'Alexandrie; je recus cette lettre le 18. Le 14, au soir, les Anglais l'attaquerent; il m'expedia, au moment ou il apercut l'escadre anglaise, un officier pour me faire part de ses dispositions et de ses projets: cet officier a peri en route. Il me parait que l'amiral Brueys n'a pas voulu se rendre a Corfou, avant qu'il eut ete certain de ne pouvoir entrer dans le port d'Alexandrie, et que l'armee dont il n'avait pas de nouvelles depuis long-temps, fut dans une position a ne pas avoir besoin de retraite. Si dans ce funeste evenement il a fait des fautes, il les a expiees par une mort glorieuse. Les destins ont voulu dans cette circonstance, comme dans tant d'autres, prouver que, s'ils nous accordent une grande preponderance sur le continent, ils ont donne l'empire des mers a nos rivaux. Mais ce revers ne peut etre attribue a l'inconstance de notre fortune; elle ne nous abandonne pas encore: loin de la, elle nous a servis dans toute cette operation au-dela de tout ce qu'elle a jamais fait. Quand j'arrivai devant Alexandrie avec l'escadre, et que j'appris que les Anglais y etaient passes en force superieure quelques jours avant; malgre la tempete affreuse qui regnait, au risque de me naufrager, je me jetai a terre. Je me souvins qu'a l'instant ou les preparatifs du debarquement se faisaient, on signala dans l'eloignement, au vent, une voile de guerre: c'etait _la Justice_. Je m'ecriai: "Fortune, m'abandonneras-tu? quoi, seulement cinq jours!" Je debarquai dans la journee; je marchai toute la nuit; j'attaquai Alexandrie a la pointe du jour avec trois mille hommes harrasses, sans canons et presque pas de cartouches; et, dans les cinq jours, j'etais maitre de Rosette, de Damanhour, c'est-a-dire deja etabli en Egypte. Dans ces cinq jours, l'escadre devait se trouver a l'abri des forces des Anglais, quel que fut leur nombre. Bien loin de la elle reste exposee pendant tout le reste de messidor. Elle recoit de Rosette, dans les premiers jours de thermidor, un approvisionnement de riz pour deux mois. Les Anglais se laissent voir en nombre superieur pendant dix jours dans ces parages. Le 11 thermidor, elle apprend la nouvelle de l'entiere possession de l'Egypte et de notre entree au Caire; et ce n'est que lorsque la fortune voit que toutes ses faveurs sont inutiles qu'elle abandonne notre flotte a son destin. BONAPARTE. Au Caire, le 2 fructidor an 6 (19 aout 1798). _A la citoyenne Brueys._ Votre mari a ete tue d'un coup de canon, en combattant a son bord. Il est mort sans souffrir, et de la mort la plus douce, la plus enviee par les militaires. Je sens vivement votre douleur. Le moment qui nous separe de l'objet que nous aimons est terrible; il nous isole de la terre; il fait eprouver au corps les convulsions de l'agonie. Les facultes de l'ame sont aneanties, elle ne conserve de relation avec l'univers, qu'au travers d'un cauchemar qui altere tout. Les hommes paraissent plus froids, plus egoistes qu'ils ne le sont reellement. L'on sent dans cette situation que si rien ne nous obligeait a la vie, il vaudrait beaucoup mieux mourir; mais, lorsqu'apres cette premiere pensee, l'on presse ses enfans sur son coeur, des larmes, des sentimens tendres raniment la nature, et l'on vit pour ses enfans: oui, madame, voyez des ce premier moment qu'ils ouvrent votre coeur a la melancolie: vous pleurerez avec eux, vous eleverez leur enfance, cultiverez leur jeunesse; vous leur parlerez de leur pere, de votre douleur, de la perte qu'eux et la republique ont faite. Apres avoir rattache votre ame au monde par l'amour filial et l'amour maternel, appreciez pour quelque chose l'amitie et le vif interet que je prendrai toujours a la femme de mon ami. Persuadez-vous qu'il est des hommes, en petit nombre, qui meritent d'etre l'espoir de la douleur, parce qu'ils sentent avec chaleur les peines de l'ame. BONAPARTE. Au Caire, le 3 fructidor an 6 (20 aout 1798). _Au general Vial._ Vous avez mal fait de laisser cent hommes a Mansoura, c'etait evidemment les compromettre. La division du general Dugua aura sans doute dissipe les attroupemens et puni severement les chefs d'attroupemens. Je donne ordre a l'artillerie de vous faire passer six pieces de gros calibre et deux mortiers pour placer a l'embouchure du Nil. Organisez votre province le plus tot possible; tenez toujours vos troupes reunies; vous pouvez laisser libre le commerce de Damiette a la Syrie, mais ayant soin qu'on n'y transporte pas les riz qui sont necessaires a l'armee. Ecrivez a Djezzar-Pacha et au pacha de Tripoli, que je vous ai charge de leur annoncer que nous ne leur en voulons pas, encore moins aux musulmans et vrais croyans; qu'ils peuvent se tranquilliser et vivre en repos, et que j'espere qu'ils protegeront le commerce d'Egypte en Syrie, comme mon intention est de le proteger de mon cote: envoyez-leur ces lettres par des occasions sures. J'imagine que vous aurez eu soin que l'on celebre avec plus de pompe encore la fete du prophete, qui est dans quatre ou cinq jours. La fete du Nil a ete tres-belle ici, celle du prophete le sera encore davantage. BONAPARTE. Au Caire, le 3 fructidor an 6 (20 aout 1798). Bonaparte, general en chef, ordonne: Les citoyens Monge, Berthollet, Caffarelli et Geoffroy sont membres de l'institut national, ainsi que les citoyens Desgenettes et Andreossi. Ils se reuniront demain dans la salle de l'institut pour arreter un reglement pour l'organisation de l'institut du Caire et designer les personnes qui doivent le composer. BONAPARTE. Au Caire, le 4 fructidor an 6 (21 aout 1798). _Au contre-amiral Villeneuve a Malte._ J'ai recu, citoyen general, la lettre que vous m'avez ecrite en mer, a ... lieues du cap de Celidonia. Si l'on pouvait vous faire un reproche, ce serait de n'avoir pas mis a la voile immediatement apres que _l'Orient_ a saute, puisque, depuis trois heures, la position que l'amiral avait prise, avait ete forcee et entouree de tous cotes par l'ennemi. Vous avez rendu dans cette circonstance, comme dans tant d'autres, un service essentiel a la republique eu suivant une partie de l'escadre. Les contre-amiraux Ganteaume et Duchayla sont a Alexandrie, ainsi que tous les matelots, canonniers, soldats de l'escadre, soit blesses, soit bien portans, tous les prisonniers ayant ete rendus. Les deux vaisseaux _le Causse_ et _le Dubois_ sont armes, ainsi que les fregates _l'Alceste_, _la Junon_, _la Muiron_, _la Carrere_, et les autres fregates venitiennes. Vous trouverez a Malte deux vaisseaux et une fregate; vous y attendrez l'arrivee de trois batimens de guerre venitiens et de deux fregates, qui doivent venir de Toulon avec le convoi; vous ferez tous vos efforts et tout ce que vous croyez necessaire pour nous le faire passer. Mon projet est de reunir trois vaisseaux neufs que nous avons a Ancone, celui que nous avons a Corfou, et les deux que nous avons a Alexandrie dans le port, afin de pouvoir contenir, a tout evenement, l'escadre turque, de chercher ensuite a les joindre avec les sept vaisseaux que vous vous trouverez avoir alors sous vos ordres, et dont la principale destination est dans ce moment de favoriser le passage des convois qui nous arrivent de France. Je donne ordre au general Vaubois de vous fournir cent Francais par vaisseau de guerre de plus, afin de pouvoir avec ce renfort mieux contenir votre equipage, que vous completterez de tous les matelots maltais que vous trouverez. BONAPARTE. Au Caire, le 4 fructidor en 6 (21 aout 1798). _Au general Vaubois._ Il est indispensable, citoyen general, que vous fournissiez a l'amiral Villeneuve tout ce qui lui sera necessaire, soit en approvisionnemens, soit en garnison, soit en matelots pour pouvoir ravitailler sa division. Les communications sont extremement difficiles. Je n'ai point recu de lettres de vous et fort peu de France; mais je compte assez sur votre zele, pour ne pas douter que la place de Malte se trouve dans le meilleur etat, et que vous employez tous vos moyens a captiver le peuple et a nous faire passer toutes les nouvelles qui pourront vous arriver de France. BONAPARTE. Au Caire, le 4 fructidor an 6 (21 aout 1798). _Au general Ganteaume._ Je vous envoie, citoyen general, une lettre pour le contre-amiral Villeneuve, qui m'a ecrit, a la hauteur du cap de Celidonia, qu'il se rendait a Malte. Je vous prie de la lui faire passer. Je vous prie de me faire connaitre dans quel port _la Marguerite_ a eu ordre de relacher, et si vous pensez qu'elle soit arrivee. Le citoyen Leroy ne m'envoie aucun etat, de sorte que j'ignore absolument le nombre des matelots qui se trouvent dans le port d'Alexandrie. Les uns disent que les Anglais ont rendu tous les prisonniers de guerre: des-lors, il devrait y avoir cinq ou six mille personnes de l'escadre a Alexandrie; je vous prie de me rendre un compte tres-detaille de l'evenement qui a eu lieu, afin que je puisse en instruire le gouvernement. De tout ce que j'ai recu jusqu'a present, je n'ai pas de quoi faire la moindre relation. Quelle etait la force des Anglais? avaient-ils des vaisseaux a trois ponts? combien de quatre-vingt? combien de soixante-quatorze? A l'heure qu'il est, j'imagine qu'ils sont partis. Combien et quels sont les vaisseaux qui ont ete emmenes ou brules? qui sont ceux de nos principaux officiers qui se sont sauves, qui sont tues ou qui sont prisonniers? Pourquoi _le Franklin_ s'est-il rendu presque sans se battre? _Le Genereux_, que le contre-amiral a emmene avec lui, est-il un bon vaisseau? Un vaisseau de quatre-vingts peut-il decidement entrer dans le port d'Alexandrie? L'amiral m'ecrivait, le 11, qu'il croyait qu'il pouvait y entrer. J'ai envoye le citoyen Perree a Rosette pour observer la position des Anglais et me rendre compte de son cote de ce qu'il verra. Lorsque les Anglais auront quitte ces parages, s'ils n'y laissent pas une forte croisiere, comme je pense qu'ils ne pourront le faire, ayant besoin de leur monde pour emmener tous nos vaisseaux, j'enverrai trois a quatre cents matelots a Ancone pour augmenter l'equipage des trois vaisseaux venitiens qui s'y trouvent, et les conduire a Corfou et ensuite a Alexandrie. Vous les ferez accompagner d'un officier intelligent, et vous lui donnerez une instruction sur la route qu'il devra suivre. Nous avons un vaisseau a Corfou, envoyez-y une trentaine de matelots pour augmenter les equipages, et donnez-lui des ordres pour, s'il y a possibilite, le faire reunir aux trois autres et le faire venir ici. J'ai ecrit au general Villeneuve de tacher de reunir a Malte les trois vaisseaux venitiens et les deux fregates que nous avons a Toulon, ce qui, joint aux deux vaisseaux, a la fregate maltaise, et a ce qu'il a avec lui, fera cinq vaisseaux de guerre et cinq fregates. Nos forces de la Mediterranee etant dans ces deux masses, nous verrons, dans le courant de l'hiver, ce qu'il nous sera possible de faire pour leur reunion et pour seconder l'operation ulterieure de l'armee. BONAPARTE. Au Caire, le 4 fructidor an 6 (21 aout 1798). _A l'ordonnateur Leroy._ Je suis extremement mecontent, citoyen ordonnateur, de votre correspondance; deux ou trois lettres que je recois de vous ne m'apprennent rien. Vous ne m'envoyez ni l'etat approximatif des blesses, des morts, ni celui des prisonniers que nous ont rendus les Anglais; j'ignore absolument le nombre d'hommes refugies de notre escadre qui se trouvent dans ce moment a Alexandrie. J'ignore egalement ce qui a ete fait pour l'armement des deux batimens venitiens, pour l'armement des deux fregates, et dans quelle situation se trouve le convoi. Je vous prie de vouloir bien m'envoyer tous ces etats dans le plus court delai. BONAPARTE. Au Caire, le 4 fructidor an 6 (21 aout 1798). _Au contre-amiral Ganteaume._ Des l'instant que vous aurez, citoyen general, expedie les ordres pour Corfou, et que vous aurez pris les etats de situation du personnel et du materiel dans les ports d'Alexandrie, vous vous rendrez au Caire: avant de partir, conferez avec le citoyen Dumanoir. Vous aurez soin d'ecrire par toutes les occasions en France, et de rendre compte au directoire du combat naval qui a eu lieu. Notre position au Caire est extremement satisfaisante puisque nous avons perdu peu de monde, et que nos prisonniers nous sont tous rendus. Cet echec, si considerable qu'il soit, se reparera. Croyez a l'estime et a l'amitie que j'ai pour vous. BONAPARTE. Au Caire, le 4 fructidor an 6 (21 aout 1798). _Au meme._ Vous ferez partir, citoyen, aussitot que cela sera possible., d'Alexandrie; sept ou huit avisos dans le genre du _Cerf_, du _Pluvier_, pour remonter le Nil a Rosette, et se rendre au Caire; vous y ferez embarquer deux cents matelots de surplus, pour pouvoir armer quelques bricks qui se trouvent ici. BONAPARTE. Au Caire, le 4 fructidor an 6 (21 aout 1798). _Au general Menou._ Ni moi ni l'etat-major, nous ne recevons aucun compte de vous; vous ne dites rien de ce qui se passe a Aboukir et a Rosette: cela en merite pourtant bien la peine; et je ne suis instruis que par les oui-dire. Je vous prie de vouloir bien envoyer a l'etat-major un etat de situation des corps qui composent la garnison, les hopitaux; de m'instruire des mouvemens que feraient l'escadre a Aboukir ou les batimens anglais au Bogaz. Je n'ai aucun detail sur la communication de Rosette a Aboukir, quoique je sache d'un autre cote qu'elle est ouverte. Je vous prie egalement de me faire connaitre ce que sont devenues les lettres a l'amiral Brueys, que vous avez du avoir dans les mains, et qui ne sont arrivees a Rosette que lorsque l'amiral n'y etait plus. Le citoyen Croizier a porte des lettres pour le general Kleber: ont-elles ete remises au courrier? ce courrier avait aussi des lettres a l'amiral Brueys, les a-t-il emportees avec lui? J'aurais du etre instruit dans le plus grand detail de tout ce qui se disait et se faisait d'essentiel. Des l'instant que les Anglais seront partis d'Aboukir, ce qui ne peut tarder, si cela n'est pas deja fait, favorisez autant qu'il vous sera possible l'arrivee de quelques pieces de 24 pour les mettre au Bogaz. Rosette est le seul point de l'armee sur lequel je n'aie aucune espece de details. Vous pouvez faire partir pour le Caire tous les meubles de la commission des arts. Je ne vous enverrai des ordres pour quitter Rosette, que lorsque la province sera organisee et que l'embouchure du Nil pourra ne pas craindre d'insulte de quelque corsaire. BONAPARTE. Au Caire, le 4 fructidor an 6 (21 aout 1798). _Au general Dommartin._ Je crois necessaire, citoyen general, que votre partiez ce soir pour vous rendre a Rosette et de la a Alexandrie. Vous profiterez du moment ou les Anglais laisseront libre la communication de Rosette a Alexandrie, pour faire passer une piece de gros calibre et quatre mortiers a etablir a l'embouchure de cette riviere, et enfin faire passer, independamment de ce que vous avez, du Caire a Damiette, huit autres pieces de gros calibre et quatre mortiers; pour faire egalement armer le fort d'Aboukir avec une tres-bonne batterie de cote, et enfin augmenter et inspecter les fortifications et batteries d'Alexandrie, en ayant soin qu'on occupe le poste de l'ile du Marabou. Votre presence sera d'ailleurs utile pour detruire beaucoup de faux bruits que l'on fait courir sur l'armee et sa position, et pour ranimer autant qu'il vous sera possible, les esperances et le courage de ceux qui en auront besoin. BONAPARTE. Au Caire, le 4 fructidor an 6 (21 aout 1798). _A l'ordonnateur de la marine a Toulon._ L'amiral Ganteaume vous aura sans doute instruit, citoyen ordonnateur, de l'evenement arrive a l'escadre. Le general Villeneuve est alle, avec tout ce qu'il a sauve, a Malte. L'ordonnateur Leroy vous rendra sans doute un compte detaille du nombre des blesses et morts, et vous enverra l'etat des marins qui sont a Alexandrie. Je vous envoie une lettre pour madame Brueys: je vous prie de la lui remettre avec tous les menagemens possibles. L'armee de terre est dans la plus brillante position, nous sommes maitres de toute l'Egypte, et des l'instant que nous aurons recu le convoi que vous devez nous envoyer, il ne nous restera plus rien a desirer. J'ordonne au general Villeneuve de reunir dans le port de Malte et sous son commandement les deux vaisseaux maltais, les trois vaisseaux venitiens et les fregates que nous avons a Toulon. Je reunirai les vaisseaux venitiens que nous avons a Ancone et celui que nous avons a Corfou, ainsi que les deux vaisseaux et les six fregates qui sont dans le port d'Alexandrie. Il n'y a eu que fort peu de blesses: ceux-ci ne montent qu'a huit cents. Tous les equipages qui ont ete pris par les Anglais, sont presque tous rendus et existans a Alexandrie. Les trente ou quarante ouvriers que vous avez envoyes sont arrives egalement. Soyez assez aimable, je vous prie, pour faire connaitre a ma femme, dans quelque lieu qu'elle se trouve, et a ma mere en Corse, que je me porte fort bien. J'imagine bien que l'on m'aura dit, en Europe, tue une douzaine de fois. BONAPARTE. Au Caire, le 4 fructidor an 6 (21 aout 1798). _Au citoyen Menars, commissaire de la marine a Malte._ Je vois avec plaisir, citoyen commissaire, par votre lettre du 5 thermidor, que _le Dego_ et _la Carthaginoise_ sont prets a partir. A l'heure qu'il est, le contre-amiral Villeneuve aura mouille dans le port de Malte avec son escadre. J'espere aussi que vous travaillerez avec la plus grande activite a l'armement du troisieme vaisseau, et qu'avant un mois il pourra augmenter l'escadre de l'amiral Villeneuve. Je vous prie de mettre dans cette circonstance plus de zele et d'activite que dans toutes les autres. J'ai ecrit en France pour qu'on vous fit passer 600,000 fr. et j'ecris au general Vaubois pour qu'il vous aide de tous ses moyens. J'espere que vous serez bientot joint par le reste de nos vaisseaux qui sont a Toulon. Faites-nous parvenir par toutes les occasions des nouvelles de France; les petits bateaux qui cotoient la cote d'Afrique doivent pouvoir arriver sans difficultes. BONAPARTE. Au Caire, le 4 fructidor an 6 (21 aout 1798). _Au general Kleber._ Je vous remercie, citoyen general, de votre sollicitude sur ma sante: elle n'a jamais, je vous assure, ete meilleure. Les affaires ici vont parfaitement bien, et le pays commence a se soumettre. J'ai appris la nouvelle de l'escadre onze jours apres l'evenement, et des-lors ma presence n'y pouvait plus rien. Quant a Alexandrie, je n'ai jamais eu la moindre inquietude; il n'y aurait personne que les Anglais n'y entreraient pas. Ils ont bien assez a faire de garder leurs vaisseaux, et sont trop empresses a profiter de la bonne saison pour regagner Gibraltar. J'ai recu des lettres du contre-amiral Villeneuve a six lieues du cap de Celidonia: il va a Malte. J'ai recu des lettres de cette ile. Les deux batimens et la fregate sont prets; les trois batimens sont aussi prets a Toulon: ainsi j'espere que, dans le courant de septembre, nous aurons sept batimens de guerre et cinq fregates equipes a Malte, tout comme nous aurons six, sept a huit fregates a Alexandrie. J'espere que les quatre d'Ancone nous y joindront. Je n'ai pas encore recu la revue, au moins approximative, des matelots qui se trouvent a Alexandrie. Je voudrais qu'au lieu de trois, vous y gardassiez pour six mois de riz. Ne vous sachant pas si bien pourvu, j'avais ordonne que l'on en achetat cinq mille quintaux a Damiette et cinq mille a Rosette, pour faire passer a Alexandrie. J'ai envoye le general Marmont avec la quatrieme demi-brigade d'infanterie legere et deux pieces de canon pour soumettre la province de Bahire, maintenir libre la communication de Rosette a Alexandrie, et rester sur la cote pour empecher la communication de l'escadre avec la terre. Je ferai partir cette nuit le general Dommartin pour profiter du moment favorable et accelerer le depart de l'artillerie de campagne pour l'armee: avec six pieces de 24 a boulets rouges et deux mortiers, toutes les escadres de la terre n'approcheraient pas. Il faut, dans ce cas, recommander qu'on tire lentement et tres-peu; il faut avoir quelques gargousses de parchemin bien faites. Il faut le plus promptement possible mettre en etat le fort d'Aboukir et occuper la tour du Marabou, ou nous avons descendu: occupez-la avec un poste et quelques pieces de canon. Le turc Passwan-Oglou est plus fort que jamais, et les Turcs y penseront a deux fois avant de faire un mouvement contre nous: au reste ils trouveront a s'en repentir. Tous les mois, tous les jours, notre position s'ameliore par les etablissemens propres a nourrir l'armee, par les fortifications que nous etablissons sur differens points; et des l'instant que nos approvisionnemens de campagne qui sont a Alexandrie, seront en etat d'etre transportes au Caire, je vous assure que je ne crains pas cent mille Turcs. Si les Anglais relevent cette escadre-ci par une autre et continuent a inonder la Mediterranee, ils nous obligeront peut-etre a faire de plus grandes choses que nous n'en voulions faire. Au milieu de ce tracas, je vois avec plaisir que votre sante se retablit, que votre blessure est guerie. Vous sentez que votre presence est encore necessaire dans le poste ou vous etes; vous voyez que la blessure que vous avez recue a tourne a bien pour l'armee. Faites-moi passer de suite tous les hommes qui viendraient de Malte ou de France, quand meme ils n'auraient pas de depeches. Vous me ferez connaitre quels sont les batimens que vous m'envoyez. Je vous fais passer l'ordre pour le commerce; il faut rependant prendre garde qu'aucun negociant d'Alexandrie ne profite de cette liberte de commerce pour faire transporter ses richesses, et de ne le mettre a execution que lorsque la plus grande partie de l'escadre anglaise sera partie. Encouragez, autant qu'il vous sera possible, les barques de Tripoli qui transportent des moutons a Alexandrie. J'ai ecrit a ce bey et au consul francais, par le desert; ecrivez lui de votre cote par mer, et surtout au bey de Bengaze. Quant aux batimens de guerre turcs, il faut nous tenir dans la position ou nous sommes jusqu'aux nouvelles de Constantinople, afin qu'aux premieres hostilites du capitan pacha, nous puissions nous en emparer; ils equivaudront toujours dans nos mains a une de leurs caravelles. J'imagine qu'a l'heure qu'il est la masse de l'escadre anglaise sera partie. Aujourd'hui que les chemins sont ouverts, ecrivez-moi souvent et faites-moi envoyer exactement les etats de situation. J'espere que l'arrete du conseil pour couler les soixante batimens de transport n'aura pas eu lieu. Avec six pieces de 24, deux grils a boulets rouges et quarante canonniers, j'ai lutte pendant quatre jours contre l'escadre anglaise et espagnole au siege de Toulon, et apres lui avoir brule une fregate et plusieurs bombardes, je l'ai forcee a prendre le large. Si le genie de l'armee voulait qu'ils tentassent de se frotter contre notre port, ils pourraient, par ce qui leur arriverait, nous consoler un peu de l'evenement arrive a notre flotte. Le parti que vous avez pris de renforcer la batterie des Figuiers et du fort triangulaire est extremement sage. J'ai envoye, par votre aide-de-camp, une assez forte somme a l'ordonnateur Leroy. Faites-moi connaitre ce que l'opinion dit sur la conduite _du Francklin_: il parait qu'il ne s'est pas battu. Faites-moi connaitre la date de toutes les lettres que vous avez recues de moi, afin que je vous envoie copie de toutes celles qui ne vous seraient point parvenues. BONAPARTE. Au Caire, le 5 fructidor an 6 (22 aout 1798). _Instructions remises au citoyen Beauvoisin, chef de bataillon d'etat-major, commissaire pres le divan du Caire._ Le citoyen Beauvoisin se rendra a Damiette; de la il s'embarquera sur un vaisseau turc ou grec; il se rendra a Jaffa; il portera la lettre que je vous envoie a Achmet-Pacha; il demandera a se presenter devant lui, et il reiterera de vive voix que les musulmans n'ont pas de plus vrais amis en Europe que nous; que j'ai entendu avec peine que l'on croyait en Syrie que j'avais dessein de prendre Jerusalem et de detruire la religion mahometane; que ce projet est aussi loin de notre coeur que de notre esprit; qu'il peut vivre en toute surete, que je le connais de reputation comme un homme de merite; qu'il peut etre assure que, s'il veut se comporter comme il le doit envers les hommes qui ne lui font rien, je serai son ami, et bien loin que notre arrivee en Egypte soit contraire a sa puissance, elle ne fera que l'augmenter; que je sais que les mameloucks que j'ai detruits etaient ses ennemis, et qu'il ne doit pas nous confondre avec le reste des Europeens, puisque, au lieu de rendre les musulmans esclaves, nous les delivrons; et enfin il lui racontera ce qui s'est passe en Egypte et ce qui peut etre propre a lui oter l'envie d'armer et de se meler de cette querelle. Si Achmet-Pacha n'est pas a Jaffa, le citoyen Beauvoisin se rendra a Saint-Jean-d'Acre; mais il aura soin auparavant de voir les familles europeennes, et principalement le vice-consul francais, pour se procurer des renseignemens sur ce qui se passe a Constantinople et sur ce qui se fait en Syrie. BONAPARTE. Au Caire, le 5 fructidor an 6 (11 aout 1798). _A Achmet-Pacha[14], gouverneur de Seid et d'Acra (Saint-Jean-d'Acre.)_ En venant en Egypte faire la guerre aux beys, j'ai fait une chose juste et conforme a tes interets, puisqu'ils etaient tes ennemis; je ne suis point venu faire la guerre aux musulmans. Tu dois savoir que mon premier soin, en entrant a Malte, a ete de faire mettre en liberte deux mille Turcs, qui, depuis plusieurs annees, gemissaient dans l'esclavage. En arrivant en Egypte, j'ai rassure le peuple, protege les muphtis, les imans et les mosquees; les pelerins de la Mecque n'ont jamais ete accueillis avec plus de soin et d'amitie que je ne l'ai fait, et la fete du prophete vient d'etre celebree avec plus de splendeur que jamais. Je t'envoie cette lettre par un officier qui te fera connaitre de vive voix mon intention de vivre en bonne intelligence avec toi, en nous rendant reciproquement tous les services que peuvent exiger le commerce et le bien des etats: car les musulmans n'ont pas de plus grands amis que les Francais. BONAPARTE. [Footnote 14: Le meme que le celebre Djessar pacha.] Au Caire, le 5 fructidor an 6 (22 aout 1798). _Au grand-visir._ L'armee francaise que j'ai l'honneur de commander est entree en Egypte pour punir les beys mameloucks des insultes qu'ils n'ont cesse de faire au commerce francais. Le citoyen Talleyrand-Perigord, ministre des relations exterieures a Paris, a ete nomme, de la part de la France, ambassadeur a Constantinople, pour remplacer le citoyen Aubert, Dubayet, et il est muni des pouvoirs et instructions necessaires de la part du directoire executif pour negocier, conclure et signer tout ce qui est necessaire pour lever les difficultes provenant de l'occupation de l'Egypte par l'armee francaise, et consolider l'ancienne et necessaire amitie qui doit exister entre les deux puissances. Cependant, comme il pourrait se faire qu'il ne fut pas encore arrive a Constantinople, je m'empresse de faire connaitre a votre excellence l'intention ou est la republique francaise, non-seulement de continuer l'ancienne bonne intelligence, mais encore de procurer a la Porte l'appui dont elle pourrait avoir besoins contre ses ennemis naturels, qui, dans ce moment, viennent de se liguer contre elle. L'ambassadeur Talleyrand-Perigord doit etre arrive. Si, par quelque accident, il ne l'etait pas, je prie votre excellence d'envoyer ici (au Caire), quelqu'un qui ait votre confiance et qui soit muni de vos instructions et pleins-pouvoirs, ou de m'envoyer un firman, afin que je puisse envoyer moi-meme un agent, pour fixer invariablement le sort de ce pays, et arranger le tout a la plus grande gloire du sultan et de la republique francaise, son alliee la plus fidele, et a l'eternelle confusion des beys et mameloucks, nos ennemis communs. Je prie votre excellence de croire aux sentimens d'amitie et de haute consideration, etc. BONAPARTE. Au Caire, le 8 fructidor an 6 (25 aout 1798). _Au scherif de la Mecque._ En vous faisant connaitre l'entree de l'armee francaise en Egypte, je crois devoir vous assurer de la ferme intention ou je suis de proteger de tous mes moyens le voyage de pelerins de la Mecque: les mosquees et toutes les fondations que la Mecque et Medine possedent en Egypte, continueront a leur appartenir comme par le passe. Nous sommes amis des musulmans et de la religion du prophete; nous desirons faire tout ce qui pourra vous plaire et etre favorable a la religion. Je desire que vous fassiez connaitre partout que la caravane des pelerins ne souffrira aucune interruption, qu'elle n'aura rien a craindre des Arabes. BONAPARTE. Au Caire, le 10 fructidor an 6 (27 aout 1798). _Au meme._ Je m'empresse de vous faire connaitre mon arrivee, a la tete de l'armee francaise, au Caire, ainsi que les mesures que j'ai prises pour conserver aux saintes mosquees de la Mecque et de Medine les revenus qui leur etaient affectes. Par les lettres que vous ecriront le divan et les differens negocians de ce pays, vous verrez avec quel soin je protege les imans, les scherifs et tous les hommes de loi; vous y verrez egalement que j'ai nomme pour emir-adji Mustapha-Bey, kiaya de Seid-Aboukekir, pacha gouverneur du Caire, et qu'il escortera la caravane avec des forces qui la mettront a l'abri des incursions des Arabes. Je desire beaucoup que, par votre reponse, vous me fassiez connaitre si vous souhaitez que je fasse escorter la caravane par mes troupes, ou seulement par un corps de cavalerie de gens du pays; mais, dans tous les cas, faites connaitre a tous les negocians et fideles que les musulmans n'ont pas de meilleurs amis que nous, de meme que les scherifs et tous les hommes qui emploient leur temps et leurs moyens a instruire les peuples n'ont pas de plus zeles protecteurs, et que le commerce non-seulement n'a rien a craindre, mais sera specialement protege. J'attends votre reponse par le retour de ce courrier. Vous me ferez connaitre egalement les besoins que vous pourriez avoir, soit en ble, soit en riz, et je veillerai a ce que tout vous soit envoye. BONAPARTE. Au Caire, le 10 fructidor an 6 (27 aout 1798). _Aux negocians francais a Jaffa._ Je n'ai recu, citoyens, qu'aujourd'hui votre lettre du 7 thermidor. Je vois avec peine la position dans laquelle vous vous trouvez; mais les nouvelles ulterieures que l'on aura eues de nos principes, auront, j'en suis persuade, dissipe toutes les alarmes qui vous entouraient. Je suis fort aise de la bonne conduite de l'aga, gouverneur de la ville: les bonnes actions trouvent leur recompense, et celle-la aura la sienne. Malheur, au reste, a qui se conduira mal envers vous! Conformement a vos desirs, le divan, compose des principaux scherifs du Caire, le kiaya du pacha, le mollah d'Egypte, et celui de Damas, qui se trouvent ici, ecrivent en Syrie pour dissiper toutes les alarmes. Les vrais musulmans n'ont pas de meilleurs amis que nous. BONAPARTE. Au Caire, le 11 fructidor an 6 (28 aout 1798). _Au general Menou._ J'ai recu, citoyen general, votre lettre du 6 fructidor. Il sera fait incessamment un reglement general pour le traitement a accorder au divan et a la compagnie des janissaires, ainsi qu'a l'aga dans chaque province. Faites arreter tous les Francais arrivant du Caire, qui n'auraient pas de passeports de l'etat-major. Diminuez votre service. Comment est-il possible que vous ayez trois cents hommes de garde a Rosette, lorsque nous n'en avons que quatre-vingts, au Caire? Une garde chez vous, une de police, quelques factionnaires aux principaux magasins, et tout le reste en reserve, cela ne fait que vingt-cinq ou trente hommes de service. L'officier du genie et l'ingenieur des ponts et chaussees doivent travailler sans instrumens: on ne demande que des croquis. Si vous pouviez nous envoyer un croquis de votre province, fait a la main, avec tous les noms des villages, cela nous serait fort utile. Je ne puis trop vous louer d'avoir donne a diner aux scheiks du pays. Nous avons celebre ici la fete du Prophete avec une pompe et une ferveur qui m'ont presque merite le titre de saint. Je n'approuve pas la mesure de donner du ble aux pauvres; nous ne sommes pas encore assez riches, et il faut nous garder de les gater. J'imagine que vous avez opere le desarmement de la ville, et que vous avez profite des sabres pour armer votre cavalerie. Vous aurez vu, dans l'ordre du jour, que vous devez lever dans votre province trois cents chevaux. BONAPARTE. Au Caire, le 11 fructidor an 6 (28 aout 1798). _Au general Kleber._ Vous avez tres-bien fait, citoyen general, de faire arreter le negociant Abdel-Bachi, puisque vous avez eu des preuves qu'il etait avec les mameloucks. En general, confisquez les proprietes et les biens de tous ceux qui se trouvent avec eux. Je vous envoie un ordre pour un autre habitant d'Alexandrie, qui est un des _factotum_ de Mourad-Bey, et qui, dans ce moment-ci, est avec lui. J'ai lu les lettres que les pilotes barbaresques, qu'avaient pris les Anglais, ont ecrites a El-Messiri. C'est une plate betise; cependant j'aurais assez aime que vous eussiez fait couper le cou au reis de la djerme. Il va incessamment y avoir un reglement a l'ordre pour la solde du divan, de l'aga et de la compagnie des janissaires; employez surtout cette compagnie a proteger l'arrivage des eaux. Menagez bien vos armes, nous en avons grand besoin; nous devons peu compter sur le second convoi: vous savez combien nos troupes en dependent. J'ai envoye, par votre aide-de-camp, 100,000 fr. a l'ordonnateur Leroy; j'en fais partir demain 50,000 autres. Nous ne sommes pas ici, comme vous pourriez vous l'imaginer, au milieu des tresors, et, jusqu'a la perception, nous eprouverons toujours une certaine penurie. Les ressources que vous trouverez chez les differentes personnes arretees; la contribution que vous devez percevoir, a titre de pret, sur les negocians; les fonds que les generaux d'artillerie et du genie envoient pour leurs services, ceux que j'envoie pour la marine, vous mettront, j'espere, a meme d'aller, et vous eviteront le grand inconvenient de vendre du riz, que nous aurions tant de peine a transporter a Alexandrie, et ou la prudence veut que nous en ayons pour toute l'armee pendant un an ou deux. Le general du genie a envoye de l'argent a Rahmanieh, pour les travaux du canal. Vous devez declarer positivement au commandant de la caravelle, qu'il ait a vous remettre tout l'argent, tous les effets qui n'appartiennent ni a lui, ni a son equipage, sous peine d'etre puni exemplairement. J'espere que si le citoyen Delisle est a Alexandrie, vous aurez fait mettre la main dessus, et surtout que vous aurez fait prendre sa vaisselle. Je suis ici dans l'embarras de trouver de l'argent, et dans un bois de fripons. Quant a l'administration de la justice, c'est une affaire tres-embrouillee chez les musulmans; il faut encore attendre que nous soyons un peu plus meles avec eux. Laissez faire le divan a peu pres ce qu'il veut. J'espere que vous aurez fait celebrer la fete du Prophete avec le meme eclat que nous l'avons fait au Caire. BONAPARTE. Au Caire, le 11 fructidor an 6 (28 aout 1798). _Au scheick El-Messiri[15]._ Le general Kleber me rend compte de votre conduite, et j'en suis satisfait. Vous savez l'estime particuliere que j'ai concue pour vous an premier moment que je vous ai connu, j'espere que le moment ne tardera pas ou je pourrai reunir tous les hommes sages et instruits du pays, et etablir un regime uniforme, fonde sur les principes de l'Alcoran, qui sont les seuls vrais, et qui peuvent seuls faire le bonheur des hommes. Comptez en tout temps sur mon estime et mon appui. BONAPARTE. [Footnote 15: Un des notables de la ville d'Alexandrie.] Au Caire, le 11 fructidor an 6 (28 aout 1798). _Ordre du jour._ Le general en chef ordonne que le 1er. vendemiaire, epoque de la fondation de la republique, sera celebre dans tous les differens points ou se trouve l'armee, par une fete civique. La garnison d'Alexandrie celebrera sa fete autour de la colonne de Pompee. Les noms de tous les hommes de l'armee francaise qui ont ete tues a la prise d'Alexandrie, seront en consequence graves sur cette meme colonne. L'on plantera le pavillon tricolore au haut de la colonne. L'aiguille de Cleopatre sera illuminee. L'on dressera au Caire, au milieu de la place d'Esbeckieh, une pyramide de sept faces dont chacune sera destinee a contenir les noms des hommes des cinq divisions qui sont morts a la conquete de l'Egypte; La sixieme sera pour la marine; La septieme pour l'etat-major, la cavalerie, l'artillerie et le genie. La partie de l'armee qui se trouvera au Caire s'y reunira a sept heures du matin, et apres differentes manoeuvres et avoir chante des couplets patriotiques, une deputation de chaque bataillon partira pour aller planter au haut de la plus grande pyramide le drapeau tricolore. La pince d'Esbeckieh sera disposee de maniere a ce que le soir, a quatre heures, il puisse y avoir course de chevaux autour de la place, et course a pied. A ces courses seront admis ceux des habitans du pays qui voudront s'y presenter; il y aura des prix assignes pour le vainqueur. Le soir, la pyramide sera toute illuminee; il y aura un feu d'artifice. Les troupes qui sont dans la Haute-Egypte celebreront leur fete sur les ruines de Thebes. Le general du genie, le general d'artillerie et le commandant de la place du Caire se reuniront chez le general en chef de l'etat-major general pour se concerter et faire un programme plus detaille de la fete, chacun en ce qui concerne son arme. Le general en chef ordonne qu'il ne sera fait dans l'armee qu'un seul pain; toutes les rations, soit a l'etat-major, soit aux administrations, seront de pain de munition. Il sera fait un pain plus soigne pour les hopitaux; mais il est defendu, sous quelque pretexte que ce soit, aux administrateurs et aux garde-magasins, de donner de ce pain au general en chef, ni a aucun general, ni au munitionnaire general; a la visite que l'officier de service fait tous les jours des hopitaux, le directeur fera connaitre la quantite de pain d'hopitaux qu'il aura recue. Il lui est defendu, sous les peines les plus severes, de donner de ce pain a tout autre. Le general en chef est instruit que des employes et administrateurs s'embarquent sur les diligences du Caire a Rosette et Damiette, sans etre munis d'ordres, ainsi qu'il a ete ordonne. Le general en chef defend expressement de laisser embarquer aucun Francais, soit a Boulac, soit au Vieux-Caire, ou dans tout autre endroit, s'il n'est muni d'un passeport, soit du general chef de l'etat-major general, soit de l'ordonnateur en chef Sucy. Des postes seront places de maniere a s'assurer, soit au depart, soit a l'arrivee des bateaux, de l'execution du present ordre. Tous les Francais trouves sur des barques sans etre munis de passeports ou d'ordres, seront arretes. Le conseil militaire de la division du general Bon a condamne a cinq annees de fers le citoyen Vaultre, domestique du citoyen Thieriot, adjudant sous-lieutenant au vingt-deuxieme de chasseurs a cheval, convaincu de vol. BONAPARTE. Au Caire, le 13 fructidor an 6 (30 aout 1798). _Au general Zayonscheck._ Je suis fort aise d'apprendre, par votre lettre, que la denonciation que l'on m'avait faite sur la contribution que vous aviez imposee, est fausse. Vous devez m'envoyer les noms des villages qui ont tire sur nos troupes lors de notre marche au Caire; vous ne devez leur accorder le pardon qu'a condition: 1 deg.. De vous rendre les armes; 2 deg. De vous donner le nombre des chevaux et mulets qu'ils peuvent fournir; 3 deg.. De vous remettre chacun deux otages pour garantir leur conduite a l'avenir. Vous m'enverrez un otage au Caire. Conformement a la demande que vous avez faite de revenir au Caire, j'ai nomme le general Lanusse pour vous remplacer; vous menerez avec vous la plus grande partie de vos troupes, conformement a l'ordre que vous aura donne l'etat-major. Avant de partir, faites un croquis de tous les canaux et de tous les villages qui composent la province de Menoufie. BONAPARTE. Au Caire, le 13 fructidor an 6 (30 aout 1798). _Au general Kleber._ Je n'approuve pas, citoyen general, la mesure que vous avez prise de retenir les 15,000 fr. que j'avais destines au contre-amiral Ganteaume. Je vous prie, s'il est a Alexandrie, de les lui remettre: beaucoup d'officiers de marine sont dangereusement blesses, et doivent necessairement avoir des besoins. Les officiers qui faisaient partie des garnisons, qui doivent etre peu nombreux, se trouvent naturellement compris dans cette repartition. Vous devez avoir recu l'ordre de faire partir tous les detachemens qui faisaient partie des garnisons des vaisseaux, et j'aurai soin, a leur arrivee au Caire, de les indemniser autant qu'il me sera possible. Il est indispensable de vous procurer, sur la ville d'Alexandrie, les 185,000 fr., pour completer la contribution de 300,000 fr. Il n'y a pas d'autre moyen de subvenir a nos besoins. Le general Menou, qui croyait trouver de grands obstacles a lever sa contribution de 100,000 fr., me mande, par le dernier courrier, qu'elle est deja levee. Il faut construire une batterie a Aboukir; il faudrait egalement defendre par deux redoutes et quelques pieces d'artillerie, l'entree du lac, afin que les chaloupes anglaises ne viennent pas vous y inquieter. Je crois tres-necessaire d'y travailler, ainsi que de completer la batterie d'Aboukir, et la mettre dans une situation respectable. BONAPARTE. Au Caire, le 13 fructidor an 6 (30 aout 1798). _Au general Menou._ J'ai recu, citoyen general, par toutes les diligences, toutes vos lettres, que je lis avec d'autant plus d'interet, que j'approuve davantage vos vues et vos manieres de voir. Je vous remercie des honneurs que vous avez rendus a notre prophete. Vous devez, a l'heure qu'il est, avoir recu l'ordre pour les limites de la province de Rosette. BONAPARTE. Au Caire, le 13 fructidor an 6 (30 aout 1798). _Au citoyen Leroi, ordonnateur de la marine._ Il y a a Damiette, citoyen, une corvette portant vingt pieces de canon, laquelle n'est pas encore achevee. Il est indispensable que vous y envoyiez un ingenieur constructeur pour la faire terminer. Cela est extremement essentiel. Envoyez egalement reconnaitre les ressources que pourra vous fournir cette place. On m'assure qu'elle renferme beaucoup de fer, de bois, tous objets qui vous sont essentiels. BONAPARTE. Au Caire, le 13 fructidor an 6 (30 aout 1798). _Au general Kleber._ J'ai deja repondu, citoyen general, a toutes les questions contenues dans votre lettre du 8 fructidor; mais, pour me resumer, je reponds ici a vos sept questions. 1 deg.. Oui, vous pouvez faire lever l'embargo mis sur les batimens neutres, et les laisser sortir malgre la presence de l'ennemi, pourvu qu'ils ne portent aucuns vivres, et specialement du riz. 2 deg.. Meme reponse pour les batimens de commerce turcs. 3 deg.. Cela ne s'etend pas jusqu'a la caravelle et aux batimens de guerre turcs, auxquels il faut donner de belles paroles, et attendre, pour prendre une decision, que nous ayons des renseignemens ulterieurs. 4 deg.. Les batimens auxquels on a fait des requisitions, si les denrees qu'ils avaient appartenaient a des particuliers, doivent etre soldes. Envoyez-moi l'etat de tous ces batimens, ainsi que la valeur de leurs chargemens. Que les patrons fassent une assemblee, et qu'ils envoient ici des fondes de procuration; je leur ferai donner de l'argent pour la valeur de leurs marchandises. Ceux qui, apres cette operation faite, voudraient s'en aller, en seront les maitres. Vous leur ferez connaitre qu'a leur retour, cette commission aura obtenu de moi cette demande; et qu'ils seront soldes. Voue les engagerez a nous apporter du bois et du vin. 5 deg.. Les batimens neutres attaches a notre convoi ne pourront pas sortir jusqu'a nouvel ordre: j'attends un etat sur leur nombre et sur ce qui leur est du, pour prendre un parti a leur egard. 6 deg.. Les esclaves mameloucks seront regardes comme marchandise ordinaire; vous exigerez seulement qu'ils evacuent Alexandrie, et se rendent au Caire. Cependant il faut, avant, verifier si les beys ne les avaient pas deja payes. L'artillerie fera des recus des armes, estimera leur valeur, et les marchands viendront au Caire, ou je les ferai solder. Si les armes sont ordinaires, elles resteront a la disposition de l'artillerie; si ce sont des armes qui passent le prix des armes ordinaires, l'artillerie m'en enverra l'inventaire, et on n'en disposera pas jusqu'a nouvel ordre. 7 deg.. Tous les officiers de marine rendus sur parole, pourront partir, des l'instant qu'ils ont jure de ne pas servir de cette guerre; vous excepterez du nombre quatre ou cinq, qui, par leur activite, pourraient nous etre utiles sur le Nil. BONAPARTE. Au Caire, le 13 fructidor an 6 (30 aout 1798). _Au citoyen Dubois[16]._ Je recois votre lettre, citoyen, en date du 6 fructidor. Par le meme courrier, le general Kleber m'apprend qu'il n'a plus besoin de pansemens. Vos talens nous sont utiles ici, et je vous prie de partir le plus tot possible pour vous y rendre: l'air du Nil vous sera favorable. Les circonstances, d'ailleurs, ne rendent pas le passage assez sur pour que j'expose un homme aussi utile. Vous serez content de voir de pres cette grande ville du Caire; vous trouverez a l'Institut un logement passable, et une societe d'amis[17]. BONAPARTE. [Footnote 16: C'est le celebre Antoine Dubois, l'un des chirurgiens les plus habiles de l'Europe.] [Footnote 17: La sante du docteur Dubois ne lui permit pas de rester en Egypte.] Au Caire, le 14 fructidor an 6 (31 aout 1798). _Au general Dugua._ J'ai recu votre lettre, citoyen general, du 11 fructidor. Je savais bien que ce n'etait pas a Mehal-el-Kebir que l'on s'etait battu; mais l'on m'avait suppose que c'etait le chef-lieu de tous les rassemblemens. Je desire que vous y envoyiez un bataillon, afin d'assister le general Fugieres dans ses operations, et specialement dans le desarmement. Il serait extremement dangereux de lever des contributions par village: cela serait capable dans ce moment-ci de decider les paysans a abandonner la culture; j'ai cependant ordonne la levee de quelques contributions sur quelques villages; je les ai mises a la disposition de l'ordonnateur eu chef. Je vous envoie ci-joint, copie de mon ordre. Vous recevrez incessamment les instructions pour les contributions a lever dans votre province, L'intendant cophte a du recevoir des ordres de son intendant general pour la maniere dont elles doivent etre soldees. D'ici a quelque temps, il ne sera pas possible au general Dommartin de vous procurer l'artillerie qu'il vous avait promise; l'evenement arrive a la flotte a apporte dans toutes ses combinaisons beaucoup de changemens; faites raccommoder votre artillerie le mieux qu'il vous sera possible. Je ne pense pas que le general Cafarelli puisse vous envoyer un autre officier du genie: il y en a beaucoup de malades. Vous trouverez ci-joint l'ordre au general Vial de mettre trente djermes a votre disposition. Il est indispensable que vous soyez toujours en mesure pour que, vingt-quatre heures apres la reception d'un ordre, vous puissiez vous porter ou le besoin l'exigerait, et, dans ce moment-ci, je sens que cela ne peut s'executer qu'avec des bateaux. J'approuve que vous accordiez a la ville de Mansoura une amnistie. Pressez toutes les mesures pour donner de la confiance aux habitans, leur faire reprendre le commerce. Je desire que vous ecriviez aux trois ou quatre villages qui se sont le plus mal comportes dans l'affaire de Mansoura, pour qu'ils reviennent a l'obeissance. Dans ce cas, vous ferez sentir aux deputes les dangers qu'ils courent, et, s'ils ne veulent pas voir bruler leurs villages, qu'ils doivent faire arreter les plus coupables et vous les livrer. Il faut absolument que vous profitiez du moment ou les circonstances me permettent de laisser votre division a Mansoura, pour soumettre definitivement tous les villages de votre province, prendre des otages des sept ou huit qui se sont mal comportes, et livrer aux flammes celui de tous qui s'est le plus mal conduit: il ne faut pas qu'il y reste une maison, Sans cet exemple, des l'instant que votre division aurait quitte Mansoura, ces gens-ci recommenceraient. Vous trouverez facilement de petits bateaux pour vous transporter au village que vous voudrez bruler; enfin faites l'impossible pour cela. BONAPARTE. Au Caire, le 14 fructidor an 6 (31 aout 1798). _Au pacha de Damas._ Je vous ai deja ecrit plusieurs lettres pour vous faire connaitre que nous n'etions pas ennemis des musulmans, et que la seule raison qui nous avait conduits en Egypte, etait pour y punir les beys et venger les outrages qu'ils avaient faits au commerce francais. Je desire donc que vous restiez persuade du desir ou je suis de vivre en bonne intelligence avec vous, et de vous donner tous les signes de la plus parfaite amitie. BONAPARTE. Au Caire, le 14 fructidor an 6 (31 aout 1798). _Au pacha du Grand-Seigneur en Egypte._ Lorsque les troupes francaises obligerent Ibrahim a evacuer la province de Scharkieh, je lui ecrivis que je vous acceptais pour mediateur, et qu'il vous envoyat vers moi. Je vous reitere aujourd'hui le desir que j'aurais que vous revinssiez au Caire pour y reprendre vos fonctions: ne doutez pas de la consideration que l'on aura pour vous, et du plaisir que j'aurai a faire votre connaissance. BONAPARTE. Au Caire, le 15 fructidor an 6 (1er septembre 1798). _Au general Kleber._ Le citoyen Leroy me mande que toutes les dispositions que j'avais faites pour la marine sont annulees, par le parti que vous avez pris d'affecter a d'autres services les 100,000 liv. que je lui avais envoyees. Vous voudrez bien, apres la reception du present ordre, remettre les 100,000 liv. a la marine, et ne point contrarier les dispositions que je fais et qui tiennent a des rapports que vous ne devez pas connaitre, n'etant pas au centre. L'administration d'Alexandrie a coute le double que le reste de l'armee. Les hopitaux, quoique vous n'ayez que trois mille malades, coutent, et ont coute beaucoup plus que tous les hopitaux de l'armee. Je ne crois pas, dans les differens ordres que je vous ai donnes, vous avoir laisse maitre de lever ou non la contribution a titre d'emprunt, sur les negocians d'Alexandrie: ainsi, si vous en avez suspendu l'execution, je vous prie de vouloir bien prendre les mesures, sur-le-champ, pour la faire rentrer, quels que soient les inconveniens qui doivent en resulter: nous n'avons point, pour ce moment-ci, d'autre maniere d'exister. BONAPARTE. Au Caire, le 18 fructidor an 6 (4 septembre 1798). _Au general Desaix._ Votre etat-major doit correspondre avec le chef de l'etat-major de l'armee. Il n'est pas d'usage que je recoive des lettres des adjudans-generaux, a moins que ce ne soit pour des reclamations qui leur soient particulieres. Votre commissaire, et surtout votre agent des subsistances, sont extremement coupables. Les biscuits ont reste cinq ou six jours embarques, et ils avaient bien le temps de les verifier. Il faut avoir soin aussi qu'on ne donne pas aux corps plus de rations qu'il ne leur en revient. _La Cisalpine_ part ce soir avec le troisieme bataillon de la vingt-unieme, quarante mille rations de biscuit, deux pieces de canon et cinquante mille cartouches: ils se rendent a Abugirge. On m'assure qu'il y a a Abugirge un canal qui conduit a Benhece, et j'espere que vous trouverez moyen de vous porter directement a cette position et d'atteindre Mourad-Bey. C'est le projet qui me parait le plus simple: s'il n'etait pas executable, je desire que vous remontiez jusqu'a Melaoni, pour descendre par le canal de Joseph. Vous savez qu'en general je n'aime pas les attaques combinees; arrivez devant Mourad-Bey par ou vous pourrez et avec toutes les forces: la, sur le champ de bataille, vous ferez vos dispositions pour lui causer le plus de mal possible. Vous verrez, par l'ordre que vous envoie l'etat-major, que je vous autorise a traiter avec les anciens beys. Je n'envoie personne dans le Faioum, jusqu'a ce que je sache definitivement ce que veut faire Mourad-Bey, car je ne peux pas y envoyer de grandes forces, et pour y envoyer cinq ou six cents hommes, il faut que je connaisse les operations ulterieures de Mourad-Bey. BONAPARTE. Au Caire, le 18 fructidor an 6 (4 septembre 1798). Le general en chef Bonaparte ordonne: ART. 1er La femme de Mourad-Bey paiera, dans la journee du 20, vingt mille talaris, a compte de sa contribution. 2. Si le 20 au soir ces vingt mille talaris ne sont pas soldes, elle paiera un vingtieme par jour en sus, jusqu'a ce que les vingt mille talaris soient entierement verses. BONAPARTE. Au Caire, le 18 fructidor an 6 (4 septembre 1798). _Au vice-amiral Thevenard._ Votre fils est mort d'un coup de canon sur son banc de quart: je remplis, citoyen general, un triste devoir en vous l'annoncant; mais il est mort sans souffrir et avec honneur. C'est la seule consolation qui puisse adoucir la douleur d'un pere. Nous sommes tous devoues a la mort: quelques jours de vie valent-ils le bonheur de mourir pour son pays? compensent-ils la douleur de se voir sur un lit environne de l'egoisme d'une nouvelle generation? valent-ils les degouts, les souffrances d'une longue maladie? Heureux ceux qui meurent sur le champ de bataille! ils vivent eternellement dans le souvenir de la posterite. Ils n'ont jamais inspire la compassion ni la pitie que nous inspire la vieillesse caduque, ou l'homme tourmente par des maladies aigues. Vous avez blanchi, citoyen general, dans la carriere des armes; vous regretterez un fils digne de vous et de la patrie: en accordant avec nous quelques larmes a sa memoire, vous direz que sa mort glorieuse est digue d'envie. Croyez a la part que je prends a votre douleur, et ne doutez pas de l'estime que j'ai pour vous. BONAPARTE. Au Caire, le 20 fructidor an 6 (6 septembre 1798). _Au general Dugua._ A l'heure qu'il est, vous devez avoir recu les cartouches: ainsi j'espere que vous aurez mis a la raison les maudits Arabes des villages de Soubat. Faites un exemple terrible, brulez ce village et ne permettez plus aux Arabes de venir l'habiter, qu'ils n'aient livre dix otages des principaux, que vous m'enverrez pour les tenir a la citadelle du Caire. Faites reconnaitre par vos officiers de genie, d'artillerie et de l'etat-major, tous vos differens canaux, et surtout faites-moi connaitre quelle route vous devriez prendre si vous etiez force de marcher sur Salahieh. J'ai donne les ordres pour que tous les individus de votre division qui sont au Caire, rejoignissent. Vous devez avoir des officiers de sante, qui etaient a votre ambulance, et ceux des differens corps. L'ordonnateur en chef va vous envoyer d'ailleurs tout ce qui peut etre necessaire a votre hopital. On se plaint du pillage de vos troupes a Mansoura: c'est le seul point de l'armee sur lequel j'aie en ce moment des plaintes; on se plaint meme des vexations que commettent plusieurs officiers d'etat-major. BONAPARTE. Au Caire, le 24 fructidor an 6 (10 septembre 1798). _Au citoyen Regnault de Saint Jean d'Angely._ J'ai recu, citoyen, par le courrier Lesimple, vos lettres du 14 thermidor et du 8 fructidor. C'est avec un veritable plaisir que j'apprends la bonne conduite que vous tenez a Malte, et les services que vous rendez a la republique en lui organisant ce poste important. Les affaires ici vont parfaitement bien, tous les jours, notre etablissement se consolide; la richesse de ce pays en ble, riz, legumes, coton, sucre, indigo, est egale a la barbarie du peuple qui l'habite. Mais il s'opere deja un changement dans leurs moeurs, et deux ou trois ans ne seront pas passes, que tout aura pris une face bien differente. Vous avez sans doute recu les differentes lettres que je vous ai ecrites, et les relations des differens evenemens militaires qui se sont passes; ne negligez rien pour faire passer en France, par des spronades, toutes les nouvelles que vous avez de nous, ne fut-ce meme que les rapports des neutres, pour detruire les mille et un faux bruits que les curieux d'une grande ville accueillent avec tant d'imbecillite. BONAPARTE. Au Caire, le 24 fructidor an 6 (10 septembre 1798). _Au general Kleber._ Un vaisseau comme _le Franklin_, citoyen general, qui portait l'amiral, puisque _l'Orient_ avait saute, ne devait pas se rendre a onze heures du soir. Je pense d'ailleurs que celui qui a rendu ce vaisseau est extremement coupable, puisqu'il est constate par son proces-verbal qu'il n'a rien fait pour l'echouer et pour le mettre hors d'etat d'etre amene: voila ce qui fera a jamais la honte de la marine francaise. Il ne fallait pas etre grand manoeuvrier ni un homme d'une grande tete pour couper un cable et echouer un batiment; cette conduite est d'ailleurs specialement ordonnee dans les instructions et ordonnances que l'on donne aux capitaines de vaisseau. Quant a la conduite du contre-amiral Duchaila, il eut ete beau pour lui de mourir sur son banc de quart, comme du Petit-Thouars. Mais ce qui lui ote toute espece de retour a mon estime, c'est sa lache conduite avec les Anglais depuis qu'il a ete prisonnier. Il y a des hommes qui n'ont pas de sang dans les veines. Il entendra donc tous les soirs les Anglais, en se soulant de punch, boire a la honte de la marine francaise! Il sera debarque a Naples pour etre un trophee pour les lazzaronis: il valait beaucoup mieux pour lui rester a Alexandrie ou a bord des vaisseaux comme prisonnier, sans jamais souhaiter ni demander rien. Ohara, qui d'ailleurs etait un homme tres-commun, lorsqu'il fut fait prisonnier a Toulon, sur ce que je lui demandais de la part du general Dugommier ce qu'il desirait, repondit: _etre seul, et ne rien devoir a la pitie_. La gentillesse et les traitemens honnetes n'honorent que le vainqueur, ils deshonorent le vaincu, qui doit avoir de la reserve et de la fierte. BONAPARTE. Au Caire, le 26 fructidor an 6 (12 septembre 1798). _Instruction pour le citoyen Mailly._ Le citoyen Mailly partira sur une djerme qui lui sera fournie a Damiette, directement pour Lataquie; la premiere attention qu'il doit avoir, c'est d'eviter les croisieres anglaises. Il engagera le patron a changer de route lorsqu'il s'en verra menace; il ne s'approchera meme qu'avec precaution des petits batimens venant de la cote, et ne les helera que lorsqu'il sera sur que ce ne sont pas des corsaires. Les patrons de la barque reconnaissent facilement au large les djermes de leur pays. Il cachera soigneusement les paquets en cas de visite, et fera en pareil cas ce que la prudence lui dictera. Son habit oriental pourra lui etre utile dans cette occasion, et il aura soin de ne parler qu'en langue turque avec son interprete arabe, lors d'une visite. Arrive a la marine de Lataquie, il demandera a parler a Codja-Hanna-Coubbe, intendant du gouverneur, et noligataire du brigantin francais _la Marie_, arrive a bon port a la rade de Damiette le 11 fructidor de cette annee. Il lui fera valoir la permission qu'a donnee le general en chef a son correspondant, de faire son retour en riz, pour alimenter son echelle et la ville d'Alep. Il demandera de suite la permission de communiquer avec le citoyen Geoffroi, proconsul de la republique francaise a Lataquie, distant d'un demi-quart de lieue de la marine. Assiste de cet officier, il se rendra chez le gouverneur, a qui il remettra la lettre du general en chef. Le citoyen Mailly devra bien prevoir qu'il y a des espions anglais a Lataquie: ainsi, pour mieux masquer l'expedition de son paquet pour Constantinople, il aura soin de dire au gouverneur et de repandre dans le public, que le general en chef a envoye sur toute la cote divers officiers pour engager les pachas a laisser toute liberte de commerce avec l'Egypte, et que sa mission particuliere se borne a Lataquie et Alep. Cette ouverture donnera au proconsul la facilite d'expedier sur-le-champ un messager qui se rendra en deux jours a Alep. Le citoyen Chos-de-Clos, notre consul, le gardera un jour ou deux tout au plus, pendant lequel temps il donnera au general en chef les nouvelles les plus authentiques qu'il aura pu recueillir de la legation de Constantinople, soit aussi de diverses lettres particulieres sur la situation de cette capitale, de meme que les mouvemens en Romelie, Syrie, etc., et en general tout ce qui peut interesser le general en chef. Le citoyen Mailly attendra chez le proconsul de la republique, le retour du message; il se tiendra tres-reserve sur les nouvelles de l'Egypte, autant qu'elles pourront entraver sa mission, et, dans le cas qu'il trouve le peuple de Lataquie en fermentation, il pourra dire comme de lui-meme: "Le bruit constant au Caire est que l'expedition des Francais est terminee, et, sans l'echec arrive a notre escadre, notre armee se serait deja retiree; mais qu'en attendant de nouvelles forces maritimes, les ports de l'Egypte sont ouverts aux negocians musulmans, et que ceux de Lataquie peuvent en toute surete y envoyer leur tabac, qui fait toute leur richesse." Le messager etant de retour d'Alep, le citoyen Mailly mettra sur-le-champ a la voile, tachera de n'aborder aucune terre et de s'en retourner en droiture a Damiette, d'ou il se rendra sur-le-champ pres du general en chef. Il mettra la meme prudence a cacher ses depeches pour le general en chef, et, dans le cas ou il se verrait force de les jeter a la mer ou qu'elles seraient interceptees par les Anglais, son voyage ne sera pas inutile sous le rapport des nouvelles, en prenant a Lataquie la precaution de faire ecrire en Arabe les nouvelles les plus saillantes, et de les confier a son interprete ou de les cacher dans un ballot de tabac. BONAPARTE. Au Caire, le 26 fructidor an 6 (12 septembre 1798). _Au general Murat._ Si les Arabes que vous avez attaques sont les memes qui ont assassine nos gens a Mansoura, mon intention est de les detruire. Faites-moi connaitre les forces qui vous seraient necessaires a cet effet, et etudiez la position qu'ils occupent; afin de pouvoir les attaquer, les envelopper, et donner un exemple terrible au pays. J'imagine que, si vous avez fait la paix provisoirement avec eux, vous aurez exige des otages, des chevaux et des armes. BONAPARTE. Au Caire, le 27 fructidor an 6 (13 septembre 1798). _Au general Fugieres._ J'espere qu'a l'heure qu'il est, citoyen general, vous aurez, de concert avec le general Dugua, soumis le village de Soubat et extermine ces coquins d'Arabes. J'attends toujours des nouvelles de la requisition des chevaux, qui n'avance pas dans votre province. BONAPARTE. Au Caire, le 28 fructidor an 6 (14 septembre 1798). _Au general Murat._ Je vous repete que mon intention est de detruire les Arabes que vous avez attaques; c'est le fleau des provinces de Mansoura, de Kelioubeh et de Garbieh. Le general Dugua doit, de concert avec le general Fugieres, avoir attaque la partie de ces Arabes qui se trouve au village de Soubat; envoyez reconnaitre ou se trouvent les Arabes que vous avez attaques; faites-moi connaitre les forces dont vous aurez besoin, et l'endroit d'ou vous pourrez partir pour les attaquer avec succes, en tuer une partie et prendre des otages, afin de s'assurer de leur fidelite. Faites reconnaitre la route de Met-Kamao a Belbeys: vous ne devez pas, a Met-Kamao, vous en trouver eloigne. BONAPARTE. Au Caire, le 29 fructidor an 6 (15 septembre 1798). _A l'adjudant-general Bribes._ J'ai recu, citoyen general, votre lettre du 25 fructidor, ou vous me rendez compte de l'attaque qu'a essuyee le convoi d'Alexandrie a Damanhour. Le commandant du convoi ne merite aucun eloge, puisqu'il a laisse prendre plusieurs betes chargees; il devait faire assez de haltes pour ne rien laisser en arriere: le commandant du convoi eut merite des eloges, s'il l'eut amene sans avoir rien laisse prendre. Donnez la chasse a ces brigands; ecrivez au general Marmont a Rosette. Si vous avez besoin de lui, il s'y portera avec sa demi-brigade. BONAPARTE. Au Caire, le 29 fructidor an 6 (15 septembre 1798). _A l'ordonnateur Leroy._ Il est extremement ridicule, citoyen ordonnateur, que vous vous amusiez a payer le traitement de table, quand la solde des matelots et le materiel sont dans une si grande souffrance. Je vous prie de vous conformer strictement a mon ordre, d'employer au materiel les trois quarts de l'argent que je vous ai envoye, et le quart seulement au personnel de la marine. En faisant de si grands sacrifices pour la marine, mon intention a ete de mettre les trois fregates a meme de sortir le plus tot possible, ainsi que les deux vaisseaux. Par votre lettre du 23, il est impossible de savoir si les deux neutres, _l'Aimable Mariette_ et _l'Alexandre_ sont rentres, ou non, dans le port. BONAPARTE. Au Caire, le 30 fructidor an 6 (16 septembre 1798). _Au conseil d'administration de la soixante-neuvieme demi-brigade._ J'ai recu, citoyens, votre lettre du 21 fructidor; je me fais faire un rapport sur la solde qui vous est due. L'armee, depuis son entree en Egypte, a ete soldee des mois de floreal, prairial et messidor: elle se trouve encore arrieree des mois de thermidor et fructidor. La division dont vous faisiez partie a, ainsi que vous, un arriere anterieur a floreal: conformement a ce qui a ete mis a l'ordre du jour, il y a pres d'un mois, il faut que vous vous adressiez, pour tout ce qui est anterieur a floreal, a l'ordonnateur en chef. Si, dans le rapport que le payeur general me fera, il est constate que vous ayez touche moins de paye que le reste de l'armee, je donnerai sur-le-champ les ordres et je prendrai les mesures pour que vous soyez mis au courant de paye de l'armee. BONAPARTE. Au Caire, le 1er jour complementaire an 6 (17 septembre 1798). _A l'ordonnateur en chef._ J'avais ordonne qu'on payat quarante mille rations de biscuit au general Desaix; ou n'en a, sur la lettre de voiture, compte que trente mille, et, lorsque le biscuit est arrive, il ne s'en est trouve que vingt mille. L'agent a Boulac doit avoir le recu de celui qui a accompagne le convoi, faites-le moi presenter: si vous ne mettez point d'ordre a cet abus, il est impossible que l'armee existe. Si l'on continue cette friponnerie malgre la plus grande surveillance, que sera-ce lorsque je serai en avant et qu'il y aura des envois multiplies a faire? Les envoyes ont la friponnerie, lorsque l'ordonnateur donne l'ordre en quintaux, d'envoyer, en quintaux du pays de soixante livres; mais ils ne peuvent avoir cette pitoyable excuse par mon ordre, puisque je demande toujours par rations. BONAPARTE. Au Caire, le 1er jour complementaire an 6 (17 septembre 1798). _Au general Kleber._ Un officier du genie, charge des ordres du general Caffarelli, se rend a Alexandrie pour activer autant qu'il sera possible les travaux de cette place, surtout du cote de terre. Mourad Dey a ete battu par Desaix, qui lui a pris cent cinquante barques chargees de ble, d'effets, douze pieces de canon et quelques mameloucks: nous sommes maitres de toute l'Egypte. Mourad Bey, avec cinq a six cents mameloucks et quelques Arabes, est entre le Fayoum et le desert: il va se rendre dans les oasis ou en Barbarie. Dans ce dernier cas, il ne passerait pas loin de la province du Bahhire. J'ai donne ordre au general Marmont de se rendre a Rhamanieh, d'y prendre le commandement des troupes de toute la province, pour etre a meme, dans tous les cas, de proteger la navigation du Nil, celle du canal, et la campagne d'Alexandrie. Ibrahim Bey est toujours a Gaza, d'ou il promet et ecrit beaucoup a ses partisans. Notre fete ici sera fort belle. BONAPARTE. Au Caire, le 2e. jour complementaire an 6 (18 septembre 1798). _Au meme._ Je recois, citoyen general, votre lettre du 26. Il est extremement urgent de debarrasser Alexandrie de cette grande quantite de pelerins: qu'ils s'en aillent par terre a Derne, ou ils pourront s'embarquer, ou faites-les embarquer sur trois bons batimens et partir de suite. Une fois partis, il ne faut plus les laisser rentrer. Dans la saison ou nous nous trouvons, ou il ne fait grand jour qu'a six heures du matin, tous les batimens peuvent sortir a la barbe des Anglais. Forcez ceux qui seront charges des hommes dont vous voulez debarrasser votre place, a sortir. Moyennant l'expedition que vous avez faite sur le village qui s'etait revolte, les choses changeront. Le general Marmont, avec l'adjudant-general Bribes, se trouve avoir pres de quinze cents hommes; ce qui forme une colonne respectable, qui protegera l'arrivee des eaux a Alexandrie. Ou me mande de Rosette qu'on a envoye a Rahmanieh trois mille quintaux de ble pour Alexandrie; j'en ai envoye une grande quantite du Caire: si la navigation etait commode, il serait facile de pouvoir payer en ble ce que nous devons a une grande partie du convoi. Le severe blocus que veulent etablir les Anglais ne produira aucun resultat; les vents de l'equinoxe nous en feront bonne raison. J'imagine que M. Hood veut tout bonnement se faire payer pour la sortie et pour l'entree, comme cela est arrive quarante fois sur les cotes de Provence. Je desirerais qu'il n'y eut plus de parlementaires, et que le commandant des armes et l'ordonnateur de la marine cessassent enfin d'ecrire des lettres ridicules et qui n'ont point de but. Il est fort peu important que les Anglais gardent prisonnier un commissaire, ou non: ces gens-la me paraissent deja assez orgueilleux de leur victoire, sans les enfler encore davantage. Quand les circonstances vous feront croire necessaire de leur envoyer un parlementaire, qu'il n'y ait que vous qui ecriviez. Mourad-Bey est toujours dans la meme position entre le Fayoum et le desert. Je me suis porte a Gizeh pour surveiller ses mouvemens. BONAPARTE. Au Caire, le 1er vendemiaire an 7 (22 septembre 1798). _A l'armee._ Soldats! Nous celebrons le premier jour de l'an 7 de la republique. Il y a cinq ans, l'independance du peuple francais etait menacee: mais vous prites Toulon, ce fut le presage de la ruine de nos ennemis. Un an apres, vous battiez les Autrichiens a Dego. L'annee suivante, vous etiez sur le sommet des Alpes. Vous luttiez contre Mantoue il y a deux ans, et vous remportiez la celebre victoire de Saint-George. L'an passe, vous etiez aux sources de la Drave et de l'Isonzo, de retour de l'Allemagne. Qui eut dit alors que vous seriez aujourd'hui sur les bords du Nil, au centre de l'ancien continent? Depuis l'Anglais, celebre dans les arts et le commerce, jusqu'au hideux et feroce Bedouin, vous fixez les regards du monde. Soldats, votre destinee est belle, parce que vous etes dignes de ce que vous avez fait et de l'opinion que l'on a de vous. Vous mourrez avec honneur comme les braves dont les noms sont inscrits sur cette pyramide, ou vous retournerez dans votre patrie couverts de lauriers et de l'admiration de tous les peuples. Depuis cinq mois que nous sommes eloignes de l'Europe, nous avons ete l'objet perpetuel des sollicitudes de nos compatriotes. Dans ce jour, quarante millions de citoyens celebrent l'ere des gouvernemens representatifs; quarante millions de citoyens pensent a vous. Tous disent: c'est a leurs travaux, a leur sang, que nous devrons la paix generale, le repos, la prosperite du commerce, et les bienfaits de la liberte civile. BONAPARTE. Au Caire, le 2 vendemiaire an 7 (23 septembre 1798). _Au general Dugua._ Il faut faire partir, citoyen general, le premier bataillon de la soixante quinzieme avec une chaloupe canonniere; mon aide-de-camp Duroc, sur l'aviso _le Pluvier_, et le troisieme bataillon de la seconde d'infanterie legere, qui sont partis avant-hier, doivent etre arrives. J'attends, a chaque instant, des nouvelles de l'operation du general Damas; s'il n'a que trois a quatre cents hommes, il est un peu faible. A Mit-el-Kouli, le lundi 1er complementaire a neuf heures du matin, on a egorge quinze Francais qui etaient sur un bateau qui venait de Damiette. Les cinq villages qui sont immediatement apres Mit-el-Kouli, se sont reunis pour cette operation. Les habitans de Mit-el-Kouli ont trois ou quatre mauvaises pieces de canon; ils ont fait quelques retranchemens. La premiere chose que vous aurez faite sans doute, aura ete de vous emparer de ces canons, detruire ces retranchemens et desarmer ces villages: celui de Mit-el-Kouli a plus de quatre-vingts fusils. J'imagine qu'a l'heure qu'il est, vous etes arrive a Damiette. Il faut demander des otages dans tous les villages qui se sont mal comportes, et avoir sur le lac Menzale des djermes armees avec des pieces de 5 ou de 3. Depuis cinq mois que nous sommes eloignes de l'Europe, nous avons ete l'objet perpetuel des sollicitudes de nos compatriotes. Dans ce jour, quarante millions de citoyens celebrent l'ere des gouvernemens representatifs; quarante millions de citoyens pensent a vous. Tous disent: c'est a leurs travaux, a leur sang, que nous devrons la paix generale, le repos, la prosperite du commerce, et les bienfaits de la liberte civile. BONAPARTE. Au Caire, le 2 vendemiaire an 7 (23 septembre 1798). _Au general Dugua._ Il faut faire partir, citoyen general, le premier bataillon de la soixante quinzieme avec une chaloupe canonniere; mon aide-de-camp Duroc, sur l'aviso _le Pluvier_, et le troisieme bataillon de la seconde d'infanterie legere, qui sont partis avant-hier, doivent etre arrives. J'attends, a chaque instant, des nouvelles de l'operation du general Damas; s'il n'a que trois a quatre cents hommes, il est un peu faible. A Mit-el-Kouli, le lundi 1er complementaire a neuf heures du matin, on a egorge quinze Francais qui etaient sur un bateau qui venait de Damiette. Les cinq villages qui sont immediatement apres Mit-el-Kouli, se sont reunis pour cette operation. Les habitans de Mit-el-Kouli ont trois ou quatre mauvaises pieces de canon; ils ont fait quelques retranchemens. La premiere chose que vous aurez faite sans doute, aura ete de vous emparer de ces canons, detruire ces retranchemens et desarmer ces villages: celui de Mit-el-Kouli a plus de quatre-vingts fusils. J'imagine qu'a l'heure qu'il est, vous etes arrive a Damiette. Il faut demander des otages dans tous les villages qui se sont mal comportes, et avoir sur le lac Menzale des djermes armees avec des pieces de 5 ou de 3 naitre les canaux et pris des mesures pour soumettre la province. Vous aurez vu, par ma lettre d'hier, differentes mesures que je vous ai prescrites concernant le desarmement, et pour prendre des otages dans les differens villages revoltes. Faites passer dans le lac Menzale quatre ou cinq djermes armees de canon, que vous avez a Damiette, et, si vous pouvez, une chaloupe canonniere; enfin, armez le plus de bateaux que vous pourrez, pour etre entierement maitre du lac. Tachez d'avoir Hassan-Thoubar dans vos mains, et pour cela faire, employez la ruse s'il le faut. Sur-le-champ, faites partir une forte colonne pour s'emparer d'El-Menzale; faites-en partir une autre pour accompagner le general Andreossi, et s'emparer de toutes les iles du lac. J'imagine que vous aurez donne une lecon severe au gros village de Mit-el-Kouli. Mon intention est qu'on fasse tout ce qui est necessaire pour etre souverainement maitre du lac de Menzale, et dussiez-vous y faire marcher toute votre division, il faut que le general Andreossi arrive a Peluse. Je vous ai ecrit, dans une de mes lettres, de faire une proclamation; faites-la repandre avec profusion dans le pays. Il faut faire des exemples severes, et comme votre division ne peut pas etre destinee a rester dans les provinces de Damiette et de Mansoura, il faut profiter du moment pour les soumettre entierement, et pour cela il faut le desarmement, des tetes coupees et des otages. BONAPARTE. Au Caire, le 4 vendemiaire an 7 (25 septembre 1798). _Au general Dupuy._ Vu les intelligences que la femme d'Osman-Bey a continue d'avoir avec le camp de Mourad-Bey, et, vu aussi l'argent qu'elle y a fait, et voulait encore y faire passer, j'ordonne que la femme d'Osman-Bey restera en prison jusqu'a ce qu'elle ait verse dans la caisse du payeur de l'armee dix mille talaris. BONAPARTE. Au Caire, le 4 vendemiaire an 7 (25 septembre 1798). _Au citoyen Poussielgue._ Je vous prie d'envoyer chez les marchands de cafe, les Cophtes et les marchands de Damas, des gardes, si dans la journee de demain ils n'ont pas paye ce qu'ils doivent de leur contribution. Si la femme de Mourad-Bey n'a pas verse dans la journee de demain les huit mille talaris qu'elle doit, sa contribution sera portee a dix mille talaris. Sur les quinze mille talaris imposes sur le Saga, il n'en a encore ete percu que mille cinquante-cinq; il en reste treize mille neuf cent quarante-cinq. Trois mille neuf cent quarante-cinq seront verses dans la journee de demain, et les dix mille restant, mille par jour. Faites verser dans la caisse du payeur, dans la journee d'aujourd'hui, l'argent que vous auriez des cotons, cafe, des morts sans heritiers ou de tout autre objet. Le Caire se trouve absolument depourvu de fonds, et l'armee a deja de grands besoins. BONAPARTE. Au Caire, le 5 vendemiaire an 7 (26 septembre 1798). _Au general Dugua._ Soit par terre, soit par le canal, il faut absolument, citoyen general, parvenir a Menzale; faites-y marcher votre avant-garde en la renforcant de ce que vous jugerez necessaire; je desire qu'elle prenne position a Menzale. En reunissant la quantite de bateaux necessaires pour pouvoir se porter rapidement soit a Damiette, soit a Salahieh, soit a Mansoura, essayez de prendre par la ruse Hassan-Thoubar, et, si jamais vous le tenez, envoyez-le moi au Caire. Desarmez le plus que vous pourrez; n'ecoutez point ce qu'ils pourraient vous dire, que, par le desarmement, vous les exposez aux incursions des Arabes: tous ces gens-la s'entendent; surtout il faut que le village de Mit-el-Kouli vous fournisse au moins cent armes et des pieces de canon: ils les ont cachees; mais je suis sur qu'ils en ont. Concertez-vous avec le general Vial pour faire desarmer Damiette et faire arreter les hommes suspects. Prenez des otages, exigez que les villages vous remettent leurs fusils, tachez d'avoir leurs canons, et faites entrer dans le lac de Menzale des djermes armees ou armees de leurs bateaux. Envoyez un officier de genie a Menzale, afin de bien etablir sa position par rapport a Damiette, a Mansoura et surtout a Salahieh. Faites faire des reconnaissances le long de la mer a droite et a gauche jusqu'au cap Bourlos d'un cote, et aussi loin que vous pourrez de l'autre. Ordonnez aussi que les troupes soient desarmees. Je vous ai envoye une djerme armee, _la Carniole_; vous devez en avoir deux a Damiette. Je vous ai envoye deux avisos; il y avait une chaloupe canonniere; et cela fait six batimens armes. BONAPARTE. Au Caire, le 6 vendemiaire an 7 (27 septembre 1798). _Au general Dupuis._ Faites couper la tete aux deux espions et faites-les promener dans la ville avec un ecriteau pour faire connaitre que ce sont des espions du pays. Faites connaitre a l'aga que je suis tres-mecontent des propos que l'on tient dans la ville contre les chretiens. Il doit y avoir en ce moment des otages de Menouf a la citadelle. BONAPARTE. Au Caire, le 11 vendemiaire an 7 (2 octobre 1798). _Au commandant de la Caravelle._ J'ai recu la lettre que vous vous etes donne la peine de m'ecrire. J'ai appris avec peine que vous aviez eprouve a Alexandrie quelques desagremens. J'ai donne les ordres au Caire pour que tout votre monde vous rejoignit. Tenez-vous pret a partir a l'epoque a laquelle vous aviez l'habitude de quitter Alexandrie. Faites-moi connaitre le temps ou vous comptez partir; j'en profiterai pour vous donner des depeches pour la Porte. Croyez aux sentimens d'estime, et au desir que j'ai de vous etre agreable. BONAPARTE. Au Caire, le 13 vendemiaire an 7 (4 octobre 1798). _Au general Kleber._ Le general Caffarelli, citoyen general, m'a fait connaitre votre desir. Je suis extremement fache de votre indisposition: j'espere que l'air du Nil vous fera du bien, et, sortant des sables d'Alexandrie, vous trouverez peut-etre notre Egypte moins mauvaise qu'on peut le croire d'abord. Nous avons eu differentes affaires avec les Arabes de Scharkieh et du lac Menzale: ils'ont ete battus a Damette et avant-hier a Mit-Kamar. Desaix a ete jusqu'a Syouth: il a pousse les mameloucks dans le desert; une partie d'eux a gagne les oasis. Ibrahim-Bey est a Gaza: il nous menace d'une invasion; il n'en fera rien; mais nous qui ne menacons pas, nous pourrons bien le deloger de la. Croyez au desir que j'ai devons voir promptement retabli, et au prix que j'attache a votre estime et a votre amitie. Je crains que nous ne soyons un peu brouilles: vous seriez injuste si vous doutiez de la peine que j'en eprouverais. Sur le sol de l'Egypte, les nuages, lorsqu'il y en a, passent dans six heures; de mon cote, s'il y en avait, ils seraient passes dans trois: l'estime que j'ai pour vous est au moins egale a celle que vous m'avez temoignee quelquefois. J'espere vous voir sous peu de jours au Caire, comme vous le mande le general Caffarelli. BONAPARTE. Au Caire, le 24 vendemiaire an 7 (15 octobre 1798). _Au general Fugieres._ Il est necessaire, citoyen general, que vous portiez le plus grand respect au village de Tenta, qui est un objet de veneration pour les Mahometans. Il faut surtout eviter de faire tout ce qui pourrait leur donner lieu de se plaindre que nous ne respectons pas leur religion et leurs moeurs. BONAPARTE. Au Caire, le 25 vendemiaire an 7 (15 octobre 1798). _Au meme._ J'ai appris avec peine, citoyen general, ce qui est arrive a Tenta: je desire que l'on respecte cette ville, et je regarderais comme le plus grand malheur qui put arriver, que de voir ravager ce lieu saint aux yeux de tout l'Orient. J'ecris aux habitans de Tenta, et je vais faire ecrire par le divan general: je desire que tout se termine par la negociation. Quant aux Arabes, tachez de les faire se soumettre et qu'ils vous donnent des otages: ecrivez leur a cet effet, et, s'ils ne se soumettent pas, tachez de leur faire le plus de mal que vous pourrez. BONAPARTE. Au Caire, le 26 vendemiaire an 7 (17 octobre 1798). _Au directoire executif._ Citoyens directeurs, je vous fais passer le detail de quelques combats qui ont eu lieu a differentes epoques et en differens lieux contre les mameloucks, diverses tribus d'Arabes, et quelques villages revoltes. _Combat de Remeryeh._ Le general de brigade Fugieres, avec un bataillon de la dix-huitieme demi-brigade, est arrive a Menouf dans le Delta, le 28 thermidor, pour se rendre a Mehalleh-el-kebyr, capitale de la Gharbyeh. Le village de Remeryeh lui refusa le passage. Apres une heure de combat, il repoussa les ennemis dans le village, les investit, les forca, en tua deux cents, et s'empara du village. Il perdit trois hommes, et eut quelques blesses. Le citoyen Chenet, sous-lieutenant de la dix-huitieme, s'est distingue. _Combat de Djemyleh._ Le general Dugua envoya, le premier jour complementaire, le general Damas, avec un bataillon de la soixante-quinzieme, reconnaitre le canal d'Achmoun, et soumettre les villages qui refusaient obeissance. Arrive au village de Djemyleh, un parti d'Arabes, reuni aux fellahs ou habitans, attaqua nos troupes. Les dispositions furent bientot faites, et les ennemis repousses. Le chef de bataillon du genie, Cazales, s'est specialement distingue. _Combat de Myt-Qamar._ Les Arabes de Derneh occupaient le village de Doundeh; environnes de tous cotes par l'inondation, ils se croyaient inexpugnables, et infestaient le Nil par leurs pirateries et leurs brigandages. Les generaux de brigade, Murat et Lanusse, eurent ordre d'y marcher, et arriverent le 7 vendemiaire. Les Arabes furent disperses apres une legere fusillade. Nos troupes les suivirent pendant cinq lieues, ayant de l'eau jusqu'a la ceinture. Leurs troupeaux, chameaux, et effets, sont tombes en notre pouvoir. Plus de deux cents de ces miserables ont ete tues ou noyes. Le citoyen Niderwood, adjoint a l'etat-major, s'est distingue dans ce combat. Les Arabes sont a l'Egypte ce que les Barbets sont au comte de Nice; avec cette grande difference qu'au lieu de vivre dans les montagnes ils sont tous a cheval, et vivent au milieu des deserts. Ils pillent egalement les Turcs, les Egyptiens et les Europeens. Leur ferocite est egale a la vie miserable qu'ils menent, exposes des jours entiers, dans des sables brulans, a l'ardeur du soleil, sans eau pour s'abreuver. Ils sont sans pitie et sans foi. C'est le spectacle de l'homme sauvage le plus hideux qu'il soit possible de se figurer. Le general Desaix est parti du Caire le 8 fructidor, pour se rendre dans la Haute-Egypte, avec une flottille de deux demi-galeres, et six avisos. Il a remonte le Nil, et est arrive a Benecouef le 14 fructidor. Il mit pied a terre, et se porta par une marche forcee a Behnece, sur le canal de Joseph. Mourad-Bey evacua a son approche. Le general Desaix prit quatorze barques chargees de bagage, de tentes, et quatre pieces de canon. Il rejoignit le Nil le 21 fructidor, et arriva a Acyouth le 29 fructidor, se trouvant alors a plus de cent lieues du Caire, poussant devant lui la flottille des beys, qui se refugia du cote de la cataracte. Le cinquieme jour complementaire, il retourna a l'embouchure du canal de Joseph. Apres une navigation difficile et penible, il arriva le 12 vendemiaire a Behnece. Le 14 et le 15, il y eut diverses escarmouches qui preluderent a la journee de Sedyman. _Bataille de Sedyman._ Le 16, a la pointe du jour, la division du general Desaix se mit en marche, et se trouva bientot en presence de l'armee de Mourad-Bey, forte de cinq a six mille chevaux, la plus grande partie Arabes, et un corps d'infanterie qui gardait les retranchements de Sedyman, ou il avait quatre pieces de canon. Le general Desaix forma sa division, toute composee d'infanterie, en bataillon carre qu'il fit eclairer par deux petits carres de deux cents hommes chacun. Les mameloucks, apres avoir longtemps hesite, se deciderent, et chargerent, avec d'horribles cris et la plus grande valeur, le petit peloton de droite que commandait le capitaine de la vingt-unieme, Valette. Dans le meme temps, ils chargerent la queue du carre de la division, ou etait la quatre-vingt-huitieme, bonne et intrepide demi-brigade. Les ennemis sont recus partout avec le meme sang-froid. Les chasseurs de la vingt-unieme ne tirerent qu'a dix pas, et croiserent leurs baionnettes. Les braves de cette intrepide cavalerie vinrent mourir dans, le rang, apres avoir jete masses et haches d'armes, fusils, pistolets, a la tete de nos gens. Quelques-uns, ayant eu leurs chevaux tues, se glisserent le ventre contre terre pour passer sous les baionnettes, et couper les jambes de nos soldats; tout fut inutile: ils durent fuir. Nos troupes s'avancerent sur Sedyman, malgre quatre pieces de canon, dont le feu etait d'autant plus dangereux que notre ordre etait profond; mais le pas de charge fut comme l'eclair, et les retranchemens, les canons et les bagages, nous resterent. Mourad-Bey a eu trois beys tues, deux blesses, et quatre cents hommes d'elite sur le champ de bataille; notre perte se monte a trente-six hommes tues et quatre-vingt-dix blesses. Ici, comme a la bataille des Pyramides, les soldats ont fait un butin considerable. Pas un mamelouck sur lequel on n'ait trouve quatre ou cinq cents louis. Le citoyen Conroux, chef de la soixante-unieme, a ete blesse; les citoyens Rapp, aide-de-camp du general Desaix, Valette, et Sacro, capitaines de la vingt-unieme, Geoffroy, de la soixante-unieme, Geromme, sergent de la quatre-vingt-huitieme, se sont particulierement distingues. Le general Friant a soutenu dans cette journee la reputation qu'il avait acquise en Italie et en Allemagne. Je vous demande le grade de general de brigade pour le citoyen Robin, chef de la vingt-unieme demi-brigade. J'ai avance les differens officiers et soldats qui se sont distingues. Je vous en enverrai l'etat par la premiere occasion. BONAPARTE. Le 26 vendemiaire an 6 (17 octobre 1798). _Au citoyen Barre, capitaine de fregate._ J'ai recu, citoyen, le travail sur les passes d'Alexandrie, que vous m'avez envoye. Vous avez du depuis vous confirmer davantage dans les sondes que vous aviez faites. Je vous prie de me repondre a la question suivante: Si un batiment de soixante-quatorze se presente devant le port d'Alexandrie, vous chargez-vous de le faire entrer? BONAPARTE. Au Caire, le 16 vendemiaire an 7 (17 octobre 1798). _Au general Marmont._ L'intrigant Abdalon, intendant de Mourad-Bey, est passe il y a trois jours a Chouara avec trente Arabes; on croit qu'il se rend dans les environs d'Alexandrie: je desirerais que vous pussiez le faire prendre; je donnerais bien 1,000 ecus de sa personne; ce n'est pas qu'elle les vaille; mais ce serait pour l'exemple: c'est le meme qui etait a bord de l'amiral anglais. Si l'on pouvait parler a des Arabes, ces gens-la feraient beaucoup de choses pour 1,000 sequins. BONAPARTE. Au Caire, le 3 brumaire an 7 (23 octobre 1798). _Au meme._ Nous avons eu hier et avant-hier beaucoup de tapage ici: mais tout est aujourd'hui tranquille. Le general Dupuy a ete tue dans une rue, au premier moment de la revolte; Sullowski a ete tue hier matin: j'ai ete oblige de faire tirer des bombes et des obus sur la grande mosquee, pour soumettre un quartier qui s'etait barricade: cela a fait un effet tres-considerable. Plus de quinze obus sont entres dans la mosquee. Nous avons eu en differens points quarante ou cinquante hommes de tues. La ville a eu une bonne lecon, dont elle se souviendra long-temps, je crois. J'ai recu votre lettre du 26. Faites-nous passer le plus d'artillerie que vous pourrez: je vous ai demande quelques pieces de 24 et quelques mortiers; il serait bien essentiel qu'il nous en arrivat. BONAPARTE. Au Caire, le 6 brumaire an 7 (27 octobre 1798). _Au general Reynier._ J'ai recu, citoyen general, votre lettre du 4 brumaire, avec differens extraits des lettres du general Lagrange. Vous devez avoir recu un convoi avec des cartouches et quatre pieces de canon, dont deux pour votre equipage de campagne, deux pour Salahieh, dans le cas que l'equipage par eau tardat a y arriver. La tranquillite est parfaitement retablie au Caire. Notre perte se monte exactement a huit hommes tues dans les differens combats, vingt-cinq hommes malades qui, revenant de votre division, ont ete assassines en route, et une vingtaine d'autres personnes de differentes administrations et de differens corps, assassinees isolement. Les revoltes ont perdu un couple de milliers d'hommes. Toutes les nuits nous faisons couper une trentaine de tetes et beaucoup de celles des chefs: cela, je crois, leur servira d'une bonne lecon. Ibrahim-Bey ne tardera pas, je crois, a se jeter dans le desert. Si quelques Arabes ont ete le joindre, cela a ete pour lui porter du ble et autres provisions. Il parait qu'il y a a Gaza une grande disette. Au reste, si nous pouvions etre prevenus a temps, il n'echapperait que difficilement. Pour le moment, tenez-vous concentre a Salahieh et a Belbeis; punissez les differentes tribus arabes qui se sont revoltees contre vous; tachez d'en obtenir des chevaux et des otages; faites activer, par tous les moyens possibles, les travaux de Belbeis, afin que l'on puisse y confier, d'ici a quelques jours, quelques pieces de canon; approvisionnez Salahieh le plus qu'il vous sera possible. La meilleure maniere de punir les villages qui se sont revoltes, c'est de prendre le scheick El-Beled et de lui faire couper le cou, car c'est de lui que tout depend. Le general Andreossi est reparti de Peluse le 28; il y a trouve de tres-belles colonnes et quelques camees. BONAPARTE. Au Caire, le 6 brumaire an 7 (27 octobre 1798). _Au directoire executif._ Le 30 vendemiaire, a la pointe du jour, il se manifesta quelques rassemblemens dans la ville du Caire. A sept heures du matin, une populace nombreuse s'assembla a la porte du cadhi, Ibrahim Ehctem Efendy, homme respectable par son caractere et ses moeurs. Une deputation de vingt personnes des plus marquantes se rendit chez lui, et l'obligea a monter a cheval, pour, tous ensemble, se rendre chez moi. On partait, lorsqu'un homme de bon sens observa au cadhi que le rassemblement etait trop nombreux et trop mal compose pour des hommes qui ne voulaient que presenter une petition. Il fut frappe de l'observation, descendit de cheval, et rentra chez lui. La populace mecontente tomba sur lui et sur ses gens a coups de pierre et de baton et ne manqua pas cette occasion pour piller sa maison. Le general Dupuy, commandant la place, arriva sur ces entrefaites; toutes les rues etaient obstruees. Un chef de bataillon turc, attache a la police, qui venait deux cents pas derriere, voyant le tumulte et l'impossibilite de le faire cesser par douceur, tira un coup de tromblon. La populace devint furieuse; le general Dupuy la chargea avec son escorte, culbuta tout ce qui etait devant lui, s'ouvrit un passage. Il recut sous l'aisselle un coup de lance qui lui coupa l'artere: il ne vecut que huit minutes. Le general Bon prit le commandement. Les coups de canon d'alarme furent tires; la fusillade s'engagea dans toutes les rues; la populace se mit a piller les maisons des riches. Sur le soir, toute la ville se trouva a-peu-pres tranquille, hormis le quartier de la grande mosquee, ou se tenait le conseil des revoltes, qui en avaient barricade les avenues. A minuit, le general Dommartin se rendit avec quatre bouches a feu sur une hauteur, entre la citadelle et la qoubbeh, qui domine a cent cinquante toises la grande mosquee. Les Arabes et les paysans marchaient pour secourir les revoltes. Le general Lannes fit attaquer par le general Vaux quatre a cinq mille paysans qui se sauverent plus vite qu'ils n'auraient voulu; beaucoup se noyerent dans l'inondation. A huit heures du matin, j'envoyai le general Dumas avec de la cavalerie battre la plaine. Il chassa les Arabes au-dela de la qoubbeh. A deux heures apres midi, tout etait tranquille hors des murs de la ville. Le divan, les principaux scheicks, les docteurs de la loi, s'etant presentes aux barricades du quartier de la grande mosquee, les revoltes leur en refuserent l'entree; on les accueillit a coups de fusil. Je leurs fis repondre a quatre heures par les batteries de mortiers de la citadelle, et les batteries d'obusiers du general Dommartin. En moins de vingt minutes de bombardement, les barricades furent levees, le quartier evacue, la mosquee entre les mains de nos troupes, et la tranquillite fut parfaitement retablie. On evalue la perte des revoltes de deux mille a deux mille cinq cents hommes; la notre se monte a seize hommes tues en combattant, un convoi de vingt-un malades revenant de l'armee, egorges dans une rue, et a vingt hommes de differens corps et de differens etats. L'armee sent vivement la perte du general Dupuy, que les hasards de la guerre avaient respecte dans cent occasions. Mon aide-de-camp Sullowsky allant, a la pointe du jour, le premier brumaire, reconnaitre les mouvemens qui se manifestaient hors la ville, a ete a son retour attaque par toute la populace d'un faubourg; son cheval ayant glisse, il a ete assomme. Les blessures qu'il avait recues au combat de Salahieh n'etaient pas encore cicatrisees; c'etait un officier de la plus grande esperance. BONAPARTE. Au Caire, le 9 brumaire an 7 (30 octobre 1798). _Au citoyen Braswich, chancelier interprete._ Vous vous embarquerez, citoyen, avec Ibrahim-Aga; vous vous rendrez avec lui a bord de la caravelle. Vous tacherez de prendre tous les renseignemens possibles sur notre situation avec la Porte, et sur celle de notre ambassadeur a Constantinople et de l'ambassadeur ottoman a Paris. Vous ferez connaitre a l'officier qui commande la flottille turque le desir que j'aurais qu'il m'envoyat au Caire un officier distingue, pour conferer avec lui d'objets importans; que si les Anglais ne les laissent pas entrer a Alexandrie, ni a Rosette, il peut envoyer une fregate a Damiette, et que j'en profiterai pour ecrire a Constantinople des choses egalement avantageuses aux deux puissances. Je compte, pour cette mission importante, sur votre zele et sur votre capacite. BONAPARTE. Au Caire, le 9 brumaire an 7 (30 octobre 1798). _Au general commandant a Alexandrie._ Vous ferez sortir, citoyen general, deux parlementaires, l'un sera le canot de la caravelle, sur lequel seront embarques le turc Ibrahim Aga et le citoyen Braswich, qui s'habillera a la turque, s'il ne l'est pas. Le second portera un officier de terre. Vous ferez commander le canot par un officier intelligent qui puisse tout observer sans se meler de rien. Ces deux parlementaires sortiront en meme temps du port: l'un portera pavillon tricolore et pavillon blanc; l'autre pavillon turc et pavillon blanc. Sortis du port, le parlementaire francais ira aborder l'amiral anglais; le parlementaire turc ira aborder l'amiral turc. Vous ecrirez a l'amiral anglais une lettre, dans laquelle vous lui direz que vous vous etes empresse d'envoyer au Caire la lettre qu'il vous a ecrite le 19 octobre; que la caravelle qui est a Alexandrie etant a la disposition du pacha d'Egypte, elle suivra les ordres que lui donnera ledit pacha; que celui-ci ayant juge a propos d'envoyer un de ses officiers a bord de l'amiral turc, avant de donner ledit ordre, vous avez autorise la sortie du parlementaire qui porte la chaloupe de la caravelle. Vous aurez soin qu'aucun individu de la caravelle ne s'embarque sur son parlementaire, hormis les rameurs, qui devront etre matelots. L'officier de terre que vous enverrez a bord de l'amiral anglais se comportera avec la plus grande honnetete: il remettra a l'amiral, comme par hasard, quelques journaux d'Egypte, et cherchera a tirer toutes les nouvelles possibles du continent. Il lui dira que je l'ai specialement charge de lui offrir tous les rafraichissemens dont il pourrait avoir besoin. Dans la nuit, le general Murat partira avec une partie de la soixante-quinzieme; il se rendra a Rahmanieh, de la a Rosette, et de la a Aboukir ou a Alexandrie. Je juge cet accroissement de forces necessaire pour vous mettre a meme de vous opposer a toutes les entreprises que pourraient former les ennemis. Je fais disposer d'autres batimens pour vous envoyer d'autres troupes, et m'y transporter moi-meme, si les nouvelles que je recevrai demain me le font penser necessaire. BONAPARTE. Au Caire, le 14 brumaire an 7 (4 novembre 1798). _Au general Marmont._ Je recois, citoyen general, vos lettres des 6 et 7. Puisque les Anglais ne tentaient leur descente qu'avec une vingtaine de chaloupes, il etait evident qu'ils ne pouvaient debarquer que huit ou neuf cents hommes: c'eut donc ete une bonne affaire de les laisser debarquer, vous nous auriez envoye quelque colonel anglais prisonnier, qui nous aurait donne quelques nouvelles du continent. Il est bien evident que les Anglais ne veulent tenter leur debarquement a Aboukir qu'en consequence de quelque projet mal ourdi, ou Mourad-Bey, ou de nombreuses cohortes d'Arabes, ou peut-etre meme des habitans, devaient combiner leurs mouvemens avec le leur. Puisque rien de tout cela n'est arrive et que cependant ils tentaient de debarquer, c'etait une bonne occasion dont on pouvait profiter. J'espere toujours que si le 9 ils ont voulu descendre, vous aurez eu le temps de vous preparer: vous pourrez les attirer dans quelque embuscade et leur faire un bon nombre de prisonniers. Quant au fort d'Aboukir, ayant une enceinte et un fosse, il est a l'abri d'un coup de main, quand meme les Anglais auraient effectue leur debarquement: cent hommes s'y renfermeraient dans le temps que l'on marcherait d'Alexandrie et de Rosette pour ecraser les Anglais. J'ai recu des nouvelles de Constantinople: la Porte se trouve dans une position tres-critique, et il s'en faut beaucoup qu'elle soit contre nous. L'escadre russe a demande le passage par le detroit; la Porte le lui a refuse avec beaucoup de decision. BONAPARTE. Au Caire, le 19 brumaire an 7 (9 novembre 1798). _A son excellence le grand-visir._ J'ai eu l'honneur d'ecrire a votre excellence le 13 messidor, a mon arrivee a Alexandrie; je lui ai ecrit egalement le 5 fructidor par un batiment que j'ai expedie expres de Damiette; je n'ai recu aucune reponse a ces differentes lettres. Je reitere cette troisieme lettre pour faire connaitre a votre excellence l'intention de la republique francaise de vivre en bonne intelligence avec la sublime Porte. La necessite de punir les mameloucks des insultes qu'ils n'ont cesse de faire au commerce francais, nous a conduits en Egypte, tout comme, a differentes epoques, la France a du faire la meme chose pour punir Alger et Tunis. La republique francaise est, par inclination comme par interet, amie du sultan, puisqu'elle est l'ennemie de ses ennemis; elle s'est positivement refusee a entrer dans la coalition qui a ete faite avec les deux empereurs contre la Sublime Porte: les puissances qui se sont deja precedemment partage la Pologne ont le meme projet contre la Turquie. Dans les circonstances actuelles la Sublime Porte doit voir l'armee francaise comme une amie qui lui est devouee et qui est toute prete a agir contre ses ennemis. Je prie votre excellence de croire que personnellement je desire concourir et employer mes moyens et mes forces a faire quelque chose qui soit utile au sultan, et puisse prouver a votre excellence l'estime et la consideration avec laquelle je suis, BONAPARTE. Au Caire, le 21 brumaire an 7 (11 novembre 1798). _Au general Menou._ S'il se presentait, citoyen general, une ou deux fregates turques pour entrer dans le port d'Alexandrie, vous devez les laisser entrer. S'il se presentait plusieurs batimens de guerre turcs pour entrer dans le port d'Alexandrie, vous ferez connaitre a celui qui les commande qu'il est necessaire que vous me fassiez part de sa demande; vous pourrez meme l'engager a envoyer quelqu'un au Caire, et, s'il persistait, vous emploierez la force pour l'empecher d'entrer. Si une escadre turque vient croiser devant le port et qu'elle communique directement avec vous, vous serez a meme de prendre toute espece d'information: vous lui ferez toute sorte d'honnetetes. Si elle ne communique avec nous que par des parlementaires anglais, vous ferez connaitre a celui qui la commande combien cela est indecent et contraire au respect que l'on doit a la dignite du sultan, et vous l'engagerez a communiquer avec vous directement sans parlementaire anglais, lui faisant connaitre que vous regarderez comme nulles toutes les lettres qui vous viendront par les parlementaires anglais. BONAPARTE. Au Caire, le 26 brumaire an 7 (16 novembre 1798). _Au citoyen Guibert, lieutenant des guides._ Vous vous rendrez, citoyen, a Rosette, en vous embarquant de suite sur _la Diligence_. Vous remettrez les lettres ci-jointes, au general Menou; vous aurez avec vous un Turc nomme Mohammed-Tehaouss, lieutenant de la caravelle qui est a Alexandrie. Vous vous embarquerez a Rosette sur un canot parlementaire, que le contre-amiral Perree vous fournira. Vous vous rendrez a bord de l'amiral anglais avec votre Turc, qui remettra une lettre dont il est porteur a l'officier qui commande la flottille turque. Vous resterez quelques heures avec l'amiral anglais: vous lui remettrez sans pretention les differens journaux egyptiens et les numeros de la decade; vous tacherez qu'il vous remette les journaux qu'il pourrait avoir recus d'Europe; vous laisserez echapper dans la conversation que je recois souvent des nouvelles de Constantinople par terre. S'il vous parle de l'escadre russe qui assiege Corfou, vous lui laisserez d'abord dire tout ce qu'il voudra, apres quoi vous lui direz que j'ai des nouvelles en date de vingt jours de Corfou; vous lui ferez sentir que vous ne croyez pas a la presence de l'escadre russe devant Corfou, parce que, si les Russes avaient des forces dans ces mers, ils ne seraient pas assez dupes de ne pas etre devant Alexandrie; vous lui direz, comme par inadvertance, qu'il attribuera facilement a votre jeunesse, que, depuis les premiers jours de septembre, tous les jours, je fais partir un officier pour la France; que plusieurs de mes aides-de-camp ont ete expedies, et entre autres, mon frere, que vous direz parti depuis vingt-cinq jours. S'il vous demande d'ou ils partent, vous direz que vous ne savez pas d'ou tous sont partis; mais que, pour mon frere, il est parti d'Alexandrie. Vous leur demanderez des nouvelles de la fregate _la Justice_, sur laquelle vous direz avoir un cousin; vous demanderez ou elle se trouve: s'il ne la connaissait pas, vous la lui designeriez comme une de celles qui s'en sont allees avec l'amiral Villeneuve. Vous leur direz que je suis dans ce moment-ci a Suez et que vous croyez que vous me trouverez de retour; vous lui direz, mais tres-legerement, que vous croyez qu'il est arrive un tres-grand nombre de batimens a Suez, venant de l'Ile de France. Vous lui direz que le premier parlementaire qu'il aurait a m'envoyer, je desirerais qu'il vint a Rosette, et que j'avais donne l'ordre qu'il vint au Caire, et que, dans ce cas, je desirerais qu'il nommat quelqu'un qui eut sa confiance et qui fut intelligent. Vous lui direz egalement que, s'ils ont de la difficulte a faire de l'eau ou qu'ils aient difficilement des choses qui puissent leur etre agreables, vous savez que mon intention est de les leur faire fournir; vous leur raconterez que devant Mantoue, sachant que le marechal de Wurmser avait une grande quantite de malades, je lui avais envoye beaucoup de medicamens, generosite qui avait beaucoup etonne le vieux marechal; que je lui faisais passer tous les jours six paires de boeufs et toutes sortes de rafraichissemens; que j'avais ete tres-satisfait de la maniere dont ils avaient traite nos prisonniers. Enfin, vous rentrerez a Rosette avec votre Turc sans toucher Alexandrie. Si le contre-amiral Perree preferait vous faire partir d'Aboukir sur la chaloupe de _l'Orient_, vous vous y rendriez. Vous reviendriez a Aboukir, et de la a Rosette, et descendrez avec votre Turc au quartier-general. BONAPARTE. Au Caire, le 26 brumaire an 7 (16 novembre 1798). _Au directoire executif._ Je vous fais passer la note des combats qui ont eu lieu a differentes epoques et sur differens points de l'armee. Les Arabes du desert de la Lybie harcelaient la garnison d'Alexandrie. Le general Kleber leur fit tendre une embuscade; le chef d'escadron Rabasse, a la tete de cinquante hommes du quatorzieme de dragons, les surprit le 5 thermidor et leur tua quarante-trois hommes. A la sollicitation de Mourad-Bey et des Anglais, les Arabes s'etaient reunis et avaient fait une coupure au canal d'Alexandrie, pour empecher les eaux d'y arriver. Le chef de brigade Barthelemy, a la tete de six cents hommes de la soixante-neuvieme, cerna le village de Birk et Glathas, la nuit du 27 fructidor, tua plus de deux cents hommes, pilla et brula le village. Ces exemples necessaires rendirent les Arabes plus sages, et, graces aux peines et a l'activite de la quatrieme d'infanterie legere, les eaux sont arrivees, le 14 brumaire, a Alexandrie en plus grande abondance que jamais. Il y en a pour deux ans. Le canal nous a servi a approvisionner de ble Alexandrie, et a faire venir nos equipages d'artillerie a Djyzeh. Le general Andreossi, apres differens combats sur le lac Menzaleh, est arrive, le 29 vendemiaire, sur les ruines de Peluse. Il y a trouve plusieurs antiques, entre autres un fort beau camee; il y a dresse la carte de ce lac et de ses sondes avec la plus grande exactitude. Nous avons dans ce moment beaucoup de batimens armes dans ce lac. Il ne reste plus que deux branches, celle d'Ommfaredje et celle de Dybeh, peu de traces de celle de Peluse. Deux jours apres que la populace du Caire se fut revoltee, les Arabes accoururent de differens points du desert, et se reunirent devant Belbeis. Le general Reynier les repoussa partout; un seul coup de canon a mitraille en tua sept: apres differens petits combats ils disparurent, et quelque temps apres se sont soumis. Quelques djermes, chargees de chevaux nous appartenant, ont ete pillees par les habitans du village de Ramleh, et deux dragons ont ete tues. Le general Murat s'y est porte, a cerne le village, et a tue une centaine d'hommes. Le general Lanusse, instruit que le celebre Abouche'ir, un des principaux brigands du Delta, etait a Kafr-Khair, l'a surpris la nuit du 29 vendemiaire, a cerne sa maison, l'a tue, lui a pris trois pieces de canon, quarante fusils, cinquante chevaux, et beaucoup de subsistances. Les Anglais, avec quinze chaloupes canonnieres et quelques petits batimens, se sont approches du fort d'Aboukir, les 3, 4, 6 et 7 brumaire. Ils ont eu plusieurs chaloupes coulees bas: l'ordre etait donne de les laisser debarquer; ils ne l'ont pas ose faire. Ils doivent avoir perdu quelques hommes; nous en avons eu deux blesses et un de tue: le citoyen Martinet, commandant la legion nubique, s'est distingue. Depuis la bataille de Sedyman, le general Desaix etait dans le Faioum. Dans cette saison, on ne peut en Egypte aller ni par eau, il n'y en a pas assez dans les canaux; ni par terre, elle est marecageuse et pas encore seche: ne pouvant donc poursuivre Mourad-Bey, le general Desaix s'occupa a organiser le Faioum. Cependant Mourad-Bey en profita pour faire courir le bruit qu'Alexandrie etait pris, et qu'il fallait exterminer tous les Francais. Les villages se refuserent a rien fournir au general Desaix, qui se porta, le 19 brumaire, pour punir le village de Ceruni (Cheruneh) qui etait soutenu par deux cents mameloucks; une compagnie de grenadiers les mit en deroute. Le village a ete pris, pille et brule; l'ennemi a perdu quinze a seize hommes. Dans le meme temps, cinq cents Arabes, autant de mameloucks, et un grand nombre de paysans, se portaient a Faioum pour enlever l'ambulance. Le chef de bataillon de la vingt-unieme, Epler, sortit au devant des ennemis, les culbuta par une bonne fusillade, et les poussa la baionnette dans les reins. Une soixantaine d'Arabes, qui etaient entres dans les maisons pour piller, ont ete tues; nous n'avons eu, dans ces differens combats, que trois hommes tues et dix de blesses. BONAPARTE. Au Caire, le 28 brumaire an 7 (18 novembre 1798). _A l'ordonnateur Leroy._ Le capitaine du navire le _Santa-Maria_, qui a achete ou vole quatre pieces de canon de 2, un cable et un grappin, de concert avec un matelot francais, sera condamne a payer 6,000 fr. d'amende, qui seront verses dans la caisse du payeur. BONAPARTE. Au Caire, le 29 brumaire an 7 (19 novembre 1798). _A Djezzar-Pacha._ Je ne veux pas vous faire la guerre, si vous n'etes pas mon ennemi; mais il est temps que vous vous expliquiez. Si vous continuez a donner refuge et a garder sur les frontieres de l'Egypte Ibrahim-Bey, je regarderai cela comme une marque d'hostilite, et j'irai a Acre. Si vous voulez vivre en paix avec moi, vous eloignerez Ibrahim-Bey a quarante lieues des frontieres de l'Egypte, et vous laisserez libre le commerce entre Damiette et la Syrie. Alors, je vous promets de respecter vos etats, de laisser la liberte entiere au commerce entre l'Egypte et la Syrie, soit par terre, soit par mer. BONAPARTE. Au Caire, le 3 frimaire an 7 (23 novembre 1798). _Au general Menou._ Faites sentir, citoyen general, au conseil militaire combien il est essentiel d'etre severe contre les dilapidateurs qui vendent la subsistance des soldats. C'est par ce manege-la qu'ils nous ont vendu tout le vin que nous avons apporte de France. Par la seule raison qu'il ne surveille pas des dilapidations aussi publiques, le commissaire des guerres est coupable, et merite une punition exemplaire. BONAPARTE. Au Caire, le 3 frimaire an 7 (23 novembre 1798). _Au scheick El-Messiri._ J'ai vu avec plaisir votre heureuse arrivee a Alexandrie; cela contribuera a y maintenir la tranquillite et le bon ordre. Il serait essentiel que vous et les notables d'Alexandrie, prissiez des moyens pour detruire les Arabes et les forcer a une maniere de vivre plus conforme a la vertu. Je vous prie aussi de faire veiller les malintentionnes qui debarquent a deux ou trois lieues d'Alexandrie, se glissent dans la ville et y repandent des faux bruits qui ne tendent qu'a troubler la tranquillite. Sous peu, je ferai travailler au canal d'Alexandrie, et j'espere qu'avant six mois l'eau y viendra en tout temps. Quant a la mer, persuadez-vous bien qu'elle ne sera pas long-temps a la disposition de nos ennemis. Alexandrie reacquerra son ancienne splendeur, et deviendra le centre du commerce de tout l'Orient; mais vous savez qu'il faut quelque temps. Dieu meme n'a pas fait le monde en un seul jour. BONAPARTE. Au Caire, le 5 frimaire an 7 (25 novembre 1798). _Au directoire executif._ Je vous envoie, par le citoyen Sucy, ordonnateur de l'armee, un duplicata de la lettre que je vous ai ecrite le 1er. frimaire, et que je vous ai expediee par un de mes courriers, et le quadruplicata de celle que je vous ai ecrite le 30 vendemiaire, et que je vous ai egalement expediee par un de mes courriers, et enfin tous les journaux, ordres du jour et relations que je vous ai fait passer par mille et une occasions. L'ordonnateur Sucy est oblige de se rendre en France pour y prendre les eaux, par suite de la blessure qu'il a recue dans les premiers jours de notre arrivee en Egypte. Je l'engage a se rendre a Paris, ou il pourra vous donner tous les renseignemens que vous pourrez desirer sur la situation politique, administrative et militaire de ce pays. Nous attendons toujours avec une vive impatience des courriers d'Europe. L'ordonnateur Daure remplit en ce moment les fonctions d'ordonnateur en chef. Comme nos lazarets sont etablis a Alexandrie, Rosette et Damiette, je vous prie d'ordonner qu'il ne soit pas fait de quarantaine pour les batimens qui viennent d'Egypte, des l'instant qu'ils auront une patente en regle. Vous pouvez etre surs que nous serons extremement prudens, et que nous ne donnerons point de patente, des qu'il y aura le moindre soupcon. Nous sommes, au printemps, comme en France au mois de mai. Je me refere, sur la situation politique et militaire de ce pays, aux lettres que je vous ai precedemment ecrites. J'envoie en France une quarantaine de militaires estropies ou aveugles: ils debarqueront en Italie ou en France: je vous prie de les recommander a nos generaux et a nos ambassadeurs en Italie, en cas qu'ils debarquent dans un port neutre. BONAPARTE. Au Caire, le 9 frimaire an 7 (29 novembre 1798). _Au general Marmont._ L'etat-major vous ordonne, citoyen general, de prendre le commandement de la place d'Alexandrie. Je fais venir le general Manscourt au Caire, parce que j'ai appris que le 24 il a envoye un parlementaire aux Anglais sans m'en rendre compte, et que d'ailleurs sa lettre a l'amiral anglais n'etait pas digne de la nation. Je vous repete ici l'ordre que j'ai donne, de ne pas envoyer de parlementaire aux Anglais sans mon ordre. Qu'on ne leur demande rien. J'ai accoutume les officiers qui sont sous mes ordres, a accorder des graces et non a en recevoir. J'ai appris que les Anglais avaient fait quatorze prisonniers a la quatrieme d'infanterie legere; il est extremement surprenant que je n'en aie rien su. Secouez les administrations, mettez de l'ordre dans cette grande garnison, et faites que l'on s'apercoive du changement de commandant. Ecrivez-moi souvent et dans le plus grand detail. Je savais depuis trois jours la nouvelle que vous m'avez ecrite, des lettres venues de Saint-Jean d'Acre. Renvoyez d'Alexandrie tous les hommes isoles qui devraient etre a l'armee. Ayez soin que personne ne s'en aille qu'il n'ait son passeport en regle; que ceux qui s'en vont n'emmenent point de domestiques avec eux, surtout d'hommes ayant moins de trente ans, et qu'ils n'emportent point de fusils. BONAPARTE. Au Caire, le 9 frimaire an 7 (29 novembre 1798). _Au general Ganteaume._ Je vous prie, citoyen general, de faire expedier d'Alexandrie a Malte un bon marcheur du convoi, avec des depeches pour le contre-amiral Villeneuve. Vous lui ferez connaitre le desir que j'aurais qu'il put, par le moyen de ses fregates, nous envoyer des nouvelles d'Europe. Les fregates pourraient venir a Damiette ou les ennemis ne croisent pas. Vous lui ferez connaitre que depuis Alexandrie jusqu'a la bouche d'Orum Faredge, a vingt heures est de Damiette, toute la cote est a nous, et qu'en reconnaissant un point quelconque de cette cote, et mettant un canot a la mer avec cinquante hommes armes dedans, les depeches nous parviendront tres-certainement. Vous lui direz que nous ne sommes bloques ici que par deux vaisseaux et une ou deux fregates: s'il pouvait paraitre ici avec trois ou quatre vaisseaux qu'il a a Malte, et deux ou trois fregates, il pourrait enlever la croisiere anglaise; que nos batimens de guerre qu'il sait que nous avons a Alexandrie, sont organises et pourraient sortir pour lui donner des secours. Vous donnerez pour instructions a ce batiment de ne point se presenter devant le port de Malte, mais dans la cale de Massa-Sirocco. Expediez un autre batiment grec ou du convoi a Corfou pour faire connaitre a celui qui commande les forces navales dans ce port, combien il est necessaire qu'il nous expedie un aviso avec toutes les nouvelles qu'il pourrait avoir a Corfou, d'Europe, de l'Albanie, de la Turquie, et de tout ce qui s'est passe de nouveau dans ces mers. Donnez-lui egalement une instruction du point ou il doit aborder. Expediez un troisieme batiment du convoi, si vous pouvez, un batiment imperial, au commandant des batimens de guerre a Ancone. Vous lui direz que je desire qu'il m'expedie un aviso pour me faire connaitre la situation de ses batimens, et qu'il m'envoye toutes les nouvelles, et entre autres toutes les gazettes francaises et italiennes depuis notre depart. Vous lui donnerez egalement une instruction sur la marche que doit tenir l'aviso. Vous expedierez un quatrieme batiment du convoi, bon voilier, pour se rendre a Toulon, avec une lettre pour le commandant des armes, dans laquelle vous lui ferez connaitre notre situation dans ce pays, et la necessite ou nous nous trouvons qu'il nous fasse passer des nouvelles de France et les ordres du gouvernement, en evitant Alexandrie, et en venant aborder, soit a Bourlas, soit a Damiette, soit a la bouche d'Orum-Faredge. Vous ordonnerez au batiment de Toulon de passer entre le cap Bon et Malte, d'eviter l'un et l'autre, de doubler les iles Saint-Pierre, et de passer entre la Corse et les iles Minorques. Si les vents le contrariaient ou qu'il apprit la presence des ennemis, il pourrait aborder en Corse ou dans un port d'Espagne. Sur chacun de ces trois ou quatre batimens, vous mettrez un aspirant de la marine ou un officier marinier, qui sera porteur de vos depeches, et qui devra en rapporter la reponse. Vous leur donnerez toutes les instructions necessaires a cet egard, et vous leur ferez bien connaitre la maniere dont ils doivent se conduire a leur retour. Il sera promis une gratification aux patrons des navires qui retourneront et nous rapporteront des nouvelles du continent. Je vous enverrai, dans la matinee de demain, quatre paquets, dont seront porteurs ces quatre officiers. Vous leur ordonnerez de les garder, en les cachant; s'ils etaient pris par les Anglais, je prefere qu'ils soient pris, plutot que de les jeter a la mer. Il n'y a que des imprimes dans ces paquets. BONAPARTE. Au Caire, le 10 frimaire an 7 (30 novembre 1798). _Au general Menou._ Si la contribution ne rentre pas, faites parcourir, citoyen general, une colonne mobile dans toute la province de Rosette, village par village, avec l'intendant, l'agent francais et un officier intelligent; a mesure qu'ils passeront dans un village, ils exigeront les chevaux et la contribution. Vous verrez qu'elle rentrera tres-promptement. BONAPARTE. Au Caire, le 11 frimaire an 7 (1er decembre 1798). _Au general Bon._ Vous vous rendrez, citoyen general, demain a Birket-el-Adji. Vous partirez apres-demain avant le jour de cet endroit pour vous rendre, avec la plus grande diligence possible a Suez. Il serait a desirer que vous pussiez y arriver le 14 au soir, ou le 15 avant midi. Vous m'enverrez un expres arabe, tous les jours, auquel vous ferez connaitre que je donnerai plusieurs piastres lorsqu'ils me remettront vos lettres. Vous aurez avec vous, independamment des troupes que le chef de l'etat-major vous a annoncees, le citoyen Collot, enseigne de vaisseau avec dix matelots et le moallem ... qui aura aussi huit ou dix de ses gens avec lui. Vous trouverez, a Suez, toutes les citernes, que j'ai fait remplir. Votre premier soin sera, en arrivant, de nommer un officier pour commander la place. Le citoyen Collot remplira les fonctions de commandant des armes du port, et les officiers du genie et d'artillerie qu'y envoient les generaux Caffarelli et Dommartin, commanderont ces armes dans cette place; le moallem ... remplira les fonctions de mazir ou inspecteur des douanes. Votre premiere operation sera de remplir toutes les citernes qui ne sont pas pleines, et de faire un accord avec les Arabes de Thor, pour qu'ils continuent a vous fournir toute l'eau existant dans les citernes, en reserve. Vous ferez retrancher, autant qu'il sera possible, tout le Suez ou une partie de Suez, de maniere a etre a l'abri des attaques des Arabes, et avoir une batterie de gros canons qui battent la mer. Vous vivrez dans la meilleure intelligence avec tous les patrons des batimens venant de Jambo ou de Djedda, et vous leur ecrirez, pour les assurer qu'ils peuvent en toute surete continuer le commerce, qu'ils seront specialement proteges. Vous tacherez de vous procurer, parmi les batimens qui vont a Suez, une ou deux felouques des meilleures qui se trouvent dans ce port, que vous ferez armer en guerre. Vingt-quatre heures apres votre arrivee, vous m'enverrez toujours, par des Arabes et par duplicata, un memoire sur votre situation militaire, sur celle des citernes et sur la situation du pays et le nombre des batimens. Vous ferez tout ce qui sera possible pour encourager le commerce et rien pour l'alarmer. Des l'instant que je saurai votre arrivee, je vous enverrai un second convoi de biscuit. Vous ferez commencer sur-le-champ les travaux necessaires pour mettre tout le Suez ou une partie de Suez a l'abri des attaques des Arabes, et si vous ne trouvez pas dans cette place un assez grand nombre de pieces pour mettre en batterie, independamment des deux que vous emmenerez avec vous, je vous en ferai passer d'autres. Mon intention est que vous restiez dans cette place assez de temps pour faire des fortifications, afin que la compagnie Omar, les marins et les canonniers suffisent pour la defense contre les entreprises des Arabes, et si ces forces n'etaient pas suffisantes, vous me le manderez: alors je les renforcerai de quelques troupes grecques. Je vous recommande de m'ecrire, par les Arabes, deux fois par jour. Vous m'enverrez toutes les nouvelles que vous pourrez recueillir, soit sur la Syrie, soit sur Djedda ou la Mecque. BONAPARTE. Au Caire, le 12 frimaire an 7 (2 decembre 1798). _Au general Marmont._ Vous ferez reunir chez vous, citoyen general, dans le plus grand secret, le contre-amiral Perree, le chef de division Dumanoir, le capitaine Barre. Vous dresserez un proces-verbal de la reponse qu'ils feront aux questions suivantes, que vous signerez avec eux. _Premiere question_. Si la premiere division de l'escadre sortait, pourrait-elle, apres une croisiere, rentrer dans le port neuf ou dans le port vieux, malgre la croisiere actuelle des Anglais? _Seconde question_. Si _le Guillaume-Tell_ paraissait avec _le Genereux_, _le Dego_, _l'Arthemise_, et les trois vaisseaux venitiens que nous avons laisses a Toulon et qui sont actuellement reunis a Malte, la croisiere anglaise serait obligee de se sauver: se charge-t-on de faire entrer l'amiral Villeneuve dans le port? _Troisieme question_. Si la premiere division sortait pour favoriser sa rentree, malgre la croisiere anglaise, ne serait-il pas utile, independamment du fanal que j'ai ordonne qu'on allumat au phare, d'etablir un nouveau fanal sur la tour du Marabou? Y aurait-il quelques autres precautions a prendre? Si, dans la solution de ces trois questions, il y avait difference d'opinions, vous ferez mettre dans le proces-verbal l'opinion de chacun. Je vous ordonne qu'il n'y ait a cette conference que vous quatre. Vous commencerez par leur ordonner le plus grand secret. Apres que le conseil aura repondu a ces trois questions et que le proces-verbal sera clos, vous poserez cette question: Si l'escadre du contre-amiral Villeneuve partait le 15 frimaire de Malte, de quelle maniere s'apercevrait-on de son arrivee a la hauteur de la croisiere? Quels secours les forces navales actuelles du port pourraient elles lui procurer? et de quel ordre aurait besoin le contre-amiral Perree pour se croire suffisamment autorise a sortir? Combien de temps faudrait-il pour jeter les bouees pour designer la passe? Les fregates _la Carrere_, _la Muiron_ et le vaisseau _le Causse_ seraient-ils dans le cas de sortir? Apres quoi vous poserez cette question: Les fregates _la Junon_, _l'Alceste_, _la Carrere_, _la Courageuse_, _la Muiron_, les vaisseaux _le Causse_, _le Dubois_, renforces chacun par une bonne garnison de l'armee de terre et de tous les matelots europeens qui existent a Alexandrie, seraient-ils dans le cas d'attaquer la croisiere anglaise, si elle etait composee de deux vaisseaux et d'une fregate? Vous me ferez passer le proces-verbal de cette seance dans le plus court delai. BONAPARTE. Au Caire, le 13 frimaire an 7 (3 decembre 1798). _Au meme._ J'ai donne, citoyen general, plusieurs ordres pour que tous les matelots existant a bord du convoi et ayant moins de vingt-cinq ans, de quelque nation qu'ils soient, fussent envoyes au Caire, ainsi que tous les matelots napolitains provenant des batimens brules par les Anglais. L'un et l'autre de ces ordres ont ete mal executes, puisque les Napolitains etaient seuls plus de trois cents, et qu'il etait impossible que tout le convoi ne contint au moins cinq ou six cents personnes dans le cas de la requisition que je fais. Vous sentez facilement combien il est essentiel, dans la position ou est l'armee, qu'elle trouve dans les convois qui sont sur le point de passer en Europe, de quoi se recruter des pertes que peut lui avoir occasionnees, en differons evenemens, la conquete de l'Egypte. Independamment de cette raison, j'attachais une grande importance a interesser a notre operation un grand nombre de marins de nations differentes, lesquelles, par-la, se trouveraient plus a portee de nous donner des nouvelles, et ce que nous avons besoin de France. Je vous prie donc, citoyen general, de vous concerter avec le citoyen Dumanoir, commandant des armes, et de prendre des mesures efficaces pour que, dans le plus court delai, tous les jeunes matelots, italiens, espagnols, francais, etc., evacuent Alexandrie et soient envoyes a Boulac. Veillez a ce qu'aucun batiment, en sortant du port, n'emmene avec lui de jeunes matelots qui pourraient nous servir. BONAPARTE. Au Caire, le 15 frimaire an 7 (5 decembre 1798). _Au general Leclerc._ Comme nous avons grand besoin d'argent, citoyen general, faites verser dans la caisse du payeur general les 30,000 fr. que vous avez dans votre caisse. Les souliers vont vous arriver, ainsi que les deux harnois pour votre piece. Occupez-vous sans relache a vous procurer des chevaux: vous savez le besoin que nous en avons. Douze cents hommes de cavalerie bien montes et bien armes partent demain pour se mettre aux trousses de Mourad-Bey. J'espere, moyennant les chevaux que toutes les provinces envoient, en avoir bientot encore autant. BONAPARTE. Au Caire, le 15 frimaire an 7 (5 decembre 1798). _Au general Marmont._ Je vous ai fait connaitre, par mes dernieres lettres, l'importance extreme qu'il y avait a retenir tous les matelots napolitains, genois, espagnols, etc.: cette mesure a ete executee en partie par le citoyen Dumanoir; mais elle est bien loin de l'etre entierement, puisque les Napolitains seuls etaient trois cent quatre-vingt. Les etats que l'on m'a remis de la force du convoi, portaient deux cent soixante-dix-sept batimens et deux mille cinq cent soixante-quatorze matelots. Je pense qu'aujourd'hui il sera reduit a deux mille. Il est indispensable que vous parveniez a me procurer encore huit cents hommes. Si les nouvelles recherches que vous ferez pour trouver des jeunes gens ayant moins de vingt-cinq ans, ne suffisent pas, pour trouver ce nombre vous aurez recours a une requisition, d'un quart de chaque equipage, ayant soin de prendre les plus jeunes: ceci doit avoir lieu pour tous les batimens du convoi, soit francais ou etrangers. Ne donnez communication de cette lettre qu'au citoyen Dumanoir, et concertez-vous avec lui pour nous procurer huit cents hommes. Ce ne sera qu'apres l'execution prealable de cet ordre, que je leverai l'embargo mis sur une partie du convoi. Visez vous-meme tous les passeports de ceux qui s'en vont, et ne laissez partir personne qui puisse faire un soldat. Ceux qui s'en vont n'ont pas besoin de domestiques, a moins qu'ils n'aient plus de vingt-cinq ans. BONAPARTE. Au Caire, le 15 frimaire an 7 (5 decembre 1798). _Au meme._ Je vous envoie, citoyen general, un ordre que je vous prie d'executer avec la plus grande exactitude. Apres que vous aurez fait arreter ce citoyen, faites venir chez vous tous les administrateurs de la marine, et lisez-leur mon ordre. Vous leur direz que je recois des plaintes de tous cotes sur leur conduite, et qu'ils ne secondent en rien le citoyen Leroy; que je punirai les laches avec la derniere severite, et avec d'autant moins d'indulgence, qu'un homme qui manque de courage n'est pas francais. BONAPARTE. Au Caire, le 17 frimaire an 7 (7 decembre 1798). _A l'intendant-general de l'Egypte._ J'ai recu, citoyen, la lettre que m'a ecrite la nation cophte. Je me ferai toujours un plaisir de la proteger: desormais elle ne sera plus avilie, et, lorsque les circonstances le permettront, ce que je prevois n'etre pas eloigne, je lui accorderai le droit d'exercer son culte publiquement, comme il est d'usage en Europe, en suivant chacun sa croyance. Je punirai severement les villages qui, dans les differentes revoltes, ont assassine des cophtes. Des aujourd'hui, vous pourrez leur annoncer que je leur permets de porter des armes, de monter sur des mules ou sur des chevaux, de porter des turbans et de s'habiller de la maniere qui peut leur convenir. Mais si tous les jours seront marques de ma part par des bienfaits; si j'ai a restituer a la nation cophte une dignite et des droits inseparables de l'homme, qu'elle avait perdus, j'ai le droit d'exiger sans doute des individus qui la composent beaucoup de zele et de fidelite au service de la republique. Je ne peux pas vous dissimuler que j'ai eu effectivement a me plaindre du peu de zele que plusieurs y ont mis. Comment en effet, lorsque tous les jours des principaux scheicks me decouvrent les tresors des mameloucks, ceux qui etaient leurs principaux agens ne me font-ils rien decouvrir? Je rends justice a votre zele et a celui de vos collaborateurs, ainsi qu'a votre patriarche, dont les vertus et les intentions me sont connues, et j'espere que, dans la suite, je n'aurai qu'a me louer de toute la nation cophte. Je donne l'ordre pour que vous soyez rembourse, dans le courant du mois, des avances que vous avez faites. BONAPARTE. Au Caire, le 17 frimaire an 7 (7 decembre 1798). _Au citoyen Poussielgue._ Vu les pertes que nous avons eprouvees sur les diamans, la femme de Mourad-Bey sera tenue de verser dans la caisse du payeur 8,000 talaris dans l'espace de cinq jours. BONAPARTE. Au Caire, le 18 frimaire an 7 (8 decembre 1798). _Au general Rampon._ Vous devez avoir recu, citoyen general, du pain pour quatre jours. Si cette lettre vous arrive a temps, vous partirez demain avec la plus grande partie de votre monde pour aller reconnaitre la position de Gezire-Bili, qui est a quatre lieues de l'endroit que vous occupez. Quand vous serez a une demi-lieue de ladite position, vous ferez connaitre a ladite tribu de Bili qu'elle n'a rien a craindre; qu'elle peut rester dans son camp, parce que vous avez ete prevenu que le scheick etait venu me voir et avait obtenu grace. Vous tiendrez note de tous les villages par ou vous passerez pour arriver a Gezire, et vous observerez les differentes positions qu'occupent les Arabes, afin que, si les circonstances exigent que vous deviez y marcher, vous sachiez comment faire. Vous aurez soin que les troupes ne fassent aucun mal, et apres vous etre promene en differens sens, avoir demande s'il y a des mameloucks a El-Mansoura, qui est un village pres de Gezire, avoir recommande a tous les villages de payer exactement le miri au general commandant la province, et a ne pas cacher les mameloucks, a les declarer s'il y en a, vous retournerez, s'il est possible, coucher a Birket-el-Hadji. Si cette lettre vous arrivait demain trop tard, vous remettriez la partie a apres-demain. BONAPARTE. Au Caire, le 19 frimaire an 7 (9 decembre 1798). _Au general Menou._ Je recois votre lettre du 14, citoyen general: je venais d'ordonner la mesure que vous me proposez, de vendre soixante-quatre mille pintes de vin. Veillez autant qu'il vous sera possible a ce que ces fonds rentrent dans la caisse du payeur, et que les voleurs n'en vendent pas une plus grande quantite pour masquer leurs vols. Ecrivez au general Marmont pour qu'il fasse vendre les vins les plus aigres et les plus pres de se gater, et que l'on profite de cette circonstance pour verifier ce qu'il y a en magasin. J'ai recu votre lettre du 15, dans laquelle vous m'apprenez que messieurs les Anglais ont evacue Aboukir. Profitez-en pour faire passer a Alexandrie la plus grande quantite de ble possible. BONAPARTE. Au Caire, le 19 frimaire an 7 (9 decembre 1798). _Au general Ganteaume._ Vous voudrez bien, citoyen general, faire partir d'Alexandrie le brick _le Lodi_ pour se rendre a Derne. Il prendra tous les renseignemens qu'il pourrait acquerir sur les nouvelles de France et d'Europe. Je suis instruit que plusieurs tartanes de Marseille, expediees par le gouvernement, y sont arrivees dans le courant de brumaire, et n'y ont sejourne que vingt-quatre heures, apres avoir pris des renseignemens sur les Anglais et sur notre position. Comme il est extremement interessant que la mission de ce brick soit ignoree, vous lui donnerez ses instructions a ouvrir en mer. Vous lui ordonnerez de prendre des pilotes d'Alexandrie, connaissant la cote depuis Alexandrie jusqu'a Saint Jean-d'Acre et depuis Alexandrie jusqu'a Tripoli. J'imagine que la tartane que j'avais ordonne d'envoyer depuis long-temps a Derne, sera partie: si elle ne l'etait pas, vous ordonneriez, au prealable, au citoyen Dumanoir de n'expedier _le Lodi_ que vingt-quatre heures apres la tartane, en ayant bien soin que la tartane ignore que ce brick devait partir. Ce brick portera le citoyen Arnaud, qui, parlant parfaitement la langue, et ayant eu des relations avec Derne, pourra plus facilement prendre tous les renseignemens necessaires. Vous specifierez bien au commandant du brick que le citoyen Arnaud n'est rien sur son bord, et n'a point d'ordre a lui donner, et que lui seul est responsable de la maniere dont sa mission sera remplie. Vous lui ferez connaitre qu'il faut qu'il retourne le plus tot possible a Alexandrie. Je compte que son absence sera de moins de quinze jours; que, sous quelque pretexte que ce soit, il ne doit point cingler vers l'Europe; que cela serait regarde par le gouvernement comme une lachete et une trahison, dont un Francais ne peut etre soupconne. Vous donnerez deux ordres au commandant du brick: 1 deg.. de partir et d'ouvrir ses instructions a telle hauteur, et d'embarquer, au moment du depart, un homme qui lui sera remis par le general Marmont, commandant de la place; 2 deg.. Son instruction a ouvrir en mer. BONAPARTE. Au Caire, le 19 frimaire an 7 (9 decembre 1798). _Instructions pour le citoyen Arnaud._ Le brick sur lequel vous etes embarque, citoyen, vous conduira a Derne. Vous remettrez les lettres ci-jointes au commandant de Derne; vous prendrez tous les renseignemens sur les nouvelles d'Europe et de Tripoli. Vous me rendrez compte de votre mission et de tout ce que vous aurez vu et appris en mer, en expediant de Derne deux Arabes. Le brick vous ramenera a Alexandrie, et, a peine debarque, vous viendrez au Caire sans communiquer a personne les nouvelles que vous aurez pu apprendre. Je compte sur votre zele et sur vos lumieres. Je saurai vous tenir compte du service que vous aurez rendu dans cette occasion a la republique. BONAPARTE. Au Caire, le 19 frimaire an 7 (9 decembre 1798). _Au bey de Tripoli._ Je profite d'un batiment qui va a Derne pour vous renouveler l'assurance de vivre avec vous en bonne intelligence et amitie. Dans plusieurs lettres que je vous ai ecrites, je vous ai temoigne le desir que j'ai de vous etre utile ainsi qu'a ceux qui dependent de vous. Je vous prie, lorsque vous aurez des nouvelles d'Europe, de me les envoyer par des expres. Croyez aux sentimens d'estime et a la consideration que j'ai pour vous. BONAPARTE. Au Caire, le 20 frimaire an 7 (10 decembre 1798). _Au citoyen Poussielgue,_ Vous voudrez bien, citoyen, ordonner sur-le-champ au citoyen Marco-Calavagi, agent du citoyen Rosetti a Terraneh, de verser dans la caisse du payeur, la valeur de deux mille moutons et de cinquante chameaux, que le general Murat avait pris aux Arabes et qu'il a fait restituer en disant que c'etait mon intention. BONAPARTE. Au Caire, le 11 frimaire an 7 (11 decembre 1798). _Au commissaire du gouvernement, a Zante._ Je vous expedie le brick _le Rivoli_ pour avoir de vos nouvelles et de celles de Corfou. Faites-moi passer toutes les gazettes francaises, italiennes ou allemandes que vous auriez depuis le mois de messidor, ainsi que les nouvelles que vous pourriez avoir d'Italie ou de France, et de tous les batimens anglais, russes ou turcs qui auraient paru sur vos cotes depuis ledit mois de messidor. Donnez-moi toutes les nouvelles que vous pourriez avoir sur Passwan-Oglou et sur Constantinople. Envoyez-nous ici un Francais intelligent qui puisse me donner de vive voix toutes les petites nouvelles que vous pourriez avoir oubliees. Expediez des batimens a Corfou et en Italie pour faire connaitre au commandant de cette place et au gouvernement francais que tout va au mieux ici. Expediez-moi souvent des batimens sur Damiette. Les journaux et les imprimes que je vous fais passer vous mettront a meme de connaitre notre position. Je vous, recommande de ne pas retenir le _Rivoli_ plus de trois ou quatre heures, et de le faire repartir tout de suite, car je suis impatient d'avoir de vos nouvelles. BONAPARTE. Au Caire, le 21 frimaire an 7 (11 decembre 1798). _Au general Marmont._ Cette lettre, citoyen general, vous sera remise par le citoyen Beauchamp. Vous ferez appeler le capitaine de la caravelle: vous lui direz que je consens a ce que son batiment parte pour Constantinople aux conditions suivantes: 1 deg.. Qu'il laissera en otages ses deux enfans et l'officier de la caravelle, son plus proche parent, pour me repondre du citoyen Beauchamp, qui va s'embarquer a son bord pour se rendis a Constantinople. 2 deg.. Qu'il passera devant l'ile de Chypre; qu'il fera entendre au pacha que nous ne sommes pas en guerre avec la Porte; qu'il nous renvoie le consul et les Francais qui sont a Chypre; qu'il les fera embarquer devant lui sur une djerme pour se rendre a Damiette; qu'en consequence vous allez tenir en arrestation un officier et dix hommes de la caravelle pour repondre du consul et des Francais a Chypre, lesquels seront envoyes a Damiette et renvoyes sur le meme batiment qui amenera les Fiancais de Chypre a Damiette. 3 deg.. Qu'il sortira du port d'Alexandrie de nuit, afin d'echapper a la croisiere anglaise; qu'il evitera Rhodes, afin d'echapper aux Anglais. 4 deg.. Qu'apres que le citoyen Beauchamp aura cause avec le grand-visir a Constantinople, il sera charge de le faire revenir a Damiette, et que, sur le meme batiment qui ramenera le citoyen Beauchamp, je ferai placer ses enfans et l'officier qu'il aura laisses en otages. 5 deg.. Que du reste il peut compter que, dans tous les evenemens, je serai fort aise de lui etre utile. Vous dresserez de votre seance avec lui un proces-verbal en turc et en francais, qu'il signera avec vous, et dont vous et lui garderez une copie, en me faisant passer l'original. Cette conversation devra avoir lieu a neuf heures du matin: vous lui menerez le citoyen Beauchamp a bord. Vous aurez soin auparavant que l'on tienne tout prets sur un batiment les affuts et tous les objets qu'on aurait a lui rendre. Des l'instant que le proces-verbal sera signe et que les otages seront remis, vous lui ferez rendre ses effets; et la nuit, si le temps est beau, il devra partir, ayant bien soin: 1 deg.. Que votre entretien et la mission du citoyen Beauchamp soient parfaitement secrets; 2 deg.. Que le commandant de la caravelle, en arrivant a la conference, ait avec lui ses enfans et les personnes que vous voulez garder pour otages, que vous lui designerez pour qu'ils se rendent a la conference, et que vous laisserez dans un autre appartement. 3 deg.. Qu'il n'ait plus, le reste de la journee, aucune espece de communication avec la terre sous quelque pretexte que ce soit, afin que personne ne sache le depart de la caravelle: sans quoi ces gens-la embarqueraient beaucoup de marchandises et beaucoup de monde. Il faut que le lendemain a la pointe du jour, les Francais et les gens du pays soient tout etonnes de ne plus voir la caravelle. Quelque observation qu'il puisse vous faire, vous declarerez que, s'il ne part pas dans la nuit, il vous faudra de nouveaux ordres pour le laisser partir. Je vous envoie deux ordres que vous remettrez au commandant des armes, deux ou trois heures avant l'execution. BONAPARTE. Au Caire, le 21 frimaire an 7 (11 decembre 1798). _Instruction pour le citoyen Beauchamp._ Vous vous rendrez a Alexandrie; vous vous embarquerez sur la caravelle; vous aborderez a Chypre, vous demanderez au pacha, de concert avec le commandant de la caravelle, qu'on envoie a Damiette le consul et les Francais qu'on a arretes dans cette ile. Vous prendrez a Chypre tous les renseignemens possibles sur la situation actuelle de la Syrie, sur une escadre russe qui serait dans la Mediterranee, sur les batimens anglais qui auraient paru ou qui y seraient constamment en croisiere, sur Corfou, sur Constantinople, sur Passwan-Oglou, sur l'escadre turque, sur la flottille de Rhodes, commandee par Hassan-Bey, qui a ete pendant un mois devant Aboukir, sur les raisons qui empechent qu'on apporte du vin a Damiette, enfin sur les bruits qui seraient parvenus jusque dans ce pays-la sur l'Europe. Vous m'expedierez toutes ces nouvelles avec les Francais, si on les relache, sur un petit batiment qui viendrait a Damiette; ou, lorsque vous verrez l'impossibilite de porter ces gens-la a relacher les Francais, vous expedieriez un petit bateau avec un homme de la caravelle pour me porter vos lettres, et sous le pretexte de me mander que le capitaine de la caravelle, ayant fait tout ce qu'il a pu, je fasse relacher les matelots de la caravelle. A toutes les stations que le temps ou les circonstances vous feraient faire dans les differentes echelles du Levant, vous m'expedierez des nouvelles par de petits batimens envoyes expres a Damiette, et qui seront largement recompenses. Arrive a Constantinople, vous ferez connaitre a notre ministre notre situation dans ce pays-ci; de concert avec lui, vous demanderez que les Francais qui ont ete arretes en Syrie soient mis en liberte, et vous ferez connaitre le contraste de cette conduite avec la notre. Vous ferez connaitre a la Porte que nous voulons etre ses amis; que notre expedition d'Egypte a eu pour but de punir les mameloucks, les Anglais, et empecher le partage de l'empire ottoman que les deux empereurs, ont arrete; que nous lui preterons secours contre eux, si elle le croit necessaire, et vous demanderez imperieusement et avec beaucoup de fierte qu'on relache tous les Francais qu'on a arretes; qu'autrement cela serait regarde comme une declaration de guerre; que j'ai ecrit plusieurs fois au grand-visir sans avoir eu une reponse, et qu'enfin la Porte peut choisir et voir en moi ou un ami capable de la faire triompher de tous ses ennemis, ou un ennemi aussi redoutable que tous ses ennemis. Si notre ministre est arrete, vous ferez ce qu'il vous sera possible pour pouvoir causer avec des Europeens: vous reviendrez en apportant toutes les nouvelles que vous pourrez recueillir sur la position actuelle politique de cet empire. Vous aurez soin de vous procurer tous les journaux en quelque langue qu'ils soient depuis messidor. Si jamais on vous faisait la question: Les Francais consentiront-ils a quitter l'Egypte? Pourquoi pas, pourvu que les deux empereurs fassent finir la revolte de Passwan-Oglou et abandonnent le projet de partager la Turquie europeenne? Que, quant a nous, nous ferons tout ce qui pourrait etre favorable a l'Empire ottoman et le mettre a l'abri de ses ennemis: mais que le preliminaire a toute negociation, comme a tout accommodement, est un firman qui fasse relacher les Francais partout ou on les a arretes, surtout en Syrie. Vous direz et ferez tout ce qui pourra convenir pour obtenir cet elargissement; vous declarerez que vous ne repondez pas que je n'envahisse la Syrie, si on ne met pas en liberte tous les Francais qu'on a arretes; et, dans le cas ou on voudrait vous retenir, que si, sous tant jours, je ne vous voyais pas revenir, je pourrais me porter a une invasion. Enfin le but de votre mission est d'arriver a Constantinople, d'y demeurer, de voir nos ministres sept a huit jours, et de retourner avec des notions exactes sur la position actuelle de la politique et de la guerre de l'empire ottoman. Profitez de toutes les occasions pour m'ecrire et pour m'expedier des batimens a Damiette. De Constantinople, expediez une estafette a Paris par Vienne avec tous les renseignemens qui pourraient etre necessaires au gouvernement: vous lui ferez passer les relations et imprimes que je joins ici a cet effet. Ainsi, si la Porte ne nous a point declare la guerre, vous paraitrez a Constantinople comme pour demander qu'on relache le consul francais et qu'on laisse libre le commerce entre l'Egypte et le reste de l'empire ottoman. Si la Porte nous avait declare la guerre et avait fait arreter nos ministres, vous lui direz que je lui renvoie sa caravelle comme une preuve du desir qu'a le gouvernement francais de voir se renouveler la bonne intelligence entre les deux etats, et en meme temps vous demanderez notre ministre et les autres Francais qui sont a Constantinople. Vous lui ferez plusieurs notes pour detruire tout ce que l'Angleterre et la Russie pourraient avoir imagine contre nous, et vous reviendrez. BONAPARTE. Au Caire, le 21 frimaire an 7 (11 decembre 1798). _Au grand-visir._ J'ai ecrit plusieurs fois a votre excellence pour lui faire connaitre les intentions du gouvernement francais, de continuer a vivre en bonne intelligence avec la Sublime Porte. Je prends aujourd'hui le parti de vous en donner une nouvelle preuve en vous expediant la caravelle du grand-seigneur et le citoyen Beauchamp, consul de la republique, homme d'un grand merite, et qui a entierement ma confiance. Il fera connaitre a votre excellence que la Porte n'a point de plus veritable amie que la republique francaise, comme elle n'aurait pas d'ennemie plus redoutable, si les intrigues des ennemis de la France parvenaient a avoir le dessus a Constantinople: ce que je ne pense pas, connaissant la sagesse et les lumieres de votre excellence. Je desire que votre excellence retienne le citoyen Beauchamp a Constantinople le moins de temps possible, et me le renvoie pour me faire connaitre les intentions de la Porte. Je prie votre excellence de croire aux sentimens d'estime et a la haute consideration que j'ai pour elle. BONAPARTE. Au Caire, le 21 frimaire an 7 (11 decembre 1798). _Au citoyen Talleyrand, ambassadeur a Constantinople._ Je vous ai ecrit plusieurs fois, citoyen ministre; j'ignore si mes lettres vous sont parvenues; je n'en n'ai point recu de vous. J'expedie a Constantinople le citoyen Beauchamp, consul a Mascate, pour vous faire connaitre notre position, qui est extremement satisfaisante, et pour, de concert avec vous, demander qu'on mette en liberte tous les Francais arretes dans les echelles du levant et detruire les intrigues de la Russie et de l'Angleterre. Le citoyen Beauchamp vous donnera de vive voix tous les details et toutes les nouvelles qui pourraient vous interesser. Je desire qu'il ne reste a Constantinople que sept a huit jours. BONAPARTE. Au Caire, le 22 frimaire an 7 (12 decembre 1798). _Au general Reynier._ Je desirerais, citoyen general, qu'avant de faire un tour a Salahieh, vous envoyassiez cinq ou six colonnes mobiles dans les differens points de votre province. Tous les villages qui n'auront pas vu la troupe ne se regarderont pas comme soumis: c'est le seul moyen, d'ailleurs, de faire lever le miri et les chevaux. Votre province est celle qui est le plus en retard. Le general Lagrange porte avec lui des outres. Mon intention serait que vous lui procurassiez une quinzaine de chameaux; et, apres qu'il aura passe quelques jours a Salahieh pour y organiser son service et rendre des visites aux villages qui se sont mal conduits pendant l'inondation, je desire qu'on aille occuper Catieh, ou mon intention est de faire construire un fort. BONAPARTE. Au Caire, le 22 frimaire an 7 (12 decembre 1798). _Au general Marmont._ J'ai recu, citoyen general, votre lettre du 14. Il est toujours plus interessant de rendre compte d'une mauvaise nouvelle que d'une bonne, et c'est vraiment une faute que vous avez faite, d'oublier de rendre compte des neuf prisonniers qu'ont faits les Anglais a la quatrieme demi-brigade. L'etat-major donne l'ordre a la legion nautique de se rendre a Foua, d'ou je la ferai venir au Caire pour l'habiller et l'organiser, afin qu'elle puisse retourner, si les circonstances l'exigeaient, et servir utilement. Envoyez-moi au Caire tous les individus inutiles. J'ai ordonne le desarmement de la galere, qui a quatre ou cinq cents hommes qui mangent beaucoup et ne nous rendraient pas un service utile les armes a la main. Des l'instant que vous aurez envoye ici beaucoup d'hommes du convoi, et qu'il n'y aura plus que des vieillards ou des hommes inutiles, j'en ferai partir la plus grande partie. Vous devez avoir beaucoup de pelerins; debarrassez-vous-en le plus tot possible, ou par terre ou par mer. Envoyez aussi des Arabes a Derne pour avoir des nouvelles; il y arrive souvent des tartanes de Marseille. BONAPARTE. Au Caire, le 23 frimaire an 7 (13 septembre 1798). _Au general Bon._ J'ai recu, citoyen general, vos lettres des 20 et 21. Il est parti hier un convoi. Vous avez du recevoir, par le premier convoi, du riz, du biscuit, de l'eau-de-vie, des matelots, des ouvriers de toute espece, des outils et des sapeurs. Je vous ai mande hier de faire venir tous les chameaux qui vous ont porte du biscuit; joignez-y les chameaux qui ont porte notre artillerie. Ne gardez que les chameaux qui doivent porter l'eau a votre troupe. Ayez soin surtout que les chameaux des Arabes soient parfaitement libres: il faut faire ce que ces gens-la veulent. Laissez passer les lettres pour Djedda sans les decacheter, et laissez aller et venir chacun librement. Le commerce est souvent fonde sur l'imagination. La moindre chose est un monstre pour ces gens-ci, qui ne connaissent pas nos moeurs. Je vous recommande de faire mettre une corde au puits d'Adjeroud, de maniere que l'on puisse s'en servir. On dit que l'eau est bonne pour les chevaux. Gardez specialement les matelots, les sapeurs et les Turcs d'Omar, une partie de la trente-deuxieme, et renvoyez l'autre partie. BONAPARTE. Au Caire, le 23 frimaire an 7 (13 decembre 1798). _Au general Leclerc._ Je vous previens, citoyen general, que j'ai fait arreter Cheraibi: si vous etes encore a Nay, vous vous rendrez a Kelioube pour mettre le scelle sur tous ses biens. Vous ecrirez au divan de la province et aux scheicks des Arabes que Cheraibi a ete arrete, parce qu'il m'a trahi, parce qu'il a, malgre ses sermens de fidelite, correspondu avec les mameloucks, et, le jour de la revolte du Caire, appele les habitans des differens villages qui environnent cette ville, a se joindre aux revoltes; qu'ils doivent d'autant plus sentir la justice de l'arrestation de Cheraibi, qu'ils ont ete temoins de ses crimes, et que je l'avais comble de bienfaits. BONAPARTE. Au Caire, le 23 frimaire an 7 (13 decembre 1798). _Au commandant de la place du Caire._ Je vous envoie, citoyen general, Cheraibi, chef de la province de Kelioube. Vous le ferez mettre en prison a la citadelle et au secret, afin qu'il n'ait de communication avec qui que ce soit. Vous prendrez toutes les mesures necessaires pour qu'il ne puisse pas s'echapper. BONAPARTE. Au Caire, le 25 frimaire an 7 (15 decembre 1798). _Au general Bon._ L'adjudant-general Valentin, citoyen general, est parti hier de Berket-el-Hadji. J'ai recu votre lettre du 22. Vous me demandez de vous envoyer Mustapha-Effendi; mais il doit etre avec vous. Il n'est pas au Caire; il est parti immediatement apres votre colonne. Si, a l'heure qu'il est, il n'est pas a Suez, je crains fort qu'il n'ait ete assassine. Au reste, je vais prendre des renseignemens. L'adjudant-general Valentin doit etre arrive, et vous allez vous trouver approvisionne pour long-temps. On enverra, par la premiere occasion, de l'argent pour les Turcs et pour les fortifications. Envoyez-nous les chameaux qui ont porte vos pieces. Comme elles doivent rester a Suez, ils vous sont inutiles, et serviront a vous en porter d'autres. Si vos rhumatismes, au lieu de se guerir, continuaient a empirer, vous laisseriez le commandement a l'adjudant-general Valentin, et vous vous rendriez au Caire. BONAPARTE. Au Caire, le 26 frimaire an 7 (16 decembre 1798). _Au contre-amiral Perree._ Je vous envoie, citoyen general, un sabre en remplacement de celui que vous avez perdu a la bataille de Chebreisse. Recevez-le, je vous prie, comme un temoignage de la reconnaissance que j'ai pour les services que vous avez rendus a l'armee dans la conquete de l'Egypte. BONAPARTE. Au Caire, le 27 frimaire an 7 (17 decembre 1798). _Au general Dugua._ Je recois, citoyen general, votre lettre du 20 frimaire, de Mansoura, relative au commerce de Damiette avec la Syrie. Mon intention est que le commerce soit entierement libre. L'inconvenient d'aider a la subsistance de nos ennemis est compense par d'autres avantages. BONAPARTE. Au Caire, le 27 frimaire an 7 (17 decembre 1798). _Au meme._ J'ai lu avec surprise dans votre lettre, citoyen general, que l'on employait l'argent du miri a acheter du ble. Ce doit etre une coquinerie des intendans; je vais m'en faire rendre compte. Mais je vous prie de tenir la main a ce que le produit de toutes les impositions entre dans la caisse des preposes du payeur general, et n'en sorte plus sans l'ordre du payeur. BONAPARTE. Au Caire, le 27 frimaire an 7 (17 decembre 1798). _Au contre-amiral Villeneuve._ Je n'ai point recu de vos lettres, citoyen general; je vous envoie un aviso. Faites-moi connaitre par son retour quelle est votre position et ce que vous pourriez avoir appris des mouvemens et du nombre des ennemis dans la Mediterranee. Les ennemis n'ont que deux vaisseaux de guerre et deux fregates devant Alexandrie. Vous devez actuellement avoir trois ou quatre vaisseaux et trois ou quatre fregates de Malte. Nous desirons bien vous voir arriver ici. Nous aurions besoin de cinq ou six mille fusils; chargez-en un millier sur l'aviso que je vous expedie, et envoyez-nous le reste sur des batimens qui viendraient aborder a Damiette. Vous devez avoir recu du contre-amiral Ganteaume des lettres qui ont du vous faire connaitre le besoin ou nous sommes d'avoir des nouvelles d'Europe, et de recevoir notre second convoi. BONAPARTE. Au Caire, le 27 frimaire an 7 (17 decembre 1798). _Au directoire executif._ Je vous ai expedie un officier de l'armee, avec ordre de ne rester que sept a huit jours a Paris, et de retourner au Caire. Je vous envoie differentes relations de petits evenemens et differens imprimes. L'Egypte commence a s'organiser. Un batiment arrive a Suez a amene un Indien qui avait une lettre pour le commandant des forces francaises en Egypte: cette lettre s'est perdue. Il parait que notre arrivee en Egypte a donne une grande idee de notre puissance aux Indes, et a produit un effet tres-defavorable aux Anglais: on s'y bat. Nous sommes toujours sans nouvelles de France; pas un courrier depuis messidor. Cela est sans exemple dans les colonies meme. Mon frere, l'ordonnateur Sucy et plusieurs courriers que je vous ai expedies, doivent etre arrives. Expediez-nous des batimens sur Damiette. Les Anglais avaient reuni une trentaine de petits batimens, et etaient a Aboukir; ils ont disparu. Ils ont trois vaisseaux de guerre et deux fregates devant Alexandrie. Le general Desaix est dans la Haute-Egypte, poursuivant Mourad-Bey, qui, avec un corps de mameloucks, s'echappe et fuit devant lui. Le general Bon est a Suez. On travaille avec la plus grande activite aux fortifications d'Alexandrie, Rosette, Damiette, Belbeis, Salahieh, Suez et du Caire. L'armee est dans le meilleur etat et a peu de malades. Il y a en Syrie quelques rassemblemens de forces turques. Si sept jours de desert ne m'en separaient, j'aurais ete les faire expliquer. Nous avons des denrees en abondance, mais l'argent est tres-rare, et la presence des Anglais rend le commerce nul. Nous attendons des nouvelles de France et d'Europe; c'est un besoin vif pour nos ames: car si la gloire nationale avait besoin de nous, nous serions inconsolables de ne pas y etre. BONAPARTE. Au Caire, le 27 frimaire an 7 (17 decembre 1798). _Au chef de division Dumanoir._ Vous voudrez bien, citoyen, faire partir, le plus promptement possible, un batiment pareil a celui dans lequel s'est embarque le citoyen Louis Bonaparte: il sera approvisionne pour un mois d'eau et deux de vivres. Il prendra a son bord le citoyen ... charge d'une mission. Vous remettrez au commandant du batiment que vous expedierez, l'ordre que je vous envoie qu'il ouvrira a trois lieues en mer. BONAPARTE. Au Caire, le 27 frimaire an 7 (17 decembre 1798). _Au citoyen ... officier, charge de depeches._ Le batiment sur lequel vous vous embarquerez, vous conduira a Malte. Vous remettrez les lettres que je vous envoie a l'amiral Villeneuve et au general commandant de Malte. Le commandant de la marine, a Malte, vous donnera sur-le-champ un batiment pour vous conduire dans un port d'Italie qu'il jugera le plus sur, d'ou vous prendrez la poste pour vous rendre en toute diligence a Paris et remettre les depeches que je vous fais passer au gouvernement. Vous resterez huit a dix jours a Paris: apres quoi vous reviendrez en toute diligence, en venant vous embarquer dans un port du royaume de Naples ou a Ancone. Vous eviterez Alexandrie et aborderez avec votre batiment a Damiette. Avant de partir, vous aurez soin de voir un de mes freres, membre du corps legislatif; il vous remettra tous les papiers et imprimes qui auraient paru depuis messidor. Je compte, dans tous les evenemens imprevus qui pourraient survenir dans votre mission, sur votre zele, qui est de faire parvenir vos depeches au gouvernement, et d'en apporter les reponses. BONAPARTE. Au Caire, le 27 frimaire an 6 (17 decembre 1798). _Au citoyen ..._ Vous vous dirigerez sur Malte, citoyen, en passant hors de vue de toute terre. Si vous apprenez que le port soit bloque, vous aborderez de preference a la cale de Massa-Sirocco, ou il y a des batteries qui vous mettront a l'abri de toute insulte. La, vous debarquerez l'officier que vous avez a votre bord. Vous instruirez le Commandant de la marine a Malte et le contre-amiral Villeneuve, de tout ce que vous aurez vu en mer, et du nombre des vaisseaux qui sont devant Alexandrie, et vous demanderez les ordres du commandant de la marine. Vous reviendrez m'apporter les depeches du general commandant a Malte, et du contre-amiral Villeneuve, et, si vous ne pouvez pas aborder a Alexandrie, vous aborderez a Damiette ou sur tout autre point de la cote, depuis le Marabou jusqu'a Orum-Faregge a trente lieues de Damiette. Vous ne resterez que vingt-quatre heures a Malte. Je compte sur votre zele dans une mission aussi importante, qui, independamment des nouvelles qu'elle doit nous faire avoir de l'Europe, doit nous faire venir des objets essentiels pour l'armee. Vous chargerez sur votre batiment les armes que le commandant de Malte vous remettra. BONAPARTE. Au Caire, le 28 frimaire an 7 (18 decembre 1798). _Au general Bon._ J'ai recu, citoyen general, votre lettre du 25. J'ai lu avec le plus vif interet ce que vous m'avez dit relativement a l'Indien des etats de Tippoo Saib. Il serait necessaire que vous fissiez sonder la rade pour savoir si des fregates de l'ile de France que j'attends, pourraient, etant arrivees a Suez, s'approcher de la cote jusqu'a deux cents toises, de maniere a etre protegees par les batteries de la cote. Le chef de bataillon Say est arrive. La caravelle que je vous ai envoyee, chargee de riz et d'avoine pour les chevaux, sera sans doute arrivee egalement. J'ai ordonne au kiaka des Arabes de me faire venir deux bouteilles d'eau de la source chaude qui se trouve a deux journees de Suez, sur la cote de la mer Rouge. BONAPARTE. Au Caire, le 28 frimaire an 7 (18 decembre 1798). _Au general Marmont._ J'ai recu, citoyen general, votre lettre du 19 frimaire. La correspondance commence a etre bien lente par le Nil. Le citoyen Beauchamp, et mon aide-de-camp Lavalette, doivent etre arrives. Si un batiment, dans la principale passe, peut favoriser l'entree des batimens qui vous viendraient de France, il est necessaire, je crois, que vous vous concertiez avec le commandant des armes pour en faire mettre un. Envoyez a Rosette toutes les djermes, chaloupes et petits batimens qui peuvent passer la barre, afin de charger a Rosette pour Alexandrie des riz, du biscuit, du ble, de l'orge et autres objets. Je vais faire filer sur Rosette jusqu'a cent mille quintaux de ble; mais prenez toutes les mesures pour qu'il ne soit pas dilapide. Tachez d'envoyer des Arabes a Derne. Faites ecrire par un habitant d'Alexandrie a un habitant de Derne, afin de lui faire connaitre que si, toutes les fois qu'il arrive des nouvelles de France, il nous les fait passer, ses courriers seront bien payes, et que lui aura une bonne recompense. Il part demain cent mille rations de biscuit pour Rosette, et deux mille quintaux de farine. Au Caire, le 29 frimaire an 7 (19 decembre 1798). Bonaparte, general en chef, voulant favoriser le couvent du mont Sinai: 1 deg.. Pour qu'il transmette aux races futures la tradition de notre conquete; 2 deg.. Par respect pour Moise et la nation juive, dont la cosmogonie nous retrace les ages les plus recules; 3 deg.. Parce que le couvent du mont Sinai est habite par des hommes instruits et polices, au milieu de la barbarie des deserts ou ils vivent; Ordonne: ART 1er. Les Arabes bedouins, se faisant la guerre entre eux, ne peuvent, de quelque parti qu'ils soient, s'etablir ou demander asile dans le couvent, ni aucune subsistance ou autres objets. 2. Dans quelque lieu que resident les religieux, il leur sera permis d'officier, et le gouvernement empechera qu'ils ne soient troubles dans l'exercice de leur culte. 3. Ils ne seront tenus de payer aucun droit ni tribut annuel, comme ils ont ete exemptes suivant les differens titres qu'ils en conservent. 4. Ils sont exempts de tout droit de douane pour les marchandises et autres objets qu'ils importeront et exporteront pour l'usage du couvent, et principalement pour les soieries, les satins et les produits des fondations pieuses, des jardins, des potagers qu'ils possedent dans les iles de Scio et de Chypre. 5. Ils jouiront paisiblement des droits qui leur ont ete assignes dans diverses parties de la Syrie et au Caire, soit sur les immeubles, soit sur leurs produits. 6. Ils ne paieront aucune epice, retribution et autres droits attribues aux juges dans les proces qu'ils pourront avoir en justice. 7. Ils ne seront jamais compris dans les prohibitions d'exportation et d'achat de grains pour la subsistance de leur couvent. 8. Aucun patriarche, eveque ou autre ecclesiastique superieur, etranger a leur ordre, ne pourra exercer d'autorite sur eux ou dans leur couvent; cette autorite etant exclusivement remise a leurs eveques et au corps des religieux du mont Sinai. Les autorites civiles et militaires veilleront a ce que les religieux du mont Sinai ne soient pas troubles dans la jouissance desdits privileges. BONAPARTE. Au Caire, le 1er. nivose an 7 (21 decembre 1798). _Aux habitans du Caire._ Des hommes pervers avaient egare une partie d'entre vous: ils ont peri. Dieu m'a ordonne d'etre clement et misericordieux pour le peuple; j'ai ete clement et misericordieux envers vous. J'ai ete fache contre vous de votre revolte; je vous ai prives pendant dix mois de votre divan; mais aujourd'hui je vous le restitue: votre bonne conduite a efface la tache de votre revolte. Cheryfs, eulemas, orateurs de mosquees, faites bien connaitre au peuple que ceux qui, de gaite de coeur, se declareraient mes ennemis, n'auraient de refuge ni dans ce monde ni dans l'autre. Y aurait-il un homme assez aveugle pour ne pas voir que le destin lui-meme dirige toutes mes operations? y aurait-il quelqu'un assez incredule pour revoquer en doute que tout, dans ce vaste univers, est soumis a l'empire du destin? Faites connaitre au peuple que, depuis que le monde est monde, il etait ecrit qu'apres avoir detruit les ennemis de l'islamisme, fait abattre les croix, je viendrais du fond de l'occident remplir la tache qui m'a ete imposee. Faites voir au peuple que, dans le saint livre du Qoran, dans plus de vingt passages, ce qui arrive a ete prevu, et que ce qui arrivera est egalement explique. Que ceux donc que la crainte seule de nos armes empeche de nous maudire, changent; car, en faisant au ciel des voeux contre nous, ils sollicitent leur condamnation; que les vrais croyans fassent des voeux pour la prosperite de nos armes. Je pourrais demander compte a chacun de vous des sentimens les plus secrets du coeur; car je sais tout, meme ce que vous n'avez dit a personne: mais un jour viendra que tout le monde verra avec evidence que je suis conduit par des ordres superieurs, et que tous les efforts humains ne peuvent rien contre moi: heureux ceux qui, de bonne foi, sont les premiers a se mettre avec moi! ART 1er. Il y aura au Caire un grand divan compose de soixante personnes ci-apres nommees: (_Suivent les noms_). 2. Il y aura aupres du divan un commissaire francais, le citoyen Cloutiers, et un commissaire musulman, Dzulfekar Kiaka. 3. Le general commandant la place fera reunir le 5 nivose, a neuf heures du matin, les membres qui doivent composer le divan general. 4. Ils procederont a la nomination d'un president, de deux secretaires, au scrutin et a la majorite absolue des suffrages. 5. Apres quoi ils procederont a la nomination des quatorze personnes qui devront composer le petit divan, au scrutin et a la pluralite absolue. Les seances du divan general doivent etre terminees en trois jours: il ne pourra etre reuni que par une convocation extraordinaire. 6. Lorsque le general en chef aura accepte les membres nommes par le divan general pour faire partie du divan, ceux-ci se reuniront et procederont a la nomination d'un president pris dans les quatorze, d'un secretaire, de deux interpretes pris hors des quatorze, d'un huissier, d'un chef de batonniers et de dix batonniers. 7. Les membres composant le petit divan se reuniront tous les jours, et s'occuperont sans relache de tous les objets relatifs a la justice, au bonheur des habitans, et aux interets de la republique francaise. 8. Le president aura cent talaris par mois, les autres treize membres quatre-vingt talaris par mois, les secretaires auront vingt-cinq talaris par mois, l'huissier soixante parahs par jour, le chef des batonniers quarante parahs, les autres batonniers quinze parahs. BONAPARTE. Belbeis, le 13 nivose an 7 (3 janvier 1799). _Au divan du Caire._ J'ai recu la lettre que vous m'avez ecrite, que j'ai lue avec le plaisir que l'on eprouve toujours lorsqu'on pense a des gens que l'on estime et sur l'attachement desquels on compte. Dans peu de jours je serai au Caire. Je m'occupe, dans ce moment-ci, a faire faire les operations necessaires pour designer l'endroit par ou l'on peut faire passer les eaux pour joindre le Nil et la mer Rouge. Cette communication a existe jadis, car j'en ai trouve la trace en plusieurs endroits. J'ai appris que plusieurs pelotons d'Arabes etaient venus commettre des vols autour de la ville. Je desirerais que vous prissiez des informations pour connaitre de quelle tribu ils sont; car mon intention est de les punir severement. Il est temps enfin que ces brigands cessent d'inquieter le pauvre peuple qu'ils rendent bien malheureux. Croyez, je vous prie, au desir que j'ai de vous faire du bien. BONAPARTE. Au Caire, le 18 nivose an 7 (7 janvier 1799). _Au general Marmont._ A mon retour d'une course dans le desert, je recois vos lettres des 21, 25 et 28 frimaire, et 4 et 6 nivose. J'approuve les mesures que vous avez prises dans les circonstances essentielles ou vous vous etes trouve. Vous sentez bien que le moment d'augmenter la garnison d'Alexandrie n'est pas celui dans lequel vous etes, d'autant plus que la saison vous debarrassant des Anglais, vous etes tranquille de ce cote-la. Que la caravelle parte le plus tot possible, que _le Lodi_ parte lorsque le citoyen Arnaud sera gueri. Multipliez vos relations avec Damanhour, ou se trouve le quartier-general de la province. Vous recevrez l'ordre de l'etat-major, pour que l'adjudant-general Leturcq vous rende compte exactement. Le citoyen Boldoni part. J'attends les quatre a cinq cents matelots que vous m'avez annonces et surtout les Napolitains. Je donne ordre pour que le village du scherif d'Alexandrie lui soit donne. Je vous autorise a envoyer un parlementaire aux Anglais: vous leur direz que vous avez appris qu'ils avaient la peste a bord, et que dans ce cas vous leur offrez tous les secours que l'humanite pourrait exiger. Envoyez un homme extremement honnete, qui soit peu parleur et qui ait de bonnes oreilles. Si Lavalette etait a Alexandrie, et que vous eussiez l'idee de l'y envoyer, ce n'est point mon intention; il faut y envoyer un homme qui ait le grade tout au plus de capitaine, qui leur pourra porter les gazettes d'Egypte, et qui tachera de tirer des gazettes d'Europe, s'ils en ont et s'ils veulent en donner. Recommandez que l'officier seul monte a bord, de maniere qu'a son retour dans la ville il n'y soit pas fait de caquets, et qu'il vous confie seul tout ce qui se sera passe. Tous les engagemens que vous avez pris avec le divan seront ponctuellement executes. BONAPARTE. Au Caire, le 22 nivose an 7 (11 janvier 1799). _Au general Murat._ Vous partirez demain, citoyen general, a huit heures du matin. Vous sortirez comme pour aller a Belbeis, dehors de la ville; vous gagnerez le Mokattam; vous vous enfoncerez a deux lieues dans le desert, et vous vous dirigerez en suivant toujours le desert sur le village de Gamase, province d'Alfieli, ou se trouvent les tribus des Ayde et des Mase, qui ont cent hommes montes sur des chameaux, et qui sont des tribus ennemies. Le citoyen Venture vous donnera un conducteur qui est un des grands ennemis de ces tribus. Vous combinerez votre marche de maniere a vous reposer pendant la nuit a deux ou trois lieues de ces Arabes, et pouvoir, a la pointe du jour, tomber sur leur camp, prendre tous leurs chameaux, bestiaux, femmes, enfans, vieillards, et la partie de ces Arabes qui sont a pied. Vous tuerez tous les hommes que vous ne pourrez pas prendre. Comme le village ou ils sont n'est pas eloigne du Nil, vous ferez embarquer sur des djermes, pour nous les envoyer, les femmes, bestiaux, et tous les prisonniers. Vous vous mettrez a la poursuite des fuyards qui necessairement se porteront du cote de Gendeli et de Toueritz. Vous irez dans l'un et l'autre de ces endroits; de la vous irez jusqu'a la mer Rouge, et vous vous trouverez pour lors a peu pres a trois lieues de Suez, au commandant duquel vous ecrirez un mot. Vous menerez avec vous le chef de brigade Lede avec quatre-vingts hommes du dix-huitieme et du troisieme. Vous le chargerez, avec ce detachement, de la garde des prisonniers, du detail de l'embarquement, de la conduite des prisonniers et de tout ce que vous aurez pris. Independamment de quatre jours de vivres que vous avez eu l'ordre d'emporter sur des chameaux, faites-en prendre pour deux jours a la troupe; ce qui vous fera pour six jours. Dans toute votre marche dans le desert, vous pousserez toujours sur votre droite et votre gauche, a une lieue, un officier et quinze hommes de cavalerie, et vous marcherez sur tous les convois de chameaux que vous rencontrerez dans votre route. Je compte que votre course en produira plusieurs centaines. BONAPARTE. Au Caire, le 23 nivose an 7 (12 janvier 1799). _Au general Lanusse._ Je desire, citoyen general, que vous fassiez arreter le fils d'Abou-Chair, et que vous l'envoyiez sous bonne escorte a la citadelle du Caire: c'est un otage qu'il est bon d'avoir. Ses biens seront confisques au profit de la republique. BONAPARTE. Au Caire, le 25 nivose an 7 (14 janvier 1799). _Au general Caffarelli._ Demain, citoyen general, le general Junot part pour Suez. Je desire que la position du puits qui se trouve vers la moitie du chemin soit determinee; que les ingenieurs se munissent de tout ce qui sera necessaire pour descendre dans ce puits; qu'ils reconnaissent si l'on a creuse jusqu'au roc, et s'il serait possible de creuser davantage; enfin qu'ils mesurent la distance du Caire a Suez. Apres demain d'autres ingenieurs partiront escortes par cinquante hommes, que le general Junot laisse a cet effet. Ils mesureront aussi la distance du Caire a Suez, par la vallee de l'Egarement. BONAPARTE. Au Caire, le 25 nivose an 7 (14 janvier 1799). _Au general commandant a Alexandrie._ Je ne concois pas, citoyen general, comment les consuls etrangers ont pu recevoir une lettre de l'amiral anglais sans que vous en soyez instruit, et je concois encore moins comment l'ayant recue, ils l'aient publiee sans votre permission. Faites-vous rendre compte par les consuls qui leur a remis cette lettre, et faites-leur connaitre que si, a l'avenir, ils ne vous remettaient pas toutes cachetees les lettres qu'ils recevraient, vous les feriez fusiller. Si ce cas se representait, vous m'enverriez la lettre toute cachetee. Vous ferez mettre le scelle sur tous les effets du nomme Jennovisch, capitaine imperial qui s'est rendu a Alexandrie, et vous me l'enverrez sous bonne escorte au Caire; vous aurez soin de le faire mettre nu, et de prendre tous ses habillemens que vous ferez decoudre pour vous assurer qu'il n'y a rien dedans. Vous lui ferez donner d'autres habits. L'envoi de cet homme a Alexandrie me parait suspect: du reste, je suis fort aise qu'il y soit, puisqu'il nous donnera des nouvelles du continent; mais qu'il ne parle a personne. BONAPARTE. Au Caire, le 26 nivose an 7 (15 janvier 1799). _Au citoyen Poussielgue._ Nous avons le plus grand besoin d'argent. Les fermes doivent six mille talaris; les sagats, mille; les negocians de Damas, sept cents. Voyez de les faire payer dans les vingt-quatre heures. Vous me ferez demain un rapport sur nos ressources et nos moyens d'avoir de l'argent. Tachez de nous avoir deux a trois cent mille francs. Les deux batimens de cafe qui sont arrives a Suez doivent avoir paye quelques droits; faites-vous-en remettre le montant. Je vous envoie un ordre pour que les Cophtes versent demain dix mille talaris, apres demain dix mille autres; le 1er. pluviose, dix mille; le 3, dix mille autres; le 5, dix mille autres: en tout cinquante mille talaris. Vous hypothequerez pour le paiement dudit argent, les bles qui sont dans la Haute-Egypte, et vous leur ferez connaitre qu'il est indispensable que cela soit solde, parce que j'en ai le plus grand besoin. Vous me ferez demain un rapport sur la quantite d'obligations qu'a en ce moment l'enregistrement, en comptant depuis aujourd'hui, decade par decade. Enfin, vous me ferez un rapport sur la quantite des villages et terres qui ont ete affermes et sur les conditions desdits affermages. Vous demanderez deux mois d'avance a tous les adjudicataires des differentes fermes. BONAPARTE. Au Caire, le 16 nivose an 7 (15 janvier 1798). _Au contre-amiral Ganteaume._ Vous vous rendrez a Suez, citoyen general; vous y passerez une inspection rigoureuse de tous les etablissemens de la marine de Suez; vous donnerez les ordres pour que tous les magasins et etablissemens soient conformes au projet que j'ai d'organiser et de maintenir a Suez un petit arsenal de construction. La chaloupe canonniere _la Castiglione_ sera sans doute de retour. Si les trois autres chaloupes canonnieres sont pretes, bien armees, et dans le cas de remplir une mission dans la mer Rouge, vous partirez avec elles. Vous vous rendrez a Cosseir, Vous vous emparerez de tous les batimens appartenant aux mameloucks, qui sortiront du port. Vous vous emparerez du fort, et vous le ferez mettre sur-le-champ dans le meilleur etat de defense. Vous tacherez de correspondre avec le general Desaix. Vous laisserez en croisiere, devant le port de Cosseir, une partie de vos chaloupes canonnieres. Vous menerez avec vous un commissaire de la marine, et un officier intelligent que vous etablirez a Cosseir, commissaire et commandant des armes. Vous ferez tous les reglemens que vous jugerez necessaires pour l'etablissement de la douane, pour la formation des magasins nationaux, la recherche de tout ce qui appartenait aux mameloucks, et pour le commerce. Vous ecrirez a Yamb'o, Gedda et Mokka, pour faire connaitre que l'on peut venir, en toute surete, commercer dans le port de Suez; que toutes les mesures ont ete prises pour l'organisation du port, et pour pouvoir fournir aux batimens tous les secours dont ils auront besoin. Vous embarquerez sur chacune de vos chaloupes canonnieres vingt hommes, dont quarante de la legion maltaise, dix canonniers que vous laisserez en garnison a Cosseir, et trente hommes de la trente-deuxieme demi-brigade. Vous ferez embarquer deux pieces de quatre, de campagne, que vous laisserez pour armer le fort de Cosseir, si on n'y en trouve pas. Du reste, vous combinerez votre marche de maniere que, autant que les vents pourront le permettre, vous soyez, de votre personne, de retour au Caire du 15 au 20 pluviose. Je vous enverrai, par l'officier qui part dans deux jours, des lettres pour Mascate et Djedda, que vous ferez parvenir a leur destination. Si les quatre armemens n'etaient pas acheves, vous enverriez alors les trois qui seraient prets, avec les memes instructions que je vous donne; mais vous resteriez a Suez, et donneriez le commandement a un capitaine de fregate. BONAPARTE. Au Caire, le 26 nivose an 7 (15 janvier 1799). Bonaparte, general en chef, ordonne: Tous les adjudicataires des fermes ou douanes de la republique paieront, du 1er au 10 pluviose, les mois de pluviose et ventose d'avance. BONAPARTE. Au Caire, le 26 nivose an 7 (15 janvier 1799). Bonaparte, general en chef, ordonne: Les Cophtes verseront cinquante mille talaris, a titre d'emprunt, savoir: demain, dix mille talaris; apres demain, dix mille; le 1er. pluviose, dix mille; le 3 _idem_, dix mille; le 5 _id._, dix mille. En tout, cinquante mille talaris. Il leur sera vendu, pour cette somme, une quantite de bles de la Haute-Egypte. BONAPARTE. Au Caire, le 26 nivose an 7 (15 janvier 1799). Bonaparte, general en chef, ordonne: Il sera forme un conseil des finances, chez l'administrateur des finances, qui se reunira demain a deux heures apres-midi. Il sera compose des citoyens Monge, Caffarelli, Blanc, James, et de l'ordonnateur en chef. Ce conseil s'occupera: 1 deg.. du systeme et du tarif des monnaies et des changemens possibles a y faire, les plus avantageux a nos finances; 2 deg.. des operations que dans la position actuelle de l'Egypte, on pourrait faire pour procurer de l'argent a l'armee et accroitre ses ressources; 3 deg.. du plan raisonnable que l'on pourrait adopter pour, sans diminuer les revenus de la republique, donner aux soldats de l'armee une recompense qu'ils ont meritee a tant de titres. BONAPARTE. Au Caire, le 27 nivose an 7 (16 janvier 1799). _Au general Marmont._ Faites faire, tous les cinq jours, une visite des hopitaux par un officier superieur de ronde, qui prendra toutes les precautions necessaires a cet effet, qui visitera tous les malades, et fera fusiller sur-le-champ dans la cour de l'hopital les infirmiers ou employes qui auraient refuse de fournir aux malades tous les secours et vivres dont ils ont besoin. Cet officier, en sortant de l'hopital, sera mis pour quelques jours en reserve dans un endroit particulier. Vous avez bien fait de faire donner du vinaigre et de l'eau-de-vie a la troupe. Epargnez l'un et l'autre; il y a loin d'ici au mois de juin. BONAPARTE. Au Caire, le 29 nivose an 7 (18 janvier 1799). _Au general Verdier._ Je recois, citoyen general, vos lettres des 24 et 25. J'ai appris avec interet l'expedition que vous avez faite contre les Arabes de Derne. Le scheick du village de Mit-Massaout est extremement coupable; vous le menacerez de lui faire donner des coups de baton, s'il ne vous designe pas l'endroit ou il y aurait d'autres mameloucks et d'autres pieces qu'ils auraient cachees. Vous vous ferez donner tous les renseignemens que vous pourrez sur les bestiaux appartenant aux Arabes de Derne qui pourraient etre dans son village: apres quoi vous lui ferez couper la tete, et la ferez exposer avec une inscription qui designera que c'est pour avoir cache des canons. Vous ferez egalement couper la tete aux mameloucks, et vous enverrez a Gizeh les trois pieces de canon que vous avez trouvees dans ce village. Faites une proclamation dans la province, pour que tous les villages qui auraient des canons, aient a les envoyer dans le plus court delai. BONAPARTE. Au Caire, le 3 pluviose an 7 (22 janvier 1799). Bonaparte, general en chef, ordonne: La maison qu'occupe le general Lannes dans l'ile de Baouda avec vingt feddams de terre, dix de chaque cote, lui sont donnes en toute propriete. La maison qu'occupe le general Dommartin et le jardin qui est vis-a-vis, a gauche du nouveau chemin, lui sont donnes en toute propriete. La maison qu'occupe le general Murat lui est donnee en toute propriete. L'ile de Baouda sera partagee en dix portions: seront exceptees la partie sud, ou est le Mekkias, et la partie nord, ou il y a une batterie, avec un arrondissement convenable. L'ile vis-a-vis Boulac, ou est le lazaret, sera partagee en dix portions. Le general en chef se reserve le soin de donner ces vingt portions a des officiers de l'armee qui les meriteront. L'administrateur general des finances fera rediger, dans la journee de demain, par le bureau d'enregistrement, les actes de propriete de ces differens officiers, et prendra des mesures pour executer d'ici au 20 pluviose l'article 2 du present ordre. Les actes de propriete seront remis chez le payeur. Le chef de l'etat-major general fera connaitre aux generaux en chef Dommartin, Lannes et Murat, que ces biens leur sont donnes en gratification extraordinaire pour les services qu'ils ont rendus dans la campagne et pour les depenses qu'elle leur a occasionnees. BONAPARTE. Au Caire, le 6 pluviose an 7 (25 janvier 1799). _A l'iman de Mascate._ Je vous ecris cette lettre pour vous faire connaitre ce que vous avez deja appris sans doute, l'arrivee de l'armee francaise en Egypte. Comme vous avez ete de tout temps notre ami, vous devez etre convaincu du desir que j'ai de proteger tous les batimens de votre nation, et que vous les engagiez a venir a Suez, ou ils trouveront protection pour leur commerce. Je vous prie aussi de faire parvenir cette lettre a Tipoo-Saib, par la premiere occasion qui se trouvera pour les Indes. BONAPARTE. Au Caire, le 6 pluviose an 7 (25 janvier 1799). _A Tipoo-Saib._ Vous avez deja ete instruit de mon arrivee sur les bords de la mer Rouge avec une armee innombrable et invincible, remplie du desir de vous delivrer du joug de fer de l'Angleterre. Je m'empresse de vous faire connaitre le desir que j'ai que vous me donniez, par la voie de Mascate et de Mokka, des nouvelles sur la situation politique dans laquelle vous vous trouvez. Je desirerais meme que vous pussiez envoyer a Suez ou au grand Caire quelque homme adroit qui eut votre confiance, avec lequel je pusse conferer. BONAPARTE. Au Caire, le 6 pluviose an 7 (25 janvier 1799). _Au sultan de la Mecque._ J'ai recu la lettre que vous m'avez ecrite, et j'en ai compris le contenu. Je vous envoie le reglement que j'ai fait pour la douane de Suez, et mon intention est de le faire executer ponctuellement. Je ne doute pas que les negocians de l'Hygiaz ne voient avec gratitude la diminution des droits que j'ai faite pour le plus grand avantage du commerce, et vous pouvez les assurer qu'ils jouiront ici de la plus ample protection. Toutes les fois que vous aurez besoin de quelque chose en Egypte, vous n'avez qu'a me le faire savoir, et je me ferai un plaisir de vous donner des marques de mon estime. BONAPARTE. Au Caire, le 6 pluviose an 7 (25 janvier 1799). _Au general Berthier._ Vous partirez, citoyen general, le 10 pluviose, pour vous rendre a Alexandrie: vous vous y embarquerez sur la fregate _la Courageuse_: vous aurez avec vous deux batimens du convoi, bons voiliers, que j'ai fait arranger a cet effet. Des l'instant que vous aurez rencontre quelque batiment qui vous aura donne des nouvelles, vous m'en expedierez un sur Damiette, le lac Bourlos ou meme sur Alexandrie, si les vents l'y portaient. Vous m'expedierez l'autre des l'instant que vous aurez appris d'autres nouvelles, ce que je desirerais etre avant que vous ne touchassiez aucune terre d'Europe. Le plus sur parait etre que vous vous dirigiez sur les cotes d'Italie du cote du golfe de Tarente, du port de Crotone, et, si le temps le permet, de remonter le golfe Adriatique jusqu'a Ancone. Soit que vous touchiez a Corfou ou a Malte, ou dans un point quelconque, ne manquez pas de m'envoyer toutes les nouvelles que vous pourriez avoir, en m'expediant des batimens, auxquels vous donnerez l'instruction speciale de se diriger sur Damiette. Vous prendrez aussi des mesures pour que l'on nous envoie de l'une de ces places des sabres, des pistolets, des fusils, dont vous savez que nous avons besoin. Vous aurez bien soin que la fregate qui vous portera, des l'instant qu'elle sera approvisionnee de ce qui pourrait lui manquer, reparte sur-le-champ, se dirigeant sur Jaffa, et la elle saura ou je suis. Arrivee a Jaffa, elle mouillera au large et avec precaution, afin de s'assurer si l'armee y est; si elle n'y etait pas, elle se dirigerait vers Damiette. Si vous pouvez faire charger sur la fregate quelques armes, vous le ferez; si les evenemens qui se passeront sur le continent font que votre presence n'y soit pas necessaire, vous rejoindrez l'armee a la prochaine mousson. Vous remettrez les paquets que je vous envoie au gouvernement, et vous remplirez la mission dont vous etes charge. BONAPARTE. Au Caire, le 7 pluviose an 7 (26 janvier 1799). _Au general Kleber._ J'ai recu, citoyen general, votre lettre du 3. Comme les lettres que je recois de Mansoura me font craindre que la maladie de la deuxieme demi-brigade ne soit contagieuse, je crois qu'il serait dangereux de la mettre en libre communication avec les autres demi-brigades. Faites-vous faire un rapport detaille sur la situation de cette demi-brigade, et, dans le cas ou la maladie serait contagieuse, vous pourriez la renvoyer a Mansoura: je la ferais remplacer a votre division par un bataillon de la vingt-cinquieme demi-brigade. BONAPARTE. Au Caire, le 9 pluviose an 7 (28 janvier 1799). _Au general Marmont._ J'imagine, citoyen general, que vous aurez change la maniere de faire le service d'Alexandrie. Vous aurez place aux differentes batteries et aux forts de petits postes stables et permanens: ainsi, par exemple, a la hauteur de l'observatoire, a la batterie des bains, vous aurez place douze a quinze hommes qui ne devront pas en sortir, et que vous tiendrez la sans communication. Ces douze a quinze hommes fourniront le factionnaire necessaire pour garder le poste. La position de la mer vous dispense d'avoir aujourd'hui une grande surveillance; vous vous trouvez ainsi avoir besoin de fort peu de monde. Pourquoi avez-vous des grenadiers pour faire le service en ville? Je ne concois rien a l'obstination du commissaire des guerres Michaux a rester dans sa maison, puisque la peste y est. Pourquoi ne va-t-il pas camper sur un monticule du cote de la colonne de Pompee? Tous vos bataillons sont, l'un de l'autre, au moins a une demi-lieue. Ne tenez que tres-peu de chose dans la ville, et, comme c'est le poste le plus dangereux, n'y tenez point de troupe d'elite... Mettez le bataillon de la soixante-quinzieme sous ces arbres ou vous avez ete long-temps avec la quatrieme d'infanterie legere. Qu'il se baraque la en s'interdisant toute communication avec la ville et l'Egypte. Mettez le bataillon de la quatre-vingt-cinquieme du cote du Marabou: vous pourrez facilement l'approvisionner par mer. Quant a la malheureuse demi-brigade d'infanterie legere, faites-la mettre nue comme la main, faites-lui prendre un bon bain de mer; qu'elle se frotte de la tete aux pieds; qu'elle lave bien ses habits, et que l'on veille a ce qu'elle se tienne propre. Qu'il n'y ait plus de parade; qu'on ne monte plus de garde que chacun dans son camp. Faites faire une grande fosse de chaux vive pour y jeter les morts. Des l'instant que, dans une maison francaise, il y a la peste, que les individus se campent ou se baraquent; mais qu'ils fuient cette maison avec precaution, et qu'ils soient mis en reserve en plein champ. Enfin, ordonnez qu'on se lave les pieds, les mains, le visage tous les jours, et qu'on se tienne propre. Si vous ne pouvez pas garantir la totalite des corps ou cette maladie s'est declaree, garantissez au moins la majorite de votre garnison. Il me semble que vous n'avez encore pris aucune grande mesure proportionnee aux circonstances. Si je n'avais pas a Alexandrie des depots dont je ne puis me passer, je vous aurais deja dit: partez avec votre garnison, et allez camper a trois lieues dans le desert. Je sens que vous ne pouvez pas le faire. Approchez-en le plus pres que vous pourrez. Penetrez-vous de l'esprit des dispositions contenues dans la presente lettre; executez-les autant que possible, et j'espere que vous vous en trouverez bien. BONAPARTE. Au Caire, le 9 pluviose an 7 (28 janvier 1799). _Au contre-amiral Ganteaume._ Je recois, citoyen general, votre lettre du 5. L'intention ou vous etes de vouloir suivre vous-meme l'expedition de Cosseir fait honneur a votre zele; mais j'ai besoin de vos lumieres pour une expedition considerable. Vous savez que, lorsque je vous ai envoye a Suez, j'esperais que vous seriez de retour du 20 au 30: nous sommes au 10, et vous n'etes pas encore parti. Les evenemens arrives a _la Castiglione_ me persuadent qu'une fois parti, je ne vous verrai plus d'ici a deux mois; et les evenemens sont tels, que je ne puis me passer de vous. Donnez les instructions necessaires a l'officier qui commandera l'expedition, et rendez-vous de suite au Caire, ou je vous attends avant le 15. Vous pouvez ramener mes vingt-cinq guides. J'ecris au general Junot de completer votre escorte au moins a cinquante ou soixante hommes. Donnez au commandant des armes et a Feraud toutes les instructions necessaires a votre depart. Je desirerais que la construction de la goelette put etre tellement en train d'ici au 20, que le citoyen Feraud, avec un petit detachement d'ouvriers, put etre disponible pour se porter ailleurs. Un gros brick anglais a fait cote a Bourlos. Sur cinquante-six hommes d'equipage, quarante se sont noyes, et seize sont en notre pouvoir. Je les attends a chaque instant. Ils nous donneront des renseignemens sur les mouvemens des Anglais. Il parait que, cette annee, les temps sont terribles. BONAPARTE. Au Caire, le 10 pluviose an 7 (29 janvier 1799). _Au payeur-general._ Vous passerez, citoyen, les douze actions de la compagnie d'Egypte qui appartiennent a la republique, a la disposition des citoyens: Boyer, chef de brigade de la dix-huitieme; Darmagnac, _id._ de la trente-deuxieme; Conroux, _id._ de la soixante-unieme; Lejeune, _id._ de la vingt-deuxieme; Delorgne, _id._ de la treizieme; Grezins, adjudant-general; Maugras, chef de brigade de la soixante-quinzieme; le chef de la neuvieme; Venoux, _id._ de la vingt-cinquieme; Duvivier, colonel du quatorzieme de dragons; Bron, _id._ du troisieme; Pinon, _id._ du quinzieme, a titre de gratification extraordinaire. Dix actions existent dans votre caisse; je donne a l'administrateur des finances l'ordre de s'arranger avec la compagnie d'Egypte pour avoir les deux autres. BONAPARTE. Au Caire, le 11 pluviose an 7 (30 janvier 1799). _Au citoyen Poussielgue._ La femme Selti-Nefsi, veuve d'Ali-Bey et femme actuelle de Mourad-Bey, conservera la partie de ses biens qui lui vient d'Ali-Bey: je veux par-la donner une marque d'estime pour la memoire de ce grand homme. BONAPARTE. Au Caire, le 11 pluviose an 7 (30 janvier 1799). _Au divan du Caire._ J'ai recu votre lettre du 10 pluviose. Non-seulement j'ai ordonne a l'aga des janissaires et aux agens de la police de publier que l'on jouira, pendant la nuit du Rhamadan, de toute la liberte d'usage, mais encore je desire que vous-meme fassiez tout ce qui peut dependre de vous pour que le Rhamadan soit celebre avec plus de pompe et de ferveur que dans les autres annees. BONAPARTE. Au Caire, le 13 pluviose an 7 (31 janvier 1799). _Au general Kleber._ L'etat-major, citoyen general, vous fera passer l'ordre de mouvement pour l'occupation d'El-Arich. Pour y arriver, vous avez deux ennemis a vaincre, la faim et la soif, et les ennemis qui sont a Gaza, et qui, en deux jours, peuvent retourner a El-Arich. Vous direz aux gens du pays que vous pourriez rencontrer, que vous n'avez ordre d'occuper qu'El-Arich, Kan-Iounes, et de chasser Ibrahim-Bey; que c'est a lui seul que vous en voulez. Les moyens de transport que vous avez dans ce moment-ci a Catieh peuvent seuls decider de la quantite de troupes que vous pourrez envoyer a El-Arich. L'avant-garde du general Reynier epuisera tous les moyens de transport: car il est indispensable que les soldats portent pour trois jours sur eux, et qu'il ait avec lui un convoi qui assure la subsistance pour douze jours. Arrive a Kan-Iounes, vous pouvez ecrire a Abdallah-Pacha que le bruit public nous a instruits que le grand-seigneur l'avait nomme pacha d'Egypte; que si cela est vrai, nous avons lieu d'etre etonnes qu'il ne soit pas venu; que nous sommes les amis du grand-seigneur; que vous n'avez aucune intention hostile contre lui; que vous n'avez ordre de moi que d'occuper le reste de l'Egypte, et de chasser Ibrahim-Bey; que vous ne doutez pas que, s'il me fait connaitre l'ordre qui le nomme pacha d'Egypte, je ne le recoive avec tous les honneurs dus a son poste; que, du reste, vous etes persuade que, s'il est veritablement officier de la Sublime-Porte, il n'a rien de commun avec un tyran tel qu'Ibrahim-Bey, a la fois ennemi de la republique francaise et de la Sublime-Porte. Les divisions Bon et Lannes, la cavalerie et le parc de reserve sont en mouvement; je compte partir moi-meme le 17. Je suivrai la route de Birket-el-Haldji, Belbeis, Corice, Salahieh, le pont Kautaxeh et Cathieh. Vous m'enverrez par cette route les rapports que vous aurez a me faire. BONAPARTE. Au Caire, le 15 pluviose an 7 (3 fevrier 1799). _Au general Desaix._ Votre derniere lettre que j'ai recue hier, citoyen general, est datee du 16 nivose. Je n'ai eu depuis aucune nouvelle de vos operations ulterieures. Le general Davoust m'a ecrit de Syout le 23 nivose: il m'a annonce le succes qu'il a obtenu sur les differens rassemblemens de fellahs qui s'etaient revoltes. Depuis le 3 nivose nous sommes a Catieh et nous y avons etabli un fort et des magasins assez considerables. Le general Reynier part le 16 de Catieh pour se rendre a El-Arich. Une grande partie de l'armee est en mouvement pour traverser les deserts et se presenter sur les frontieres de Syrie. Le quartier-general va incessamment se mettre en marche. Mon but est de chasser Ibrahim-Bey du reste de l'Egypte, dissiper les rassemblemens de Gaza, et punir Ibrahim-Bey de sa mauvaise conduite. Le citoyen Collot, lieutenant de vaisseau, est parti avec quatre chaloupes canonnieres de Suez, portant quatre-vingts hommes de debarquement: il a ordre de croiser devant Cosseir et meme de s'en emparer. Des l'instant qu'il aura effectue son debarquement, il vous en previendra en vous expediant des Arabes. De votre cote, expediez d'Esneh des hommes, pour pouvoir etre instruit de son arrivee, correspondre avec lui et lui envoyer des vivres dont il pourrait se trouver avoir besoin. Defaites-vous, par tous les moyens et le plus tot possible, de ces vilains mameloucks. BONAPARTE. Au Caire, le 17 pluviose an 7 (5 fevrier 1799). _Au general Kleber._ Nous avons recu enfin, citoyen general, des nouvelles de France. Un batiment ragusais, charge de vins, est arrive, ayant a son bord les citoyens Hamelin et Liveron. Ils apportent des lettres que je n'ai pas encore recues, parce que Marmont m'a ecrit par un Arabe. Jourdan a quitte le corps legislatif, et commande l'armee sur le Rhin. Le congres de Rastadt etait toujours au meme point: on y parlait beaucoup sans avancer. Joubert commande l'armee d'Italie. Schawenburg commande a Malte. Pleville est parti pour Corfou. Passwan-Oglou a detruit entierement l'armee du capitan-pacha, et est maitre d'Andrinople. _La Marguerite_, expediee apres la prise d'Alexandrie, et _la Petite-Cisalpine_, expediee de Rosette un mois apres le combat d'Aboukir, sont toutes deux arrivees. Descoutes etait en route pour Constantinople. Au commencement de novembre, l'ambassadeur turc a Paris faisait encore ses promenades a l'ordinaire. Les Espagnols, au nombre de vingt-quatre vaisseaux, se laissent bloquer par seize vaisseaux anglais. On a pris des mesures pour recruter les armees: il parait que l'on a requis tous les jeunes gens de dix-huit ans, que l'on a appeles les _conscrits_. Les choses de l'interieur sont absolument dans le meme etat que lorsque nous sommes partis: on ne remarque, dans l'allure du gouvernement, que le changement qu'a pu y apporter le nouveau membre qui y est entre. Le general Humbert, avec quinze cents hommes, est arrive en Irlande. Il a reuni quelques Irlandais autour de lui, et, quinze jours apres, a ete fait prisonnier avec toute sa troupe. On arme en Europe de tous cotes; cependant on ne fait encore que se regarder. Je retarde mon depart de deux jours, afin de recevoir des lettres avant de partir. La trente-deuxieme doit etre arrivee a Catieh. Le general Bon, avec le reste de sa division, est a Salahieh. Si des evenemens pressans vous rendaient un secours necessaire, vous lui ecririez: il n'aurait pas besoin de mon ordre pour marcher a vous. BONAPARTE. Au Caire, le 17 pluviose an 7 (5 fevrier 1799). _Au general Marmont._ J'ai recu, citoyen general, la lettre que vous m'avez ecrite le 7, m'annoncant l'arrivee du citoyen Hamelin a Alexandrie. Toutes les troupes dans ce moment-ci traversent le desert, et j'etais moi-meme sur le point de partir. Je retarde mon depart pour voir le citoyen Hamelin, ou recevoir au moins les lettres de Livourne et de Genes que vous m'annoncez. Vous ferez sortir un parlementaire, par lequel vous previendrez le commandant anglais que plusieurs avisos anglais ont, a differentes epoques, echoue sur la cote; que nous avons sauve les equipages; qu'ils sont dans ce moment-ci au Caire, ou ils sont traites avec tous les egards possibles; que, ne les regardant pas comme prisonniers, je les lui enverrai incessamment. BONAPARTE. Au Caire, le 20 pluviose an 7 (8 fevrier 1799). _Au citoyen Poussielgue._ Je donne ordre au payeur d'envoyer un de ses preposes sur une djerme armee a Mehal-el-Kebir et Menouf, pour ramasser l'argent et le rapporter au Caire le plus promptement possible. Donnez ordre a l'agent de la province de Gizeh de se mettre en course pour lever le deuxieme tiers du miri. Pressez de tous vos moyens la rentree du premier tiers que doivent payer les adjudicataires. Joignez-y tout ce que rend la monnaie et tout ce que doit rendre l'enregistrement; car il est indispensable que vous ramassiez, d'ici au 1er ventose, 500,000 fr., et que vous me les fassiez passer a l'armee. Ils seront escortes par un adjudant-general de l'etat-major et le troisieme bataillon de la trente-deuxieme, qui ont ordre de partir le 30. Envoyez des expres de tous cotes, et ecrivez que l'on active la rentree des impositions. Donnez ordre a Damiette pour que l'on recouvre les 150,000 fr. qui restent a recouvrer, et que l'on fasse rentrer le deuxieme tiers du miri; de maniere que le payeur de cette place puisse nous envoyer le 30, par Tineh et Catieh, 200,000 fr. Donnez ordre egalement que les impositions se levent dans la Scharkieh, de maniere que l'on puisse nous envoyer, d'ici au 1er du mois prochain, 100,000 fr. Vous sentez combien il est necessaire que, surtout dans ce premier moment, nous ayons de quoi subvenir a l'extraordinaire de l'expedition. BONAPARTE. Au Caire, le 20 pluviose an 7 (8 fevrier 1799). _Au Directoire executif._ Plusieurs generaux et officiers m'ayant fait connaitre que leur sante ne leur permettait point de continuer a servir dans ce pays-ci, surtout la campagne redevenant plus active, je leur ai accorde la permission de passer en France. Je vous ai expedie et je vous expedie ces jours-ci plusieurs batimens avec des courriers: j'espere que quelques-uns vous arriveront. L'on nous annonce a l'instant l'arrivee a Alexandrie d'un batiment ragusais charge de vins, et porteur de lettres pour moi de Genes et d'Ancone: depuis huit mois c'est la premiere nouvelle d'Europe qui nous arrive. Je ne recevrai ces lettres que dans deux ou trois jours, et je desire bien vivement qu'il y en ait de vous, et du moins que je puisse etre instruit de ce qui se passe en Europe, afin de pouvoir guider ma conduite en consequence. BONAPARTE. Au Caire, le 21 pluviose an 7 (9 fevrier 1799). _Au general Marmont._ Vous verrez par l'ordre du jour, citoyen general, que tous les fonds des provinces d'Alexandrie, de Rosette et de Bahhireh doivent etre verses dans la caisse du payeur d'Alexandrie. Le citoyen Baude a ete investi de toute l'autorite du citoyen Poussielgue. Le commissaire Michaud est investi de toute l'autorite de l'ordonnateur en chef sur l'administration de ces trois provinces, dont les fonds seront exclusivement destines a pourvoir a vos services. Ordonnez que le troisieme bataillon de la soixante-quinzieme se reunisse, avec deux bonnes pieces d'artillerie, a Damanhour; que cette colonne puisse se porter dans toute cette province, et meme dans celle de Rosette, pour lever les impositions et punir ceux qui ce comporteraient mal. Cette mesure aura l'avantage de tirer tout le parti possible de ces deux provinces; detenir une bonne reserve eloignee de l'epidemie d'Alexandrie; et, selon les evenemens, vous la feriez revenir a Alexandrie, ou sa presence releverait le moral de toute la garnison: car il est d'axiome que, dans l'esprit de la multitude, lorsque l'ennemi recoit des renforts, elle doit en recevoir pour se croire egalite de force; et, enfin, s'il arrivait quelque evenement dans le Delta, ce bataillon pourrait s'y porter, et etre d'un grand secours. Mettez-vous en correspondance avec le general Lanusse, qui commande a Menouf, et le general Fugieres, qui commande a Mehal-el-Kebir. Ne vous laissez point insulter par les Arabes. Le bon moyen de faire finir votre epidemie, est peut-etre de faire marcher vos troupes. Saisissez l'occasion, et calculez une operation de quatre a cinq cents hommes sur Mariout: cela sera d'autant plus essentiel, que, partant demain pour me rendre en Syrie, l'idee de mon absence pourrait les enhardir. Si des evenemens superieurs arrivaient, le commandant de Rosette doit se retirer dans le fort de Catieh, qui doit etre approvisionne pour cinq ou six mois. Maitre de ce fort, il le serait de la bouche du Nil, et des-lors empecherait de rien faire de grand contre l'Egypte. Faites donc armer et approvisionner le fort de Raschid; mettez dans le meilleur etat celui d'Aboukir, et profitez de tous les moyens possibles et du temps qui vous reste d'ici au mois de juin, pour mettre Alexandrie a l'abri d'une attaque de vive force pendant, 1 deg.. cinq a six jours qu'une armee puisse debarquer et l'investir; 2 deg.. quinze jours pour qu'elle commence le siege; 3 deg.. quinze a vingt jours de siege. Vous sentez que, lorsque cette operation pourrait etre possible, je ne serais pas eloigne de dix jours de marche d'Alexandrie. Faites lever exactement la carte des provinces de Bahhireh, Rosette et Alexandrie, et des l'instant qu'elle sera faite, envoyez-la moi, afin qu'elle puisse me servir si votre province devenait le theatre de plus grands evenemens. Dans ce moment-ci, la saison ne permet pas aux Anglais de rien faire de dangereux. Envoyez-moi des Arabes par Damiette et par le Caire pour me donner de vos nouvelles: dans ces deux villes, on saura ou je me trouve. Je vous envoie la relation de la fete du Rhamadan et une proclamation du divan du Caire. Il est bon de repandre l'une et l'autre non-seulement dans votre province, mais encore par les batimens qui partiront. Je ne puis pas vous donner une plus grande marque de confiance qu'en vous laissant le commandement du poste le plus essentiel de l'armee. Le citoyen Hamelin est arrive hier: j'ai trouve beaucoup de contradictions dans tout ce qu'il a appris en route et j'ajoute peu de foi a toutes les nouvelles qu'il donne comme les ayant apprises en route: la situation de l'Europe et de la France jusqu'au 10 novembre me paraissait assez satisfaisante. J'apprends qu'il est arrive un nouveau batiment venant de Candie: interrogez-le avec le plus grand soin, et envoyez-moi les demandes et les reponses. Informez-vous de l'escadre russe. Quoique je croie que nous soyons en paix avec Naples et l'empereur, cependant je vous autorise a retarder, sous differens pretextes, le depart des batimens napolitains, imperiaux, livournais; concertez-vous avec le citoyen Leroy, et envoyez-en moi l'etat: nous acquerrons tous les jours des renseignemens plus certains. BONAPARTE. Au Caire, le 21 pluviose an 7 (9 fevrier 1799). _Au general Dugua._ Vous prendrez, citoyen general, le commandement de la province du Caire. Les depots des divisions Bon et Reynier gardent la citadelle avec deux compagnies de veterans. Il y a a la citadelle des approvisionnemens de reserve pour nourrir pendant cinq a six mois la garnison et l'hopital qui s'y trouvent. Il y a au fort Dupuy un detachement de la legion maltaise et de canonniers. Le fort Sullowski est garde par les depots du septieme de hussards et du vingt-deuxieme de chasseurs. Le fort Camin est garde par un detachement du quatorzieme de dragons. La tour du fort de l'institut est gardee par un detachement des depots de la division Lannes, ainsi que le fort de la Prise d'eau, et de la maison d'Ibrahim-Bey. Dans cette derniere est notre grand hopital. Tous nos etablissemens d'artillerie sont a Gizeh, ainsi que les depots de la division du general Desaix. Tous les Francais sont loges autour de la place Esbequieh. J'y laisse un bataillon de la soixante-neuvieme, un de la quatrieme legere et un de la trente-deuxieme. Le bataillon de la quatrieme partira le 24, une compagnie de canonniers marins, le 27, et le bataillon de la trente-deuxieme, le 30 pluviose. J'ai designe le 30 pour le depart de ce bataillon, parce que je suppose que le general Menou sera arrive a cette epoque avec la legion nautique. Si elle n'etait pas arrivee, vous garderez ce bataillon jusqu'a son arrivee, et dans ce cas vous feriez escorter le tresor qu'on doit envoyer a l'armee, par un detachement qui ira jusqu'a Belbeis. Je laisse a Boulac tous les depots de dragons, ce qui, avec les depots des regimens de cavalerie legere, forme pres de 300 hommes. Il leur reste a tous quelques chevaux; il en arrive d'ailleurs journellement que vous leur ferez distribuer. La premiere operation que vous aurez a faire est de reunir chez vous les commandans des differens depots, de passer la revue de leurs magasins, et de prendre toutes les mesures afin que chacun de ces regimens puisse, en cas d'alerte, monter, tant bien que mal, un certain nombre de chevaux. Ce sont principalement les selles qui manquent. Il y a a Boulac un atelier qui a deja recu 6,000 fr. et qui doit en fournir quatre cents, a trente par decade. Vous ne recevrez que des selles tres-bonnes, puisqu'on les paie tres-cher. Le quatorzieme de dragons a deux cents selles qui sont en quarantaine a Rosette depuis vingt-cinq jours, et qui doivent etre ici avant la fin du mois. On doit monter a Gizeh au moins cinq a six cents sabres par jour; vous les ferez donner aux depots de cavalerie qui en ont le plus besoin. Vous passerez une reforme des chevaux, et je vous autorise a faire vendre au profit des masses des regimens de cavalerie tous les chevaux hors d'etat de servir. Il y a dans la province du Caire cinq tribus principales d'Arabes: Les Billy: c'est la plus nombreuse; elle est en paix avec nous, elle a dans ce moment-ci son chef et plus de deux cents chameaux a l'armee. Les Joualka: nous sommes en paix avec eux. Les fils des deux principaux scheicks sont en ce moment en otage chez Zulvekias, commissaire pres le divan. Les Terrabins; nous sommes en paix avec eux. Ils ont leurs scheicks et presque tous leurs chameaux dans les convois de l'armee. Enfin, les Aouatah et les Hayde, qui sont nos ennemis. Nous avons brule leurs villages, detruit leurs troupeaux. Ils sont dans le fond du desert, mais ils pourraient revenir faire des brigandages aux environs du Caire. Il faut que les forts Camin, Sullowski et Dupuy leur tirent des coups de canon, quand ils approchent de trop pres. Il faut toujours avoir un batiment arme, embosse plus bas que la ville, pres du rivage, de maniere a pouvoir tirer dans la plaine. Il faut de temps en temps envoyer cent hommes a Kelioubeh, avec une petite piece de canon, tant pour lever le miri, que pour connaitre si ces Arabes sont retournes, et pouvoir les investir et surprendre leur camp. Il faut aussi, de temps en temps, reunir une centaine d'hommes a Giza, faire une tournee surtout dans le nord de la province, lever le miri, et donner la chasse aux Arabes. Je desirerais que, des que le general Leclerc sera arrive a Gizeh, vous l'envoyassiez avec cent hommes de Jerich et cinquante hommes de la garnison du Caire, faire, dans le nord de sa province, une tournee de cinq a six jours. Vous regleriez sa marche de maniere a etre instruit tous les jours ou il se trouverait, afin de pouvoir le rappeler, si les circonstances l'exigeaient. Le divan du Caire a une influence reelle dans la ville, et est compose d'hommes bien intentionnes; il faut le traiter avec beaucoup d'egards et avoir une confiance particuliere dans le commissaire Zulvekias et dans le scheick Madich. L'intendant-general cophte, le chef des marchands de Damas, Michael-Kebil, que vous pouvez consulter secretement lorsque vous aurez quelques inquietudes, pourront vous donner des renseignemens sur ce qui se passerait dans la ville. S'il y avait des troubles dans la ville, il faudrait vous adresser au petit divan, reunir meme le divan general. Ils reussiront a tout concilier en leur temoignant de la confiance; enfin, prendre toujours des mesures de surete, telles que consigner la troupe, redoubler les gardes du quartier francais, y placer quelques petites pieces de canon, mais n'arriver a faire bombarder la ville par le fort Dupuy et la citadelle qu'a la derniere extremite: vous sentez le mauvais effet que doit produire une telle mesure sur l'Egypte et dans tout l'Orient. S'il arrivait des evenemens imprevus a Alexandrie et a Damiette, vous y feriez marcher le general Lanusse et meme le general Fugieres. Si vous veniez a craindre quelque ruse de la populace du Caire, vous feriez venir le general Lanusse de Menouf; il viendrait sur l'une et l'autre rive, et son arrivee ferait beaucoup d'effet dans la ville. J'ai donne des fonds au genie, a l'artillerie et a l'ordonnateur pour tout le service de ventose. Vous correspondrez avec moi par des Arabes, et par tous les convois qui partiront. Quels que soient les evenemens qui se passent dans la Scharkieh, vingt-cinq hommes partant de nuit arriveront toujours a Birket-el-Hadji, a Belbeis et a Salahieh. Le commandant des armes a Boulac vous remettra l'etat des batimens armes que vous avez sur le Nil. Il est necessaire que ces batimens fassent un service de plus en plus actif. Le payeur a ordre de tenir a votre disposition 2,000 fr. par decade, pour payer les courriers que vous m'expedierez. BONAPARTE. Au Caire, le 22 pluviose an 7 (10 fevrier 1799). _Au general Desaix._ Je suis fort impatient de recevoir de vos nouvelles, quoique la voix publique nous apprenne que vous ayez battu les mameloucks; et que vous en ayiez detruit un grand nombre. Les generaux Kleber et Reynier sont a El-Arich; je pars a l'instant meme pour m'y rendre. Mon projet est de pousser Ibrahim-Bey au-dela des confins de l'Egypte, et de dissiper les rassemblemens du pacha qui sont faits a Gaza. Ecrivez-moi par le Caire, en m'envoyant des Arabes droit a El-Arich. Le citoyen Collot, lieutenant de vaisseau, est parti le 12 de ce moi, avec un tres-bon vent, de Suez avec les chaloupes canonnieres, portant quatre-vingts hommes de debarquement pour se rendre a Cosseir: on m'ecrit de Suez, qu'a en juger par le temps qu'il a fait, il doit etre arrive le 16. Ecrivez-lui par des Arabes, et procurez-lui tous les secours que vous pourrez. Les citoyens Hamelin et Liveron sont arrives, le 7 pluviose, a Alexandrie: ils etaient partis le 24 octobre de Trieste; le 3 novembre, d'Ancone, et le 28 nivose, de Navarino, en Moree, ou ils ont reste mouilles fort long-temps; ils sont venus sur un batiment charge de vin, d'eau-de-vie et de draps. A leur depart d'Europe, tout etait parfaitement tranquille en France; le congres de Rastadt durait toujours; le corps legislatif paraissait avoir repris un peu plus de dignite et de consideration, et avoir dans les affaires un peu plus d'influence que lorsque nous sommes partis. On avait fait une loi pour le recrutement de l'armee. Tous les jeunes gens, depuis dix-huit ans, avaient ete divises en cinq conscriptions militaires. Voulant activer les negociations de Rastadt, on avait envoye Jourdan commander l'armee du Rhin, Joubert, celle d'Italie, et on avait demande a la premiere conscription 200,000 hommes: cela paraissait s'effectuer. Presque tous les avisos que j'avais envoyes en France, etaient arrives. On avait appris en Europe la prise d'Alexandrie un mois avant la bataille des Pyramides, et la bataille des Pyramides toujours avant le combat d'Aboukir. Le vaisseau _le Genereux_, qui s'etait retire a Corfou, a pris, en differentes occasions, deux fregates anglaises et le vaisseau _le Leander_, de 64: ce dernier s'est battu quatre heures. Au 5 novembre, _la Cisalpine_ et deux autres avisos que j'avais expedies, etaient en rade a Corfou, attendant, a chaque instant, le retour de leur courrier pour remettre a la voile et revenir ici. Une escadre russe bloquait Corfou; les habitans s'etaient reunis a la garnison, forte de quatre mille hommes. Le blocus n'a pas empeche la fregate _la Brune_ d'y entrer le 20 novembre. L'ancien ministre de la marine Pleville est a Corfou, ou il cherche a reunir le reste de notre marine. Descoutes est parti, le 15 octobre, pour Constantinople, comme ambassadeur extraordinaire. Des l'instant que l'on a su a Londres que toute notre armee avait debarque en Egypte, il y a eu en Angleterre une espece de delire. Nos dignes allies, les Espagnols, avaient vingt-quatre vaisseaux dans le port de Cadix, et ils etaient bloques par seize. L'Angleterre a declare la guerre a toutes les republiques italiennes. Le general Humbert, que vous connaissez bien, a eu la bonte de doubler l'Ecosse et de debarquer avec deux a trois mille hommes en Irlande. Apres avoir obtenu quelques avantages, il s'est laisse investir et a ete fait prisonnier; l'adjudant-general Sarrasin etait avec lui. Il me fache de voir, dans une operation aussi ridicule, le brave troisieme de chasseurs. L'escadre de Brest etait tres-belle. Les Anglais bloquaient Malte, mais plusieurs batimens charges de vivres y etaient deja entres. On etait tres-indispose a Paris contre le roi de Naples. Ne donnez pas de relache aux mameloucks, detruisez-les par tous les moyens possibles. Faites construire un petit fort capable de contenir deux a trois cents hommes, et capable d'en contenir un plus grand nombre dans l'occasion, dans l'endroit le plus favorable que vous pourrez, et il faut le choisir pres d'un pays fertile. Le but de ce fort serait de pouvoir reunir la nos magasins et nos batimens armes, afin que dans le mois de mai ou de juin, votre division devenant necessaire ailleurs, on puisse laisser un general avec quatre ou cinq djermes armees, qui, de la, tiendra en respect toute la Haute-Egypte. Il y aura des fours et des magasins, de sorte que quelques bataillons de renfort le mettraient dans le cas de soumettre les villages qui se seraient revoltes, ou de chasser les mameloucks qui seraient revenus. Sans cela, vous sentez que si votre division est necessaire ailleurs, cent mameloucks peuvent revenir et s'emparer de la Haute-Egypte; ce qui n'arrivera pas si les habitans voient toujours des troupes francaises, et des-lors peuvent penser que votre division n'est absente que momentanement. Je desirerais, si cela est possible, qu'un fort fut a meme de correspondre facilement avec Cosseir. Je fais construire, dans ce moment, deux corvettes a Suez, qui porteront chacune douze pieces de canon de 6. Mettez la main, le plus tot possible, a la construction de votre fort; prenez la vos larges. Assurez le nombre de pieces necessaires pour armer votre fort. Je desire, si cela est possible, qu'il soit en pierre. BONAPARTE. Au Caire, le 11 pluviose an 7 (10 fevrier 1799). _Au Directoire executif._ Un batiment ragusais est entre le 7 pluviose dans le port d'Alexandrie: il avait a bord les citoyens Hamelin et Liveron, proprietaires du chargement du batiment, consistant en vins, vinaigre et draps: il m'a apporte une lettre du consul d'Ancone en date du 11 brumaire, qui ne me donne point d'autre nouvelle que de me faire connaitre que tout est tranquille en Europe et en France; il m'envoie la serie des journaux de Lugano depuis le n deg.. 36 (3 septembre) jusqu'au n deg.. 43 (22 octobre), et la serie du _Courrier de l'armee d'Italie_, qui s'imprime a Milan, depuis le n deg.. 219 (14 vendemiaire) jusqu'au n deg.. 280 (6 brumaire). Le citoyen Hamelin est parti de Trieste le 24 octobre, a relache a Ancone le 3 novembre et est arrive a Navarino, d'ou il est parti le 22 nivose. J'ai interroge moi-meme le citoyen Hamelin, et il a depose les faits ci-joints. Les nouvelles sont assez contradictoires: depuis le 18 messidor je n'avais pas recu de nouvelles d'Europe. Le 1er. novembre, mon frere est parti sur un aviso. Je lui avais ordonne de se rendre a Crotone ou dans le golfe de Tarente: j'imagine qu'il est arrive. L'ordonnateur Sucy est parti le 26 frimaire. Je vous expedie plus de soixante batimens de toutes les nations et par toutes les voies: ainsi vous devez etre bien au fait de notre position ici. Nous avons appris par Suez que six fregates francaises, qui croisent a l'entree de la mer Rouge, avaient fait pour plus de 20,000,000 de prises aux Anglais. Je fais construire dans ce moment-ci une corvette a Suez, et j'ai ma flottille de quatre avisos, qui navigue dans la mer Rouge. Les Anglais ont obtenu de la Porte que Djezzar-Pacha aurait, outre son pachalic d'Acre, celui de Damas. Ibrahim-Pacha, Abdallah-Pacha et d'autres pachas sont a Gaza, et menacent l'Egypte d'une invasion: je pars dans une heure pour aller les trouver. Il faut passer neuf jours d'un desert sans eau ni herbes; j'ai ramasse une quantite assez considerable de chameaux, et j'espere que je ne manquerai de rien. Quand vous lirez cette lettre, il serait possible que je fusse sur les ruines de la ville de Salomon. Djezzar-Pacha est un vieillard de soixante-dix ans, homme feroce, qui a une haine demesuree contre les Francais; il a repondu avec dedain aux ouvertures amicales que je lui ai fait faire plusieurs fois. J'ai, dans l'operation que j'entreprends, trois buts: 1 deg.. Assurer la conquete de l'Egypte en construisant une place forte au-dela du desert, et des-lors eloigner tellement les armees de quelque nation que ce soit, de l'Egypte, qu'elles ne puissent rien combiner avec une armee europeenne qui viendrait sur les cotes. 2 deg.. Obliger la Porte a s'expliquer, et par-la appuyer la negociation que vous avez sans doute entamee, et l'envoi que je fais a Constantinople du citoyen Beauchamp sur la caravelle turcque. 3 deg.. Enfin oter a la croisiere anglaise les subsistances qu'elle tire de Syrie, en employant les deux mois d'hiver qui me restent a me rendre, par la guerre et la diplomatie, toute cette cote amie. Je me fais accompagner dans cette course du molah, qui est, apres le muphti de Constantinople, l'homme le plus revere dans l'empire musulman; Des quatre scheicks des principales sectes; de l'emir Hadji ou prince de la caravane. Le rhamadan, qui a commence hier, a ete celebre de ma part avec la plus grande pompe. J'ai rempli les memes fonctions que remplissait le pacha. Le general Desaix est a plus de cent soixante lieues du Caire, pres des Cataractes. Il fait des fouilles sur les ruines de Thebes. J'attends a chaque instant les details officiels d'un combat qu'il aurait eu contre Mourad-Bey, qui aurait ete tue et cinq a six beys faits prisonniers. L'adjudant-general Boyer a decouvert dans le desert, du cote du Fayoum, des mines qu'aucun Europeen n'avait encore vues. Le general Andreossi et le citoyen Berthollet sont de retour de leur tournee aux lacs de Natron et aux couvens des Cophtes. Ils ont fait des decouvertes extremement interessantes; ils ont trouve d'excellent natron que l'ignorance des exploiteurs empechait de decouvrir. Cette branche de commerce de l'Egypte deviendra encore par-la plus importante. Par le premier courrier, je vous enverrai le nivellement du canal de Suez, dont les vestiges se sont parfaitement conserves. Il est necessaire que vous nous fassiez passer des armes et que vos operations militaires et diplomatiques soient combinees de maniere que nous recevions des secours: les evenemens naturels font mourir du monde. Une maladie contagieuse s'est declaree depuis deux mois a Alexandrie: deux cents hommes en ont ete victimes. Nous avons pris des mesures pour qu'elle ne s'etende pas: nous la vaincrons. Nous avons eu bien des ennemis a combattre dans cette expedition: deserts, habitans du pays; Arabes, mameloucks, Russes, Turcs, Anglais. _Si, dans le courant de mars, le rapport du citoyen Hamelin m'etait confirme, et que la France fut en guerre contre les rois, je passerais en France._ Je ne me permets, dans cette lettre, aucune reflexion sur les affaires de la republique, puisque, depuis dix mois, je n'ai plus aucune nouvelle. Nous avons tous une entiere confiance dans la sagesse et la vigueur des determinations que vous prendrez. BONAPARTE. Belbeis, le 23 pluviose an 7 (11 fevrier 1799). _Au general Kleber._ Je suis parti hier soir a dix heures et je suis arrive a minuit a Belbeis. Je recois votre lettre du 19, et, deux heures apres, celle du 20. Le parc d'artillerie est arrive hier a Salahieh. J'ai ordonne que le reste de la division Bon partit demain de Salahieh pour se rendre a Catieh; la division Lannes ira ce soir a Corain, et demain a Salahieh; toute la division de cavalerie du general Murat, forte de plus de mille chevaux, part egalement, et sera demain soir a Salahieh; deux cents chameaux charges d'orge doivent etre arrives ou sont en chemin pour Catieh. Nous ramassons dans la Scharkieh tous les chameaux necessaires, et nous cherchons tous les vivres que nous pouvons. Si les officiers de marine ont trouve un point de debarquement pres d'El-Arich, et que l'un des deux convois y arrive, je crois que nous serons bien, grace au mouvement que vous avez donne a Damiette pendant le peu de temps que vous y etes reste. Quand je suis parti du Caire, le general Desaix avait detruit une partie des mameloucks a trois journees des Cataractes. On disait trois beys pris et Mourad-Bey tue depuis trois jours: cette nouvelle etait celle du Caire, et l'intendant-general l'avait presque recue officiellement. Ainsi, il est sur qu'il y a eu une affaire. BONAPARTE. A Belbeis, le 23 pluviose an 7 (11 fevrier 1799). _Au general Bon._ Vous aurez recu, citoyen general, l'ordre de vous rendre a Catieh: nous passerons sans doute par la route du fort, ou il y a de l'eau. Je suis arrive ici hier soir, et je repars ce matin. Je serai demain a Salahieh, ou j'espere recevoir de vos nouvelles. Plusieurs convois de chameaux sont en route, et vont arriver a Catieh: donnez les ordres pour qu'ils soient decharges. Envoyez a Tineh pour y prendre les vivres venant de Damiette qui y seraient en depot, et faites-les filer le plus possible sur El-Arich. BONAPARTE. Catieh, le 26 pluviose an 7 (14 fevrier 1799). _Au general Ganteaume._ Il est necessaire, citoyen general, que vous vous rendiez demain a Tineh et a la bouche d'Omin Faredge. Vous ferez passer des ordres au commandant de la marine, a Damiette, pour le depart, par El-Arich, du citoyen Slendelet avec sa flottille. Vous ferez partir pour El-Arich le convoi qui est a Tineh ou Omin-Faredge, et qui est destine pour El-Arich. Vous activerez par tous les moyens possibles la navigation du lac Menzaleh, qui, dans ce moment, est notre moyen principal pour l'approvisionnement de l'armee. Des le moment que vous croirez que votre presence n'est plus necessaire, vous viendrez par terre a Catieh, et de-la au quartier-general. BONAPARTE. Catieh, le 26 pluviose an 5 (14 fevrier 1799). _Au general Kleber._ Le general Bon, avec le reste de sa division, citoyen general, part ce matin pour se rendre a la premiere journee. La cavalerie part ce matin pour le meme endroit. J'ignore encore si le convoi par mer pour El-Arich est parti; je ne sais pas meme si le convoi d'Omin-Faredge est arrive a Tineh; cependant je le presume, la journee d'hier ayant ete favorable. On a envoye hier quarante chameaux a Tineh: je les attends ce matin, et je ne partirai moi-meme que lorsque je les aurai vu filer sur El-Arich. Je fais partir deux cents chameaux appartenans au quartier-general, qui viennent du Caire pour se charger a Tineh de tout ce qui pourrait y rentrer, et, dans le cas ou le convoi ne serait pas arrive a Tineh, ils iront jusqu'a Omin-Faredge. Vous devez avoir recu un convoi commande par l'adjudant-general Gillyvieux, un autre par l'adjudant-general Fouler: celui-ci est le troisieme Arabe que je vous expedie sur un dromadaire depuis que je suis ici. Je n'ai point de vos nouvelles depuis la lettre du general Reynier, que vous m'avez envoyee il y a trois jours. BONAPARTE. Catieh, le 27 pluviose an 7 (15 fevrier 1799). _A l'adjudant-general Grezieux._ Vous allez partir pour Tineh, citoyen, avec 200 chameaux et cinquante hommes d'escorte et une compagnie de dromadaires. Arrive a Tineh, vous ferez charger sur ces chameaux tout l'orge, le riz et le biscuit que vous pourrez; vous presserez le depart du bataillon de la quatrieme et des trois compagnies de grenadiers de la dix-neuvieme; vous ecrirez a l'adjudant-general Almeyras, commandant a Damiette, et vous lui marquerez d'activer le plus possible le depart des convois de subsistances pour Tineh. Vous m'expedierez de Tineh un Arabe sur un dromadaire pour me rendre compte exactement de la situation des magasins de Tineh, et me donner des nouvelles du Caire et de Damiette. Vos chameaux charges, vous vous rendrez a Catieh; vous y trouverez un convoi de chameaux revenant a vide d'El-Arich; vous ferez charger dessus cinquante mille rations de riz, de biscuit, et si le nombre des chameaux n'etait pas suffisant, vous prendriez dans les deux cents chameaux de quoi assurer le transport de ces cinquante mille rations; vous partirez avec ce convoi pour El-Arich, et vous remettrez les chameaux dont vous n'aurez plus besoin. Avant de partir, vous donnerez l'ordre au commandant de Catieh de faire filer continuellement sur El-Arich les vivres qui arriveraient de Tineh, et de m'envoyer des expres pour m'instruire de sa situation, de celle de ses magasins et de celle de Tineh. BONAPARTE. _P.S._ Si, a Tineh, il y avait des denrees pour charger plus de deux cents chameaux, vous feriez un second voyage avec vos chameaux. Le parc d'artillerie a ordre, des l'instant qu'il sera arrive, d'envoyer cent chameaux a Tineh. Catieh, le 27 pluviose an 7 (15 fevrier 1799). _A l'ordonnateur en chef._ L'adjudant-general Grezieux, qui part avec deux cents chameaux pour Tineh, a ordre de faire un second voyage, si cela est necessaire, pour l'entiere evacuation des magasins de Tineh. Le parc d'artillerie qui arrive ce soir enverra cent chameaux a Tineh, et, si cela est necessaire, ces chameaux feront deux voyages. Vous donnerez ordre au commissaire Sartelon de rester a Catieh jusqu'a nouvel ordre, et de faire filer, avec la plus grande activite, sur El-Arich tous les objets de subsistance qui se trouveraient a Catieh. Il doit y avoir a Damiette, Menouf, Mehal-el-Kebir, une grande quantite de son; faites filer le tout sur Catieh: ce point est le plus essentiel tant pour avancer que pour la retraite, et doit etre approvisionne par tous les moyens possibles. Vous renouvellerez les ordres a Salahieh, Belbeis et au Caire, de faire filer avec activite des convois de biscuit, orge, feves, son et riz sur Catieh. BONAPARTE. Kan-Jounes, le 6 ventose an 7 (24 fevrier 1799). _Aux scheicks et ulemas de Gaza._ Arrive a Kan-Jounes avec mon armee, j'apprends qu'une partie des habitans de Gaza ont eu peur et ont evacue la ville. Je vous ecris la presente pour qu'elle vous serve de sauvegarde, et pour faire connaitre que je suis ami du peuple, protecteur des ulemas et des fideles. Si je viens avec mon armee a Gaza, c'est pour en chasser les troupes de Djezzar-Pacha, et le punir d'avoir fait une invasion en Egypte. Envoyez donc au devant de moi des deputes, et soyez sans inquietude pour la religion, pour votre vie, vos proprietes et vos femmes. BONAPARTE. Ramleh, le 12 ventose an 7 (2 mars 1799). _Au general Kleber._ Je pense que la lettre que vous avez fait ecrire par votre capitaine des Maugrabins pourra faire un bon effet. Joignez-y une sommation en regle pour leur faire sentir que la place ne peut pas tenir. Si vous pensez qu'un mouvement de votre division sur Jaffa en accelere la reddition, je vous autorise a le faire. Si vous entrez dans la ville, prenez toutes les mesures pour empecher le pillage; vous placerez la cavalerie en avant sur le chemin de Saint-Jean d'Acre. Nous avons trouve ici une assez grande quantite de magasins, surtout beaucoup d'orge. BONAPARTE. Jaffa, le 12 ventose an 7 (2 mars 1799). _Au contre-amiral Ganteaume._ Vous donnerez l'ordre qu'on fasse partir d'Alexandrie les troupes qui s'y trouveraient sur les batimens de transport que l'on jugera les plus propices. Vous donnerez l'ordre au contre-amiral Perree, s'il peut sortir d'Alexandrie avec les trois fregates _la Junon_, _l'Alceste_ et _la Courageuse_ et deux bricks, sans que l'ennemi s'en apercoive, de se rendre a Jaffa, ou il recevra de nouveaux ordres. Si le temps le poussait devant Saint-Jean d'Acre, il s'informera si nous y sommes: il est probable que nous y serons. Alors il embarquera avec lui, sur chacune de ses fregates, une piece de 24 et un mortier avec trois cents coups a tirer, et sur chaque fregate une forge pour rougir les boulets a terre. Il ne faut pas cependant que l'embarquement desdits objets retarde en rien son depart, si le temps etait propice. S'il pensait ne pouvoir sortir sans que l'ennemi eut connaissance de son mouvement, il tacherait de m'envoyer a Jaffa deux bons bricks, tels que _le Salamine_ et _l'Alerte_. Vous enverrez cet ordre par un officier de marine qui partira sur une djerme, qui debarquera a Damiette, et par le courrier qui part demain pour le Caire. BONAPARTE. El-Arich, le 15 ventose an 7 (5 mars 1799). _Au general Dugua._ Le chef de l'etat-major doit vous avoir tenu instruit des differens mouvemens militaires qui ont eu lieu ici. Vous recevrez une quinzaine de drapeaux avec six cachefs et une trentaine de mameloucks: mon intention est qu'ils soient bien traites. On leur restituera leurs maisons, mais on exercera sur eux une surveillance particuliere. Vous leur reitererez la promesse que je leur ai faite de leur faire du bien si, a mon retour, vous etes content de leur conduite. Je desire que vous voyiez le scheik Mahdieh et les differens membres du divan, que vous vous concertiez pour faire une petite fete a la reception des drapeaux, et, si cela se peut, faire naturellement qu'ils soient places dans la mosquee de Geuil-Azur, comme un trophee de la victoire remportee par l'armee d'Egypte sur Djezzar et sur les ennemis des Egyptiens. Arrangez tout cela comme vous pourrez. Faites connaitre aux habitans du Caire, de Damiette, qu'ils peuvent envoyer des caravanes en Syrie; qu'ils vendront bien leurs marchandises, et que leurs proprietes seront respectees. Faites filer du biscuit par toutes les occasions. Faites dire a Ibrahim, scheick des Billis, que je desire qu'il vienne, ainsi que le kiaya des Arabes, qui est un Maugrabin qui me serait utile. Faites-nous passer, des que vous le pourrez, cinq ou six cents coups a boulet de 8 et trois ou quatre cents de 12. Envoyez-moi les lettres de l'armee par des convois surs, et ne m'ecrivez par les Arabes que des lettres par duplicata de ce que vous m'ecrirez par des detachemens: le desert est fort long, et les Arabes viennent de piller toutes les depeches que le general Rampon m'envoyait de Catieh par un Arabe. Je n'ai recu de vous, depuis mon depart, qu'une seule lettre du 26. S'il venait surtout des lettres importantes, soit de la Haute-Egypte, soit de France, ne les hasardez pas legerement; mais envoyez-les-moi par un officier et une bonne escorte, en me prevenant en gros, par un Arabe, de ce qui serait parvenu a votre connaissance. J'ai enrole trois a quatre cents Maugrabins, qui marchent avec nous. BONAPARTE. Jaffa, le 19 ventose an 7 (9 mars 1799). _Au general Kleber._ Je vous envoie, citoyen general, une lettre au scheick de Naplouse, que je vous prie de lui faire passer. Je vous prie d'en faire faire plusieurs copies, et de les envoyer successivement, afin d'etre sur qu'une d'elles arrivera. J'ai ecrit a Djezzar-Pacha: s'il prend le parti d'envoyer quelqu'un, comme je le lui propose, recommandez a vos avant-postes de le bien traiter. A l'instant nous prenons deux batimens, un charge de deux mille quintaux de poudre, et l'autre de riz. La garnison de Jaffa etait de quatre mille hommes: deux mille ont ete tues dans la ville, et pres de deux mille ont ete fusilles entre hier et aujourd'hui. BONAPARTE. Jaffa, le 19 ventose an 7 (9 mars 1799). _Aux scheicks, ulemas, et autres habitans des provinces de Gaza, Ramleh et Jaffa._ Dieu est clement et misericordieux. Je vous ecris la presente pour vous faire connaitre que je suis venu dans la Palestine pour en chasser les mameloucks et l'armee de Djezzar-Pacha. De quel droit, en effet, Djezzar a-t-il etendu ses vexations sur les provinces de Jaffa, Ramleh et Gaza, qui ne font pas partie de son pachalic? De quel droit avait-il egalement envoye ses troupes a El-Arich? Il m'a provoque a la guerre, je la lui ai apportee; mais ce n'est pas a vous, habitans, que mon intention est d'en faire sentir les horreurs. Restez tranquilles dans vos foyers: que ceux qui, par peur, les ont quittes, y rentrent. J'accorde surete et sauvegarde a tous. J'accorderai a chacun la propriete qu'il possedait. Mon intention est que les cadis continueront comme a l'ordinaire leurs fonctions et a rendre la justice, que la religion surtout soit protegee et respectee, et que les mosquees soient frequentees par tous les bons musulmans: c'est de Dieu que viennent tous les biens, c'est lui qui donne la victoire. Il est bon que vous sachiez que tous les efforts humains sont inutiles contre moi, car tout ce que j'entreprends doit reussir. Ceux qui se declarent mes amis, prosperent; ceux qui se declarent mes ennemis, perissent. L'exemple de ce qui vient d'arriver a Jaffa et a Gaza doit vous faire connaitre que si je suis terrible pour mes ennemis, je suis bon pour mes amis, et surtout clement et misericordieux pour le pauvre peuple. BONAPARTE. Jaffa, le 19 ventose an 7 (9 mars 1799). _Aux scheicks, ulemas et commandant de Jerusalem._ Je vous fais connaitre par la presente que j'ai chasse les mameloucks et les troupes de Djezzar-Pacha des provinces de Gaza, Ramleh et Jaffa; que mon intention n'est pas de faire la guerre au peuple; que je suis l'ami des musulmans; que les habitans de Jerusalem peuvent choisir la paix ou la guerre. S'ils choisissent la premiere, qu'ils envoient au camp de Jaffa des deputes pour promettre de ne jamais rien faire contre moi. S'ils etaient assez insenses pour preferer la guerre, je la leur porterai moi-meme. Ils doivent savoir que je suis terrible comme le feu du ciel envers mes ennemis, clement et misericordieux envers le peuple et ceux qui veulent etre mes amis. BONAPARTE. Jaffa, le 19 ventose an 7 (9 mars 1799). _Aux scheicks de Naplouse._ Je me suis empare de Gaza, Ramleh, Jaffa et de toute la Palestine. Je n'ai aucune intention de faire la guerre aux habitans de Naplouse, car je ne viens ici que pour faire la guerre aux mameloucks, a Djezzar-Pacha, dont je sais que vous etes les ennemis. Je leur offre donc, par la presente lettre, la paix ou la guerre. S'ils veulent la paix, qu'ils chassent les mameloucks de chez eux, et me le fassent connaitre, en promettant de ne commettre aucune hostilite contre moi. S'ils veulent la guerre, je la leur porterai moi-meme; je suis clement et misericordieux envers mes amis, mais terrible comme le feu du ciel envers mes ennemis. BONAPARTE. Jaffa, le 19 ventose an 7 (9 mars 1799). _A Djezzar-Pacha._ Depuis mon entree en Egypte, je vous ai fait connaitre plusieurs fois que mon intention n'etait pas de vous faire la guerre, que mon seul but etait de chasser les mameloucks; vous n'avez repondu a aucune des ouvertures que je vous ai faites. Je vous avais fait connaitre que je desirais que vous eloignassiez Ibrahim-Bey des frontieres de l'Egypte: bien loin de la, vous avez envoye des troupes a Gaza, vous avez fait de grands magasins, vous avez publie partout que vous alliez entrer en Egypte: effectivement vous avez effectue votre invasion en portant deux mille hommes de vos troupes dans le fort d'El-Arich, enfonce a six lieues dans le territoire de l'Egypte. J'ai du alors partir du Caire, et vous apporter moi-meme la guerre que vous paraissiez provoquer. Les provinces de Gaza, Ramleh et Jaffa sont en mon pouvoir. J'ai traite avec generosite celles de vos troupes qui s'en sont remises a ma discretion, j'ai ete severe envers celles qui ont viole les droits de la guerre; je marcherai sous peu de jours sur Saint-Jean d'Acre. Mais quelle raison ai-je d'oter quelques annees de vie a un vieillard que je ne connais pas? Que font quelques lieues de plus a cote des pays que j'ai conquis? et puisque Dieu me donne la victoire, je veux, a son exemple, etre clement et misericordieux, non-seulement envers le peuple, mais encore envers les grands. Vous n'avez point de raisons reelles d'etre mon ennemi, puisque vous l'etiez des mameloucks. Votre pachalic est separe par les provinces de Gaza, Ramleh et par d'immenses deserts de l'Egypte. Redevenez mon ami, soyez l'ennemi des mameloucks et des Anglais, je vous ferai autant de bien que je vous ai fait et que je peux vous faire de mal. Envoyez-moi votre reponse par un homme muni de vos pleins pouvoirs et qui connaisse vos intentions. Il se presentera a mon avant-garde avec un drapeau blanc, et je donne ordre a mon etat-major de vous envoyer un sauf-conduit, que vous trouverez ci-joint. Le 24 de ce mois, je serai en marche sur Saint Jean d'Acre; il faut donc que j'aie votre reponse avant ce jour. BONAPARTE. Jaffa, le 19 ventose an 7 (9 mars 1799). _Au general Dugua._ J'ai recu, citoyen general, fort peu de lettres de vous; elles ont, j'imagine, ete interceptees par cette nuee d'Arabes qui couvrent le desert: la derniere que j'ai recue de vous est du 6 ventose. L'etat-major vous instruira des details de la prise de Jaffa. Les 4,000 hommes qui formaient la garnison ont tous peri dans l'assaut, ou ont ete passes au fil de l'epee. Il nous reste encore Saint-Jean d'Acre. Avant le mois de juin, il n'y a rien de serieux a craindre de la part des Anglais. Quant a l'affaire de la mer Rouge, on ne comprend pas grand'chose au rapport qui vous a ete envoye. Il faut esperer que les officiers de marine qui s'y trouvent, en donneront un plus intelligible. La victoire du general Desaix doit avoir tout tranquillise dans la haute Egypte. Nos victoires en Syrie doivent apaiser les troubles de la Scharkieh. BONAPARTE. Jaffa, le 20 ventose an 7 (10 mars 1799). _Au general Marmont._ L'etat-major vous aura instruit, citoyen general, des differens evenemens militaires qui se sont succede et auxquels nous devons la conquete de toute la Palestine. La prise de Jaffa a ete brillante; 4,000 hommes des meilleures troupes de Djezzar et des meilleurs canonniers de Constantinople ont ete passes au fil de l'epee. Nous avons trouve dans cette ville soixante pieces de canon, des munitions, et beaucoup de magasins. Ces pieces sont toutes fondues a Constantinople et de calibre francais. Jaffa a une rade assez sure et une petite anse ou nous avons trouve un batiment de cent cinquante tonneaux. Comme nous avons ici beaucoup de savon et autres objets, si quelques batimens de convoi de cent a cent cinquante tonneaux veulent se hasarder a venir, on les fretera. Les dernieres nouvelles que j'ai de Damiette sont du 4 ventose, d'ou je conclus qu'il n'y avait rien de nouveau a Alexandrie. Le 1er ventose, il a fait des vents tres-violens qui auront eloigne les Anglais. Je vous envoie une proclamation en arabe, faite aux habitans du pays: si vous avez encore une imprimerie, faites-la imprimer et repandre dans le Levant, la Barbarie et partout ou il sera possible. Dans le cas ou vous n'auriez plus d'imprimerie, je donne ordre qu'on l'imprime au Caire et que l'on vous envoie deux cents exemplaires de cette proclamation. S'il partait des batimens pour France, je vous autorise a ecrire au gouvernement ce que vous savez de notre position: vous sentez qu'il ne doit rien y avoir de politique, mais seulement des faits. BONAPARTE. Jaffa, le 20 ventose an 7 (10 mars 1799). _Au general du genie._ Des personnes arrivees d'El-Arich m'instruisent qu'on n'y a rien fait, pas meme retabli la breche: veuillez donner des ordres pour que les reparations d'un fort si essentiel n'eprouvent aucun retard. Vous sentez qu'il peut arriver des evenemens tels qu'El-Arich devienne notre tete de ligne, laquelle pouvant tenir quinze jours ou un mois, pourrait donner des resultats incalculables. BONAPARTE. Jaffa, le 20 ventose an 7 (10 mars 1799). _A l'adjudant-general Almeyras._ L'etat-major vous aura instruit, citoyen general, de la prise de Jaffa, ou nous avons trouve beaucoup de riz, et nous en avions besoin, car notre flottille nous manque toujours. Nous y avons trouve une grande quantite d'artillerie, beaucoup d'obusiers, de pieces de 4 du calibre francais. Comme il y a ici de l'huile et du savon, et d'autres objets qui sont utiles en Egypte, et que la Palestine a besoin de riz, engagez les negocians de Damiette a ouvrir un commerce avec Jaffa. Assurez-les qu'ils seront proteges et n'essuieront aucune avanie. Si la flottille n'etait pas partie, prenez toutes les mesures pour la faire sortir. Envoyez-moi aussi des djermes avec du biscuit, droit a Jaffa. BONAPARTE. Jaffa, le 20 ventose an 7 (10 mars 1799). _Au citoyen Poussielgue._ Je vous fais passer une proclamation que j'ai faite aux habitans de ces provinces. Faites-la imprimer et repandez-la par tous les moyens possibles; envoyez-en deux cents exemplaires a Damiette et a Alexandrie, pour qu'il s'en repande dans le Levant, a Constantinople et dans la Barbarie. Je renvoie au Caire le chef des scheicks, celui qui avait la place que j'ai donnee au scheick El-Bekri. Vous assurerez ce dernier que cela ne doit l'inquieter en rien, et que je sais mettre de la difference entre mes vieux amis et les nouveaux. Engagez les negocians de Damiette a venir vendre leur riz a Jaffa. Nous avons ici une grande quantite de savon; engagez les negocians du Caire a venir en acheter. Ils savent que je protege le commerce; ils n'ont a craindre ni avanies ni tracasseries. Il y a ici des articles qui manquent en Egypte, tels que le savon, l'huile; qu'ils apportent en echange du riz et du ble; prenez toutes les mesures pour activer, autant que possible, ce commerce. Faites imprimer en arabe tout ce que Venture ecrit au divan, en y faisant mettre les ornemens que le scheick Mahdi jugera a propos, et repandez-le dans l'Egypte. BONAPARTE. Jaffa, le 21 ventose an 7 (11 mars 1799). _Au general Dugua._ J'ai recu, citoyen general, par mon aide-de-camp Lavalette le duplicata des lettres que vous m'avez ecrites. Vous aurez recu des lettres de Gaza et le recit de l'affaire de Jaffa. L'evenement arrive a Cosseir est d'autant plus inconcevable, que le contre-amiral Ganteaume avait donne pour instructions au citoyen Collot, que, s'il y avait des batimens a Cosseir, il s'en tint a croiser pour les empecher de sortir. L'etat-major envoie l'ordre au general Menou de se rendre a Jaffa pour prendre le commandement de la Palestine. Apres tous les accidens que nous apprenons de la mer, il ne vous paraitra pas prudent que vous la traversiez dans ce moment-ci; vous penserez, sans doute, qu'il est necessaire que vous attendiez d'autres circonstances. Votre convoi de cent cinquante chameaux charges de vivres et de munitions d'artillerie, nous est venu fort a propos, pour les munitions d'artillerie surtout, car nous avons grand besoin de boulets de 8 et de 12. BONAPARTE. Jaffa, le 23 ventose an 7 (13 mars 1799). _A l'adjudant-general Grezieux._ Vous aurez, citoyen, le commandement de la province de Jaffa et de celle de Ramleh. Votre premiere operation sera de faire placer une piece de canon sur chacune des tours, et de disposer les quatre plus grosses du cote du front, pour sa defense. L'officier du genie a ordre de reparer sur-le-champ la breche. Vous vous assurerez que les portes puissent se fermer facilement. Comme les deux qui existent me paraissent tres-rapprochees l'une de l'autre, il suffirait d'en tenir une ouverte. Les Grecs doivent fournir des secours a l'hopital des blesses. Les chretiens latins et les Armeniens doivent fournir des secours a l'hopital des fievreux. Vous formerez un divan, compose de sept personnes; vous y mettrez des mahometans et des chretiens. Vous seconderez toutes les operations du citoyen Gloutier, tendant a etablir les finances et a procurer de l'argent a la caisse. Aucun batiment de ceux qui sont actuellement dans le port, ne doit en sortir sous quelque pretexte que ce soit. Le commerce avec Damiette et l'Egypte sera encourage le plus possible. Vous enverrez dans tous les villages une proclamation afin que les habitans vivent tranquilles. J'ai charge le general Reynier d'organiser un divan a Ramleh. Il reste ici un officier de marine. Si vous aviez des nouvelles plus interessantes a me faire passer, et que le temps fut beau, vous pourriez profiter a la fois de la terre et de la mer. Toutes les fois qu'il y aura des occasions pour l'Egypte, vous ne manquerez pas de donner des nouvelles de l'armee a l'adjudant-general Almeyras, a Damiette, et au general Dugua, au Caire. Ayez bien soin que les magasins soient tenus en bon etat et ne soient pas gaspilles. Faites toutes les recherches possibles pour en decouvrir de nouveaux. BONAPARTE. Jaffa, le 23 ventose an 7 (13 mars 1799). _Au directoire executif._ Le 5 fructidor, j'envoyai un officier a Djezzar, pacha d'Acre: il l'accueillit mal et ne repondit pas. Le 29 brumaire, je lui ecrivis une autre lettre: il fit couper la tete au porteur. Les Francais etaient arretes a Acre et traites cruellement. Les provinces d'Egypte etaient inondees de firmans, dans lesquels Djezzar ne dissimulait point ses intentions hostiles et annoncait son arrivee. Il fit plus: il envahit les provinces de Jaffa, Ramleh et Gaza. Son avant-garde prit position a El-Arich, ou il y a quelques bons puits et un fort situe dans le desert a dix lieues dans le territoire de l'Egypte. Je n'avais donc plus le choix: j'etais provoque a la guerre; je ne crus pas devoir tarder a la lui porter moi-meme. Le general Reynier rejoignit le 16 pluviose son avant-garde, qui, sous les ordres de l'infatigable general Lagrange, etait a Catieh, situe a trois journees dans le desert, ou j'avais reuni des magasins considerables. Le general Kleber arriva le 18 pluviose de Damiette sur le lac Menzaleh, sur lequel on avait construit plusieurs barques canonnieres, debarqua a Peluse et se rendit a Catieh. _Combat d'El-Arich._ Le general Reynier partit le 18 pluviose de Catieh avec sa division, pour se rendre a El-Arich. Il fallut marcher plusieurs jours a travers le desert sans trouver d'eau; des difficultes de toute espece furent vaincues: l'ennemi fut attaque, force, le village d'El-Arich enleve, et toute l'avant-garde ennemie bloquee dans le fort d'El-Arich. _Attaque de nuit._ Cependant la cavalerie de Djezzar-Pacha, soutenue par un corps d'infanterie, avait pris position sur nos derrieres a une lieue, et bloquait l'armee assiegeante. Le general Kleber fit faire un mouvement au general Reynier; a minuit, le camp ennemi fut cerne, attaque et enleve; un des beys fut tue. Effets, armes, bagages, tout fut pris: la plupart des hommes eurent le temps de se sauver, plusieurs mameloucks d'Ibrahim-Bey furent faits prisonniers. _Siege du fort d'El-Arich._ La tranchee fut ouverte devant le fort d'El-Arich: une de nos mines avait ete eventee et nos mineurs deloges. Le 28 pluviose, une batterie de breche fut construite, ainsi que deux batteries d'approche: on canonna toute la journee du 29. Le 30 a midi, la breche etait praticable; je sommai le commandant de se rendre, il le fit. Nous avons trouve a El-Arich trois cents chevaux, beaucoup de biscuit, de riz, cinq cents Albanais, cinq cents Maugrabins, deux cents hommes de l'Adonie et de la Caramanie; les Maugrabins ont pris du service avec nous: j'en ai fait un corps auxiliaire. Nous partimes d'El-Arich le 4 ventose; l'avant-garde s'egara dans le desert et souffrit beaucoup du manque d'eau: nous manquames de vivres, nous fumes obliges de manger des chevaux, des mulets, des chameaux. Nous etions le 6 aux colonnes placees sur les limites de l'Afrique et de l'Asie; nous couchames en Asie le 6. Le jour suivant, nous etions en marche sur Gaza: a dix heures du matin, nous decouvrimes trois ou quatre mille hommes de cavalerie qui marchaient a nous. _Combat de Gaza._ Le general Murat, commandant la cavalerie, fit passer les differens torrens qui se trouvaient en presence de l'ennemi par des mouvemens executes avec precision. La division Kleber se porta par la gauche sur Gaza; le general Lannes, avec son infanterie legere, appuyait les mouvemens de la cavalerie, qui etait rangee sur deux lignes. Chaque ligne avait derriere elle un escadron de reserve: nous chargeames l'ennemi pres de la hauteur qui regarde Nebron, et ou Samson porta les portes de Gaza. L'ennemi ne recut point la charge et se replia: il eut quelques hommes tues, entre autres le kiaya du pacha. La vingt-deuxieme d'infanterie legere s'est fort bien conduite: elle suivait les chevaux au pas de course; il y avait cependant bien des jours qu'elle n'avait fait un bon repas ni bu de l'eau a son aise. Nous entrames dans Gaza: nous y trouvames quinze milliers de poudre, beaucoup de munitions de guerre, des bombes, des outils, plus de deux cent mille rations de biscuit et six pieces de canon. Le temps devint affreux: beaucoup de tonnerre et de pluie; depuis notre depart de France, nous n'avions pas vu d'orage. Nous couchames le 10 a Eswod, l'ancienne Azot. Nous couchames le 11 a Ramleh; l'ennemi l'avait evacue avec tant de precipitation, qu'il nous laissa cent mille rations de biscuit, beaucoup plus d'orge, et quinze cents outres que Djezzar avait preparees pour passer le desert. _Siege de Jaffa._ La division Kleber investit d'abord Jaffa, et se porta ensuite sur la riviere de la Hhayah, pour couvrir le siege; la division Bon investit les fronts droits de la ville, et la division Lannes les fronts gauches. L'ennemi demasqua une quarantaine de pieces de canon de tous les points de l'enceinte, desquelles il fit un feu vif et soutenu. Le 16, deux batteries d'approche, la batterie de breche, une de mortiers, etaient en etat de tirer. La garnison fit une sortie; on vit alors une foule d'hommes diversement costumes, et de toutes les couleurs, se porter sur la batterie de breche: c'etaient des Maugrabins, des Albanais, des Kurdes, des Natoliens, des Caramaniens, des Damasquyns, des Alepins, des noirs de Tekrour; ils furent vivement repousses, et rentrerent plus vite qu'ils n'auraient voulu. Mon aide-de-camp Duroc, officier en qui j'ai grande confiance, s'est particulierement distingue. A la pointe du jour, le 17, je fis sommer le gouverneur; il fit couper la tete a mon envoye, et ne repondit point. A sept heures, le feu commenca; a une heure je jugeai la breche praticable. Le general Lannes fit les dispositions pour l'assaut; l'adjoint aux adjudans-generaux, Netherwood, avec dix carabiniers, y monta le premier et fut suivi de trois compagnies de grenadiers de la treizieme et de la soixante-neuvieme demi-brigade, commandees par l'adjudant-general Rambaud, pour lequel je vous demande le grade de general de brigade. A cinq heures, nous etions maitres de la ville, qui, pendant vingt-quatre heures, fut livree au pillage et a toutes les horreurs de la guerre, qui jamais ne m'a paru si hideuse. Quatre mille hommes des troupes de Djezzar ont ete passes au fil de l'epee; il y avait huit cents canonniers: une partie des habitans a ete massacree. Les jours suivans, plusieurs batimens sont venus de Saint-Jean d'Acre avec des munitions de guerre et de bouche; ils ont ete pris dans le port: ils ont ete etonnes de voir la ville en notre pouvoir; l'opinion etait qu'elle nous arreterait six mois. Abd-Oullah, general de Djezzar, a eu l'adresse de se cacher parmi les gens d'Egypte, et de venir se jeter a mes pieds. J'ai renvoye a Damas et a Alep plus de cinq cents personnes de ces deux villes, ainsi que quatre a cinq cents personnes d'Egypte. J'ai pardonne aux mameloucks et aux kachefs que j'ai pris a El-Arich; j'ai pardonne a Omar Makram, cheikh du Caire; j'ai ete clement envers les Egyptiens, autant que je l'ai ete envers le peuple de Jaffa, mais severe envers la garnison qui s'est laisse prendre les armes a la main. Nous avons trouve a Jaffa cinquante pieces de canon, dont trente formant l'equipage de campagne, de modele europeen, et des munitions, plus de quatre cent mille rations de biscuit, deux mille quintaux de riz, et quelques magasins de savon. Les corps du genie et de l'artillerie se sont distingues. Le general Caffarelli, qui a dirige ces sieges, qui a fait fortifier les differentes places de l'Egypte, est officier recommandable par une activite, un courage et des talens rares. Le chef de brigade du genie Samson a commande l'avant-garde qui a pris possession de Cathieh, et a rendu dans toutes les occasions les plus grands services. Le capitaine du genie Sabatier a ete blesse au siege d'El-Arich. Le citoyen Aime est entre le premier dans Jaffa, par un vaste souterrain qui conduit dans l'interieur de la place. Le chef de brigade Songis, directeur du parc d'artillerie, n'est parvenu a conduire les pieces qu'avec de grandes peines; il a commande la principale attaque de Jaffa. Nous avons perdu le citoyen Lejeune, chef de la vingt-deuxieme d'infanterie legere, qui a ete tue a la breche: cet officier a ete vivement regrette de l'armee; les soldats de son corps l'ont pleure comme leur pere. J'ai nomme a sa place le chef de bataillon Magni, qui a ete grievement blesse. Ces differentes affaires nous ont coute cinquante hommes tues et deux cents blesses. L'armee de la republique est maitre de toute la Palestine. BONAPARTE. FIN DU SECOND VOLUME. End of the Project Gutenberg EBook of Oeuvres de Napoleon Bonaparte, Tome II. by Napoleon Bonaparte *** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK OEUVRES DE NAPOLEON *** ***** This file should be named 12782.txt or 12782.zip ***** This and all associated files of various formats will be found in: https://www.gutenberg.org/1/2/7/8/12782/ Produced by Robert Connal, Renald Levesque and the Online Distributed Proofreading Team. This file was produced from images generously made available by gallica (Bibliotheque nationale de France) at http://gallica.bnf.fr Updated editions will replace the previous one--the old editions will be renamed. Creating the works from public domain print editions means that no one owns a United States copyright in these works, so the Foundation (and you!) can copy and distribute it in the United States without permission and without paying copyright royalties. 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